ACA f\£BOUtJj> /93& iptrrarg oi % ÎSusmm OF COMPARATIVE ZOÔLOGY, AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. ifounDeîJ bv prtbate subscrfptïon, m 1861. ^V^TV^^V^ ^^POS /7~fï£> & f /-X>U/t> fî G-^SS fZL No. fCf BULLETINS DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAIX-AKTS DE BELGIQUE BULLETINS Di L'ACADÉMIE ROYALE SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-AKTS f)E BELGIQUE, MENTE-QUATRIÈME ANNÉE. — 2- SÉRIE, I. XIX. PI BRUXELLES, M. MAYEZ, IMPRIMEUR DE I. 'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 1865. '«/ BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1865. — N° 1. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 44 janvier 1865. M. Nerenburger, directeur. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Wesmael, Stas, De Koninck, VanBeneden, Ad. De Vaux, Edm. de Selys- Longchamps, le vicomte B. du Bus, Nyst, Gluge, Melsens, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman,Dewalque, Ern. Que- telet, Maus, Gloesener, Coemans, membres; Schwann, Spring, Lamarle, Kekulé, associés; Montigny, correspon- dant. M. Caron, capitaine d'artillerie et chef du laboratoire de chimie au dépôt central d'artillerje, à Paris, assiste à la séance. 2mc série , tome xix. 1 ( 2 ) CORRESPONDANCE. M. Schaar, président de l'Académie, exprime ses regrets de ne pouvoir assister à la séance et remercie ses collègues des témoignages d'estime et d'affection qu'ils lui ont donnés en l'appelant à la direction pendant l'année qui vient de s'écouler. — Il est donné connaissance à la classe que M. Al vin a été nommé président de l'Académie pour l'année 1865. — Le secrétaire perpétuel communique les lettres de remercîments de MM. Spring, Maus, Gloesener, Candèze et Coemans pour leur nomination de membres titulaires de la classe. De pareilles lettres sont adressées par MM. Kekulé et Brongniart pour leur nomination d'associés. — Le secrétaire perpétuel donne aussi lecture d'une lettre qui annonce îamort de M. Struve, associé de la Compagnie. — L'Académie impériale de médecine de Paris, la So- ciété impériale de géographie de Russie, la Société des naturalistes de Moscou, l'Observatoire de Cambridge, l'In- stitution des ingénieurs civils de Londres, le Muséum batave de Leyde, etc., remercient l'Académie pour l'envoi de ses publications. M. Haidinger, associé de la classe, envoie la liste des aérolithes qui se trouvent au musée géologique de Vienne et dont le nombre s'élève à deux cent vingt. La classe reçoit aussi de M. Daubrée la liste des météorites déposés au musée d'histoire naturelle de Paris et dont le nombre actuel est de cent soixante. # (3) — M. Stas, membre de la classe, présente, au nom de M. Border, agronome, une note relative à l'emploi du calcaire à polypiers dans l'agriculture. Comme la note de M. Border est imprimée, elle ne peut, d'après le règle- ment de la classe, être l'objet d'un rapport. — Le secrétaire perpétuel communique l'épigraphe suivante que M. Boulez, membre de la classe des lettres, a bien voulu composer pour la médaille d'or qui a été dé- cernée à M. Caron, pour son mémoire sur la composition chimique des aciers : HENRICO CARON QUOD QUAE SINT ESSENTIALIA ■ IULYBIS ELE.UENTA JUSTIS BXPEfilBBNTIS EGREGIE MOXSTRAVIT 1MD1CATIS INSUPER ARTIFICIOSI CUJUSQUE CHALYBIS P.ÎOPRIETATOII CAUSIS. MDCCCLXIV. Des remercîments seront adressés à M. Boulez. — La classe reçoit les travaux manuscrits suivants qui lui ont été adressés pour le recueil des observations des phénomènes périodiques, savoir: 1° Les observations de météorologie recueillies, pen- dant l'année 1864, à l'observatoire royal de Bruxelles et communiquées par M. Ad. Quetelet; au phare d'Ostende, par M. S. Michel; dans la ville d'Ostende, par M. J. Cava- lier; à Liège, par M. D. Leclercq; 2° Les observations du règne animal , recueillies par M. Bernardin, en 1864, à Melle, près de Gand. — M. Florimond écrit que le vendredi, 6 janvier, vers ( *) sept heures du matin, des éclairs très-vifs apparurent à Lou- vain et que plusieurs coups de tonnerre se firent entendre : le vent soufflait modérément du sud-ouest. M. Ad. Quetelet annonce qu'à Bruxelles et vers la même heure on a entendu plusieurs coups de tonnerre précédés de forts éclairs. La pluie tombait avec violence. A sept heures précises eut lieu le plus fort coup de vent; sa pression était de 5 1/2 kilogrammes sur une plaque d'un pied carré. La hauteur du baromètre , d'après M. Hooreman, aide à l'observatoire, était de 750mm, 7 ; la direction du vent était ouest et la tem- pérature marquait, à neuf heures du matin, 4°,1 centigrade. M. de Selys-Longchamps fait connaître que le même orage a éclaté à Waremme, près de Liège, à sept heures et demie, et qu'il a renversé une maisonnette. M. Schwann et M. d'Omalius l'ont entendu, vers la même heure, à Liège et dans les Ardennes. Voici la lettre adressée sur ce sujet, à M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel, par M. de Selys-Longchamps. Liège, 21 janvier 1865. « Je vous adresse les renseignements suivants sur l'ou- ragan-trombe avec tonnerre qui, vendredi 6 janvier, a sévi à Anvers, vers 6 '/2 heures du matin; à Waremme à 7 72; à Visé à 8 1/2; à Halloy vers 8 K\i heures. » Cet ouragan s'est fait sentir également le même jour en Allemagne, et a exercé ses ravages sur les localités mentionnées dans la relation suivante : » Le château des ancêtres des comtes de Rechberg et de Rothenlôwen sur le Hohenrechberg est devenu la proie des flammes, le jour de l'Epiphanie. Un ouragan des plus formidables a traversé ce jour-là le Wurtemberg et s'est bientôt changé en un violent orage, accompagné d'éclairs ( 5 ) et de tonnerre, qui s'est déchaîné sur les hauteurs où s'élèvent les antiques et vénérables bâtiments du château de Hohenrechberg. Frappé par la foudre, ils ont été entiè- rement consumés, après avoir brûlé toute une journée. L'incendie se voyait à une grande distance et les secours arrivaient des endroits les plus éloignés, môme des villes de Gmûnd et de Schorndorf. Mais l'eau manquait sur ces plateaux élevés et tous les efforts pour se rendre maître du feu furent inutiles. Le château n'était habité que par un vieux concierge et un garde-forestier; on a à déplorer la perte de beaucoup d'antiquités intéressantes, des tableaux et des meubles, souvenirs précieux de l'histoire de la mai- son des Rechberg, les anciens voisins des Hohenstaufen. » — Le secrétaire perpétuel dépose les manuscrits sui- vants adressés à l'Académie : 1° Notes sur quelques plantes rares ou critiques de la Belgique (suite); par M. F. Crépin, professeur de bota- nique à Gendbrugge. (Commissaires : MM. Coemans, Spring et Wesmael.) 2° Note sur certaines illusions d'optique, où l'on cherche à les expliquer par une théorie psychophysique de la ma- nière dont l'œil apprécie les distances et les angles, avec deux planches; par M. S. Delbœuf, profeseur à l'université de Gand. (Commissaires : MM. Plateau et Duprez.) 5° Choriste du Gloxinia speciosa pélorisè, hérédité de la panachure{variegata), avec une planche; par M. Éd. Morren, correspondant de la classe. (Commissaires : MM. Spring, Coemans et Wesmael.) 4° M. Stas présente, de son côté, un travail de sa com- position. Ce travail comprend : 1° une introduction; 2° un pre- mier mémoire intitulé : Recherches nouvelles sur les lois (6) des proportions chimiques; 3° un deuxième mémoire : Re- cherches nouvelles sur les poids atomiques de l'argent, de l'iode, du brome et du chlore, faites dans le but de constater si le poids atomique de l'argent, déterminé à l'aide de ces trois corps, est le même et conforme à l'hypo- thèse de Prout; 4° un troisième mémoire : Recherches faites dans le but de déterminer et de contrôler le poids atomique de l'azote, du brome, du chlore, de l'argent, du lithium, du potassium et du sodium. Les commissaires sont : MM. Kekulé, De Koninck et Melsens. — La classe reçoit deux notices imprimées sur l'accli- matation des plantes et sur le botaniste liégeois Etienne Dossin; par M. Éd. Morren , correspondant de l'Académie, ainsi qu'un essai sur les institutions scientifiques de la Grande-Bretagne (cinquième partie); par M. Ed. Mailly, extrait de Y Annuaire de l'observatoire royal de Rruxelles, pour 4865. ÉLECTION. Le renouvellement de Tannée appelle l'élection du di- recteur pour 1866 : l'unanimité des suffrages désigne pour remplir ces fonctions M. d'Omalius d'Halloy. M. d'Oma- lius remercie ses confrères, mais il les prie de reporter leurs suffrages sur un autre candidat. On lui fait observer que , en 1866, l'Académie célébrera le cinquantième anniversaire de sa réorganisation et qu'il lui serait agréable de voir en ce moment à sa tête le vénérable confrère qui, seul de tous les membres de la première création , appartient encore à la Compagnie, et que le pays , comme l'Académie, honore pour ses talents et son caractère, A la suite de ces instances, (7 ) M. d'Omalius accepte enfin et se rend aux désirs de ses confrères. M. Nerenburger propose de voter des remercîments au directeur sortant, M. Schaar, et remercie de nouveau de sa nomination comme directeur pendant l'année qui com- mence. Des applaudissements accueillent ses paroles. RAPPORTS. Cladoniae Acharianae , etc.; par M. Eugène Coemans, correspondant de l'Académie. Rapport de M. Spring. « Le genre Cladonia est un des genres les plus poly- morphes et, par conséquent, les plus difficiles de la fa- mille des Lichens. Pour se fixer sur les espèces décrites, il est indispensable de recourir aux échantillons- types conservés dans les herbiers. M. Coemans a profité d'un voyage qu'il a fait, dans le courant de l'été dernier, en Suède et en Finlande, pour consulter l'herbier d'Acharius, qui est conservé à l'université de Helsingfors. I! a comparé aussi les échantillons de Délise qui se trouvent au Muséum, à Paris, et l'herbier de Floerke, qu'il a découvert à Rostock. Il est parvenu ainsi à mieux fixer la synonymie des espèces et à simplifier la nomenclature en proposant la suppression d'un grand nombre de variétés. M. Coemans nous fait espérer en outre, en poursuivant ce travail pré- paratoire, une nouvelle monographie du genre Cladonia. En attendant , la classe fera chose utile, me semble-t-il . (8) en décidant l'impression, dans les Bulletins, des études critiques auxquelles s'est livré son savant correspondant. » Rapport de 9M. Morren. Erick Acharius, disciple de Linné, a consacré toute sa vie à l'étude des Lichens, et a publié sur cette famille des travaux qui sont devenus classiques. Il devait donc être fort intéressant pour l'auteur des Ctadoniae belgicae d'étu- dier, pendant le voyage qu'il vient de faire dans le nord de l'Europe, l'herbier du savant lichénographe suédois conservé maintenant à l'université d'Helsingfors. Il a porté une attention particulière sur le genre Cladonia, et ce sont les résultats d'un examen sévère de chaque échantillon qu'il communique à la classe. On comprendra qu'il nous soit fort difficile d'analyser un travail qui consiste à peu près exclusivement en notes critiques sur plus de qua- rante-deux espèces de Cladonia. Nous nous bornerons à dire , en termes généraux , que le polymorphisme de ces végétaux avait engagé Acharius à distinguer, chez la plupart des types spécifiques, un assez grand nombre de variétés. M. Coemans croit utile d'effacer de la science ces distinc- tions un peu trop minutieuses, précisément à cause de leur extrême multiplicité. Nous croyons, avec notre savant collègue , votre pre- mier rapporteur, que la classe rendra service à la science en ordonnant l'insertion dans ses Bulletins de la notice de M. Coemans. Les conclusions des deux rapports précédents sont adoptées, et la notice de M. Coemans sera insérée dans le bulletin de la séance. 9 ) Recherches sur V histologie de la moelle épinière. — De l'existence, dans la moelle épinière, d'une connexion analomiquc entre les cylindres axiles et les cellules ner- veuses; par M. G. Boddaert. Rapport de M. Schwattn. « Le mémoire de M. Boddaert est la première partie d'un travail plus étendu, qu'il se propose de publier, sur la texture de la moelle épinière. Il contient ses observations sur la continuité des fibres nerveuses avec les prolonge- ments des cellules nerveuses de la moelle. M. Boddaert s'est servi de la méthode de préparation , qui consiste à laisser macérer ,' pendant huit jours, des portions de la moelle épinière de bœuf, dans une solution très-faible d'acide chromique. Jl a isolé complètement les cellules de la substance grise. Deux belles planches , pho- tographiées d'après nature, accompagnent le mémoire de M. Boddaert. On voit distinctement la continuité de fibres nerveuses avec des prolongements des cellules. La des- cription que M. Boddaert donne de ses observations ga- gnerait, à mon avis, si elle était plus courte et s'il n'avait pas introduit un si grand luxe de nouveaux noms. Comme les observations exactes sur l'origine des fibres nerveuses dans le centre cérébro-spinal des animaux supérieurs ne sont pas tellement fréquentes, qu'une nouvelle confirmation soit superflue, j'ai l'honneur de proposer l'insertion du mé- moire de M. Boddaert dans les Bulletins de l'Académie. » ( 10 ) Rapport de MM. Poeltnan. « J'ai lu avec attention le travail de M. le docteur Gus- tave Boddaert sur la structure de la moelle épinière, et je suis d'accord avec mon savant confrère, M. Schwann, pour en proposer l'insertion dans les Bulletins, ainsi que des deux planches qui l'accompagnent. » Mlapport de MM» Gluge. « L'histologie, qui doit tant aux travaux de notre ho- norable collègue, M. Schwann, ressemble un peu actuel- lement à la Californie. Pour découvrir, il faut déjà creuser profondément. Je ne m'oppose pas à l'insertion du travail de M. Bod- daert dans les Bulletins de l'Académie, seulement je lui recommande, pour la continuation de ses travaux, l'élude de l'ouvrage classique de Stilling sur la structure de la moelle épinière (Cassel, 1859), que l'auteur n'a pas même mentionné. R. Wagner avait du reste indiqué, le pre- mier, la transformation du prolongement de la cellule nerveuse en cylindre axile dans le lobe cérébral électrique de la torpille. Et les planches de Stilling, 25 et 26, ren- ferment quelques bons dessins sur le môme sujet. Men- tionnons aussi les résultats très-curieux obtenus sur la substance de la moelle colorée avec une solution de nitrate d'argent, par Fromman. Cet auteur a pu suivre des libres jusqu'au noyau des cellules nerveuses. » Conformément aux conclusions de MM. les rapporteurs, le mémoire de M. Boddaert sera imprimé dans les Bul- letins. ( H ) Note sur la co?istitution intérieure des corps; par M. Valérius. Rapport de M. Maintenu. « L'abandon définitif de la théorie de l'émission et le pa- rallélisme complet des phénomènes de la chaleur rayon- nante avec ceux de la lumière ont conduit les physiciens à considérer le calorique non plus comme une matière spé- ciale, mais comme un mouvement de vibration soit de l'éther, soit des molécules pondérables. Mais, dans cette nouvelle théorie, il faut expliquer la constitution intime des corps, l'élasticité, la dilatation, etc., et ici se pré- sentent des difficultés considérables d'où résulte un grand desideratum de la physique actuelle. Plusieurs savants ont cherché à combler cette lacune, mais aucun, que je sache, n'y est encore parvenu d'une manière suffisante. M. Valérius apporte aujourd'hui à la question son contingent d'idées : il remarque d'abord, avec beaucoup de justesse, que si, dans les solides et dans les liquides, la chaleur est due à un mouvement vibra- toire des molécules, ce mouvement doit s'exécuter, pour chaque molécule, autour d'une position d'équilibre déter- minée par des forces étrangères à la chaleur. L'une de ces forces est l'attraction mutuelle des molécules, l'autre est une force répulsive, dont il faut trouver l'origine; or M. Valérius s'appuie, à cet égard, sur deux principes assez généralement reçus aujourd'hui , savoir que chaque mo- lécule pondérable est entourée d'une atmosphère d'éther condensé, et que les atomes de l'éther se repoussent mutuellement; il attribue la force inlermoléculaire qui contre -balance l'attraction à la répulsion mutuelle des atmosphères ci-dessus. ( 1-2) Partant de là, et admettant le résultat obtenu par M. Briot, que les atomes de Péther se repoussent en raison inverse de la sixième puissance de la distance, M. Yalérius parvient à rendre raison de l'équilibre moléculaire et de l'élasticité. Sa théorie le conduit ensuite à l'explication de l'état gazeux et de l'état liquide, et il essaye, à l'aide d'une hypothèse, d'expliquer l'état solide; enfin il essaye éga- lement d'adapter ses idées au phénomène de la dilatation. M. Yalérius n'a point eu la prétention de résoudre com- plètement ces problèmes; sa note est un simple aperçu destiné à montrer la possibilité d'une solution qui rende compte de tous les faits et de leurs détails. Dans l'état actuel de cette partie de la physique, on doit, je pense, accueillir favorablement tous les efforts tentés vers une théorie entièrement satisfaisante, et, dans mon opinion, la note de M. Yalérius peut contribuer à amener ce résul- tat; j'ai donc l'honneur de proposer à la classe l'insertion de cette note dans les Bulletins. » Conformément aux conclusions de M. Plateau, aux- quelles adhère M. Duprez , second commissaire, la notice de M. Yalérius, sera imprimée dans le bulletin de la séance. Sur la production de V acétylène. — Nouvelles méthodes. Note par M. De Wilde, professeur de chimie à l'Institut agricole de l'État, à Gemblous. Rapport de M. Slas. « Parmi les hydrures de carbone découverts dans ces dernières années, un des plus remarquables est incontes- tablement l'acétylène, qui a été produit de toutes pièces ( 13 ) par M. Berthelot. Jusqu'ici tous les essais tentés pour l'obtenir facilement et en quantité suffisante ont malheu- reusement échoué; il résulte de cet insuccès que l'étude du gaz lui-même, et des combinaisons acétyléniques, est très-incomplète. M. De Wilde a essayé de combler cette lacune : partant de ce fait, que le bichlorure d'éthylène peut être repré- senté par de l'acétylène et de l'acide chlorhydrique, il a examiné si la liqueur des Hollandais, soumise à une tem- pérature suffisamment élevée, ne se dédoublerait pas en ces deux gaz. L'expérience a démontré qu'effectivement de l'acétylène prend naissance dans ce cas, mais le dédou- blement n'est pas aussi simple que la composition de la liqueur des Hollandais et la stabilité de l'acétylène per- mettaient de le prévoir. A côté de l'acide chlorhydrique et de quantités variables d'acétylène, il se produit de l'hydro- gène, du tétra-hydrure de carbone, et un gaz chloré, sus- ceptible d'être absorbé par le brome; il se dépose en même temps du charbon. En substituant de l'éthylène monochloré au bichlorure d'éthylène, M. De Wilde n'est pas parvenu à réaliser ce de- doublement possible d'après la composition de ce corps; il ne se forme qu'une quantité relativement petite d'acétylène. M. De Wrilde a constaté que l'acétylène prend naissance dans la combustion même. Ainsi, il a prouvé que la com- bustion de l'éthylène dans le chlore et dans l'air produit de l'acétylène; il a trouvé même cet hydrure de carbone dans le gaz éclairant en combustion; aussi, d'après lui, le pouvoir éclairant du gaz serait plutôt dû à l'acétylène qui se forme lors de la combustion, qu'à celui qui préexiste dans le gaz éclairant. Comme il y a production d'acétylène dans la combustion, la formation de ce corps doit néces- ( ti ) sairement contribuer au pouvoir éclairant du gaz, mais elle ne peut pas en être la cause principale. En effet, il est généralement admis qu'en enlevant au gaz la plupart des hydro-carbures facilement condensantes, il perd la faculté de brûler avec une flamme éclairante ; ces hydro- carbures sont donc plutôt la cause première de ce pouvoir éclairant que la production de l'acétylène, qui doit seule- ment en augmenter l'intensité. En résumé, les faits consignés dans la note M. De Wilde sont donc des résultats négatifs; ils n'en sont pas moins intéressants à enregistrer malgré cela. En effet, quoique les sciences ne se composent que de faits positifs, il im- porte cependant de consigner les essais qui n'ont point été suivis de résultats heureux, lorsque ces essais reposent sur des considérations exactes et qu'ils ont été bien exé- cutés. Ceux qui sont au courant de ce qui se passe dans la plupart des laboratoires savent qu'on y institue sou- vent des expériences tentées déjà ailleurs, et qui n'ont point donné le résultat qu'on pouvait en attendre. Si le premier qui a échoué avait fait connaître son insuccès, il est probable que les autres expérimentateurs n'auraient point consacré leur temps et leurs peines à des travaux qui ne devaient pas aboutir. C'est dans ce sens que les résultats négatifs ont à mes yeux leur valeur, et qu'ils méritent d'être enregistrés dans les annales des sciences. Les essais consignés dans la note de M. De Wilde ont été tous bien conçus et bien exécutés; aussi je n'hésite point à proposer à l'Académie de l'insérer dans le Bulletin de la séance, et de lui voter des remercîments pour sa communication. » La classe adopte les conclusions du rapport de M. Stas, ( 15 ) auxquelles se rallie M. Melsens, second commissaire, et décide que la notice de M. De Wilde sera insérée dans le Bulletin de la séance. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les ossements humains du Trou du Frontal ;- par P.-J. Van Beneden et Ed. Dupont. Deux jours marqueront dans l'histoire des fouilles de nos cavernes : le premier est le 10 décembre; le second, le 26 du même mois. Lors de la dernière séance de la classe , l'ordre du jour était trop chargé pour que je pusse songer à lui rendre compte des explorations de cette première jour- née; nous nous sommes bornés à inviter nos confrères de vouloir bien assister aux fouilles qui devaient continuer le 26 décembre. Nous venons aujourd'hui rendre compte du résultat de ces deux journées. A cinquante mètres en aval du Trou des Nutons, sur le même escarpement et à une hauteur un peu moins grande, se trouve une excavation, qui n'a pas reçu de nom des habi- tants de Furfooz. Ils ont cependant, à côté du Trou des Nutons, le Trou qui igné, celui de la Gâte d'or, du Grand- Duc, etc., etc. A cause de l'os du front que l'un de nous, M. E. Dupont, a trouvé dans cette excavation, lorsqu'il y opéra les premières fouilles , nous avons proposé le nom de Trou du Frontal pour la distinguer des autres. L'ouverture de celte grotte, pourtant est qu'on puisse lui donner ce nom, est large et assez élevée. La lumière y pénètre dans tout son périmètre intérieur. Cette ouverture ( 16 ) est triangulaire et le dessus a la forme d'une ogive irrégu- lière. A l'entrée, elle a environ six mètres de large sur à peu près autant de profondeur. A gauche, en entrant, une anfractuosité recèle, à peu de profondeur , un assez grand nombre d'ossements et de silex. Ceux-ci sont tous en forme de lames de couteau ou d'éclats allongés. Au fond, on aperçoit, à fleur de terre, un trou dans lequel un renard ou un blaireau pourrait seul pénétrer : c'est l'entrée d'une petite galerie dans laquelle nous avons trouvé les principaux ossements humains. L'ouverture de la grotte est à une quarantaine de mètres au-dessus du niveau de la Lesse, qui coule au pied de l'es- carpement ; elle est dirigée un peu plus vers l'est que le Trou des Nutons. Un des derniers jours de novembre 1864, M. Duponl commença les fouilles dans le Trou du Frontal. Une énorme quantité de fragments anguleux de calcaire, entourés, près de la surface, de terres noirâtres et, plus bas, de terres jau- nâtres, recouvrait la surface sur une épaisseur d'à peu près deux mètres dans la salle extérieure. Une colonne vertébrale d'ours presque entière, avec les côtes et même une partie du sternum, fut trouvée à une faible profon- deur, et le frontal humain qui a été mis récemment sous les yeux de l'Académie, fut retiré par les propres mains de l'explorateur du milieu de nombreux os disséminés et de diverses espèces. Quelques jours après, M. Van Beneden ayant pu se rendre à Furfooz, M. Dupont fit continuer les fouilles en sa présence, et plusieurs os humains, parmi lesquels se trouvait une nouvelle portion de frontal, furent le résultat de la journée. Des travaux pour déblayer l'entrée furent entrepris les jours suivants. Ils amenèrent la découverte d'un grand ( " ) nombre d'ossements d'animaux où figuraient le renne et le castor. La salle extérieure de la caverne fut enfin dans un état d'exploitation qui permit de travailler dans la ga- lerie du fond. Le 10 décembre dernier, nous étions à quatre sur les lieux, un géologue, M. de Reul, s'étant joint à nous et à M. Hauzeur, notre collaborateur. Nous nous attendions, par les travaux de la veille et les discussions qui avaient surgi au sujet de plusieurs objets mis au jour, à une journée importante. Nous nous étions rendus au Trou du Frontal au moment où les premiers rayons du soleil doraient ces magnifiques rochers qui en- caissent le lit de la Lesse. Les ossements humains, que nous avions mis à nu la § \eille, appartenaient-ils à l'époque romaine, comme on pouvait le soupçonner d'après quelques faits assez impor- tants , ou étaient-ils plus anciens et dataient-ils de l'âge de la pierre? Entre la cavité de la grotte et la galerie où l'on n'avait pu pénétrer encore qu'à plat ventre, il y avait une espèce de barrage formé de pierres plates et assez grandes. Ces pierres étaient-elles placées ainsi par la main de l'homme , ou étaient-ce les eaux qui les avaient refoulées ainsi jusqu'au fond? Ce sont les deux questions, qui, en réalité, n'en font qu'une, qu'il s'agissait de résoudre. La galerie dont nous venons de parler avait été ouverte la veille; on avait pu y pénétrer en se glissant sur le ventre; un maxillaire inférieur, un tibia et un péroné, un fémur et quelques autres os humains couvraient la surface. Nous fouillons nous-mêmes avec les doigts, les ouvriers se bornant à enlever les pierres qui sont détachées. La terre heureusement est fort meuble. Nous mettons à nu les grosses pierres, qui semblent placées là par l'homme, et il devient évident pour tous que ces pierres , entre lesquelles 2me SÉRIE , TOME XIX. 2 ( 18 ) nous trouvons des os longs brisés et hermétiquement en- châssés, si nous pouvons nous exprimer ainsi, que ces restes humains ont été refoulés là par la violence des eaux qui ont fait irruption. Le plus chaud défenseur de l'hypothèse d'un barrage fait de main d'homme est le pre- mier à se rendre à l'évidence des faits. Nous continuons à gratter la surface avec la même ardeur, et des côtes, des vertèbres , des os de membres, des phalanges et des dents se montrent de plus en plus. Tout à coup nous apercevons la partie supérieure d'un crâne humain : les sutures sagit- tales et lambdoïdes sont visibles; la base du crâne est dirigée en bas et vers le fond de la galerie. Après avoir enlevé la terre qui l'entoure, nous voyons qu'il est complet et que la partie frontale est couverte par une pierre assez grosse cimentée aux parois de la grotte par un dépôt de stalagmites. Nous laissons la tête en place et nous continuons à dé- blayer avec les plus grandes précautions. Nous mettons successivement à nu un cubitus, un hu- mérus, des côtes, une vertèbre lombaire, une vertèbre cervicale au milieu de laquelle on voit poindre l'apophyse coracoïde d'un omoplate qui est dessous, une clavicule; puis, en avant et à gauche, une phalange et un tibia braqués entre les pierres. Nous continuons toujours sans rien en- lever et nous découvrons ensuite à notre droite, sur le même plan horizontal , un second crâne, entre deux pier- res, dans une position toute différente du premier-. La base du crâne ainsi que la voûte du palais et une partie de la face sont visibles à l'entrée delà galerie où nous nous trouvons. Ces ossements sont situés sur un plan horizontal qui n'a pas plus d'un mètre de largeur et soixante centimètres de profondeur. Tous les os longs sont dans une position horizontale. ( 19 ) Nous avons fait un croquis des crânes el des os dans leur situation respective, de manière à pouvoir reproduire exactement la position de chaque os. Nous étions tous à regretter qu'il n'y eût pas un photographe avec nous. D'ailleurs, le froid était trop intense pour qu'il y eût possi- bilité d'exécuter l'opération dans ce moment; d'autre part, nous ne nous attendions pas à un résultat pareil. L'importance de ces objets ne nous permettait pas de laisser les os en place; force fut de les détacher et de les envoyer le soir même à Dinant. Un de nous, M. Van Beneden, proposa de cesser les fouilles dans cet endroit, afin de permettre aux savants, qui s'intéressent à ces questions, de se rendre sur les lieux, et de reconnaître, par eux-mêmes, la situation des autres os humains qui devaient se trouver plus bas. Nous nous permettrons de faire quelques observations sur trois objets. Le crâne qui a été mis à nu le premier portera le n° \ , l'autre, le n° 2. Nous dirons d'abord quelques mots de ces deux crânes. Nous parlerons ensuite de l'omoplate avec sa vertèbre cervicale. Le crâne n° 1 est dans un état de parfaite conservation. Un des huit maxillaires inférieurs s'y adapte parfaitement et ne laisse guère de doute qu'il ne lui appartienne. Trois dents molaires , les dernières , sont encore en place du côté droit; du côté opposé, la troisième molaire est seule conservée dans son alvéole. La dernière molaire est com- parativement petite. Le maxillaire inférieur est complet du côté gauche. De chaque côté l'avant-dernière molaire est encore en place. La cinquième molaire n'est pas percée. La partie postérieure du corps de la mâchoire manque à droite. A (20 ) en juger par la surface de la fracture, on dirait que cette fracture est récente , ce qui nous fait espérer que nous retrouverons ce fragment. Les seules lésions que Ton observe au crâne sont les suivantes : le fond des orbites est enlevé des deux côtés; les arcades zygomatiques sont brisées au milieu; le con- dyle occipital de droite est enlevé ainsi que le sommet de l'apophyse mastoïdienne à gauche. Les fosses nasales en arrière sont remplies d'une terre jaunâtre, et, dans l'intérieur de la boîte crânienne, nous trouvons, au milieu de la même terre, une quarantaine de cailloux amoncelés, la plupart à peine plus petits que le trou occipital; une quantité de cailloux plus petits, un os métacarpien humain , des phalanges de chauve-souris, des os d'oiseaux , de nombreux fragments d'os indétermi- nables, deux Hélix cellaria, plusieurs morceaux de charbon de bois et des fragments de poterie. Ces objets remplissent à peu près la moitié de la boîte crânienne. C'est par le trou occipital , et peut-être aussi par les or- bites, que ces corps ont été introduits. Le crâne n° 2 n'est pas aussi bien conservé. Le tissu osseux est beaucoup plus friable, surtout dans les os de la face. Il demande à être manié avec grande précaution. Le fond de l'orbite gauche est seul percé; la partie pos- térieure du palais, surtout du côté droit, manque. Les deux arcades zygomatiques sont brisées au milieu comme dans le crâne précédent. Le condyle occipital de droite est enlevé. Les trois dernières molaires de droite sont seules en place. Elles sont à peu près également développées ; leur direction diffère par l'effet du prognathisme. Elles ont une position oblique. Sauf un peu de terre, cette boîte crânienne était entiè- rement vide. ( -21 ) Nous trouvons un maxillaire inférieur qui semble se rattacher à ce crâne, il a aussi les trois molaires posté- rieures encore en place. Ces dents s'adaptent les unes aux autres. Les branches du maxillaire manquent des deux côtés. Ces deux crânes diffèrent notablement entre eux sous le rapport même des caractères les plus importants : ainsi le premier est orlhognathe , le second, au contraire, prognathe, et cependant le prognathe a le front plus élevé que l'autre, en même temps que toute la boîte a une plus grande capacité. Regardé d'en haut, ie premier a le frontal parfaitement arrondi, tandis que l'autre est tronqué. Les bosses pariétales sont plus en arrière dans le n° 2 que dans le n° 1 . Le n° 2 est franchement brachycéphale et, en regardant le crâne du côté de l'occipital, celui-ci est de forme carrée avec les angles arrondis. C'est le brachycéphale ou le n° 2 qui est le moins bien conservé et dont la boîte était vide. Nous nous abstenons pour le moment des réflexions que suggère cette différence de forme, de conservation et de condition. Ces hommes de races si différentes ont-ils vécu simulta- nément dans la vallée de la Lesse? Dans le cas affirmatif, l'une de ces races n'était-elle pas esclave de l'autre? Il est à remarquer que le brachycéphale, tout en étant prognathe, a un crâne supérieur à l'autre. Ou bien ces races ont-elles succédé l'une à l'autre, comme semblerait l'indiquer la différence de l'état de conservation des os? Ce sont autant de questions que nous discuterons plus tard, quand nous aurons fouillé encore quelques grottes. Pour le moment, nous l'avouons franchement, ce n'est pas une lumière que nous apportons pour éclaircir l'histoire des premiers habitants de notre sol, c'est, au contraire, (22) un doute de plus que nous introduisons dans la science. L'omoplate dont nous parlons plus haut se trouve dans des conditions fort remarquables que nous ne pouvons négliger de mentionner. L'os est dans une position hori- zontale montrant son apophyse coracoïde dirigée du côté de la caverne. Une vertèbre cervicale le recouvre immé- diatement. D'abord, nous croyions ces deux os simplement juxtaposés, mais, en levant la vertèbre, l'omoplate suivait, et nous nous apercevions que la vertèbre était enfilée par l'apophyse coracoïde. La vertèbre a été chassée avec tant de force autour de cette saillie osseuse , qu'une partie du cerveau a sauté et que, aujourd'hui encore, on ne saurait séparer ces os l'un de l'autre sans les briser. Nous avons trouvé également un radius qui avait péné- tré, jusqu'à la moitié de sa largeur, dans le canal vertébral d'une vertèbre. Tout ceci nous montre une action violente des eaux , action qui a dû se prolonger pendant assez longtemps pour que tous ces corps étrangers aient pu pénétrer dans l'in- térieur du crâne que nous avons précédemment mentionné. Nous ferons remarquer aussi que ce crâne était déjà rempli quand il a pris cette position, puisque le trou occipital était dirigé en bas au moment où nous l'avons mis à nu, et que les orbites étaient dirigées vers le fond de la galerie. Le 15 décembre, les membres de la Société archéolo- gique de Namur ont répondn à l'appel qui leur avait été fait, et, après avoir scrupuleusement examiné sur place tous les objets qui s'y trouvaient encore et ceux qui étaient transportés à Dinant, les neuf membres présents furent unanimes à reconnaître que les ossements humains ont été remaniés par les eaux et qu'ils étaient, lors de ce rema- niement, à l'état de. squelettes dans la caverne. Le second jour de Noël, nous nous sommes trouvés à (25) Furfooz au nombre de sept, MM. Poelman, Devvalque, Malaise, De Reul, Van Beneden , Hauzeur et Dupont. L'entrée de la galerie montrait une coupe très-nette. I. Limon jaunâtre peu homogène, avec nombreux blocs anguleux , pro- venant de la roche adjacente et qui sont généralement reliés par du stalactite. lia. Limon argileux gris jaunâtre bien homogène et sans cailloux. La figure montre les dénudations de sa surface. 116. Le même limon alternant avec du sable graveleux gris verdàtre foncé et régulièrement stratifié. Ile. Glaise grise compacte. C'est dans la couche (1) de limon à blocs anguleux que ( 24 ) se trouvaient dans le plus complet désordre un grand nombre d'os humains provenant d'enfants, d'adolescents et d'adultes. Us consistent en quelques fragments de boîtes crâniennes, au milieu de plusieurs os temporaux assez bien conservés, des vertèbres des différentes régions, des portions de sternum, des omoplates, des clavicules, des humérus, des radius, des cubitus, des côtes, des os iliaques, des fémurs, des tibias, des péronés, des méta- tarsiens, des métacarpiens, des os du carpe et du tarse, des phalanges. En un mot , toutes les parties du squelette y étaient représentées. Parmi ces os, les uns sont parfaite- ment conservés, les autres sont brisés et n'offrent presque plus de consistance. Il y en a même qui sont complètement réduits en poussière. Nous y avons, en outre, recueilli des ossements de mam- mifères, d'oiseaux et de poissons et des fragments de po- terie grossière travaillée à la main. Nous donnons à la fin Fénumération des animaux que nous avons reconnus. Tous ces ossements ont été retirés par nous-mêmes du limon et de dessous les pierres qui les entouraient. Ils étaient disséminés sans aucun ordre. Ainsi une ver- tèbre dorsale, une côte et deux radius, posés en croix de Saint-André, se trouvaient en contact, de manière qu'on pouvait les enlever ensemble avec une seule main. Sur la face inférieure d'une grosse pierre que deux hommes pou- vaient à peine soulever, les os suivants se trouvent in- crustés par la stalactite : un os iliaque, deux fémurs (l'un est brisé, l'autre n'a plus de tête), un radius, un tibia, une côte, des phalanges, trois dents isolées. Il ne sera peut-être pas sans intérêt de faire remarquer que, l'avant-veille, les ouvriers avaient mis au jour, immé- diatement au-devant de cette galerie , une pierre engagée complètement dans le limon en une position presque (25 ) horizontale. Elle a lm,85 de largeur sur lm,20 de hauteur et 0m,30 d'épaisseur. Elle provient des roches dans lesquelles la grotte est creusée. M. Dupont Fa fait conserver. Ses dimensions s'accordent, comme on peut le voir, avec celles de rentrée de la galerie, telle qu'elle est aujourd'hui. Enfin, dans une masse de terre qui a été également con- servée dans la galerie extérieure, laquelle est formée de limon à blocs anguleux, on voit des traces manifestes de terres charbonneuses qui semblent être des restes de foyers remaniés. On voit encore , à côté et au-dessus de ces traces noires, des terres rouges d'un aspect rappelant l'action du feu. Beaucoup de silex taillés, des ossements travaillés, des ossements d'animaux brûlés et des fragments d'os iongs cassés longitudinalement y ont été rencontrés. Lorsque l'exploration fut terminée, M. Van Beneden, tant en son nom qu'en celui de ses deux collaborateurs, a posé quelques questions aux savants qui avaient bien voulu se rendre à notre invitation. Il a été convenu que le pro- cès-verbal en serait dressé et signé par tous les adhé- rents (1). lre question. — Y a-t-il eu remaniement de ces osse- ments humains par l'homme? — Non. 2me question. — Ce remaniement a-t-il été produit par les eaux? A propos de quelques observations présentées par M. Dewalque, M. Van Beneden fait connaître la disposition du crâne n° 1 , qui était rempli de terre, de morceaux de bois brûlé avec un métacarpien humain et des fragments de calcaire non roulés, dont quelques-uns pouvaient à peine passer par le trou occipital, alors que ce trou occipital (1) A la séance de l'Académie, où il a été donné lecture de cette notice, M. Dewalque a fait remarquer qu'il est arrivé au dernier moment et quMl a observé la plupart de ces faits. ( 26) étail dirigé en bas. Ce crâne a donc du se trouver dans une autre position lors de son remplissage. M. Van Be- neden mentionne aussi la vertèbre, trouvée le 40 décem- bre, autour d'une^apophyse coracoïde; une autre vertèbre étail également traversée par une côte. Il rappelle encore la dissémination des os entre d'énormes pierres. La réponse à cette deuxième question a été également unanime : c'est l'eau qui a opéré ce remaniement. 5rae question. — A quelle époque l'enfouissement de ces os a-t-il eu lieu? On a été encore unanime à répondre : c'est évidem- ment à une époque antéhistorique, puisque les débris d'industrie mélangés à ces ossements sont des silex taillés et des os travaillés, et qu'on trouve ces débris mêlés avec des os d'animaux qui ont disparu ici. 4mc question. — Peut-on admettre qu'une cause actuelle puisse rendre compte de cet enfouissement? II a été répondu : Une source n'a évidemment pas tra- versé la grotte; la Lesse ne peut monter à cette hauteur, même dans ses crues les plus considérables, puisque la caverne est à quarante mètres au-dessus de son niveau ordinaire. Il faut donc admettre une cause cataclysmique pour expliquer des phénomènes que présente la couche de limon à blocs anguleux de la caverne. 5me question. — Les restes humains étaient-ils à l'état de cadavres ou de squelettes lors du remaniement? Tous ont déclaré que l'observation prouve nettement que ces os étaient à l'état de squelettes, puisque nous n'avons pas vu d'exemple d'os se trouvant à côté de ceux auxquels ils sont attachés naturellement. Les observations faites le 10 décembre pour les vertèbres dont le trou rachidien est traversé par l'apophyse coracoïde d'une omoplate et par ( 27 ) une cote, ont été rappelées, ainsi que le remplissage du crâne n° 1 , montrant bien que le cerveau était complète- ment décomposé quand les débris y ont été introduits. 6me question. — Ces hommes élaient-jjs contemporains du renne dans ce pays? Les uns n'ont pas hésité à répondre affirmativement; les autres se sont bornés à dire qu'il y a de grandes pré- somptions qu'il en est ainsi. Le lendemain de ce jour, MM. Van Beneden, Hauzeur, Malaise et Dupont se trouvaient seuls présents pour con- tinuer les recherches. Les résultats de la journée furent la découverte de nouveaux os humains : un fémur, des ver- tèbres , des côtes, des os du carpe , du métacarpe , du torse et du métatarse, un grand nombre de phalanges. Les restes suivants se trouvaient mélangés : du renard (un fémur, un péroné et une demi-mâchoire), une portion de crâne de chèvre, une mâchoire de hérisson, une demi-mâchoire brisée de sanglier, des os d'oiseaux, huit silex taillés en couteau et un beau cristal de fluorine , substance qui a du être importée de la frontière de France éloignée de quinze kilomètres. Nous avons trouvé aussi au milieu de tous ces objets un pétoncle et un potamide qui semblent être tongriens. Le jour suivant, M. Dupont continua seul les fouilles. Quelques nouveaux os humains et des silex taillés furent seuls trouvés. Ce furent là les découvertes qui vinrent clore l'explo- ration de ce riche ossuaire humain. Le rocher massif forme maintenant le plancher de la galerie. Notre impression est que cette petite salle intérieure a servi de sépulture; douze ou treize êtres humains y ont été inhumés et, comme à Àurignac, la caverne avait été fermée (28 ) paï une dalle. Ici seulement les eaux ont mis en pièces tous les squelettes; car on ne peut, ainsi que le procès- verbal ci-dessus le constate, attribuer à une autre cause la profanation de. cette sépulture. Nous ne nous dissimulons pas cependant combien la présence d'individus appartenant à des races aussi dis- tinctes que celles indiquées par les deux crânes, vient compliquer la question. La salle extérieure, celle où se trouvent accumulés, au milieu de silex taillés, d'os travaillés, de débris de foyers et de festins, tant de restes d'animaux, depuis le renne et l'ours jusqu'au castor, la chauve-souris et le campagnol, est, d'autre. part, loin d'être complètement fouillée : la sonde y indique encore trois mètres de dépôts meubles qui, espé- rons-le, nous fourniront plus tard de nombreuses et impor- tantes reliques de ces époques si reculées et si mystérieuses. Nous avons reconnu dans le Trou du Frontal les animaux suivants : Chauve-souris. Cervus elaphus. Hérisson. Bœuf. Musaraigne. Chèvre. Hamster. Plusieurs oiseaux. Campagnols. Brochet. Taupe. Truite. Ours. Cyclostoma elegans. Castor; Hélix pomatia. Renard. — aibustorum. Belette. — lapicida. Sanglier. — ullaria. Cheval. — obvoluta. Renne. Unio batava. Comme on le voit, ce sont tous animaux qui vivent encore actuellement, et la seule différence que nous re- Buf/.dtl'Jcad.Jlay. To///<- IJ. Y 2"!e S(;rief/u/(/c 2c.pl ■ .-. . "'. ■',"'■. .-";•■,';'.. £aJt.dt,rJn«éï.Jlût/. Tomel/Z 2T Série ,/wçc m. pï. ï\ a** jsH* 3. i .,. - ; . , ( 29 ) marquons entre cette faune et celle d'aujourd'hui , c'est que plusieurs grandes espèces de mammifères ne se trouvent plus que dans des contrées moins habitées par l'homme ou dans des régions moins accessibles. Les principaux objets travaillés ou choisis par ceux qui habitaient la grotte et que nous avons trouvés au milieu des ossements sont: Des silex, Une turritelle jurassique, [Jn cristal de fluorine , Un tibia cannelé, Une aiguille en os , Un poinçon en os, Une pointe de flèche , Une phalange formant sifflet. EXPLICATIONS DES PLANCHES. Planche I. Fi'jure 1. Crâne n° 1, fort bien conservé. — 2. Le même, vu par derrière. _ 3. Le crâne n° 2, vu du même côté. Planche II. Figure 1. Le crâne brachycéphale, indiqué sous le n° 2, et qui est beaucoup moins bien conservé. 11 n'est pas certain que le maxillaire inférieur se rapporte à ce crâne. — 2. Le crâne n° 1, vu d'en haut. - 3. Le crâne n° 2 , brachycéphale, vu du même côté. ( 30) Note sur une coquille fossile du système diestien, nouvelle pour la faune belge, appartenant au genre Modiola; par M. Nyst, membre de l'Académie. Modiola rhombea. Berkeley. — Prideauxiana 1815. Leach, MisceL, vol. II, p. 35. — - 1827. Brown , Brit. conch. ill. , p. XXIX, fig. 9. — rhombea 1827. Berkeley, Zool. Journ., vol. III, p. 229, suppl , pi. XVIII , fig. 1. — — 1827. Brown, lll., I. c, éd. 2, p 78, pi. XXXIX, fig. 17. — asperula 1840. Wood., CaJ. Brit. foss. schells. Crenella rhombea 1849. Forbes et Hanley, Hist. brit. schells, vol. II, p. 208, pi. XLV,fig. 3. Modiola — 1850. Wood a Monog, Crag moll. (Bivalves, part. II), p. 64, tab. VIII, fig. 8, ab. Caractères spécifiques. — Cette coquille est petite, ovale, oblongue ou trapéziforme, à valves bombées, enflées et en- tièrement couvertes de sillons longitudinaux qui se bifur- quent; son côté antérieur est très-court et arrondi, tandis que le côté postérieur est large et anguleux. Le bord ventral est sinueux. Les crochets sont rapprochés et recourbés. Celte espèce, qui habite encore de nos jours les mers britanniques, ne semble pas être rare dans le crag coral- lien de Sutton, en Angleterre, d'après M. S. Wood. L'exem- plaire unique et bivalve que, nous possédons de Belgique a été recueilli par nous dans le sable noir du système dies- tien provenant des travaux de l'enceinte à Borgerhout, près d'Anvers, que notre savant confrère, M. Dewalque, a bien voulu mettre à notre disposition pour en extraire les nom- breux mollusques foraminifères qu'il contient. Aussi le prions- nous ici d'en recevoir nos bien sincères remer- cîments. La taille de notre exemplaire est de quatre millimètres. ( 51 ) Ce mollusque se distingue très-facilement de ses congé- nères, les Modiola discors L., marrnorata Forbes et Cos- tulata Risso, par les sillons longitudinaux qui couvrent toute la surface de la coquille, et se rapproche, par ce ca- ractère, de la M. sericea Brown , dont elle diffère cependant aussi par sa taille beaucoup moindre, ainsi que par diffé- rents autres caractères. Dans les listes des fossiles de Belgique, publiées en 1862 par notre illustre et savant confrère, M. d'Omalius d'Halloy, nous avons déjà constaté la présence des M. sericea et mar- morata, dans le système diestien de Belgique. D'après les auteurs modernes, les M. discors , marmo- rata et costulata appartiendraient au sous-genre Modiola- naBeck, tandis que la M. sericea entrerait dans le genre Crenella, créé, en 1827, par Brown. En parcourant le Manuel de conchyliologie et de paléon- tologie conchyliologique de M. le docteur J.-C. Chenu, vol. II, p. 153, nous avons remarqué, non sans surprise, que cet auteur a rangé dans le genre Crenella, le Stalag- mium Nystii, qui n'appartient aucunement à la famille des Mytilidae, mais bien à celle des Arcidae, dans le voisinage du genre Pectunculus; il suffira, pour s'en convaincre, de comparer la disposition de sa charnière avec celle du Pectunculus Deriessertii, qui se trouve figuré dans cet ouvrage, p. 176, fig. 877, et, par suite d'un double em- ploi, M. Chenu a encore reproduit cette même espèce belge de nos terrains laekeniens, p. 181 , fig. 910, dans la famille des Nuculidae, sous le nom de Nucunella Nystii, où elle se trouve associée à la AT. aviculoïdes d'Archiac. En terminant la présente note, nous dirons qu'il est à remarquer que la Modiola rhombea, ainsi que plusieurs autres espèces fort intéressantes du crag de l'Angleterre, (32) n'ont pas été mentionnées dans le prodrome de d'Orbigny : ce travail offre, sous ce rapport, une lacune très-regret- table. Cladoniae Acharianae , ou révision critique des Cladonia du Synopis et de V herbier d'Acharius; par M. Eugène Coemans, membre de l'Académie. Comme l'indique le titre de ce travail, cette notice est une étude critique sur les Cladonia d'Acharius, tels qu'il les a décrits dans son dernier ouvrage et tels qu'il nous les a laissés dans son herbier. J'ai cru qu'à une époque où l'étude de ce genre si diffi- cile, et délaissé pour cela quelque temps, était reprise avec une nouvelle ferveur, c'était une œuvre utile de revoir les matériaux que nous ont laissés les anciens maîtres de la science. On sait que trois lichénographes célèbres se sont oc- cupés, avec une prédilection toute particulière, de ce genre polymorphe. Ce sont Acharius , Délise et Florke. Ce der- nier a même consacré sa vie presque tout entière à dé- brouiller ce seul genre. L'herbier d'Acharius est conservé à Helsingfors, celui de Délise est au musée à Paris, et j'ai découvert celui de Florke à Rostock. J'ai voulu revoir et comparer ces trois herbiers et con- signer dans trois notices séparées mes observations sur chacune de ces riches collections, croyant que c'était le meilleur service qu'on pût rendre à cette partie de la liché- nographie. Le but que je me suis spécialement proposé est de fixer (33 ) la synonymie entre les espèces et les diverses variétés de ces différents auteurs, de simplifier la nomenclature en proposant à mes confrères la suppression d'un grand nombre de variétés inutiles, et, enfin, de leur soumettre quelques idées nouvelles sur un certain nombre d'espèces de ce genre. Je voudrais que ces notices pussent servir de prodrome à une nouvelle monographie du genre Cladonia. L'herbier d'Acharius, dont je dois m'occuper en premier lieu, est soigneusement conservé au musée de l'univer- sité d'Helsingfors. Sa disposition est exactement celle du Synopsis de cet auteur. Cette collection compte quarante- trois genres et environ neuf cent quatre-vingts espèces, plus d'innombrables variétés. Les lieux de provenance sont en général exactement indiqués, mais les spécimens sont souvent petits, et on n'a dans le plus grand nombre de cas, pour reconnaître l'origine des espèces communi- quées, d'autre guide que les différences d'écritures des anciens correspondants de l'illustre lichénographe suédois. Les Cladonia qui sont l'objet de cette notice forment en- viron la quinzième partie de la collection générale d'Acha- rius. Cette partie n'est pas la plus brillante de son herbier, mais elle n'en est pas moins précieuse et renferme un grand nombre de types de Flôrke, de Schaerer et de Léon Du four. Dans le cours de ce travail, j'ai dû relever plus d'une fois des erreurs de détermination qui se trouvent dans l'her- bier d'Acharius. Mon intention cependant n'a nullement été d'amoindrir la gloire du lichénographe suédois. Acha- rius sera toujours le père de la lichénographie et le pre- mier lichénologue de son époque. Si aujourd'hui, après cinquante ans de progrès, c'est encore avec peine qu'on trouve en Europe quelques spécialistes qui connaissent 2me SÉRIE, TOME XIX. 3 ( 34) bien les Cladonia, il n'est pas étonnant que celui qui a tenté le premier d'apporter un peu de lumière dans ce dédale et dans ce chaos de formes et de variations se soit souvent trompé. Nous devons, au contraire, une reconnaissance toute particulière à Acharius de nous avoir conservé son herbier, qui seul nous met à même de reconnaître un grand nombre d'espèces qu'il a trop succinctement décrites dans ses ou- vrages. On juge mieux un botaniste par son herbier que par ses écrits; et tous les phytograpbes n'ont pas osé ou n'ont pas voulu laissera la postérité ce critère de leur exactitude' et de leur science. Ainsi quand je me rendis, à la fin de cet été, à Schwerin pour y étudier l'herbier du célèbre Tode, qui devait m'être si utile pour mes recherches sur les mucorinées, quel ne fut point mon désappointement d'apprendre que Tode, avant sa mort, avait fait précipiter son herbier, ses manu- scrits et ses dessins dans les profondeurs du lac de Schwe- rin î Je dus donc partir en me contentant de jeter un triste regard sur le gouffre qui avait englouti tant de richesses botaniques. En terminant ces quelques lignes, il me reste encore un devoir à remplir, celui d'offrir mes remercîments sincères à M. Alexandre von Nordmann , membre associé de l'Institut de France et professeur de zoologie à l'université d'Hel- singfors. C'est à son obligeante intervention que je dois la faveur d'avoir pu examiner en toute liberté les riches collections de l'université d'Helsingfors, et je dois à son aimable hospitalité les agréments de mon séjour en Fin- lande. ( 35) i. Clarion la paplllarln Htïm. (Ach.) Syn., p. 248, et Hb. ejusd. Cette espèce, quoique pauvrement représentée dans l'herbier d'Acha- rius, s'y trouve à tous les étals de développement. Les échantillons à apo- thécies parfaites seuls font défaut. Les lieux de provenance indiquées sont , comme pour la plupart des espèces suivantes, la France, l'Allemagne et la Suède. 2. Cladonia retipora (Ach.) Syn., p 248. Cette belle cladoniacée ne se trouve pas dans la collection du lichéno- graphe suédois, qui ne Ta connue que par la description et la figure de Labillardière. 5. Cladonia caespititia (Ach.) Syn., p. 249, et Hb. ejusd. Les spécimens de l'herbier d'Acharius sont assez insignifiants. Un échan- tillon de Laponie mérite cependant d'être cité, à cause de la haute latitude de son lieu de provenance. La plupart des licbénographes modernes considèrent le Cladonia caes- pititia comme une espèce propre ; d'autres en font une variété du Cl. sqaa- mosa. J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'observer et d'étudier cette plante, notamment dans le bois d'Héverlé, près de Louvain, et dans les sapinières de Meirelbeke, près de Gand , et j'ai trouvé qu'elle n'est qu'une variété du Cladonia pyœidata, pityrea. Sur quelques chênes du bois d'Héverlé, aujourd'hui malheureusement abattus, on observait, il y a quelques an- nées, toutes les transitions entre le Cl. fimbriata (Ach.) et le Cl. pityrea (Ach.) et entre ce dernier et le Cl. caespititia Je crois qu'on peut désor- mais considérer l'espèce en question comme une variété du Cladonia pyœidata (L.). 4. Cladonia strepsilis (Ach.) Syn., p. 249, et Hb. ejusd. Cette espèce acharienne a toujours été problématique pour les liché- nographes. M. W. Nylander, qui avait sous les yeux l'herbier d'Acharius , la rapporte au Cladonia caespititia (Lich. Scancl, p. 57, et Syn., p. 211); par contre, Flôrke, qui avait également vu les types achariens, ne voit en elle qu'une forme stérile et macrophylline du Cladonia cariosa {Corn., p. 14). En fait cependant, ces savants lichénologues ont tous deux raison, du moins en partie. L'échantillon principal du Clad. strepsilis d'Acharius — le seul conservé en entier, car une main infidèle a enlevé ou dégradé les autres, — est positivement le Cl. caespititia; mais la variété plumosa (Ach., Syn., p. 250) est bien, si je ne m'abuse, une forme stérile du Cl. cariosa. M. Nylander l'adjoint au Cl. delicata Flk. (Nyl., Syn., p. 211). Dans l'herbier de Flôrke, conservé au musée de Rostock, se trouvent un grand nombre de spécimens de Cl. cariosa , à thalle stérile et macrophylle, (56 ) parfaitement semblables au Cl. strepsilis h. plumosa de l'herbier d'Acha- rius. Celui-ci a donc confondu deux formes voisines, mais appartenant a deux types différents. Le Cl. strepsilis (Ach.), ne représentant qu'une forme insignifiante du Cl. caespititia, pourra donc être négligé dans nos flores lichénographi- ques. Quant à la variété plumosa, on pourra la mentionner comme forme stérile du Cladonia cariosa, sans cependant l'élever au rang de variété. 5. Cladonia alcicornis (Ach.) Syn., p. 250, et Hb. ejusd. Sous ce nom sont rangées, dans l'herbier d'Helsingfors, plusieurs espèces différentes : 1° Divers spécimens du véritable Cladonia alcicornis, provenant de France, d'Allemagne et de Suisse. La Suède n'est pas représentée pour cette espèce, quoique celle-ci s'avance dans la péninsule Scandinave jusque vers le soixantième degré de latitude. Je l'ai trouvée abondamment, cet été, sur les côtes de Suède, surtout sur la côte occidentale. 2° Deux échantillons du Cladonia cervicornis reçus d'Allemagne. Cette erreur de détermination s'explique assez facilement par la difficulté qu'on a souvent de distinguer avec certitude du thalle du Cladonia cervicornis certaines formes stériles du Cladonia alcicornis à folioles roses ou pur- purescentes à leur surface inférieure. 3° Huit touffes du Cladonia pungens Flk. Celte erreur semble presque inexplicable; mais l'examen de l'herbier du célèbre lichénographe suédois m'a prouvé que, jusqu'à la fin de sa vie, il n'a jamais bien connu le Cla- donia pungens et que le reproche que lui adressait autrefois Florke, de ne pas bien connaître les Cladonia, était parfois assez fondé. Enfin, parmi les Cladonia alcicornis fructifères figurent encore un échantillon du Cl. degenerans et un autre du Cl. pyxidata fertile. Serait-ce par mégarde qu'Acharius a placé ici ces lichens? Le Cladonia gentilis (Ach.) L. U., p. 530, dont Acharius avait d'abord fait une variété du Cl. alcicornis et sur lequel il s'était ensuite abstenu de se prononcer dans son Synopsis, à la suite des critiques de Florke, appar- tient bien certainement au Cl. alcicornis. 11 constitue, d'après les deux petits échantillons de l'herbier d'Helsingfors, une forme ou même une variété à folioles assez simples, étroites et garnies sur les deux bords de longues fibrilles noires. Le port de cette variété rappelle celui du Physcia leucomela Mien. 6. Cladonia cudiviaefolia Fr. (Ach.) Syn., p. 250, et flerb. ejusd. Deux échantillons méritent d'être cités ici, l'un provenant de l'île d'Aland , station la plus septentrionale connue, et l'autre envoyé de Tiflis par feu Stevens, dont le riche herbier se trouve aussi au musée d'Helsing- ( 37 ) fors. L'herbier d'Acharius possède en outre quelques spécimens de l'est de la France, reçus de M. Léon Dufour et portant l'inscription : Aflinis Cm. (onvolutae , asl semper subtus cervino. Àcharius les a étiquetés :var. major Cen. endiviaefoliae. Ils se rapportent parfaitement à la variété firma du Cl, alcicornis (Nyl., Syn., p. 191). Il est encore une soi-disant variété du Cl. endiviaefolia ou du Cl. al- cicornis, sur laquelle nous n'avons aucune donnée certaine, la variété cladomorpha. Dans ses premiers ouvrages, Acharius la considère comme variété du Cl. alcicornis , puis dans son Synopsis ( p. 259 ) , il la rattache au Cl. degenerans; enfin dans le supplément à cet ouvrage (p. 542), il l'adjoint au Cl. endiviaefolia. L'herbier seul d'Acharius permet de lever le doute et montre que la variété en question n'est qu'une forme du Cladonia degenerans , v. lepi- dota. C'est donc une variété à supprimer à l'avenir. Pour le Cladonia al- cicornis, cladomorpha (Ach.) , Rabenhorst, Cladoniae Europaeae, tab. 1 , n° 5, il ne diffère guère du type de l'espèce. Le Cladonia endiviaefolia lui-même n'est pas une bonne espèce ; il ne constitue qu'une variété du Cladonia alcicornis, comme je l'ai fait voir dans mes Cladoniae belgicae , n° 7. (1865.) 7. Cladonia cervicornis Schaer. (Ach.) Syn., p. 251 , et Hb. ejusd. Ce lichen n'est que mal représenté dans la collection d'Acharius. La variété prodiga Ach., L. U., pp. 551-52 , n'est , d'après les fragments qui se retrouvent encore dans l'herbier d'Acharius, qu'une petite forme prolifère et tout à fait- insignifiante du type. 8. Cladonia verticillata Flk. (Ach.) Syn., p. 251, et Hb. ejusd. Cette espèce, ou pour mieux dire cette forme parfaite du type précé- dent, a, dans l'herbier d'Helsingfors, des représentants des principaux pays de l'Europe et même de l'Amérique du Nord. Flôrke ne séparait point le CL cervicornis du Cl. verticillata et avait parfaitement raison. Acharius lui-même n'a souvent pas su distinguer ces deux formes l'une de l'autre, comme le prouvent certaines déterminations hésitéesde son herbier et la confusion des deux types dans cette collection. Je considère donc le Cladonia verticillata comme type de l'espèce et le Cladonia cervicornis comme une simple variété macrophylle. 9. Cladonia pyxidata (L.) (Ach.) Syn., p. 252, et Hb. ejusd. Acharius distingue, dans son Synopsis, quatre formes et une variété du Cladonia pyxidala; toutes se retrouvent dans son herbier. Et d'abord pour les form es : il désigne sous le nom de simpleœ , les ivm dividus spermogonifère s non prolifères; sous celui de staphylea, les in- dividus apolhécifères ; sous celui de syntheta, les plantes prolifères et (38) enfin, sous celui de lophyra, les échantillons squamifères. Ces distinctions me semblent assez inutiles et ne servent qu'à charger la nomenclature de quelques noms nouveaux : et, en effet, où en arriverait-on si, pour être conséquent , on décorait ainsi, dans chaque espèce, l'état spermogonifère, fertile , prolifère ou squamuleux de quelque nom particulier ? Les liché- nographes feraient donc bien de ne plus s'arrêter, dans la suite, à ces formes achariennes. Quant à la forme lophyra , je ferai remarquer qu'Acharius a appliqué ce nom à deux formes distinctes, d'abord au Clartonia pyxidata (Syn., p. 253) et puis au Cladonia ftmbriata {Syn., supp., p. 542). L'échantillon type d'Acharius appartient cependant au Cl. pyxidata. Parmi les Cladonia pyxidata de la collection d'Acharius se trouvent plusieurs espèces étrangères : un échantillon de Suède du Cl. cariosa, un autre du Cl. comucopioides de Suisse, un troisième du Cl. pityrea (Ach.) reçu de France, enfin, un spécimen du Cl. decorlicata Fr., recueilli en Norwége. Je ne prétends pas inférer de ces inexactitudes qu'Acharius ail confondu toutes ces espèces ; elles prouvent seulement que le savant liché- nographe, en remaniant son herbier, à la fin de sa vie, n'a pas toujours apporté à ce travail toute l'attention désirable. Pour ce qui concerne la variété j3. caralloidea {Syn., p. 253) , il est très- difficile de décider avec certitude à quelle espèce elle appartient , parce que les échantillons, ou plutôt les fragments de l'herbier d'Acharius, sont particulièrement petits et tout à fait insuffisants. Ces spécimens ont la hauteur et à peu près le port du Cl. papillaria, molariformis; ils ont des rameaux courts, avortés, granuleux et tout chargés de spermogonies. Acharius n'a rencontré qu'une fois une petite touffe de cette variété (1). Personne après lui ne Ta retrouvée, aussi crois-je qu'elle n'est qu'une forme accidentelle du Cladonia degenerans ou crispata et qu'elle peut être négligée comme telle. Un échantillon , le seul qui soit assez développé pour permettre de distinguer quelques caractères , montre le sommet des rameaux perforé , comme dans cette dernière espèce. Le Cladonia coralloidea (Ach.) Rabenhorst, Clad. Europ., t. XI, ne ressemble en rien à la plante dont nous nous occupons et n'est que le Cladonia decorlicata Fr., Nyï. Acharius n'a jamais mentionné dans ses ouvrages une variété assez im- portante du Cladonia pyxidata , nommée par Florke var. chlorophaea; (1) Les deux petits fragments de Suisse qui portent également, dans l'herbier d'Acharius, le nom forme assez insignifiante du Cladonia cariosa. 51. Cladonia delicata (Ach.) Syn., p. 274, et Hb. ejusd. Cette plante se trouve, dans l'herbier d'Acharius, parmi les Slereocaulon . Jusqu'en 1824, Acharius l'avait considérée comme une Cladoniée; mais en arrangeant son herbier, après la publication du Synopsis , il la rangea parmi les Stereocaulon , en inscrivant sous l'ancienne étiquette : Stereo- caulon delicatum. Cette espèce n'est, pour la plupart des lichénologues modernes, qu'une variété du CI. squamosa , et je partageai cette opinion jusqu'à ce que j'eusse, cet été, l'occasion de mieux l'étudier dans l'herbier de Flôrke, à Rostock. Jamais je ne vis tant ni de si beaux échantillons. Je remarquai alors les affinités du Cl. delicata avec le Cl. pityrea, et je suis convaincu aujourd'hui que la première de ces plantes n'est qu'une variété de la seconde. Dans la monographie du genre Cladonia, que je prépare, je pro- poserai donc comme variété du Cl. pyœidata le Cl. pityrea avec ses deux sous-variétés delicata et caespilitia. 32. Cladonia botrjtes (Hag.) (Ach.) Syn., p. 274, et Hb. ejusd. Cette gentille petite espèce , si commune en Suède et en Finlande, sui- les chicots de sapin pourrissants, est assez richement représentée dans l'herbier que nous examinons. 33. Cladonia leptophylla (Ach.) Syn., p. 274, et Hb. ejusd. L'herbier d'Helsingfors ne renferme que deux échantillons de cette variété du Cladonia cariosa, l'un d'Angleterre, l'autre de Suisse. Les folioles du thalle y sont très-petites et très-dispersées. 34. Cladonia capitata (iMich.) (Ach.) Syn., p. 275. Cette espèce ne se trouve ni dans l'herbier d'Acharius, ni dans celui de Flôrke; je ne puis donc fournir aucun renseignement sur cette plante problématique. 53. Cladonia aeicnlai is ( Ach.) Syn., p. 273, et Hb. ejusd. Cette plante est généralement regardée comme appartenant au Cl. ma- (48) cilenla. Les deux petits spécimens d'Acharius se rapporteraient cepen- dant beaucoup mieux, à cause de leurécorce ferme et lisse, au Cladonia Florkeana Fr. 36. Cladonia aggregata (Ach.) Syn., p. 275, et Hb. ejusd. Le Cladonia agregata d'Acharius et celui de Flôrke sont , d'après les herbiers de ces auteurs, deux plantes toutes différentes. Celui d'Acharius est le vrai Cl.aggregata Eschvv., Brasil., p. 278, et celui de Flôrke kj Cl. gorgonea du même auteur, Brasil., p. 271. On ne voit plus dans la collection d'Helsingfors qu'un misérable échan- tillon de cette espèce; un autre a été enlevé. 57. Cladonia racemosa (Ach.) Syn., p. 275, e.tffb. ejusd. Sous ce nom se trouve, dans l'herbier du lichénographe suédois, cette grande et robuste forme du Cl. furcata , connue sous le nom de variété racemosa, et de plus, un échantillon du Cl. pungens, nivea Flk., de la Guadeloupe. 38. Cladonia furcata Hffm. (Ach.) Syn., p. 276, et Hb. ejusd. Les échantillons d'Acharius représentent le type ordinaire. La variété subulata n'est pas distinguée dans son herbier, mais s'y trouve mêlée aux autres spécimens. Plusieurs touffes du Cl. furcata portent encore ici , tantôt avec le signe du doute, tantôt avec celui de l'affirmation, le nom de Cl. alcicomis, ce qui prouve les doutes qu'Acharius conserva, jusqu'à la fin de sa vie, sur les vrais caractères de cette espèce. 39. Cladonia uncialls Hffm. (Ach.) Syn., p. 276, et Hb. ejusd. Ici se trouve le vrai Cladonia uncialis qu'Acharius avait confondu plus haut avec le Cl. amaurocraea. La variété adunca ne s'éloigne guère du type et peut donc être négligée. Je rappellerai encore que les variétés dicraea et obtusata du Cl. owy- ceras (Ach.) se rapportent à cette espèce. 40. Cladonia rangiferina Hffm. (Ach.) Syn., p. 277, et Hb. ejusd. Les deux premières variétés d'Acharius, gigantea et cymosa peuvent être supprimées, car toutes deux représentent le type, la première comme forme stérile, la seconde comme forme fertile ou spermogonifère. Le plus grand échantillon de la forme gigantea mesure, dans l'herbier d'Acharius, douze ou treize centimètres de longueur. La variété j3. sylvalica est une bonne variété ou peut-être même une espèce distincte, mais il ne faut point en séparer la variété alpestris. Cette forme n'est nullement alpine, mais celle de la plupart des individus qui croissent isolés au lieu de vivre serrés en touffes. La variété $. pungens, marquée dans l'herbier d'Acharius rangicornis , appartient au Cl. furcata, et il est assez étonnant que le savant lichéno- ( 49 ) graphe de Suède n'ait pas reconnu ses atlinites avec cette dernière espècv Quant à la variété pumila, elle n'est qu'une petite forme du Cl. rangi- ferina , sylvalica. Outre ces variétés décrites dans le Synopsis , j'ai encore trouvé, dans l'herbier d'Acharius, un vieil échantillon du Cl. rangiferina , sylvalica, déformé et glomérulifère, marqué par Schaerer : Cl. rangiferina var. de- for mis, et une forme du Cl. rangiferina, à rameaux courts, dressés , élargis et réunis au sommet, étiquetée par Acharius : var. incrassata. J'ai ren- contré assez souvent cette forme dans les sapinières de Suède et de Fin- lande, mais elle est trop peu notable pour être distinguée du type. Acha- rius a confondu, dans son herbier, quelques Cladonia pungens Flk. avec cette dernière forme. Enfin l'herbier d'Helsingfors renferme encore une belle touffe du CL portentosa (Duf.). Acharius doit l'avoir reçue après la publication de son Synopsis, sans quoi il n'aurait certainement pas manqué de signaler celte forme remarquable. 41. Cenomyce? veriuicularls (Ach.) Syn., p. 278, et Hb ejusd. Les échantillons d'Acharius proviennent de Laponie, de Sibérie, d'Alle- magne et de Suisse. La variété taurica ne mérite point, je crois, d'être conservée comme telle : elle n'est qu'une forme ventrue du type. Acharius a fait preuve de sagacité en ne plaçant que dubitativement cette plante parmi les Cladonia; elle forme aujourd'hui le type du genre Thamnolia, de la tribu des Siphulées Nyl. 42. Cenomyce? ceratltes (Ach.) Syn., p. 279, et Hb. ejusd. L'échantillon d'Acharius a été récolté en Laponie. Cette espèce, qu'Acharius ne plaçait sagement que d'une manière pro- visoire parmi les Cladonia, est le seul représentant européen du genre Siphula Fr. Entin, sur le dernier carton des Cladonicées de l'herbier d'Acharius se voient pêle-mêle plusieurs échantillons du Cl. degenerans et du Cl. pun- gens Flk., dont le savant lichénographe n'a probablement trop su que faire et qui portent, avec le signe du doute, les noms de Cl. rangeferina v. incrassata, Cl. crispala, Cl. gonorega et Cl. ecmocyna v. eoconcera. 2°ie SÉRIE, TOME XIX. 50 ) Sur la constitution physique du soleil, note de M. Chacor- nac, astronome à l'observatoire impérial de Paris, adres- sée à M. A. Quetelet, secrétaire perpétuel de l'Académie. Les astronomes, entrant dans la voie des vues synthéti- ques, à l'égard de la constitution physique du soleil, et l'ana- lyse spectrale m'ayant révélé, par des observations récentes, que la lumière des noyaux des taches, celle des pénombres, est dune même nature que celle de la photosphère solaire, je résume ainsi l'ensemble des faits que présente l'étude minutieuse de la surface de cet astre et des changements qui s'y opèrent. Le soleil se compose d'un corps central obscur et seule- ment doué d'un faible pouvoir réflecteur. Il est environné d'une épaisse atmosphère gazeuse imparfaitement diaphane4 dont les dernières limites s'étendent au minimum à une distance de la surface extérieure de l'astre égale à la moitié de son rayon. On peut ainsi considérer ce corps comme étant plongé de toute part dans un gaz non incandescent, puisqu'il réflé- chit la lumière en la polarisant suivant les plans passant par l'un quelconque de ses rayons. Au sein de cette atmosphère se forme incessamment un précipité floconneux qui se dépose à la surface exté- rieure du corps central, comme la vapeur d'eau répandue dans notre atmosphère se précipite par voie de condensa- tion à la surface des corps terrestres faiblement conduc- teurs. Soumis à l'action de la pesanteur, ce fluide possède la propriété unique, dans les corps de la nature accessible aux investigations de la science, d'être lumineux et de se ( 51 ) disperser sous l'influence d'un mélange avec d'autres gaz de nature inconnue qui se dégagent du corps central. Cette couche de matière lumineuse, nommée la photo- sphère, nous apparaît comme la source principale de lu- mière et de chaleur répandues dans le système solaire, bien qu'elle n'ait au maximum qu'une épaisseur de cinq dix- millièmes du diamètre solaire dans ses régions où elle s'ac- cumule en montagnes. La surface extérieure du corps obscur apparaît semi- fluide; elle est extrêmement accidentée par des dégage- ments bulleux qui s'échappent par d'immenses orifices en forme de fissures et analogues à celles que présente une matière à l'état pâteux et en fermentation , telle, par exemple, que celle désignée sous le nom de levain. Ces dégagements ont lieu sur la surface entière de l'astre et constituent les simples pores ou lucules , dont les plus petits qu'il soit possible d'apercevoir avec les plus puissants instruments, sont cependant d'immenses cratères mesu- rant plus de cent cinquante lieues de diamètre. Malgré l'énorme degré d'élévation de la température des régions où s'opère cette condensation du fluide lumi- neux , des dégagements gazeux s'effectuent dans la zone équatoriale de l'astre sur des dimensions considérablement supérieures à celles des lucules, et indiquent d'une manière incontestable que l'intérieur du corps central est dans un état d'incandescence, ou d'ignition plus complète que celui de son écorce. En effet, la configuration des soupiraux et des lignes de rupture qui les accompagnent, auxquels on a donné impro- prement le nom de taches solaires, montre, par la dispo- sition de ces centres d'éruption échelonnés le long des lignes de dislocation, comme nos chaînes volcaniques le ( 52) long d'une grande faille, que les gaz, en s'échappant par ces fissures, agissent de l'intérieur du corps central en faisant effort pour se frayer un passage au travers de son écorce. D'autre part, ces grandes lignes de dislocation, en affec- tant de s'orienter dans des sens peu inclinés à l'équateur soiaire, concourent, avec d'autres particularités, à mon- trer que les diverses parties de ce globe sont dans un état de liquéfaction plus ou moins complet. Lorsque les gaz générateurs des ruptures de l'écorce du globe central réagissent ainsi en formant des groupes de soupiraux volcaniques, ils ne refoulent point, en se dila- tant, la matière photosphérique sur les bords de ces im- menses ouvertures, comme on l'a cru jusqu'à présent : un centre éruplif donne lieu aux environs à la naissance de lignes de dislocation ou à de simples fissures qui circon- scrivent un espace concentrique à ce centre. Les gaz qui se dégagent soit des fissures , soit de l'orifice central, en dissolvant plus ou moins la matière photosphérique com- prise dans cette circonvallation , donnent lieu à la forma- tion de la pénombre des taches. Ces phénomènes indiquent surtout un effondrement de la croûte du corps central à la manière des éruptions par voie d'absorption des parties inférieures que recouvre le fluide lumineux, absolument comme si ces régions s'en- gouffraient dans de profondes cavités de l'intérieur du globe en donnant lieu aux cavités que forment réellement les taches solaires. Il résulte de ces considérations que les taches solaires sont de véritables volcans solaires qui ne se montrent que par chaîne volcanique nommée groupes de taches. La différence caractéristique qu'ils offrent avec les vol- ( 53) cans terrestres consiste surtout dans les laves gazeuses, s'il est permis de s'exprimer ainsi, qui interrompent la production du phénomène lumineux, tandis que nos vol- cans donnent lieu à des déjections incandescentes. Eniin, à la surface du soleil, les cratères seraient des cavités d'ef- fondrement dépourvues de cône d'éruption. Les dégagements vaporeux, qui s'échappent par de nom- breux orifices visibles sur les parties ainsi dénudées du corps central, paraissent surtout avoir lieu par émissions intermittentes. Durant ces intermittences, la matière lumineuse se pré- cipite sur les points saillants des portions dénudées du cratère et spécialement sur ceux qui se trouvent éloignés des soupiraux ou des fissures. Ces condensations du fluide lumineux s'effectuent par fragments d'énormes dimen- sions, qui néanmoins nous apparaissent comme des cris- taux de glace dans la formation du givre. Ils se montrent d'abord isolés, imperceptibles, ressemblant à des paillettes tronquées d'un métal incandescent sur le point de couler, puis ils augmentent individuellement de volume, évidem- ment par voie de condensation de la matière lumineuse et se réunissent souvent, comme se réunissent deux goutte- lettes, à la surface d'un corps sur lequel se condense la vapeur d'eau. Lorsque les émissions gazeuses se reproduisent, ces cristaux disparaissent par évaporation ainsi que s'évanouis- sent graduellement les gouttelettes d'eau à la surface d'un corps dont on élève la température. Tels sont les phéno- mènes qui forment les taches et les facules. Suivant ce qui vient d'être exposé, les facules sont des régions du corps central où la matière lumineuse se con- dense sans éprouver les phénomènes de résorptions signa- ( 54 ) lés , ou du moins ce sont les régions du disque où ces évaporations sont à leur minimum d'intensité. Tels sont les environs des cratères solaires ou taches. Il paraît en effet vraisemblable qu'aux environs des taches où ces soupiraux volcaniques offrent de gigantesques ou- vertures, par lesquelles se dégagent sans entraves d'im- menses colonnes gazeuses, les portions voisines de ces gouffres béants sont plus spécialement à l'abri du bouillon- nement général qui accidente la surface totale de l'astre d'innombrables pores. Quand les émissions centrales ont cessé ou se ralen- tissent dans l'un des centres éruptifs quelconques d'un même groupe volcanique, le fluide lumineux, se conden- sant avec rapidité sur les bords du cratère, s'y précipite par torrent en même temps que naissent de toutes parts des cristaux photosphériques, s'enlaçant, s'enchevêtrant sui- vant la configuration des fissures persistantes du cratère solaire. La continuité de ces phénomènes rebouche la région volcanisée, et les facules, y prédominant, indiquent que les dégagements gazeux , en cessant , laissent cette portion de la surface du corps central dans un état de tranquillité relative, eu égard au bouillonnement général qui s'opère dans l'écorce et qui dissout partiellement la photosphère sur tous les points de son disque. En examinant les diverses hypothèses que l'on pourrait former sur la cause de ces éruptions, il me paraît invrai- semblable que la photosphère, par l'élévation de sa tempé- rature, ne détermine au sein des couches plus profondes de l'astre central, des explosions soudaines de gaz ou de vapeurs dilatées par l'introduction lente et graduelle de la chaleur dans son intérieur. Il faut seulement supposer que l'écorce ( 53 ) est douée au milieu d'un très-faible pouvoir conducteur comme il est en effet très-peu réfléchissant. Mais certaines lois de la physique s'opposent à ce qu'un corps, aussi long- temps plongé au sein d'une enceinte incandescente, n'ait pas acquis une température égale à celle de cette enceinte. Quoi qu'il en puisse être des deux hypothèses qui sup- posent le corps central dans un état plus ou moins incan- descent que son enveloppe, le résumé actuel est une expression pure et simple des phénomènes régulièrement observés. Dans les régions supérieures de la photosphère, les éclipses totales de cet astre ont révélé qu'une couche conti- nue de matière semi-transparente s'accumule en certain point sous forme de cône aigu dont la base repose évidem- ment sur la photosphère. Les formes soulevées qu'affectenl ces protubérances indiquent nettement que les éruptions gazeuses du corps central accidentent en pilons surplom- bants toutes les régions de la photosphère et disposent les cristaux qui la composent de mille manières. Enfin, on a reconnu que des flammes, en tout analogues à celles qu'offrent les corps terrestres, limitent les surfaces de cette matière vraisemblablement à l'état incandescent. Sur les étoiles filantes et spécialement sur la nécessité de les observer dans l'hémisphère austral. — Lettre de M. H.-A. Newton à M. Ad. Quetelet. New-Havon , 31 décembre 1861. « Le temps défavorable que vous avez eu s'est produit également ici. Durant la période des étoiles filantes de (56) novembre , le ciel était couvert partout où j'ai pris des renseignements. » A New-Haven, pendant la nuit du 12 au 15 novembre, à travers une éclaircie qui s'est maintenue pendant dix minutes environ, deux étoiles filantes ont été aperçues. A Haverford, le professeur S.-J. Gummere et cinq étudiants ont été en observation durant toute la nuit du 45 au 14 novembre, et ils n'ont aperçu, à travers un ciel nua- geux , que six traînées. A Chicago le ciel était nébuleux et mauvais, de même qu'à San-Francisco. Nous n'avons, par ce motif, rien à exposer, sinon que nous avions fait d'amples préparatifs. » Je suis entièrement d'accord avec vous dans vos expressions de regret sur ce que nous n'avons pas d'ob- servateurs sous le ciel austral. Il y a lieu d'espérer que de pareils regrets ne resteront pas longtemps stériles. » Il me semble que nous manquons également d'obser- vations faites avant le jour. Si une série , pareille à celle du professeur Smith d'Athènes, était faite, pour la nuit, deux heures avant et deux heures après minuit, et si l'on annotait soigneusement l'état du ciel dans les différentes stations, en marquant les plus petites étoiles que l'on peut aperce- voir près de la polaire; si, de plus, on rappelait la quan- tité de ciel couvert, l'éclat de la lune, etc., nous pourrions en tirer des inductions avantageuses. d Les séries des points brillants, données par MM. Greg et Herschel, de même que par le docteur Heis, sont, je le suppose , nécessairement basées presqu'en entier sur les observations du soir. Il est évident que les météores ne se- raient pas seulement plus nombreux aux heures du matin , mais qu'ils manifesteraient plus évidemment alors leurs lois de mouvement. Dans le fait, parmi les météores d'août (87 ) de l'année dernière, la radiation, en partant de Persée, était marquée d'une manière beaucoup plus tranchée une heure après minuit qu'une heure avant. » La vitesse moyenne des météores est une fonction de leur distribution pendant les heures de la nuit. Si nous supposons qu'ils arrivent, dans leurs vitesses absolues, in- distinctement de toutes les parties du ciel , nous pourrons alors calculer facilement leur vélocité d'après leur distri- bution horaire. Les matériaux que nous possédons montrent tiès-clairement que la vélocité moyenne, dans l'hypothèse mentionnée, doit être environ celle donnée dans une or- bite parabolique, et que la supposition d'un simple anneau autour du soleil, qui commence près de l'orbite de la terre et qui produit les étoiles filantes sporadiques, est impos- sible. Nous aurions besoin, toutefois, de plus d'observa- tions recueillies le matin. » De pareilles observations devraient être faites, du reste, par les mêmes observateurs et sous le même ciel que les observations du soir. Une personne voit mieux qu'une autre, et l'air est plus pur dans une partie du ciel que dans une autre. Ce qui serait nécessaire, c'est que quel- qu'un profitât de toute nuit claire, pendant une période de temps assez considérable, pour observer et pour inscrire la marche des étoiles fdantes. Serait-ce trop espérer de l'acti- vité d'un même observateur? » j'aurai soin de rappeler constamment l'importance qu'il y aurait à assurer des observations dans l'hémisphère austral; et si je puis décider des savants à nous seconder, j'aurai soin de profiter de leur obligeance. Malheureusement je n'en connais aucun qui soit en position de nous aider. » ( 58 Uecherches siw l'histologie de la moelle èpinière; par M. le docteur Gustave Boddaert, de Gand. I — De l'existence, dans la moelle èpinière, d'une connexion ANATOMIQUE ENTRE LES CYLINDRES AXILES ET LES CELLULES NERVEUSES. Le docteur Deiters, Privât docent à l'université de Bonn, avait, depuis longtemps, entrepris des recherches sur l'histologie du système nerveux central, et particulière- ment de la moelle èpinière. Le jeune savant avait observé, entre autres faits, que parmi les nombreux prolonge- ments des cellules nerveuses de la moelle, il y en avait un qui présentait une communication avec un cylindre axile. Il lui donna, pour celte raison, le nom de cxjlinder axis Fortsatz (prolongement du cylindre axile). Au mois de décembre 1863, Deiters succombait aux complications d'une fièvre typhoïde, laissant ses recherches incomplètes et inachevées. M. Schultze avait connaissance de la découverte de Deiters, et pendant mon séjour à l'université de Bonn (semestre d'hiver 1865-1864), il m'engagea à vérifier sous sa direction, l'exactitude de ces nouveaux faits. C'est le résultat de ces recherches que j'ai l'honneur de présenter «à l'Académie. L'origine des fibres nerveuses dans les organes centraux des mammifères, et surtout de l'homme , est une question sur laquelle nos connaissances sont des plus restreintes. Plusieurs observateurs ont cherché vainement à l'élucider. Pendant quelque temps même, ces travaux furent corn- (59 ) plétement abandonnés, par suite de la structure compliquée des organes. Deux opinions toutefois se sont produites sur le mode de communication des cellules nerveuses avec les fibres à double contour : aujourd'hui encore, toutes deux ont leurs partisans. D'après le plus grand nombre des histologistes, tous les prolongements des cellules nerveuses se transfor- meraient à une certaine distance en fibres à double con- tour; tandis que d'autres auteurs, admettent avec R.Wag- ner (1) cette transformation pour un ou tout au plus pour deux prolongements de la cellule. Aucune de ces deux opinions ne repose cependant sur des recherches assez complètes pour être admise comme parfaitement démon- trée : Kôlliker a traduit son sentiment à cet égard par la phrase suivante : « Und glaube ich nicht, dass lemand .sich rûhmen darfeinen solchen Ursprung wirklich gesehen zu haben (2). En effet, les observations produites jusqu'ici sont fort peu concluantes. Il était donc utile, pour ne pas dire néces- saire, de soumettre la question à une nouvelle et conscien- cieuse étude. L'emploi de méthodes rigoureuses était le seul moyen d'arriver à des résultats précis et à l'abri de toute critique. Jusqu'ici l'étude anatomique de la moelle, de ses éléments et de leurs rapports , avait été faite géné- ralement sur des coupes de cet organe. Ces méthodes, utiles pour certaines recherches, ne pouvaient nous être d'aucun secours pour la vérification du fait que nous avions en vue. A l'exemple de Deiters, nous avons fait toutes (1) Wagner, dans les Icônes physiologicae de Ecker. PI. XIV . fig. in VI, VII. (2) Kôlliker, Handbuch der Gewebelehre , 1862, p. 533. ( 60 ) nos observations sur des cellules dégagées, aussi complè- tement que possible, de la neuroglie qui les entoure. Pour arriver à ce résultat, nous avons procédé de la manière suivante : Nous soumettons d'abord la moelle à l'action de faibles solutés d'acide chromique, pour que la désagrégation de ses éléments soit plus facile. La solution dont nous avons fait le plus fréquemment usage (1), contient */io à Via de grain d'acide chromique par once d'eau distillée. La moelle épinière du bœuf ou du cheval (2) est prise aussi fraîche que possible, et coupée au moyen d'un rasoir en tranches d'environ un centimètre à un centimètre et demi de lon- gueur. Ces tranches sont soumises à l'action du soluté d'acide chromique pendant six ou huit jours. Les premiers jours , on a soin de renouveler le liquide après une action de vingt-quatre heures. Les tranches ne doivent point être en nombre trop considérable pour une certaine quantité de liquide : en général, nous mettons trois ou quatre tran- ches par once de solution. Les tranches se gonflent légè- rement : au bout de six à huit jours, l'isolation peut être tentée. A cet effet, au moyen d'une aiguille à pointe un peu large (comme le sont les aiguilles à cataracte par exemple), on enlève une petite portion de la substance grise de la moelle. Puis, avec des aiguilles fines, on divise cette portion en parties aussi ténues que possible. Ce travail, (1) Deilers employait, paraît-il, une solution contenant 'so de grain d'acide chromique par once d'eau distillée. Ces solutions, dont nous avons fait usage au début, ramollissent fortement les tissus et rendent leurs éléments très-fragiles. (2) Nos recherches, jusqu'ici, ont exclusivement porté sur les moelles épinières du boeuf el du cheval. (61 ) exécuté avec soin et prudence, permet d'obtenir des cel- lules suffisamment isolées. Toutefois, il est bon d'être pré- venu que la réussite n'est point la règle. Les cellules isolées peuvent être conservées dans une so- lution de chlorure de calcium ou dans de la glycérine. Nous avons préféré employer cependant, une solution de */io de grain d'acide chromique par once d'eau distillée. Ce liquide présente ce grand avantage sur le soluté de chlorure de cal- cium et sur la glycérine, de ne point faire pâlir les cellules. Nous avons fait l'essai de quelques autres substances pour obtenir une désagrégation facile et complète des élé- ments de la moelle. Le bichromate de potasse en solution de deux grains par once d'eau distillée, l'eau amniotique, additionnée de quelques gouttes de teinture d'iode, ou d'une solution d'iode dans l'acide iodhydrique, sont les liquides que nous avons employés dans ce but. Toutefois, les cellules nerveuses étaient en général plus complètes, après une macération dans les solutés d'acide chromique. Aujourd'hui nous en faisons presque exclusivement usage. Avant de passer à la description de la connexion anato- mique du cylindre axile avec la cellule nerveuse, nous croyons utile de décrire succinctement la cellule nerveuse telle qu'on l'observe dans la moelle épinière. Nous n'avons point cependant l'intention de faire une description com- plète de cet élément (1), nous nous bornerons à donner l'explication des termes nouveaux, dont nous comptons faire usage dans la suite de ce travail. La cellule nerveuse est constituée par une substance (1) Notre second mémoire traitera des éléments nerveux de la moelli Nous y donnerons une description détaillée des cellules nerveuses, dont est question ici. ( 62) fondamentale homogène, transparente, légèrement colorée en jaune, dans laquelle sont disséminées de nombreuses granulations. La forme de cette matière est variable, et la différence qu'elle présente sert de base à la distinction des parties cellulaires. On distingue dans la cellule deux par- ties ou deux formes principales : la forme de la matière disposée autour du noyau, et celle de la substance cellulaire à une certaine distance de celui-ci. La première présente une grande variabilité dans les di- verses cellules. Souvent régulière, sa forme se rapproche alors de celle de la sphère; mais, dans bien des cas, sa configuration complexe ne permet point d'être ramenée à une figure géométrique. Malgré cette irrégularité, elle pos- sède comme caractère général, une disposition en masse, en agglomération. D'après ce caractère, nous l'appelons matière ou partie onkomorphe de la cellule nerveuse. La forme onkoïde de la matière nerveuse change à une certaine distance du noyau. La substance se dispose en filaments variables en nombre et en volume. Jusqu'ici, on avait caractérisé cette disposition par le nom de prolonge- ments. Nous avons préféré, pour faire concorder nos déno- minations, la désigner sous le nom de matière ou partie inomorphe de la cellule nerveuse. La transition de la matière onkomorphe à la matière inomorphe , s'établit au moyen d'une petite portion de ma- tière de forme spéciale, à laquelle nous donnons le nom de matière ou partie commissurale de la cellule nerveuse. Quelques auteurs ont paru attacher une signification cel- lulaire à la partie onkomorphe. Rien n'est plus inexact. Cette matière n'est qu'une partie de cellule, comme la ma- tière inomorphe; et même, nous pourrions ajouter qu'elle n'en constitue qu'une partie très-restreinte. A chaque cellule nerveuse aboutit un cylindre axile. Le (65) cylindre axile qui vient se mettre en communication avec la cellule nerveuse, ne se termine jamais à la matière on- komorphe, mais s'unit toujours d'abord à une partie d'ap- parence inomorphe. Deiters la considérait comme un prolongement, et l'appelait le prolongement du cylindre axile. Toutefois la configuration et la composition spéciale que sa matière présente, ainsi que son rôle anatomique, autorisent, nous semble-t-il, une dénomination particu- lière. Nous l'appellerons le connectif du cylindre axile. L'existence du connectif est constante pour chaque cel- lule nerveuse. Tous les éléments cellulaires à partie onko- morphe présentent une connexion avec un cylindre axile. C'est dire suffisamment, que les petites cellules nerveuses des cornes postérieures ne font pas d'exception sous ce rapport. Toutefois, comme nous le verrons, le volume du connectif, dans ces éléments, est moins considérable que dans les cellules des cornes antérieures. Le connectif du cylindre axile est toujours unique. Malgré nos nombreuses observations, nous n'avons jamais pu constater l'existence de plus d'un connectif pour chaque cellule nerveuse. A chacun de ces éléments, vient donc se terminer un seul cylindre axile. Le connectif fait suite dans la presque généralité des cas à une portion de matière onkomorphe. Dans quelques rares cellules cependant, on ne peut observer avec précision l'existence d'une pareille union. Ainsi, dans la cellule reproduite par la première planche, la distinction de la forme à laquelle aboutit le connectif présente assez de difficultés. Le connectif semble s'y réunir à une portion commissurale au moins d'une partie ino- morphe. Dans une autre cellule, nous avons pu constater la communication d'un connectif d'un côté avec une partie manifestement inomorphe, de l'autre avec la partie onko- (64) morphe. C'est le mode d'union le plus prononcé, qu'il nous a été donné d'observer, d'un connectif avec une partie ino- morphe. On peut donc dire que, généralement, le connectif fait suite à une portion de matière onkomorphe. Le connectif du cylindre axile ne présente point la même forme dans toute son étendue. Nous y distinguons trois parties, chacune de forme différente. Ces parties sont, en partant de la matière onkomorphe : la commissure, le con- nectif proprement dit, et la portion intermédiaire. Le connectif communique généralement, comme nous l'avons vu, avec la partie onkomorphe. La transition d'une forme à l'autre s'établit par la commissure. L'étendue de la commissure, toujours peu considérable, présente cepen- dant une fréquente variabilité. La forme s'en ressent, et les configurations différentes sont aussi nombreuses que les variations dans la quantité de matière commissurale. Tantôt peu considérable, la commissure semble manquer, et le connectif paraît aboutir directement à la matière on- komorphe. Cependant on peut encore, dans ces cas, dis- tinguer entre les deux formes une petite portion de matière à figure spéciale. Ce sont deux arcs de cercle très-petits, établissant la communication entre les contours de la ma- tière onkomorphe et ceux du connectif. — Mais dans d'au- tres cellules, la commissure est volumineuse et nettement accusée. Deux arcs de cercle très-étendus délimitent, dans ce cas, la forme de la partie commissurale. Entre ces deux extrêmes, il existe bon nombre de formes intermédiaires. Nous avons tâché de trouver la cause de ces différences, et il nous a paru que, dans les cellules où le connectif aboutissait à la partie onkomorphe dans le voisinage d'une ou de deux parties inomorphes, sa commissure pré- sentait une étendue moindre, que dans le cas où la communication du connectif s'établissait à une certaine ( «5 ) distance des parties inomorphes. Dans la cellule de la pre- mière planche, par exemple, la jonction du connectif est très-rapprochée des deux parties inomorphes. Aussi ob- serve-t-on que la commissure est très-peu étendue. Dans la cellule de la planche deuxième, la distance du connectif entre les parties inomorphes voisines est assez considé- rable. La commissure est large, relativement volumineuse, et les arcs de cercle des contours de transition sont nette- ment marqués. Le connectif proprement dit est la forme qui fait immé- diatement suite à la commissure. Dans cette partie, la ma- tière diminue peu à peu de volume, et la configuration qui en résulte est celle d'Un entonnoir très-allongé. Cette figure est constante : on la retrouve dans tous les connectifs tou- jours ta même, toujours identique. Le volume de la ma- tière onkomorphe peut être plus ou moins considérable, l'étendue de la commissure peut varier, le connectif pro- prement dit n'en conserve pas moins sa configuration spé- ciale. A côté de cette constance dans la forme , on observe encore un autre caractère. L'étendue du connectif varie fort peu dans les cellules à partie onkomorphe sensible- ment égale. Ainsi , dans les cellules nerveuses à partie onkomorphe volumineuse (tels que les éléments nerveux des cornes antérieures), il présente une étendue à peu près constante. Chez le bœuf, cette partie a une largeur d'ori- gine de 0.007 à 0.008 de millimètre , pour une longueur de 0.042 à 0.044. Chez le cheval , la largeur d'origine du counectif proprement dit est généralement de 0.006 à 0.007 de millimètre, pour une longueur de 0.039 à 0.040 de millimètre. Dans les cellules des cornes postérieures, à partie onkomorphe moins volumineuse, le connectif con- serve sa forme, mais son volume devient moindre. Ces 2"le SÉRIE, TOME XIX. 5 (66) éléments toutefois, comparés les uns aux autres, présen- tent également un connectif proprement dit d'une étendue très-peu variable. Au connectif proprement dit, succède la portion inter- médiaire. Nous lui avons donné ce nom, à cause de la tran- sition qu'elle établit entre le connectif proprement dit et le cylindre axile. Cette partie est délimitée par sa forme : la matière qui la constitue garde une même largeur dans toute son étendue. Elle se distingue, par conséquent, du connectif proprement dit, par l'absence de cette diminu- tion graduelle de volume si caractéristique dans cette dernière. La configuration de la portion intermédiaire se rapproche de la forme cylindrique. Son étendue présente encore une constance plus grande que celle du connectif proprement dit. Dans les cellules des cornes antérieures du bœuf, elle mesure 0.004 de millimètre de largeur pour 0.048 de millimètre de longueur : les mêmes cellules, chez le cheval, ont une portion intermédiaire de 0.005 de mil- limètre de largeur sur 0.054 de millimètre de longueur. Dans les cellules nerveuses du cheval , la longueur de la portion intermédiaire est donc un peu plus grande que chez le bœuf. Le cylindre axile vient se terminer à la portion intermé- diaire : la largeur de cette dernière est toujours moindre que celle des cylindres axiles qui y viennent aboutir. Ainsi, des cylindres axiles de 0.006 à 0.007 de millimètre de lar- geur se mettent en communication avec des portions inter- médiaires de 0.0035 à 0.004 de millimètre. Entre ces deux éléments, l'union se produit par une petite portion de ma- tière qui diminue de volume, du cylindre axile vers la portion intermédiaire. Autant que nous avons pu nous en assurer, cette diminution n'a lieu que dans le sens de l'aplatissement du cylindre axile. Du moins, n'observe-t-on ( 67 ) pointée rétrécissement, lorsque le cylindre axile ne présente pas sa partie aplatie à l'observateur. La matière qui con- stitue la partie rétrécie, nous la rapportons au cylindre axile, et nous donnons à cette portion le nom de tête du cylindre axile. La tête du cylindre axile est très-courte : elle a une longueur de 0.004 à 0.006 de millimètre. Sa forme est celle d'un cône très-petit, tronqué à ses deux extrémités. La matière du connectif possède une structure identique à celle du cylindre axile. Cette matière, comparée à celle de la cellule et surtout à celle de la partie onkomorphe, présente une composition complètement différente. La matière du connectif, à de faibles grossissements, paraît complément homogène , tandis que celle de la cellule est manifestement granulaire. L'homogénéité du connectif ré- sulte de la diminution et du nombre et des qualités réfrin- gentes des granulations. Les granulations, toutefois, ne disparaissent point complètement de la substance du con- nectif. Par des grossissements convenables, on peut s'as- surer que l'homogénéité n'est qu'apparente, et que les granulations, moins réfringentes et moins nombreuses, persistent cependant dans cette matière. Outre l'homo- généité, le connectif possède encore une réfringence plus grande que la matière cellulaire. La lumière étant moins fréquemment brisée par les granulations, les qualités ré- fringentes de la substance fondamentale deviennent plus manifestes dans le connectif. Ces caractères, on le sait, sont ceux de la substance du cylindre axile même. La structure de la matière ne permet point d'établir de diffé- rence entre le connectif et le cylindre axile : la forme seule sert de caractère distinctif entre ces deux éléments. De ce côté donc, la délimitation ne repose que sur une diffé- rence morphologique. La distinction du conneclif d'avec ( 68 ) la matière onkomorphe repose, au contraire, sur une double différence. Les formes, comme la structure des substances, sont complètement distinctes. Nous venons de voir que la structure du connectif dif- fère totalement de celle de la substance cellulaire propre- ment dite. Cette différence n'apparaît point brusquement : cette transformation s'établit, au contraire, par degrés. L'observation démontre que les granulations deviennent peu à peu moins apparentes, et que les caractères spéciaux de la substance du connectif se dessinent graduellement. La transformation est complète, dès que la matière a acquis la forme du connectif proprement dit. Le change- ment s'opère à peu près exclusivement dans la commis- sure, et c'est dans cette partie qu'on observe l'altération graduelle. Quelques histologistes ont voulu généraliser l'opinion de Lieberkiihn (!) et de G. Wagener (2) sur la termi- naison des cylindres axiles aux noyaux cellulaires. Les observations de ces deux auteurs ne peuvent point s'ap- pliquer aux cellules de la moelle épinière. Dans aucun de ces éléments, nous n'avons pu observer un rapport pareil. Il se pourrait, toutefois, que la connexion avec le noyau fût établie d'une autre manière : que dans la commissure, par exemple , ou même dans la matière onkomorphe , il existât des éléments analogues à ceux qui , d'après les re- marquables recherches de Kùhne, servent de communi- cation des cylindres axiles avec la substance musculaire. (1) Lieberkiihn, De Structura Gangliorum penitiori. Berol., 1849. (2) G. Wagener, Uber Zusammenhang des Kerns und Kernkôrpers der Ganglienzelle mit dem Nervenfaden. (Zeitschrifl flir wissench. Zoologie, Bd. VIII, p. 455.) ( 69 ) Nous avons commencé des recherches dans ce sens, et nous espérons les voir aboutir. Le connectif du cylindre axile présente, avec les parties inomorphes, certaines différences que nous croyons utile de signaler. Nous avons vu déjà que la matière du connectif possède une structure complètement distincte du reste de la sub- stance cellulaire. Nous avons eu soin de faire ressortir les caractères différentiels que le connectif présente sous ce rapport. La forme est un second caractère distinctif. Le connectif présente des variations dans sa forme dont on ne ren- contre point les analogues dans les parties inomorphes. Seule, la commissure existe dans les deux parties : encore, dans cette portion, est-il possible de trouver des diffé- rences. Ainsi, le connectif du cylindre axile ne présente point les stries que les parties inomorphes possèdent dans leur commissure. La figure et le volume constants des diverses formes et de la forme générale du connectif contrastent avec la va- riabilité qu'on observe , sous ce rapport , dans les parties inomorphes. Les caractères deviennent de plus en plus tranchés à mesure que le connectif se rapproche de sa ter- minaison : la comparaison , à une certaine distance, devient môme complètement impossible. Le connectif n'a jamais une longueur aussi considérable que les parties inomorphes; et, dans aucune cellule, cette partie ne présente les divisions dichotomiques des parties inomorphes. Par cet ensemble de caractères, le connectif du cylindre axile se distingue suffisamment des parties inomorphes, pour justifier la dénomination spéciale que nous lui avons donnée. ( 70 ) Un mot encore sur le cylindre axile. Cet élément pré- sente le remarquable caractère d'être complètement dé- pourvu de substance médullaire à son extrémité centrale et dans une grande partie de son étendue. Nous ignorons à quelle distance de la cellule les cylindres axiles qui y aboutissent acquièrent une enveloppe médullaire. La diffi- culté de poursuivre ces éléments ne nous a pas permis de nous assurer dans quelle région de la moelle les carac- tères des libres nerveuses à double contour commençaient à apparaître. Plusieurs de nos préparations démontrent l'existence du cylindre axile dépourvu de moelle dans une étendue de deux à trois millimètres. Cette existence des cylindres axiles à l'état isolé , dans la moelle épinière, vient démontrer, une fois de plus, l'erreur des histologistes qui admettent la formation de cet élément au dépens de la substance médullaire ner- veuse. En terminant ce travail, qu'il nous soit permis de té- moigner toute notre gratitude à M. Schultze, le savant professeur de l'université de Bonn, pour les conseils qu'il nous a prodigués pendant nos recherches. Son savoir et son expérience ont été pour nous un guide précieux, dont nous nous plaisons à reconnaître toute l'importance. L'intérêt que i\i. Virchow a porté au succès de notre travail nous fait un devoir de l'en remercier. Sa bienveil- lante intervention nous a permis d'étendre nos observa- tions et d'ajouter à notre travail quelques recherches comparatives. Nous avons continué nos recherches sur l'histologie de la moelle épinière dans le laboratoire de l'Institut patholo- gique de Berlin. Nous ne saurions trop remercier M. Kùhne de l'obligeance et de la sympathie qu'il nous a témoignées pendant nos études. Bult.ifcl'Jcv&Jlûy. KwtMX<2Tsw<',p«r 7*- Pl\ - ••• ■ ■-'/sicaJJi /?///////• /'Jr,/,/. fît/y " Y/. / 'F?'.* W<'./«tar7i pi If. ■ C" ) Les planches qui accompagnent ce travail sont des épreuves photographiques que M. Neyt a eu la bonté de faire d'après nos préparations. M. Neyt s'est chargé de l'exécution de ce travail avec un empressement dont nous lui témoignons publiquement toute notre reconnaissance. Ces admirables épreuves, faites pour nous avec un soin particulier, sont d'un mérite supérieur au meilleur dessin. Tous les détails anatomiques de nos préparations ont été reproduits avec une netteté et une exactitude qui ne lais- sent rien à désirer. Nous ne nous étendrons point sur l'appui précieux que ces reproductions viennent apporter à notre travail. Nous laissons les honorables membres de l'Académie juges de son mérite : pour nous , nous avons été heureux de pouvoir présenter à leur judicieuse appré- ciation des planches d'une valeur démonstrative égale à celle de nos préparations. EXPLICATION DES PLANCHES. (Les lettres désignent les mêmes formes anatomiques dans les deux planches). Planche I. Cellule nerveuse des cornes antérieures de la moelle épinière du bœuf. Planche IL Cellule nerveuse des cornes antérieures de la moelle épinière du bœuf. A. Partie onkomorphe de la cellule nerveuse. G G. Parties inomorphes. H. H. Commissures de parties inomorphes. B. -E. Connectif du cylindre axile. B. Commissure du connectif. C. Connectif proprement dit. D.-E Portion intermédiaire. E. Tête du cylindre axile. F. Cvlindre axile. ( 7â) Sur la constitution intérieure des corps; par M. Yalérius, professeur à l'Université de Gand. Pour se rendre compte des propriétés des corps, on admet que leurs particules sont constamment soumises à deux genres de forces : les unes attractives , qui tendent à les rapprocher, et les autres répulsives, qui les solli- citent, au contraire, à s'éloigner les unes des autres. On est généralement d'accord pour considérer les forces attractives dont il s'agit comme émanant des particules elle-mêmes. Quant aux forces répulsives, la plupart des physiciens les attribuent à la chaleur. C'est ce que mon- trent les citations suivantes, empruntées aux ouvrages les plus récents. Voici, par exemple, comment s'exprime le savant M. Daguin, dans son Traité de physique théorique et expé- rimentale, 2e édition, t. I, p. 141. « La force attractive » paraît appartenir en propre aux molécules des corps. Il » n'en est pas de même de la force répulsive. Celle-ci » dépend de la cause de la chaleur. » M. Tyndall, dans ses remarquables leçons sur la cha- leur considérée comme un mode de mouvement, p. 59 de la traduction de M. l'abbé Moigno, s'exprime dans le même sens : « Les particules solides, dit-il, sont retenues ensem- » ble par la force de cohésion; elles sont éloignées les » unes des autres par la chaleur : voilà les principes anta- » gonistes dont dépend l'état d'agrégation moléculaire des » corps. » M. J, Millier n'est pas moins explicite. « Comme la cha- d leur, dit-il, fait passer les corps solides à l'état liquide d et les liquides à l'état de vapeur ou de gaz , et que dans ( 73) » ceux-ci la force expansive est considérable, on admet » que c'est la chaleur qui s'oppose à ce que les molécules » des corps se rapprochent jusqu'au contact, ou en d'au- » très termes, on admet que la force répulsive intermolé- » culaire n'est autre que la chaleur (1). » M. Jamin nous paraît être le seul auteur moderne qui ne se prononce pas sur la nature de la force répulsive. « On ne sait pas davantage, dit-il, quelle est la nature » ou les lois de variation de cette force répulsive que nous » venons d'imaginer; seulement on reconnaît la nécessité » de l'admettre, sans avoir la possibilité d'en connaître la » cause, afin de se représenter comment il se peut que » les molécules puissent se tenir à distance, en équilibre » entre des forces opposées (2). » Il résulte de ces citations, qu'il serait facile de multi- plier, que la plupart des physiciens considèrent, ainsi que nous le disions plus haut, la chaleur comme la cause qui maintient à distance les unes des autres les molécules dont se composent les corps. Cependant , cette opinion nous paraît devoir être aban- donnée, car elle n'est pas en rapport avec les idées que l'on se fait actuellement sur la nature de la chaleur. En effet , les physiciens ne voient plus dans la chaleur une substance, le calorique, mais un mouvement vibratoire des molécules des corps pondérables. Or, tout mouvement vibratoire suppose une position d'équilibre autour de laquelle il a lieu. Par conséquent, si la chaleur est due à un pareil mouvement des molécules pondérables, celles-ci (1) Lehrbuch der Physik und Météorologie, 6e édition, t. I, p. 30; 186-2. (2) Jamin, Cours de Physique de l'École polytechnique, t. I, p. 131 ; P^ris, 1863. ( 74 ) doivent être en équilibre indépendamment de cet agent. La force répulsive intermoléculaire ne saurait donc avoir pour cause la chaleur. C'est ce que l'illustre professeur de l'École polytechnique paraît avoir senti lorsqu'il a écrit les lignes que nous avons extraites de son remarquable ouvrage. Mais faut-il adopter la prudente réserve dont il fait preuve et s'abstenir de formuler une opinion quel- conque sur la nature de la force répulsive dont il s'agit? Nous ne le pensons pas. Nous croyons, au contraire, que dans l'état actuel de la science on a des données suffi- santes, sinon pour résoudre la question, au moins pour présenter, à cet égard, une hypothèse qui , si elle n'est pas exacte, a cependant l'avantage, précieux dans l'enseigne- ment, de pouvoir servir à coordonner les principaux faits relatifs aux propriétés fondamentales des corps. C'est ce que je me propose de montrer dans le travail que je viens soumettre à l'examen bienveillant de l'Académie. Pour expliquer les propriétés de la lumière, les physi- ciens admettent que les atomes de l'éther se repoussent mutuellement et sont attirés par les molécules pondérables des corps (1). On a conclu de là que dans les corps chaque molécule doit condenser autour d'elle une atmosphère d'éther dont la densité va en décroissant à partir de la sur- face de la molécule qu'elle enveloppe. Les atmosphères d'éther ainsi condensées autour des molécules pondérables devront évidemment se repousser les unes les autres, et c'est cette répulsion qui nous semble constituer la force qui lutte avec l'attraction moléculaire et maintient les mo- (1) Voir, entre autres, Béer, Introduction à In haute optique . traduite par M. Forthomme; Paris, 1858. ( 75 ) fécules à distance les unes des autres dans les corps (1). Cette répulsion est indépendante de la chaleur. Les corps seraient refroidis jusqu'au zéro absolu, leurs molécules cesseraient de vibrer, qu'elles ne se mettraient pas encore en contact réel, comme le disent la plupart des auteurs. Voilà l'hypothèse d'où nous parlons. Voyons maintenant jusqu'à quel point elle se prête à l'explication des princi- pales propriétés des corps. Toutefois nous croyons devoir faire remarquer auparavant que nous ne sommes pas le premier qui tente cette entreprise, mais que M. Wiener (Die Grundzùge der Weltordnuncj; Leipsig, 1863) nous a précédé dans cette voie. Seulement, le savant professeur de Carlsruhe part d'un principe diamétralement opposé à celui qui sert de base au présent travail. En effet, il admet que les atomes pondérables exercent une action répulsive sur les atomes de l'éther, tandis que nous admettons, avec la grande majorité des physiciens, que cette action est, au contraire, attractive. A l'appui de notre manière de voir nous pouvons citer les expériences de M. Fizeau sur la vi- tesse de la lumière dans les milieux transparents. Ces ex- périences , en elfet , semblent prouver que la densité de l'éther est plus grande dans les milieux pondérables que dans l'éther libre, comme cela doit être si les molécules pondérables attirent les particules de l'éther. Quant à M. Wiener, nous croyons qu'il serait fort embarrassé de citer un seul fait à l'appui de son opinion. (1) L'idée d'attribuer à l'éther la force répulsive intermoléculaire se trouve déjà énoncée dans un travail récent de Fecliner, mais l'auteur se borne à l'avancer, sans essayer de la mettre en rapport avec les propriétés générales des corps. Voici du reste le litre de l'ouvrage dont il s'agit : Die ntnmrnh'hrp , 1K64. Fig. 1. ( 76) Cela dit, occupons-nous d'abord des trois états des corps. Concevons une seule molécule pondérable A, enve- loppée de son atmosphère d'éther et isolée dans l'espace, au milieu de l'éther isotrope qui remplit le vide. La constitution de cette at- mosphère dépendra évidemment de la forme de A. Considérons seulement le cas où la molécule A est supposée sphérique, comme le représente la fig. I . Dans ce cas, son atmosphère aura une constitution analogue à celle de l'atmosphère terrestre : elle sera composée de couches sphériques, homogènes, concentriques et de densités décroissantes à partir de la surface du foyer d'attraction. Soit r le rayon de cette at- mosphère; r sera évidemment égal à la plus grande dis- tance à laquelle puisse s'exercer l'attraction de A sur un atome d'éther. Nous admettrons que cette distance est au moins trois fois plus petite que le rayon de la sphère d'activité de l'attraction qui s'exerce entre deux molécules pondérables; de sorte que si D représente ce dernier rayon, D sera plus grand que or, ou au moins égal à cette quan- tité. Nous admettrons, en outre, que le rayon D' de la sphère d'activité de la répulsion entre deux atomes d'éther est égal à D, ou au moins qu'il n'en diffère pas notablement. On est maintenant assez généralement d'accord pour admettre que l'attraction moléculaire s'exerce d'après la loi de Newton, c'est-à-dire que son intensité est en raison inverse du carré de la distance. Quant à l'attraction que les molécules pondérables exercent sur les atomes de l'éther, on la considère également comme obéissant à la ( "i ) même loi. Telle est du moins l'opinion de M. Ch. Briot, qui a traité cette question par le calcul dans un remar- quable travail qu'il vient de publier sous le titre : Essais sur la théorie mathématique de la lumière (Paris, Mallet- Bachelier, 1864). Mais il n'en est point ainsi de la répul- sion qui se manifeste entre les atomes de l'éther. D'après M. Ch. Briot, cette force serait en raison inverse de la sixième puissance de la distance. Fig. 2. Cela posé : rapprochons de la molécule A, fig. 2, une autre molécule B, de même substance et pareillement en- veloppée de son atmosphère d'éther de rayon r. Tant que la distance entre les points F et G les plus rapprochés des deux atmosphères sera égale ou supérieure àD', les atomes de ces deux atmosphères n'exerceront aucune action sen- sible l'une sur l'autre; les molécules A et B ne s'attireront pas non plus, puisque leur attraction mutuelle ne se ma- nifeste qu'à des distances égales ou moindres que D. Mais du moment que la distance FG sera devenue égale à D' , les atomes d'éther situés en F et G commenceront à se re- pousser mutuellement. Voyons ce qui va se passer, à partir de ofctte position , jusqu'à celle où la distance FG sera devenue égale à r, et où commencera l'attraction ( <8) entre les molécules pondérables A et B. On voit d'abord qu'à mesure que les deux atmosphères se rapprochent, le nombre des atomes d'éther qui se trouveront l'un de l'autre à une distance moindre que D' augmentera. Par suite de cette circonstance seule , la répulsion entre les deux atmosphères doit donc augmenter à mesure qu'on les rapproche. Mais il y a une seconde circonstance qui concourt avec la première à produire un accroissement considérable de la force répulsive entre les deux atmos- phères : c'est la loi rapide suivant laquelle augmente la force répulsive entre deux atomes d'éther quand on di- minue la distance qui les sépare et que nous avons énoncée plus haut. Pour montrer l'influence de cette circonstance sur l'intensité de la répulsion entre les deux atmosphères lorsqu'on les rapproche, considérons une sphère d'éther homogène ou composée de couches concentriques homo- gènes agissant par répulsion sur un seul atome d'éther extérieur m qui se trouve à une distance d du centre de la sphère. Du point m, comme centre et avec un rayon égal à d, décrivons une sphère. La surface de celle-ci divi- sera la sphère d'éther en deux segments inégaux. On sait que si la répulsion de tous les atomes de la sphère d'éther sur m était en raison inverse du carré de la distance, la répulsion totale exercée sur m serait en raison inverse de d2, c'est-à-dire qu'elle serait la même que si tous les atomes de la sphère d'éther étaient placés au centre de cette sphère. Par ce transport, les atomes moins nom- breux du petit segment perdraient donc autant en force répulsive que les atomes plus nombreux du grand seg- ment gagneraient par leur rapprochement de m. Cette compensation n'aura évidemment plus lieu si M répulsion entre deux atomes d'éther décroît dans un rapport plus ( <(J) grand quand la dislance augmente. On comprend donc que la répulsion de notre sphère d'éther sur m sera en raison inverse d'une puissance de d plus élevée que la se- conde. On comprend aussi que la répulsion entre deux sphères d'éther croîtra plus rapidement que suivant la raison inverse du carré de la distance des centres, lorsque les sphères se rapprochent. Tl suit de là que les deux molécules A et B ne pourront être maintenues aux distances comprises entre AB=5r et AB = 5r qu'à l'aide d'un effort extérieur d'autant plus grand que AB est plus petit, et que si, après avoir rap- proché ces molécules, on les abandonne à elles-mêmes, elles devront s'éloigner l'une de l'autre. Il en résulte aussi que si l'on considère un nombre quelconque de molécules pondérables de même nature que A et B, enveloppées chacune de son atmosphère d'éther et éloignées les unes des autres de la même quantité que les deux molécules dont il s'agit, les molécules situées à l'intérieur de la masse seront en équilibre et pourront se déplacer libre- ment dans tous les sens, pourvu que leurs distances res- tent invariables. Quant aux molécules situées à la surface extérieure de la masse, elles ne pourront évidemment rester en équilibre que si , à l'aide d'une force dirigée de dehors en dedans, on détruit la répulsion qu'exercent sur leurs atmosphères les atomes d'éther des molécules situées plus profondément. Les propriétés d'un système de molé- cules distribuées comme nous venons de le supposer exis- tent dans les gaz. On sait, en effet, que dans ces corps la cohésion est nulle, et que les molécules tendent à s'éloigner les unes des autres en vertu de ce qu'on appelle la force expansive ou élastique des gaz. ( 80 ) Supposons maintenant qu'on continue de rapprocher les deux molécules A et B. Dès que la distance qui les sépare sera devenue égale, ou moindre que D, fig. 5, ces molécules s'attireront , et elles seront en équilibre lorsque leur attraction mutuelle sera égale à la force répulsive de leurs atmosphères. Fig. 3. \ w Fig. 4. Le rapprochement pourra être continué jusqu'à ce que la distance entre A et B soit devenue égale à 2r, fig. 4, sans que les atmosphères qui enveloppent les deux molé- cules cessent d'être sensiblement sphériques. Dans un sys- tème de molécules distribuées les unes par rapport aux autres à la même distance que A et B , les molécules pour- (81 ) ront donc rouler les unes sur les autres sans tendre à revenir à leur position primitive, pourvu que leurs dis- tances mutuelles restent les mêmes. Ces propriétés des molécules se retrouvent dans les liquides et les caractéri- sent. L'état liquide existera depuis l'instant où la distance entre A et B est égale à 3r jusqu'à celui où elle est réduite à 2r, firj. A. La dilatation que le liquide est susceptible d'éprouver avant de passer à l'état de gaz est l'augmenta- tion de volume qui résulte d'un écartement r de ces mo- lécules. Lorsque la distance entre les molécules A et B, fig. 5, 6 et 7, devient moindre que 2r , leurs atmosphères tendent à se pénétrer, et il s'établit de nouvelles conditions qui rendent possible l'équilibre entre l'attraction moléculaire et la répulsion des atmosphères. En effet, d'une part, la constitution de l'éther dans la partie commune aux deux atmosphères se modiûe directement sous les influences combinées des deux molécules, et les autres parties de ces mêmes atmosphères se modifient indirectement. Ces mo- difications varient avec la distance des deux molécules. Ainsi, l'on voit dans les fig. 5, 6 et 7, que les atomes d'éther situés entre les deux molécules, dans le voisinage de la ligne des centres, sont soumis à deux attractions presque directement opposées l'une à l'autre, et par consé- quent, la densité autour de la ligne des centres doit de- venir moindre qu'elle ne l'était primitivement dans cha- cune des deux atmosphères avant leur pénétration mutuelle. Les atomes d'éther situés entre les deux molécules dans le voisinage des points d'intersection des deux atmosphères sont, au contraire, soumis à des attractions, faibles à la vérité, mais dont la résultante est plus grande que chacune d'elles en particulier, de sorte que ces atomes sont sol- 2me SÉRIE, TOME XIX. 6 (82) licites à se rapprocher de la ligne des centres et à aug- menter la densité autour de cette ligne. Mais l'accroisse- ment de densité qui en résulte paraît être moindre que la diminution occasionnée par les actions opposées des deux molécules sur les atomes d'éther avoisinant la ligne des centres. Une partie de l'éther apportée par les deux atmos- phères deviendra donc libre entre les deux molécules et se dissipera dans l'espace. Enfin, dans le cas de la fig. 7, on voit que dans les parties communes aux deux atmosphères situées l'une à gauche de A et l'autre à droite de B, la densité de l'éther devra se trouver augmentée. En tenant compte de ces diverses modifications que su- Fig. 5. 83 ) Fig. bissent les atmosphères , on reconnaîtra facilement que le nombre des atomes d'éther entre lesquels s'exerce la répulsion devient moindre, lorsque les atmosphères se pénètrent, que dans le cas où elles n'ont aucun point com- mun. En effet, si par le milieu de l'intervalle entre A et B, nous menons un plan PP , perpendiculaire à la ligne qui joint les centres des deux molécules, nous voyons de suite que celles-ci sont maintenues à distance par les répulsions qui s'exercent entre les atomes d'éther situés à droite et à gauche de ce plan. Or, le nombre des atomes situés de chaque côté du plan est évidemment d'autant plus petit que les molécules A et B sont plus rapprochées l'une de l'autre. On voit donc, d'après l'ensemble des considéra- tions qui précèdent, que, malgré l'accroissement rapide des forces répulsives de l'éther, quand la distance diminue, les deux molécules peuvent rester en équilibre entre leurs attractions mutuelles et les répulsions de leurs atmosphè- res d'éther. On voit aussi que les deux atmosphères d'éther , après leur pénétration partielle , n'en formeront plus qu'une seule, d'une constitution plus ou moins compliquée et va- riable avec la distance de A et de B. La forme de cette (84) atmosphère a une certaine ressemblance avec celle d'un ellipsoïde de révolution. Pour ce motif , et pour abréger, nous l'appelerons atmosphère ellipsoïdale, par opposition à l'atmosphère sphérique d'une seule molécule isolée. Considérons maintenant un nombre quelconque de cou- ples de molécules comme celui de A et B et entourés chacun de son atmosphère ellipsoïdale. Supposons de plus que ces couples puissent se placer les uns à côté des autres de manière à être en équilibre sous l'influence des forces attractives et répulsives qui les sollicitent respectivement. Il est évident que, dans un pareil assemblage, on ne pourra imprimer aucun déplacement quelconque au système d'un couple sans faire naître des forces qui tendront à le ra- mener à sa position primitive, c'est-à-dire sans mettre en jeu l'élasticité. Les couples de deux molécules A et B se- ront donc en équilibre, non-seulement quant à leurs dis- tances, mais aussi quant à leur orientation les uns par rapport aux autres. Telles sont les conditions d'équilibre des molécules dans les corps solides. On voit, par ce qui précède, que l'état solide commence à l'instant où la distance entre deux molécules A et B est égale à 2r, c'est-à-dire à l'instant où leurs atmosphères commencent à se pénétrer. Il aura lieu pour toute distance entre A et B comprise entre o et cette limite supérieure 2r. Seulement, il ne paraît pas que les molécules, dans les solides, parcourent toutes les distances comprises entre ces limites. L'accroissement très-rapide de la force répulsive de l'éther, à mesure que les molécules se rapprochent, pa- raît s'opposer à ce que la distance entre les deux molécules d'un couple diminue au delà d'une certaine limite. Quoiqu'il en soit, l'association des molécules par couples dans les corps solides permet d'expliquer les formes cris- (85 ) tallincs que ces corps sont susceptibles de prendre. On sait que, pour rendre compte des propriétés des cristaux, on admet que dans ces corps les molécules sont distribuées à des distances égales ou inégales suivant trois directions rectangulaires. Or, dans la théorie qui précède, ces deux sortes de groupement sont assez faciles à concevoir. Le groupement à des distances égales suivant trois directions rectangu- laires, peut se réaliser lorsque les deux molécules de chaque couple sont à une grande distance l'une de l'autre, comme dans la fig. 5, par exemple, c'est-à-dire lorsque la pénétration des atmosphères est faible. Dans ce cas, les molécules peuvent se grouper à des distances égales sui- vant chacune des trois directions rectangulaires, comme l'indique la fig. 8, mais ce groupement entraînera néces- Fig. 8. sairement à sa suite une modification plus ou moins pro- fonde dans la constitution de l'éther autour de chaque couple. Le groupement qui existe dans les cristaux du système prismatique droit à base carrée, pourra se réaliser lorsque les deux molécules de chaque couple sont plus rappro- chées, ou lorsque les atmosphères primitives de ces molé- cules se pénètrent davantage. Ce groupement est repré- senté par la fig. 9. Les atmosphères ellipsoïdales alors ne se pénètrent plus. ( 86) Mais avec des atmosphères de cette forme, il me paraît Fig. 9. difficile de réaliser le groupement des cristaux du système rectangulaire droit. Il semble que, pour obtenir ce système, il faudrait supposer des molécules polyédriques, dont chaque couple pourrait s'envelopper d'une atmosphère ayant la forme générale d'un ellipsoïde à trois axes. Si les idées que nous venons d'émettre sont exactes, il en résulte que le groupement moléculaire dans les corps solides doit dépendre de la distance des deux molécules de chaque couple, et, par conséquent, comme cette distance varie avec la température, un même corps solide doit pou- voir, suivant la température à laquelle la cristallisation a lieu, cristalliser dans des systèmes différents. Ainsi s'ex- pliquerait le dimorphisme de certains corps. Je me borne à ces indications, qu'il serait faciles d'étendre à d'autres pro- priétés des corps solides. Les considérations qui précèdent et qui nous ont déjà servi à expliquer les trois états des corps, se prêtent tout aussi facilement à l'explication de l'élasticité. Pour le montrer, considérons, par exemple, l'élasticité de com- pression. On sait que pour la mettre en jeu, il suffit de rapprocher les molécules par une pression extérieure. Or, que se passera-t-il lors de ce rapprochement? Evidem- ment les atmosphères suivront les molécules qu'elles enve- loppent; elles se rapprocheront à leur tour, et, d'après ce ( 87 ) que nous avons dit plus haut, leur répulsion mutuelle augmentera suivant une loi beaucoup plus rapide que l'in- tensité de l'attraction moléculaire. Il suit de là que, lors- qu'on abandonnera les molécules à elles-mêmes, après les avoir rapprochées par la compression, elles devront re- tourner à leur position primitive, en vertu de l'excès de la force répulsive de leurs atmosphères d'éther sur l'attrac- tion qu'elles exercent les unes sur les autres. L'élasticité de traction s'expliquerait d'une manière analogue. Reste à rendre compte de l'action de la chaleur sur les corps. On admet maintenant d'une manière assez générale que la chaleur est due à un mouvement vibratoire qui aurait lieu dans les corps. Mais, comme le remarque avec raison M. l'abbé Moigno, dans la préface dont il a fait précéder son excellente traduction des Leçons de 31. Tyndall sur la chaleur considérée comme un mode de mouvement, il règne encore une certaine incertitude sur la question de savoir quelles sont les parties matérielles qui vibrent dans les corps chauds. Le mouvement qui constitue la chaleur, demande le savant abbé, est-il particulaire, moléculaire ou atomique? Et il résout cette question en faveur des atomes, tandis qu'il attribue le son à un mouvement mo- léculaire. Nous ne saurions nous ranger tout à fait à l'avis de M. Moigno. Nous croyons, en effet, qu'il faut d'abord dis- tinguer entre les solides et les liquides, d'une part, et les gaz, d'autre part. Dans les solides, selon nous, chaque particule est com- posée de deux molécules ou de deux atomes, suivant qu'il s'agit d'un corps composé ou d'un corps simple. Pour ces corps nous admettons que le son est produit par les vibra- (88) lions des particules, et la chaleur par celles des molécules ou des atomes. Dans les liquides, le mouvement qui constitue la cha- leur semble ne pouvoir être que moléculaire. Mais dans les gaz, la chaleur ne peut plus dépendre d'un mouvement vibratoire, puisque, dans ces corps, la force élastique ne paraît pas assez grande pour produire des mouvements vibratoires aussi rapides que ceux qui constituent la cha- leur. Celle-ci y existe, si je puis m'exprimer ainsi, sous forme de mouvement rectiligne des molécules à travers l'espace. La force élastique de ces corps serait donc due à une double cause : à la répulsion des atmosphères d'éther qui enveloppent les molécules, et au mouvement en ligne droite imprimé à ces mêmes molécules par la chaleur com- muniquée. Dans l'air atmosphérique, par exemple, la force répulsive des atmosphères d'éther est détruite par la pesanteur, et c'est ainsi que naissent les pressions qu'on étudie dans l'aérostatique. Quand on chauffe un gaz ren- fermé dans un récipient fermé de toutes parts, la force élastique augmente, par l'effet du mouvement de transla- tion communiqué aux molécules, mais la force répulsive des atmosphères d'éther ne varie pas, ni le poids du gaz qui fait équilibre à cette force répulsive. L'idée d'attribuer la chaleur dans les gaz à un mouve- ment rectiligne des molécules a été mise en avant, si je ne me trompe , par M. Clausius. Elle a déjà beaucoup de par- tisans en Allemagne et en Angleterre. Mais de la manière dont elle est présentée par les auteurs , par exemple , par M. Tyndall, on serait porté à croire que la force élastique des gaz serait due exclusivement au mouvement de trans- lation de leurs molécules. Or, ce serait là une erreur que nous avons cherché à rectifier dans ce qui précède. ( 89) Quanl au son dans les gaz. il résulterait de mouvements vibratoires des molécules, produits sous l'influence de la force élastique due aux répulsions des atmosphères d'éther, et sa vitesse de propagation seule dépendrait de la double force élastique en jeu dans ces corps. Je terminerai ce travail en montrant de quelle manière on peut se rendre compte de la dilatation que les corps éprouvent sous l'influence de la chaleur. A cet effet, considérons les molécules superficielles d'un corps solide. La partie de l'atmosphère d'éther de ces molé- cules tournée vers l'extérieur du corps sera plus dense que la partie tournée vers l'intérieur. Voyons maintenant ce qui va arriver lorsqu'on chauffera le corps, c'est-à-dire, lorsque les molécules se mettront à vibrer. Nous suppo- serons que la chaleur pénètre de la surface du corps vers l'intérieur, et que toutes les molécules avant l'application de cet agent étaient immobiles et en équilibre entre leurs attractions mutuelles et la force répulsive de leurs atmo- sphères d'éther. Si le déplacement imprimé aux molécules superficielles était infiniment petit, ou au moins très-petit par rapport aux intervalles qui séparent ces molécules des molécules intérieures, on pourrait admettre que la force élastique développée par suite du déplacement est à chaque instant proportionnelle à la distance qui sépare ces mêmes molécules de leurs positions d'équilibre respectives, et les oscillations s'effectueraient autour de ces positions. Le corps ne subirait point de dilatation. Mais supposons le déplacement plus grand. A cause de l'accroissement très-rapide de la répulsion des atomes de l'éther lorsque la distance diminue, on pourra admettre que, lorsqu'une mo- lécule superficielle s'avance, en partant de sa position d'équilibre, vers l'intérieur du corps, l'excès de la force (90 ) répulsive développée par le rapprochement sur l'attraction moléculaire, c'est-à-dire la force élastique qui tend à rame- ner la molécule vers sa position d'équilibre, croît dans un rapport beaucoup plus grand que l'écart de la molécule. On pourra admettre de même que, lors du mouvement de la molécule, à partir de sa position d'équilibre vers l'extérieur, la force élastique développée est plus petite que lors du déplacement vers l'intérieur; de telle sorte que la molécule oscillera sous l'influence d'une force élas- tique plus grande dans le mouvement vers l'intérieur du corps, que dans le mouvement dirigé vers l'extérieur à par- tir de la position d équilibre. Or, il résultera évidemment de cette circonstance que l'amplitude du mouvement en dehors l'emportera sur celle du mouvement en dedans, et par conséquent que la distance moyenne de la molécule vibrante aux molécules intérieures se trouvera augmentée. Dès lors les attractions qu'elle exerçait sur l'éther situé dans l'intérieur du corps ne seront plus les mêmes que lors du repos, et la constitution des atmosphères devra se modi- fier, de façon à donner à la molécule une nouvelle posi- tion d'équilibre autour de laquelle elle oscillera en faisant des excursions très-petites, pour lesquelles la force élas- tique est proportionnelle à l'écart. Dès que les molécules de la surface se seront éloignées des molécules les plus voisines, celles-ci, aussitôt qu'elles auront commencé leur mouvement oscillatoire, s'éloigne- ront à leur tour des molécules plus intérieures, et ainsi de suite, de sorte que la dilatation se propagera de dehors en dedans à travers toute la masse du corps. Si j'ai bien compris M. Wiener, la théorie qui précède ne diffère pas essentiellement de celle qu'il expose p. 119 et suivantes de son remarquable ouvrage intitulé : Die (91 ) Grundzuge der Weltordnung et que nous avons déjà cité au commencement de ce travail. La dilatation des liquides par la chaleur s'explique d'une manière analogue. Quant à celle des gaz, elle résulte de ce que la chaleur augmente la vitesse de translation des molécules de ces corps. Si le volume ne peut changer, cet accroissement de vitesse se manifeste par un accroissement de force élas- tique du gaz chauffé. Nous ne nous dissimulons pas que, dans le travail qui précède, et qui ne doit être considéré que comme une sim- ple ébauche, il ne reste encore plusieurs points obscurs et de nombreuses lacunes. Mais , quelque imparfait qu'il soit, il aura au moins pour effet, nous l'espérons, d'appeler de nouveau l'attention des physiciens sur un sujet digne, au plus haut degré, de leurs méditations, et si cet espoir se réalise , je ne regretterai pas les peines qu'il m'a coûtées. Sur la production de l'acétylène. — Nouvelles méthodes. Par M. P. De Wilde, professeur de chimie à l'Institut agricole de l'État, à Gembloux. Il est peu de corps en chimie organique qui prennent naissance dans des conditions aussi nombreuses et aussi variées que le gaz acétylène. Mais, jusqu'à présent, aucun des modes de production connus n'a permis de le préparer facilement en quantités considérables, ce qui eût mis les chimistes en mesure d'étudier la série acétylénique, dont on connaît à peine quelques termes. Nous avons essavé de combler cette lacune; mais, (92) malgré les nombreuses expériences que nous avons insti- tuées, nous ne sommes pas parvenu à atteindre le but désiré. Toutefois, les résultats auxquels nous sommes arrivé nous paraissent présenter quelque intérêt; nous nous per- mettons de les soumettre au jugement de l'Académie. Frappé de ce fait, que la liqueur des Hollandais ne diffère de l'acétylène que par2HC/, nous nous sommes demandé si ce corps ne se dédoublerait pas sous l'influence de la chaleur en acide chlorhydrique et acétylène, comme la formule suivante l'indique : €2H*,CP = €2H2-t-2HC/. En effet, si l'on dirige la vapeur du chlorure d'éthylène à travers un tube en porcelaine chauffé au rouge vif, le dédoublement prévu s'effectue; l'acide chlorhydrique est retenu dans un flacon laveur contenant de l'eau, et l'acé- tylène est condensé dans du protochlorure de cuivre am- moniacal. Mais la majeure partie de la liqueur des Hollan- dais subit une altération beaucoup plus profonde; il se dépose beaucoup de charbon dans le tube, et en même temps, de l'hydrogène, du gaz des marais et un gaz chloré absorbable parle brome, probablement de l'éthylène chloré, prennent naissance. Nous n'avons pu préparer par ce pro- cédé, en nous plaçant dans les circonstances les plus favo- rables, que deux litres d'acétylène, en partant de cent grammes de liqueur des Hollandais. Nous n'avons pas été plus heureux en employant dans les mêmes conditions le gaz éthylène monochloré ou £2H5C/. Ce gaz, en effet, se décompose par la chaleur en donnant de l'acétylène et de l'acide chlorhydrique; mais ici encore la majeure partie de la substance se transforme en carbone, hydrogène et gaz des marais. (93 ) Nous indiquerons , pour terminer, deux modes de pro- duction de l'acétylène très-curieux, car ils ne ressemblent guère à aucun de ceux qui sont connus aujourd'hui. En effet , nous produisons un corps éminemment combustible , l'acétylène, par la combustion môme. 1° Tout chimiste connaît cette curieuse expérience, qui consiste à enflammer un mélange fraîchement préparé, d'un volume de gaz oléfiant et deux volumes de chlore. On avait admis que , dans ce cas , l'éthylène était décom- posé en charbon et acide chlorhydrique : €2 h* -*- ici — iii ci + c2. La majeure partie des matières mélangées subit effecti- vement ce mode de décomposition, mais nous avions été frappé jadis de l'odeur d'acétylène qui se produit dans cette expérience. En la répétant, il nous a toujours été facile de démontrer, au moyen du protochlorure de cuivre ammo- niacal ou de l'azotate d'argent additionné d'ammoniaque , la production de petites quantités d'acétylène. C'est en opérant dans une éprouvette à pied, ayant environ quatre centimètres de diamètre, et mélangeant deux volumes de gaz oléfiant à un volume et demi de chlore , que nous avons obtenu la production la plus abondante d'acétylène de cuivre. Nous devons ajouter que cette expérience est très- capricieuse, car tantôt on obtient à peine des traces du gaz, d'autrefois on l'obtient en quantité très-notable. 2° Lorsqu'on fait passer le gaz oléfiant à travers un tube chauffé au rouge , il se forme toujours une certaine quan- tité d'acétylène, comme l'a indiqué M. Berthelot. On devait donc prévoir que , lorsqu'un jet de ce gaz brûle, une partie à l'intérieur de la flamme devait subir la même décompo. sition. C'est ce que nous avons pu constater. Au moyen (94) d'un mince tuyau métallique ou d'un tuyau de pipe de terre, relié à un appareil aspirateur, nous avons puisé du gaz dans l'intérieur d'un jet d'éthylène allumé. Toujours nous avons constaté la production de l'acétylène en inter- posant sur le trajet du gaz aspiré un flacon contenant le réactif cuprique. La même expérience, répétée avec le gaz de l'éclairage, préalablement privé d'acétylène par son passage dans un flacon de Woulf renfermant du réactif cuprique, a donné le même résultat , comme cela était facile à prévoir. Comment l'acétylène se forme-t-il dans ce cas ? Est-ce par l'action de la chaleur sur l'éthylène ou bien par une combustion incomplète de celui-ci? Cette double cause ne pourrait-elle pas être invoquée ici? C'est ce que l'expé- rience laisse dans le doute. Nous nous permettons d'insister un moment sur ce qui précède. Le gaz de l'éclairage renferme quelque dix mil- lièmes d'acétylène qui lui communiquent l'odeur particu- lière et désagréable de ce gaz; l'acétylène , brûlant avec une flamme très-éclairante et fuligineuse, M. Berthelot a cru pouvoir attribuer à la faible quantité d'acétylène que ren- ferme le gaz de houille le rôle très-important de commu- niquer à celui-ci ses propriétés éclairantes; or, il résulte de notre expérience que ce pouvoir éclairant doit dépendre bien plus de l'acétylène qui se produit aux dépens de l'éthylène, que de celui qui existe tout formé dans le gaz de l'éclairage. (95 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 9 janvier 1865. M. Gachard, directeur. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le baron de Gerlaclie, Grandgagnage, de Ram, Roulez, Borgnet, David, De Decker, Snellaert, Haus, Bormans, M.-N.-J. Leclercq, Baguet, Ch. Faider, Arendt, Ducpetiaux, le baron Kervyn de Lettenhove, Chalon,Ad. Mathieu, membres; Nolet de Brauwere van Steeland, associé; Defacqz , correspondant. MM. Alvin et Edouard Fétis , membres de la classe des beaux-arts , assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur fait connaître que M. Alvin, directeur delà classe des beaux-arts, a été nommé prési- dent de l'Académie pour l'année courante. M. le Ministre fait parvenir aussi , pour la bibliothèque de la Compagnie, le Manuel de la Meuse, par M. Jeantin et le Vade mecum des membres de l'association internationale pour le progrès des sciences sociales, année 1864-1865, par M. Ed. Sève. ( 96 ) — La Société royale de littérature de Londres remercie pour l'envoi des publications académiques , et annonce la prochaine expédition de ses Transactions et de ses Rap- ports annuels. — M. le secrétaire de la légation du Mexique fait con- naître qu'il transmettra à la Société géographique mexi- caine et à l'Observatoire de Mexico, les ouvrages qui ont été destinés par la Compagnie à ces corps savants. M. A.-W. Crawford, consul américain, promet de faire parvenir également à l'Institut Smithsonian de Washington, les publications destinées aux sociétés savantes des États- Unis d'Amérique. — Il est fait hommage à la Compagnie de plusieurs ou- vrages publiés par ses membres : Annuaire de l'Université catholique de Louvain, 29e année, par M. de Ram; An- nuaire de l'Observatoire royal de Bruxelles , 32e année , par M. Ad. Quetelet; Recueil de mémoires et notices histo- riques, tome Ier, par M. J.-J. De Smet; Curiosités numisma- tiques, par M. Chalon. — Remercîments. — Un mémoire de M. le chanoine De Smet, membre de la classe, Sur la guerre de Maximilien, roi des Ro- mains, contre les villes de Flandres, est envoyé à l'exa- men de MM. le baron de Saint-Génois, le baron Kervyn de Leltenhoveet de Ram. ELECTION. La classe avait à élire, dès à présent, celui de ses mem- bres qu'elle voulait désigner comme son directeur pour ( 97 ) l'année 1866. M. l'aider est élu et remercie la classe pour son sympathique suffrage. Le directeur, pour l'année actuelle, M. Grandgagnage, prend possession de ses nouvelles fonctions, en proposant de voter des remercîments au directeur sortant, proposi- tion à laquelle la classe s'empresse de répondre par des applaudissements. COMMUNICATIONS ET LECTURES. MM. Leclercq et de Ram insistent sur la nécessité de nommer une commission chargée de formuler, chaque année, les diverses questions pour les concours académi- ques, et déposent, à cette effet, une proposition sur le bureau. Aux termes du règlement, une décision sera prise dans une prochaine séance. Recherches sur les anciens impôts et spécialement sur les tailles réelles; par M. Defacqz, correspondant de l'Aca- démie. § I. — Au commencement du siècle dernier, un ju- risconsulte belge, auteur estimé d'ouvrages latins et fla- mands, Wynants, en a écrit en français quelques-uns dont le style laisse beaucoup à désirer, mais dont le mérite intrinsèque fait excuser la forme incorrecte (1). L'un d'eux (1) Wynants est mort en 1732. On peut consulter sur sa vie et ses 2me SÉRIE, TOME XIX. 7 ( 98) qui, nonobstant l'utilité de sa publication à l'époque où vivait l'auteur, est resté manuscrit, a pour titre : Traité des charges publiques en Brabant (1). L'écrivain y développe son sujetsous la plupartde ses faces, en historien, en éco- nomiste, en juriste, parfois en philosophe et surtout en homme pratique; il dit en débutant : « Quoique la connaissance des règles en matière de » charges publiques soit très-importante et très-néces- » saire , et quoique cette matière fasse une partie consi- » dérable du droit public, il n'y en a cependant pas qui » soit moins éclaircie; ce qui est cause aussi qu'il n'y en » a point qui ait produit tant de procès; je crois même » qu'elle seule fait encore naître aujourd'hui plus de ques- » tions et de difficultés que plusieurs autres matières en- » semble. » La cause de l'incertitude de cette matière est pro- » venue, à mon avis, de plusieurs chefs : en premier lieu » de la variation des règles qu'on y a observées; 2° de la » diversité des sentences et arrêts ; 5° de l'ignorance des » juges et des avocats qui , ne trouvant ni livres ni au- » teurs qui traitent cette matière selon notre usage, se » sont souvent très-lourdement trompés en suivant leur » pensée ou leur expérience ; 4°.... » Ces réflexions jus- tifiées par le désordre de la législation et de la jurispru- dence dans le Brabant, s'appliquant à chacune des autres provinces, que l'on juge du chaos que forme l'ensemble et de la difficulté d'en coordonner les éléments dans une simple notice synoptique. écrits le discours de rentrée , prononcé le 15 octobre 1847, par M. De Bavay, procureur général à la Cour d'appel de Bruxelles. (1) M. Brilz, dans son Code de l'ancien droit belgique , p. 301 , rap- porte les circonstances qui ont amené la composition de cet ouvrage. ( 99 ) Il existait bien, dès le temps de Wynants, un ouvrage propre à porter quelque lueur dans ces ténèbres : c'est un livre publié àGand , sans nom d'auteur, en 1687, intitulé : Het vlaemsch zetting boeksken (1), et que De Gbewiet, en ses Institutions du droit belgique, cite comme autorité sous le nom de Traité anonyme des tailles. Mais ce traité fait spécialement pour la Flandre, régie en matière de tailles par des principes exceptionnels, est d'un faible se- cours pour le reste du pays. Antérieurement il avait paru en France , dans les œu- vres de Despeisses , un traité ex professo sur les tailles et autres impositions. Toutefois si l'on y avait recours chez nous ce n'était guère que pour confirmer l'autorité d'un principe ou d'un usage par la généralité de son applica- tion, car l'auteur écrivait sous un gouvernement dont la forme et les maximes ne s'accordaient ni avec notre droit public ni avec nos mœurs. On peut en dire autant du titre V consacré à cette matière dans le livre 1er du droit public de Domat. Le manuscrit de Wynants embrasse Y aide, les charges des quartiers, les subsides, les charges personnelles , les contributions exigées par l'ennemi. 11 expose la nature et les bases de ces impositions, les règles à suivre pour la répartition, les exemptions, le recouvrement, les pour- suites, les comptes , les jugements. § II. — Je ne me propose pas de faire connaître ces diverses espèces d'impôts et les détails qui s'y rattachent : si les recherches de Wynants et de l'anonyme flamand facilitent une partie du travail, je désespère de réunir les (1) Réimprimé à Garni en 1694 et en 1794 , et à Alost ,avec un appen- dice , en 1793. ( 100 ) données nécessaires pour les autres provinces, où il n'y a que vague, incertitude et contradiction. J'oserai bien moins encore aborder la longue série des charges ou taxes publiques, communales ou seigneuriales connues sous les noms de gabelle, accise, cueillotte, traite, tonlieu, winage, gambage, aff orage , étalage, etc. Mon but est de rassembler et de mettre en ordre les notions principales relatives aux impôts établis par la puissance publique sur les immeubles ou sur les personnes, à raison de leurs propriétés immobilières, impôts appelés commu- nément aides, subsides, vingtièmes, en Brabant beden, en Flandre pointingen en zettingen, et compris sous la déno- mination générique de tailles. Je ne parlerai des autres qu'autant que la connexité l'exigera. Disons d'abord un mot de l'origine qu'on prête à ce nom de tailles. L'opinion commune le fait dériver d'une an- cienne manière de constater le payement de l'impôt : il s'annotait, dit-on, au moyen d'une incision, coche ou entaille faite en même temps sur les parties réunies d'un morceau de bois divisé en deux dans sa longueur. Le col- lecteur retenait l'une d'elles ou la souche; l'autre, dite échantillon, restait au contribuable. C'est un mode de vérification que les coutumes d'Audenarde et de Tournai avaient admis (1) , qui se pratique encore dans la vente de certaines denrées, surtout dans la boulangerie , et dont le code civil approuve l'usage et maintient la vertu (2). Si l'on admet cette explication qui nous reporte à l'enfance de l'art des comptables , comme il y avait vraisemblablement une souche distincte pour chaque cote, pour peu que les (1) Coutumes d'Audenarde, VI, 25; de Tournai, ampliat. deJ553;a. 17 (2) Art. 1333. ( toi ) contribuables fussent nombreux, la garde et le maniement de tous ces instruments de preuve ne devaient pas être un médiocre embarras pour le receveur de l'impôt. § III. — L'aide ou taille ordinaire, qu'en France on nomme communément les aides, est l'impôt qui se paye régulièrement cliaque année. Le subside est l'impôt ex- traordinaire levé pour subvenir à l'insuffisance de l'aide. Depuis longtemps il n'avait plus d'extraordinaire que le nom, l'accessoire était passé comme le principal à l'état de charge permanente. On l'appelait aussi vingtième, parce que, dans l'origine, il était fixé au vingtième du revenu. Cependant, pour prévenir toute méprise, on re- marquera dès à présent que ces termes aides, subsides, ne conservaient pas toujours , dans l'usage , le sens primitif qui vient d'être indiqué et qu'ils s'employaient quelquefois l'un pour l'autre ou comme noms collectifs. C'est un fait constaté par notre histoire, que des sub- sides ont été accordés au prince, particulièrement en Flandre, dès le milieu du quatorzième siècle (1), même hors des quatre cas où les usages féodaux donnaient au suzerain le droit d'indire (2). Les mémoires historiques et politiques du président de Neny , qui font remonter un peu moins haut l'origine des aides, l'attribuent à l'établissement des premières troupes permanentes sous le règne de Phi- lippe le Bon. Après avoir dit que nos princes, jusqu'alors, (t) Exposition des trois États du pays et comté de Flandres , p. 52. Cet ouvrage, qui a paru sous le voile de l'anonyme en 4 711 , est de J.-P. Zamau , licencié en droit , haut échevin du pays de Waes, mort en 1728. (2) Ces cas sont : 1° chevalerie du fils aîné; 2° mariage de la fille aînée; 5° rançon du seigneur; 4° voyage d'outre mer. Voy. Lwjster van Brabant, an. 1247, p. 46 a. 2; an. 1312, p. 70 a. 1 ; an. 1362, p. 156; "Wesenbeek, perioche feucl., IX, n° 18; Bauduin sur Artois, a. 38, n°4; Ernst , Histoire du tiers état do Brabant, § V, sect. 3. ( m ) ne recevaient aucun subside des peuples , l'auteur ajoute : » Leurs domaines bien régis et bien ménagés suffisaient à » leurs dépenses et à la magnificence de leur cour; mais » pendant la guerre où Philippe le Bon vengea si glorieuse- » ment sur la France l'assassinat de son père, il commença » à tenir sur pied quelques troupes réglées pour l'entretien » desquelles les états des provinces lui accordèrent des » subsides. » Entré dans celte voie, le prince ne parvint pas ou plutôt ne chercha plus à en revenir. 11 n'y a pas de gouvernement possible sans dépenses, pas de dépenses sans ressources qui alimentent le trésor public , et pas de ressources plus régulières qu'un système d'impôts sagement conçu. Le droit d'établir des impôts a été considéré de tout temps comme inhérent à la souve- raineté. 11 appartenait donc au prince seul dans les États où celui-ci exerçait sans partage la puissance suprême : ses lettres d'octroi étaient même indispensables aux admi- nistrations locales pour demander aux habitants les sub- sides dont elles ne pouvaient se passer. § IV. — Dans nos provinces, où l'autorité du prince, à quelque titre qu'il la possédât, duc, comte, seigneur, prince ou évêque, était tempérée par les attributions de certaine représentation nationale, un principe dominait la matière des impôts publics: c'est qu'il n'en était aucun, ordinaire ou extraordinaire, qui pût être établi directement sur les personnes ou sur les biens, sans le consentement exprès des étals de la province ou celui des états généraux lorsque ceux-ci votaient l'impôt pour la Belgique entière. C'était le pays qui s'imposait librement (1). (1) Pour la manière dont los états généraux procédaienl au voto el ( 103 ) Il faut néanmoins reconnaître que ce principe n'était pas observé dans nos Pays-Bas à l'égard des droits dont on frappait certaines denrées et marchandises à l'entrée ou à la sortie du pays. Le prince était en possession de les éta- blir, de les modifier, de les supprimer à son gré, quoiqu'il ne l'ait pas toujours fait sans contradiction. Lorsque l'Artois faisait partie des Pays-Bas, les états de la province réclamèrent du gouvernement le retrait de quel- ques impôts de cette nature dont l'établissement, disaient- ils, était contraire aux lois fondamentales du pays et au traité de réconciliation de 1579, traité dont il sera bientôt parlé. Dans la principauté de Liège , la garantie du vote était demeurée entière. Le droit de douane, perçu sous le nom de soixantième denier, n'avait été décrété et n'était renou- velé tous les trois ans par le prince qu'avec le concours et l'assentiment des états (1). Le mot bede, nom flamand de l'aide et qui signifie prière, en caractérise bien la nature précaire à son origine (2). Le prince soumettait aux états d'une province la demande d'une somme dont il avait besoin pour la cause qu'il indi- quait ; les états délibéraient dans les formes qui leur étaient propres et lui accordaient, s'il y avait lieu, le plus sou- pour la répartition de la somme votée entre les provinces, voir l'ouvrage déjà cité de Zaman, chap. X , nos 5 et suiv. (1) Voir dans le précieux et beau recueil des anciennes ordonnances, dont la commission royale poursuit la puhlication, deuxième volume (1744- 1794) de la principauté de Liège, p. 254, 255, l'ordonnance du 28 mai 1753 et les notes historiques dont M. Polain a accompagné cette partie du recueil éditée par ses soins. (2) Van Espen, Jus eccles. unio., part. II , sect IV, Ut. IV, cap. III, iv- 45 et soq. (t. II, p. 98, édit. dp iToô). ( 104 ) venl pour une année seulement, les ressources reconnues nécessaires; ils indiquaient, en même temps, les bases sur lesquelles l'impôt serait assis. Tel était le procédé primitif et normal. Mais le dévelop- pement de l'état militaire, développement désordonné qui est encore dé nos jours le fléau des peuples, augmenta progressivement les dépenses et rendit inévitables l'ac- croissement et la perpétuité des charges. A la fin du sei- zième siècle et dans les premières années du dix-septième, l'aide se transforma peu à peu, dans toutes les provinces, en impôt permanent, qui se percevait chaque année, sur le pied du dernier vote. Le subside subit le même sort, de telle sorte que le vote de l'impôt ne s'exerça plus sérieu- sement depuis lors que dans les cas prétendus extraor- dinaires, mais qui se reproduisaient fréquemment, où le prince se disait forcé de recourir à des impositions addi- tionnelles. Ce droit de voter l'impôt n'a jamais été contesté aux états, pas plus dans les provinces des Pays-Bas, que dans la principauté de Liège. Lorsque d'anciennes chartes ne l'ont pas expressément consacré, il est présupposé par des actes qui en constatent l'exercice et la légitimité. Sa re- connaissance forma l'une des stipulations du traité de 1579, si connu dans notre histoire sous le nom de Récon- ciliation d'Arras. Philippe II y promit que les peuples « ne seront aucunement gabellez , taillez ny imposez au- trement ny par aultre forme et manière qu'ilz ont esté du temps et règne de nostre dit feu Sr et père Charles V, et par consentement des eslats de chacune province respec- tivement. » Plus de deux siècles après il reçut encore une confir- mation solennelle dans un autre traité de réconciliation. ( 105 ) La convention de La Haye, du 10 décembre 1790, que l'empereur Léopold ratifia le 2 janvier suivant, l'obligea lui et ses successeurs à ne jamais lever aucun impôt sur le peuple, à quelque titre que ce fût, sans l'aveu et le consentement des états. Un contrat bien plus ancien , qui limitait dans la prin- cipauté de Liège l'autorité temporelle de l'évèque, assurait aussi à la nation le droit de n'être imposée que de son libre consentement. Les historiens font remonter à la paix de Fexhe du 18 juin 1516 la participation des états à l'établissement des charges publiques. Par l'article 8 de cette capitulation célèbre, il fut convenu que les lois ne pourraient plus être changées que par le sens du pays; on entendait par là le concours de ceux qui représentaient la nation. Admis dès lors à l'exercice du pouvoir législatif, les états furent toujours appelés à voter les lois qui créaient ou modifiaient les impôts : il fallait même qu'elles eussent obtenu l'assentiment unanime des Irois ordres pour que le prince pût les revêtir du mandement d'exécu- tion, car suivant l'adage liégeois : deux états, point d'états. En général , les représentants des provinces se montrè- rent toujours appréciateurs équitables des besoins du prince et disposés, faciles même à lui prêter leur con- cours; ils savaient cependant le refuser ou le renfermer dans de justes limites, quand le devoir l'exigeait. Les gouvernants, de leur côté, respectèrent ce droit; ce ne fut que dans les temps critiques où l'ordre régulier était suspendu par le despotisme ou la conquête, que la violence extorqua le consentement des états, ainsi qu'il arriva en 1569, sous la tyrannie du duc d'Albe, ou qu'elle passa outre sans tenir compte d'un vote négatif, comme Louis XV de France le fit à Mons, en 1748. L'intendant Lucé avait ( 100 ) soumis aux états de Hainaut la demande hypocrite d'un subside de 450,000 florins. Les états crurent ne pouvoir imposer à la province , déjà épuisée par des exactions de toute espèce, qu'une charge nouvelle de 120,000 florins; mais à peine leur résolution connue, le suppôt de l'enva- hisseur déclara, de par le roi , l'impôt demandé obligatoire en totalité et en commanda le pavement immédiat. Après le vote régulier de l'impôt, un acte du prince acceptait le don, décrétait les mesures proposées et accor- dait l'octroi nécessaire pour le recouvrement. L'autorité provinciale opérait ensuite entre toutes les communautés d'habitants, villes, bourgs et villages de la province la répartition de la somme votée, puis la subdivision du con- tingent de chaque communauté (1) entre les contribuables avait lieu par les soins des gens de loi : c'est le nom qu'on donnait alors à l'administration locale. Celle-ci était égale- ment chargée de la rentrée des cotes : elle mettait la re- cette en adjudication au rabais ou commettait un collecteur qui donnait caution et dont répondaient toujours person- nellement les magistrats qui l'avaient institué (2). On suivait la même marche, quand, au lieu d'un impôt proprement dit, il s'agissait d'un don spontané ou censé tel fait au prince, à l'occasion de quelque événement, par les trois ordres ou par l'un d'eux , bien entendu que , (1) Je dis communauté et non commune, parce que cette dernière qualification ne s'appliquait pas à toutes les communautés d'habitants. Elle implique une autonomie qui n'appartenait guère qu'aux villes et à quelques bourgs. Les campagnes, presque sans exception, étaient asser- vies au joug de la puissance seigneuriale. (2) Éd. 13 sept. 1687, a. 15; 12 août 1749, a. 55; règl., 30 juillet 1672, a. 21; mandem., 31 mars 1754; Vlaemsch zetting Boeksken, XIV cap. ( io" ) dans le dernier cas, l'ordre qui avait voté le don était mis seul à contribution. J'ai dit plus haut que la députation provinciale assignait à chaque communauté sa quote-part de l'impôt : il en était autrement dans la Flandre. La répartition entre toutes les communautés de cette province était réglée d'une manière souveraine et invariable par un tableau qui déterminait la part de chacune d'elles. Ce tableau appelé transport de Flandre, remonte aux premières années du XIVme siècle; il avait été renouvelé avec beaucoup de soin en 1408 et 1517, modifié ensuite partiellement et revêtu de l'appro- bation du prince à chaque révision (1). Marchant, historien de la province, donne une explica- tion assez étrange de ce nom énigmatique de transport; quoi qu'on en puisse penser, la voici : Le comte de Flandre Robert de Bélhune, retenu déloya- lement prisonnier à Paris par Philippe le Bel, n'obtint sa liberté, en 1305, qu'au prix de dures conditions: l'une d'elles était le payement en quatre termes d'une somme de 400,000 livres outre une rente annuelle de 20,000 li- vres pour sûreté de laquelle il donna en garantie les villes de Douai, Lille et Béthune. La moitié de la rente fut, peu après, capitalisée et remboursée; pour la levée annuelle du surplus on dressa un tableau de répartition, et ce ta- bleau reçut le nom de transport lorsqu'en 1312 les intri- gues d'Enguerrand de Marigny, le même qui, trois ans après, fut pendu à Montfaucon, induisirent le comte Ro- bert à transporter à Philippe le Bel la propriété de l'hy- (1) Place, de Fland.,1^ 543 et suiv. ; III, 578 et suiv.; Zaman, p. 341, 343 ( 108 ) pothèque pour se libérer de la dette (1). Mais revenons à la cotisation des taillables. Aussitôt qu'on avait notifié aux échevins le contingent de leur ressort, ils dressaient, ou si telle était la règle lo-' cale , faisaient dresser par des commis spéciaux le rôle des imposés et des cotes individuelles. Ces préposés, nommés asseyeurs de tailles, choisis par le magistrat entre les ha- bitants de l'endroit, étaient tenus d'accepter leur mission qui ne durait ordinairement qu'une année. Le rôle ne comprenait pas toujours tous les contribuables du lieu; en certaines provinces le clergé ou la noblesse ou même l'un et l'autre ne souffraient pas qu'on les confondit avec le commun de la nation; ils avaient leur taxe, leur rôle, leur comptabilité à part. C'est ainsi qu'ils avaient pro- cédé autrefois, lorsque, affranchis des tailles, ils accordaient au prince un subside volontaire; assujettis plus tard aux charges périodiques, ils retinrent les formes anciennes de la répartition et de la collecte. Le gouvernement, qui dési- rait la fusion et l'unité, n'osait prendre l'initiative; il crai- gnait de heurter les préjugés de corps influents dans l'État et d'ailleurs appelés à voter les subsides. Ce ne fut que sous l'empire de Marie-Thérèse qu'il surmonta ces scru- pules et qu'il abolit, dans le Luxembourg, en 1771, la matricule particulière du clergé. Pour cotiser les biens-fonds, les rédacteurs du rôle sui- vaient les données fournies par des matricules, dénombre- ments, rapports ou cahiers qui dataient pour la plupart des premières levées de l'aide, et qui spécifiaient les propriétés (1) Marchant, Flandria, 1. I, v° Teneramonda ; d'OudeghersMwi. de Flancl , chap. 141 n suiv. ; Zaman, p. 35, n°3 5 el 6; Panckoucke. Abrégé chronol. de Vhist.de Fkmd., ann. 1305, 1312. ( 109 ) (elles qu'on les connaissait alors. On se ligure aisément la quantité d'erreurs que (levait entraîner l'application aveugle de ces bases immuables à des éléments que le temps, les vicissitudes de la propriété et la transformation des fonds altéraient tous les jours, et que d'ailleurs la fraude muti- lait audacieusement : qu'on juge de ce qu'elle osait et de ce que l'autorité laissait faire par ce trait rapporté dans l'ouvrage de Wynanls : des villages du Brabant qui, au dé- nombrement de 1686, contenaient environ 400 bonniers imposables, en représentaient à peine 250 sur le livre d'assiette à l'époque où Wynants écrivait, c'est-à-dire une quarantaine d'années après le dénombrement; et cepen- dant le territoire n'avait pas cbangé d'étendue (1). Les plaintes que cbaque levée faisait éclater étaient presque toujours inutiles lorsqu'elles attaquaient les vices de la matricule; on considérait celle-ci comme inviolable; on reculait devant la dépense et les embarras du renou- vellement des cahiers, et la crainte qu'une réclamation accueillie n'ouvrît la porte à mille autres faisait maintenir avec leurs abus les errements surannés. Voilà comme on entendait alors l'administration et la justice (2). Peut-être le pouvoir se serait-il montré moins inerte si le fisc avait gagné quelque chose au changement, mais il était désintéressé dans l'opération , le subside voté lui était dû en totalité , le nombre plus ou moins grand des per- sonnes ou des propriétés qui y contribuaient, leur cotisa- tion plus ou moins équitable n'ajoutaient donc rien à ses ressources et n'en retranchaient rien. La quotité que l'in- (1) Tit. des rôles, chap. I, V. 5e moyen. (2) Pollet, arr. du pari, de Fland., III, arr., 22; arr. 121, n°» 5 et 4; De Baralle, arr. 56; Patou,Sur la coût, de Lille, t. III, p. 357, n°» 36 et suiv. ( 110 ) solvabilité absolue et avérée des débiteurs laissait en souf- france dans une collecte allait, lors de la levée suivante, s'ajouter à la contribution de la communauté, pour être reportée sur les imposés solvables. Cependant la réforme fut souvent projetée, quelquefois entreprise, et il n'est pas sans exemple qu'elle ait été mise à fin. Dans le Brabant le redressement des cahiers qui ser- vaient depuis 1527 fut, après un siècle et demi, ébauché à plusieurs reprises. Une ordonnance du 2 janvier 1680, qui prenait pour base une déclaration à fournir par les contribuables et qui manqua son effet, fut suivie, le 25 juillet 1683, d'une autre qui choisit une voie plus sûre en prescrivant le cadastre parcellaire de toute la province; elle proclama dans son préambule l'urgence de cette me- sure en reconnaissant, qu'en bonne justice, il était impos- sible de faire la répartition des subsides et autres subven- tions sur le pied des anciens cahiers. L'opération fut enfin terminée en 1686, et l'année suivante parut un règlement général sur la formation du livre d'assiette, le recouvre- ment, les poursuites et les comptes. Abandonnées sans contrôle sérieux aux gens de loi chargés de les mettre en œuvre, ces innovations ne parvinrent pas à triompher partout de leur apathie ou de leur résistance intéressée. Un édit du 12 août 1749 se plai- gnait encore amèrement des longs retards dus à la négli- gence ou prémédités pour celer des malversations. 11 traça les règles les plus précises pour la formation du livre d'as- siette; il en donna même le modèle, fixa le délai de la confection et menaça les contrevenants d'une grosse amende. Le duché de Limbourg et les pays d'outre Meuse, étroi- tement unis au Brabant, ne pouvaient être oubliés lors des ( Hl ) amendements promis au régime iiscal de celui-ci. Un essai avait été fait sans résultat en 1625, on le renouvela en 1686; on ordonna dans les termes les plus rigoureux le rapport ou dénombrement de tous les immeubles, dîmes, cens, rentes; le défaut de déclaration devait entraîner la perte de tous droits sur les objets recelés. Mais quel fut l'effet de ces menaces? On le devine en voyant un règlement d'ad- ministration prescrire encore, en 1714, le dénombrement des immeubles dans les lieux où le livre de taille était défectueux. Peu après l'initiative prise dans le Brabant, la législature de la principauté de Liège résolut aussi de « pourvoir aux » plaintes souventefois réitérées de l'inégalité des taxes » et un mandement du 12 mars 1686 ordonna la confection d'une matricule nouvelle. Cette mesure, dont l'exécution exigea quelques années, n'apporta au mal qu'un remède imparfait ou du moins peu durable : les plaintes recom- mencèrent bientôt aussi nombreuses, aussi vives qu'aupa- ravant; on crut y faire droit d'une manière plus efficace en 1762, par le recensement général de toutes les pro- priétés immobilières; mais, comme en 1686, ce fut encore à la bonne foi des contribuables que l'on demanda les élé- ments de l'opération; celle-ci rencontra des obstacles tels que, malgré les efforts réitérés du gouvernement, elle n'était pas terminée quand le pays passa sous une domina- tion étrangère à la tin du siècle (1). La rénovation se fit attendre dans le ducbé de Luxem- bourg, mais au moins elle y fut effective et complète. La matricule surannée fut remplacée par une autre qui devint obligatoire en vertu d'un édit du 21 mars 1771. (1) Recueil des ordonn. de la princip. de Liège, t. II, p. 464, à la note. ( 112 ) Les tailles dues par ou pour les biens immobiliers se le- vaient dans le Hainaut d'après des cahiers faits en 1604. Environ vingt ans après, à l'occasion d'un XXrae accordé à Philippe IV, on résolut d'en opérer la rectification. Les députés des états de concert avec un délégué du prince ré- digèrent un livret d'instructions pour la confection de cahiers nouveaux. Mais, encore une fois, quel résultat pou- vait-on attendre d'un travail confié partout au mayeur et aux échevins du lieu, et dont la bonne exécution n'avait d'autres garanties que le serment d'opérer loyalement et la menace d'une peine contre la fraude? La province obtint plus tard une règle précise et uni- forme pour certains impôts. En 1690, le conseil ordinaire, vidant un conflit qui divisait à Soignies l'autorité civile et le chapitre, détermina les bases imposables et la contribu- tion de chacune d'elles à la taille. La jurisprudence étendit ensuite ce règlement à tout le comté, et, en 1749, le gou- vernement crut ne pouvoir faire mieux que de le confirmer expressément et de lui donner l'autorité de la loi. § V. — Ce document, nommé communément règlement de Soignies, ne s'occupait pas exclusivement de l'impôt dû pour les propriétés immobilières, car il ne faut pas croire que les tailles fussent établies sur les biens fonds seule- ment : leur assiette se diversifiait à l'infini; elle variait de province à province. Ici l'impôt était assis sur les im- meubles réels ou fictifs, champs, bois, étangs, maisons, moulins, rentes, dîmes, terrages, revenus ou profits sei- gneuriaux; là on taxait aussi les foyers, les cheminées, le mobilier; plus loin l'industrie, le trafic, l'exploitation agricole, l'exercice des offices; ailleurs la contribution frappait certaines espèces d'animaux; enfin elle prenait même la forme d'une capitation : a la tête de l'homme ( 113 > » sera cotisée a une paie, celle d'une femme ou (Tune fille » à la moitié, » disait le règlement dont on vieni de parler (1). Ce n'est pas tout: ces bases diverses se combinaient entre elles de différentes manières, chaque province adop- tant celles qui paraissaient devoir rendre la perception plus sure ou plus facile. Elles étaient fixées, sur la proposition des états, par l'acte qui décrétait l'impôt, surtout s'il s'agissait d'un subside extraordinaire; alors, pour ne pas écraser les contribuables en surchargeant les mêmes bases, on cher- chait de nouvelles sources et l'on grevait les marchandises, les denrées, les vins étrangers et indigènes, les voitures, les cartes, le tabac, le chocolat, le thé, le café, le papier au moyen du timbre, et jusqu'aux objets de première né- cessité tels que le grain, la viande, le poisson, la bière. Ceux qui présidaient aux finances de l'État, s'ils l'avaient voulu sincèrement et fermement, auraient trouvé dans un impôt d'une autre nature le moyen d'alléger des charges qui accablaient les classes maltraitées par la fortune. Cet impôt qui atteint surtout l'opulence et qui, de nos jours, forme pour l'État un revenu d'une perception équitable et facile, est l'impôt sur les successions. Les anciennes lois des Romains indiquaient ce mode de subvenir aux besoins de l'empire. La loi Julia, de mari- tandis ordinibus, portée sous Auguste, attribuait au fisc la vingtième partie des successions dévolues à des individus riches et autres que les héritiers naturels. Élevé plus tard du 20me au 10me, et appliqué à toutes les hérédités, à tous (1) Ord. -28 août 1624 (Lux.); règl 6 fév. 1680 (Limb.)j Gudelinus, De jure noviss. , V, 9, n° 1 6, in f. ; YVynants , chap. de l'aide ; Patou, sur Lille , 111, p. 338, n°s 41 et suiv. 2me SÉRIE, TOME XIX. 8 ( 114 ) les legs indistinctement, cet impôt subit ensuite des res- trictions successives et tomba en désuétude dans le qua- trième siècle de l'ère chrétienne: il n'en reste plus que le souvenir dans la législation de Justinien (1). On doit en convenir cependant, de grandes difficultés attendaient la résurrection de ce prélèvement. Il fallait d'abord réduire au silence l'opposition des grands froissés par le tribut qui menaçait leurs riches héritages; il fallait soumettre les établissements de mainmorte, particulière- ment les nombreuses abbayes, à des mesures qui fissent contribuer leurs immenses domaines à l'impôt, par exemple en les obligeant à fournir le dénombrement de leurs biens et à constituer à l'État, comme au seigneur pour ses droits féodaux, homme vivant et mourant, c'est-à-dire à dé- nommer un individu dont le décès donnerait ouverture à l'impôt sur l'avoir de la mainmorte comme s'il eût appar- tenu au défunt (2). Une pareille entreprise exigeait ce culte fervent du droit, cette énergie de volonté, cette persévérance d'efforts qui, agissant avec prudence, triomphent enfin des obstacles. La réunion de ces qualités se rencontre quelquefois chez un homme d'État, mais l'exemple en est rare; d'ailleurs dans les temps dont je parle, rien n'encourageait l'initiative d'un réformateur, rien n'était préparé pour appuyer son élan. Déguisés par les préjugés et la longue habitude, les (t) Vicesima hereditatis ex nostrâ recessit republicû. L. 3, De edicto divi Adriani tollendo, C, VI , 33. (2) Declerck sur Wielant, Ut. XXXVII, obs. 1, nos 3, 4; Beau traité des fiefs en Flandres, chap. III, § 5, à la lin; coût, de Lille-Salle, I, 39; de Cambrai, I, 55; Règlem. pour la salle de Curenge au comté de Looz, du 2 avril 1667, a. 5. ( H3 ) abus suivaient paisiblement leur allure routinière, et ceux qui en souffraient se résignaient à leur sort comme à la fatalité. Enfin, comme si ce n'était pas assez des vices de la lé- gislation, les procédés arbitraires des autorités locales chargées de l'exécution aggravaient encore le mal. Il n'était pas rare, principalement dans les petites communautés, qu'elles se permissent, comme le leur reproche dans son préambule l'édil cité plus haut du 25 juillet 1683, « de » tailler et faire lever le subside courant sur un pied tout .» autre que celui ordonne. » § Vf. — L'esprit de méthode a imaginé la classification pour prévenir la confusion dans les matières qui réunissent des éléments multiples et compliqués, mais introduite dans celle qui nous occupe, elle y était plutôt devenue une cause nouvelle d'incertitudes et d'embarras. On divisait les tailles en trois classes, et l'on ne s'accordait pas sur celles qu'il fallait considérer comme réelles, comme personnelles ou comme mixtes (1), parce qu'au lieu d'avoir sa base dans la loi, la distinction était abandonnée au caprice d'une juris- prudence sans unité et partant sans fixité. Cette classifica- tion cependant n'avait pas un intérêt de pure théorie : quelquefois elle décidait de l'application de l'impôt; par exemple, dans le Brabant, en votant trois ou quatre ving- tièmes, les états en accordaient souvent une partie sur le pied réel et l'autre sur le pied personnel. Si les asseyeurs ne savaient pas faire la différence, l'impôt qui devait être supporté par deux contribuables, comme le propriétaire et le fermier d'un immeuble, était mis illégalement pour le (1) Zyp?eus, Consult. can. , 1. III, De immun. ceci. I, n" o , in f. (116) tout à la charge d'un seul. Et que l'on ne regarde pas comme imaginaire celle ignorance des premiers rudiments de l'emploi : le traité de Wynants atteste le retour fréquent de l'abus qu'elle engendrait (1). Étaient réelles sans contredit les tailles imposées sur les immeubles ou les droits immobiliers. Cependant on contes- tait ce caractère aux impôts assis sur certaines parties d'un édifice, et l'on regardait d'un côté comme personnelles, ailleurs comme mixtes, les taxes dues pour les foyers, les cheminées, etc. La qualification de personnelle n'indiquait donc pas nécessairement une taxe frappant la personne isolément et sans qu'une autre base y participât. Dans la plus grande partie du pays la taille était réelle comme sous la législation des Romains. Elle était imposée sur le fonds et due par lui; la personne n'en était tenue qu'en raison de la possession du fonds (2). Un principe ra- dicalement opposé régissait la Flandre : la taille y était purement personnelle; on n'imposait pas le fonds mais la personne qui jouissait du fonds, propriétaire ou autre, à cause et dans la proportion du revenu ou du profit qu'elle en tirait ou était censée en tirer (3). Ce caractère de l'impôt lui avait été définitivement assuré dans l'ordonnance du 17 octobre 1517 sur le renouvellement du transport de Flandre, et comme on trouvait quelquefois plus commode de taxer directement les biens, Charles-Quint, par un décret du 12 novembre 1520, confirma la règle et punit d'amende les asseyeurs qui s'en écarteraient. (1) Van Espen, t. II, p. 90, n° 23 (édit. de 1753); Wynants, Des sub- sides. V. « Il arrive néanmoins souvent... » (2) L. 7, De public, et veclig., D., XXXIX, 4; L. 3, De annonis, G., X, 16. (3) Vlaemsch zett. l>oeks., IIe cap.; Pollet, I,arr. 17, p. 41. ( 1»7 ) La personnalité de la taille était considérée dans cette province comme un avantage précieux , comme un véri- table privilège, parce qu'on y voyait un gage de l'indépen- dance du sol. De ce principe découlent en effet des consé- quences importantes. La personne étant seule obligée, le fonds, simple base de l'évaluation de l'impôt, n'était affecté en aucune façon: à défaut de payement, l'immeuble ex- ploité par un autre que le propriétaire n'était donc jamais tenu de la dette, même en ordre subsidiaire ; celui que le propriétaire occupait lui-même n'était assujetti et respon- sable qu'au même titre que les autres biens du contri- buable; enfin l'immeuble, n'étant grevé d'aucun lien, res- tait toujours de libre disposition; il pouvait être engagé ou vendu sans que le prêteur ou l'acheteur fut exposé à se voir primé ou évincé par une action privilégiée du fisc (1). Où la taille est réelle, où elle constitue une dette du fonds, c'est le propriétaire qui doit l'acquitter: celui qui possède pour le propriétaire, par exemple le fermier, s'il en a fait l'avance, a le droit de s'en faire tenir compte, comme s'il avait payé une rente foncière ou seigneuriale à la décharge du bailleur. C'était la règle observée dans le pays de Liège (2), mais ailleurs l'usage tendait généralement à s'en écarter. Il était passé en pratique constante, dans la majeure partie du Brabant, que la taxe foncière fût payée moitié par le propriétaire et moitié par le fermier, sans retenue : l'inser- tion souvent et longtemps répétée de cette clause dans les baux l'avait transformée en obligation tacite ordinaire (3). (1) Vlaemsch z. &., ibicl, 8e vraeg, §§4,5, 6; Pollet, I , arr. 17. (*2) Sohet , Instit. de droit, 1. II, lit. XL , n° M. (3) Wynants, chap. De l'aide, 55. V. « Quoi qu'il en soit du pied ancien... » Verloo, Cod. Brabant., p. 415. i 118 ) Les instructions, publiées dans le dix-septième siècle, pour le redressement des rôles en Hainaut, déclarèrent expressément que le fermier serait tenu au payement de la taille, sauf à en imputer !a moitié sur sa redevance, et, le 5 juillet 1748, une résolution des états confirma cette règle. Enfin l'éditdu 21 mars 1771 en fit le droit commun du duché de Luxembourg. 11 n'est pas hors de propos de rappeler ici une autre avance do«t s'occupent aussi les instructions et l'édit que l'on vient de citer. Lorsque les rentes se trouvaient sou- mises à la taille, et c'était le cas ordinaire au moins pour les rentes foncières, l'impôt devait être acquitté par les débiteurs de ces rentes, qui le précomptaient sur les arré- rages en payant les rentiers. 11 n'y avait d'exception, quant à la retenue , que pour les rentes stipulées payables inté- gralement et sans déduction des impôts publics. Encore arrivait-il quelquefois que les conditions du subside ou une disposition du prince dérogeassent à la volonté des parties, en autorisant la retenue nonobstant toutes conventions contraires. § VII. — En général tous les immeubles quelle qu'en fut la nature, fiefs, francs alleux, censives, quels qu'en fussent les propriétaires, ecclésiastiques ou laïques, nobles ou roturiers, regnicoles ou étrangers, étaient assujettis aux tailles réelles, mais c'est ici que le privilège avait consacré d'iniques exceptions. Dans plusieurs provinces, et la Bel- gique n'avait pas seule à souffrir de cet odieux abus, les deux premiers ordres s'étaient déchargés sur le troisième d'une partie du fardeau, et ce régime se maintint long- temps; cependant à mesure que le tiers état acquit le sen- timent de sa force et reprit ses droits, à mesure que l'au- torité souveraine comprit mieux ses intérêts, les dispenses ( 119 ) de l'impôt subirent des restrictions différentes suivant l'ascendant plus ou moins grand du clergé et de la noblesse dans la province. Ainsi dans la Flandre, où leur influence politique avait cédé à la prépondérance des communes, ces deux classes avaient vu s'évanouir la plupart de leurs im- munités; il en restait à peine quelques vestiges après le règne de Charles-Quint. Ce prince, indigné du refus d'un subside, avait, en 1559, exclu des états de Castille les prélats et les nobles, en disant qu'on ne devait pas souffrir, dans une assemblée où l'on votait les impots, des gens qui n'en payaient aucune part. Quoiqu'il n'eût pas le même sujet d'irritation contre le clergé et la noblesse de sa province natale, sa politique le mettait en garde contre les corps privilégiés, et s'il laissait aux membres, à titre personnel, certaines dis- penses de l'impôt, il n'était pas disposé à en reconnaître aucune comme un droit appartenant à l'ordre entier. Lors donc qu'il préparait en 1550 une révision du trans- port de 1517, il rédigea pour les commissaires des instruc- tions qui furent promulguées : un article exprès enjoignit à tous ceux qui prétendraient à quelque exemption , pri- vilège ou franchise, de produire leurs titres en bonne forme pour qu'on y eût tel égard que de raison. Quelques privilé- giés se soumirent peut-être à une épreuve individuelle, mais le grand nombre rentra sous le niveau de la loi com- mune; la dispense ne fut reconnue l'apanage d'aucune classe; le serment que les asseyeurs ou répartiteurs prê- taient dans le siècle suivant, en conformité d'un règlement du 50 juillet 1672, constate que l'uniformité était devenue la règle : ils juraient de cotiser, comme les autres, les sei- gneurs, officiers des paroisses , abbayes, couvents, cures, chapelains, etc. ( 120 ) Ce retour à l'égalité n'eut pas lieu partout et aussitôt; il rencontra quelquefois, de la part des gens d'Église, une résistance opiniâtre; ils défendaient comme une propriété sacrée le privilège antique qu'on n'avait pas disputé sur notre territoire aux druides leurs prédécesseurs (1); ils invoquaient à leur aide les lois romaines, les capitulaires, le droit canon et jusqu'à la fameuse bulle in cœnâ /Jo- mini. Cette bulle frappe d'anathème l'autorité civile quand elle ose, sans la permission du Saint-Siège, faire contri- buer les gens d'Église aux charges publiques. A défaut de lettres d'attache, elle n'a jamais été reçue dans les pro- vinces belgiques ; aussi l'abus qu'on en faisait fut-il sévè- rement réprimé sous le règne même de Philippe II et sous celui des archiducs Albert et Isabelle. Un arrêt du conseil privé, rendu en matière d'impôt le 5 avril 1591 ordonna au doyen et au chapitre de l'église cathédrale de Tournai de biffer dans un des actes de la procédure « tout ce qu'ils » ont allégué de la bulle in cœnâ Domini et observance » d'icelle, leur défendant de se servira l'avenir de sem- » blables allégations, à peine qu'il y sera pourvu. » Une décision semblable confirma cette jurisprudence le 15 juillet 1615, sur les réclamations du magistrat de Malines contre des religieuses qui opposaient aussi la bulle à la demande de la taille (2). Plus tard le pouvoir civil aguerri coupa dans le vif. Marie-Thérèse, par son édit du 21 mars 1771 sur les (1) « Druides a bellô abesse consueverunt, neque tribula unà cum reli- » quis pendunl, militiae vacàtionem omniumque rerum babent immuni- » tatem. Caesar, Comment, de bello gall., I. VJ , cap. 11. >■ (2) Dulaury, Jurisp. des Pays-Bas, arr. 125; Cuvelier, Arrêts du gr. comeil de Malines, arr. 353. ( 1-2» ) charges publiques dans le Luxembourg, décréta une ré- forme radicale en ces termes : « Pour ce qui concerne nos » aides et subsides et autres deniers qui se lèvent pour » le besoin et l'utilité du pays, Nous déclarons que tous et » chacun, de quelque état ou condition qu'ils puissent » être, ecclésiastiques, nobles ou roturiers, sans distinction » ni exception quelconque, devront contribuer avec nos » autres sujets. » Les exemptions étaient attachées à la qualité des biens ou à celle des personnes; il y en avait donc de réelles et de personnelles. Dans les derniers temps celles-là étaient réduites à un petit nombre* les plus importantes étaient encore l'attribut de l'Église et de la féodalité. Aux impôts demandés pour les besoins de l'État de- vaient contribuer non-seulement les biens propres des membres du clergé, mais aussi ceux des corporations ou établissements religieux et en général de tous les gens de mainmorte comme on disait dans le langage du temps. Une exception était admise généralement et sans débat en faveur des biens de première fondation, c'est-à-dire des biens donnés comme dot ou subside aux églises ou aux monastères à l'époque de leur érection. ïl fallait néanmoins, suivant l'ordonnance portée par Philippe le Bon pour le Brabant en 14ol , que ces biens eussent été ou dûment amortis ou possédés comme amortis ou libres de tailles pendant les 70 années antérieures à l'ordonnance, ainsi depuis l'an 1581. Ce laps de temps établissait une pré- somption légale de l'amortissement ou tenait lieu de la formalité (1). (i) Van Espen, tom. II, p. 89; Wynants,Z)e Caide.Y. s L'on doit en cette matière..»; Sohet,!. I, tit. 29, n05 38-16; Vlaemsch zell. bocks. ,Xll° cap. 6e m\; Concord. Brab.-Leod.,i\n. ic>4-2,tit. de Jurisd., art. 1. ( 122 ) Les favoris du privilège ne s'en tenaient pas là, et, s'ar- mant de certaines dispositions du droit écrit, ils réclamaient l'immunité pour tous les biens ecclésiastiques indistincte- ment. Quelques-uns, y mettant plus de mesure, ne la demandaient que pour les biens amortis, mais sans égard à l'époque de l'amortissement. Si plusieurs contrées avaient cédé sans examen au pres- tige des textes anciens, ailleurs la conscience du droit avait su résister. Le canouiste Zypœus disait avec amer- tume qu'en beaucoup d'endroits, par la malice des cotisants et l'insouciance des cotisés, les biens de l'Église étaient imposés comme les autres : quanquam multis in loch in- distincte ad coutributionem vocentur malitià paganorum et negligentiâ ecclesiasticorum (1). L'auteur d'un traité sur la procédure au conseil de Brabant, Loovens, qui a publié son ouvrage longtemps après celui de Zypams, mentionne à son tour, comme un fait constant, la cotisation des biens amortis après Fédit de 1451 , et il ne doute pas de sa légalité. Cependant la doctrine de l'immunité générale des biens amortis trouvait aussi des champions jusque chez les juristes. Anselmo, ancien échevin d'Anvers, qui lit paraître vers 1661 son Tribonianus belgicus, expliquant à sa ma- nière le texte de l'édit de 1451 , considère, sans condition d'origine ou autre, tous les biens amortis comme affran- chis des charges publiques par îe seul fait de l'amortisse- ment, parce que l'amortissement a pour effet de les sous- traire à Sa juridiction séculière. Pour qu'il en soit autrement il faut, suivant lui, que les impétrants aient déclaré dans (1) Jus. pontif. nov , I. 111, De immunit, ceci., n° 22 ; Chrislinaeus, Dec. ur. bebj., t. I, dec. 27)!>, n" 7. ( 125 ) leur requête consentir à ce que les biens restent soumis aux impositions comme auparavant (1). Cette clause était d'un usage assez fréquent parce qu'elle rendait plus facile l'admission delà demande; mais dès que l'amortissement était obtenu, on trouvait toujours quelque accommodement pour échapper à l'obligation. C'est une réflexion dont Wy liants assaisonne l'examen du système d'Anse! mo. Pour réfuter sa thèse il établit que l'amortissement et l'exemption de la taille n'ont rien de commun. Ce sont deux privilèges distincts dont chacyn peut exister et opé- rer indépendamment de l'autre : le premier est un acte du prince qui, avec le concours des états, relevant un éta- blissement de mainmorte de l'incapacité dont il est frappé par le droit public, l'autorise à acquérir et à posséder un immeuble; l'exemption de l'impôt n'est nullement la con- séquence de cette première laveur; elle ne peut résulter que d'un octroi formel contenu soit dans les lettres d'amor- tissement soit dans un acte séparé (2). Quoi qu'il en fût, une décision souveraine a tranché le nœud en 1 755. Un décret de Marie-Thérèse, complétant son mémorable édit du 15 septembre sur la mainmorte, statua que les biens qui seraient amortis à l'avenir reste- raient soumis à toutes les impositions publiques comme si l'amortissement n'avait pas eu lieu. Ainsi devint général dans nos provinces l'assujettissement des biens de tous aux charges établies pour l'intérêt commun de tous. Anciennement les fiefs jouissaient de l'exemption des (i) Cap. LXXXVII, § % §7. (2) Wynants, De Vaide, V. « Le second point est... / ( 124 ) tailies. Des écrivains en donnent pour raison qu'on ne pouvait équitablement grever de ces charges le vassal déjà obligé envers le suzerain aux devoirs féodaux, et nommé- ment au service militaire (1). Ce prétexte, qui ne pouvait guère excuser que les feudataires du prince, avait d'ail- leurs cessé dès que l'établissement des armées permanentes eut fait renoncer à l'appel des vassaux; aussi depuis lors, dans presque toutes nos provinces, les possesseurs de fiefs perdirent peu à peu, avec leur importance politique, leurs immunités en matière fiscale (2). C'est dans le duché de Brabant qu'ils réussirent à retenir le plus longtemps l'exemption réelle. Cette exemption met encore aux prises Anselmo et Wy- nants. Le Tribonianus Belgicus adopte et défend l'opinion commune dans la province que les fiefs, même les arrière- fiefs, sont exempts de l'aide; pour la justifier il invoque, outre quelques édits, la jurisprudence du conseil souverain et celle de la cour féodale de Brabant. Wynants s'élève avec énergie contre cette doctrine; il la considère comme opposée aux instructions décrétées par Philippe le Bon en 1451 et 1497, qui n'exemptent que les grands fiefs ayant haute justice; il combat les arguments d'Anselmo, il lui reproche de citer à faux les arrêts du conseil de Brabant, il repousse comme actes d'excès de pouvoir ceux de la cour féodale, et quant aux édits allégués par le Tribonien anver- sois, ils sont, dit-il, aussi étrangers à la matière que l'his- toire d'Alexandre le Grand. (1) Despeisses, Tr. des (ailles, p. II, art. XIV, sect. II, n° 25; Anselmo Tribon. belg., cap. LXXXVII , n° 8; Zaman, pp. 127 et 128, n° 16 et 17. (2) Burgundus, Ad consuet. Fland., III, n° 18. ( »25 ) Cependant, du temps de Wynants, l'usage abusif préva- lait encore sur le droit : il le reconnaît lui-même en ces termes : « J'avoue néanmoins que cette fausse maxime de » tenir les fiefs exempts s'est si fort enracinée dans le » Brabant, qu'en la plus grande partie du duché les (iefs » sont affranchis de l'aide. » Au reste, l'immunité des biens féodaux comme celle des biens ecclésiastiques était restreinte par une distinction importante, que l'auteur a pris soin de constater ailleurs : c'est qu'elle ne s'appliquait qu'à l'aide; quant aux subsides, tout y contribuait, biens ecclésiastiques amortis, même ceux de première fondation, biens des ordres militaires, liefs, bois d'estoc, enfin tous les immeubles sans excep- tion (1). Cette différence ne provient-elle pas de ce que la demande de l'aide remonte aux temps où le privilège des deux premiers ordres était à son apogée, tandis qu'il pen- chait vers son déclin lorsque le subside s'introduisit vers le commencement' du dix-septième siècle? Dans la même province, un usage que mentionne déjà comme ancien une ordonnance du 21 février 1421 , mais qui n'était plus généralement observé lorsque Wynants écrivit son traité, exemptait du payement de l'aide les bois cf estoc (stockbosschen). On nommait ainsi les bois qui, de tout temps ou au moins depuis trois cents ans, existaient comme bois. Wynants n'a pu découvrir avec certitude la cause ou l'origine de cet affranchissement; il conjecture, et c'est aussi l'opinion que Loovens a émise après lui, qu'en formant la première matricule de l'aide on n'aura pas compris ces bois dans les biens taillables, vu leur peu (1) Des subsides. V. « Il n'v a ici aucune différence.. » ( 126 ) de valeur, le pays étant alors couvert de forêts et le prix du bois presque nul (1). Deux autres exemptions réelles, moins importantes que celles dont on vient de parler et qui n'étaient d'ailleurs que locales et temporaires, se justifiaient au moins par l'inté- rêt public : elles encourageaient d'utiles travaux tout en préparant pour l'avenir de nouvelles ressources au trésor. La plus ancienne des deux était accordée dans le Bra- bant et dans la Flandre à des terrains reconquis sur la mer ou sur l'Escaut, remis en culture et auxquels on a donné le nom de polders (2). Cette exemption n'était pas le droit commun ; elle n'avait lieu qu'en faveur des fonds que le prince en gratifiait par un octroi spécial. Bornée à un temps plus ou moins long, les concessionnaires en obte- naient quelquefois le renouvellement, même à plusieurs reprises, si les circonstances appuyaient leur réclama- tion. L'autre exemption avait pour but de stimuler le défri- chement des bruyères et des terrains vagues et incultes, qu'on désignait sous le nom de communes. Sur les représentations des états, le gouvernement avait pris pour le Hainaut en 1755, 1757, 1762, pour le Brabant en 1772 et 1773, des dispositions qui obligeaient les admi- nistrations rurales à aliéner ces propriétés stériles, et qui assuraient divers privilèges aux acquéreurs s'ils les ren- (1) Luyster van Brab., IIe deel, bl. 36, n° 5; Wynants, De l'aide, V. « 11 y a encore une sorte de biens.... » Loovens, Manier van proced., t. I, p. 126, V. « 't sedert... » (2) On sait que l'ancien duché de Brabant comprenait, outre la province belge actuelle, le territoire qui forme la province d'Anvers et le Brabant hollandais. y ( *27 ) daient propres à la culture. Un de ces avantages consistait dans l'affranchissement, en Hainaut, des tailles pendant dix ans, et des dîmes pendant vingt ans, en Brabant, des tailles et des dîmes pendant trente ans et de la moitié de ces mêmes charges pendant les trente années suivantes. Les deux pro- vinces ne sont pas également partagées ; mais des ressour- ces de toute nature, qui manquaient dans les solitudes de la Campine, diminuant les difficultés en Hainaut, l'entreprise n'exigeait pas les mêmes encouragements, et le succès ne méritait pas une égale récompense. Le clergé du Hai- naut trouva même qu'on avait fait trop pour les défri- cheurs, car il s'efforça, mais vainement, de faire réduire de vingt à dix ans la libération de la dîme (1). Le gouvernement, sollicité d'étendre cet essai de pro- grès à la province de Namur, et prévoyant sans doute des obstacles qui ne furent que trop réels, crut devoir ajouter aux avantages promis au Brabant un stimulant qui inté- ressât personnellement à l'œuvre les habitants des cam- pagnes. Un édit du lo septembre 1775 statua que, dans chaque village, les communes susceptibles de culture se- raient divisées en lots et partagées par la voie du sort entre les chefs de famille ; que ceux-ci deviendraient proprié- taires de leurs lots à la condition de les défricher dans les dix ans ; qu'en outre les défrichements seraient affranchis des tailles et de la dîme les trente premières années, et encore de la dîme pendant trente ans après. Le fisc n'eut point à faire ce long sacrifice de ses droits; les bonnes intentions que l'autorité manifesta sur le papier dans une série de dispositions additionnelles, réglemen- (1) Lacroix, Inventaire des Archives du Hainaut, p. 31 ( 128 ) laires, interprétatives, avortèrent en grande partie, par suite du mauvais vouloir des communautés qui craignaient de perdre le pâturage sur les terrains défrichés. Enfin les états de la province, devenus momentanément souverains après avoir déclaré l'empereur déchu du titre de comte de Namur, rapportèrent, en 1790, mais sans effet rétroactif, l'édit qu'ils avaient eux-mêmes provoqué vingt-sept ans auparavant. L'exemption, qui était un attribut de la personne, avait été réduite, comme celle qui formait une annexe de l'im- meuble, à quelques catégories peu nombreuses, mais où les classes privilégiées avaient encore la plus grande part. Dans les temps reculés, où des ordres religieux se li- vraient, où des gentilshommes ne croyaient pas déroger en se livrant aussi aux travaux de l'agriculture, les uns et les autres étaient affranchis de la taille pour les biens qui leur appartenaient et qu'ils cultivaient eux-mêmes. Cette immunité, qui s'était perpétuée dans quelques contrées au profit des nobles, y était devenue, par l'accroissement des charges, fort onéreuse à ceux qui payaient le contingent des exempts. Des villages du comté de Namur en ayant fait leurs doléances, le prince prit un moyen terme pour tâcher de concilier le privilège et l'équité. Par une décla- ration du 18 mars 1599, il restreignit l'exemption aux gentilshommes d'ancienne noblesse, à concurrence de deux charrues seulement , et statua que tous leurs autres biens seraient sujets aux charges publiques comme ceux des paysans et des roturiers. Une interprétation de ce décret décida, en 1661, qu'une charrue ne devait être comptée que pour dix bonniers. Dans le Hainaut, province fort imbue des préjugés aris- tocratiques, les chartes générales du comté, homologuées ( 129 ) en 1553, dispensaient de la contribution aux tailles les chevaliers, leurs fils mineurs de vingt-cinq ans et les sei- gneurs hauts justiciers demeurant dans leurs seigneuries. Les chartes nouvelles, ou de 1619, maintinrent l'affran- chissement de ceux-ci, mais seulement pour les « aides et » tailles personnelles et mixtes qui se lèvent par lettres j> d'envoi et octroi, » ce qui ne s'applique qu'aux taxes que les administrations provinciales et municipales obte- naient l'autorisation de s'imposer pour leurs propres be- soins, et ce qui exclut par conséquent les aides et subsides votés par les états à la demande du prince (1). Un commentateur fort habile de ces chartes, le prési- dent Petit, enseigne que c'est à ces mêmes impôts que se restreint l'immunité stipulée par les chartes nouvelles en faveur des nobles d'ancienne maison , des chevaliers et des ecclésiastiques (2). La jurisprudence est conforme à cette opinion. Lorsqu'à la fin du siècle dernier, la gravité des événe- ments politiques fit comprendre aux deux ordres privilé- giés de cette même province la nécessité de se concilier la faveur populaire, allant d'eux-mêmes au-devant de la ré- forme , ils firent au principe de l'égalité le sacrifice spon- tané des restes de leur privilège. Dans la séance des états du 22 février 1790, le clergé et la noblesse renoncèrent solennellement à leurs immunités en matière d'impôts. D'autres exemptions personnelles étaient attachées à cer- tains titres honorifiques, à certains emplois; telles sont : 1° Celle des chevaliers de la Toison d'or. L'empereur Maximilien , enchérissant sur les privilèges qu'ils tenaient (1) Chartes de 1533, CVI, 8,9; de 1619, X,7;XI , 7, 8, 11 ;CXXX, 28. (2) Chap. X, a. 7; XI, a. 7,8,11. 2me SÉRIE, TOME XIX. 9 ( 130 ) des ducs Philippe et Charles, ses prédécesseurs, les avait, en 1478, déclarés exempts de « tailles, aides, impositions, » subventions, précaires et autres charges (1). » Ils con- servèrent ce privilège jusqu'au décret du 29 mars 1770, qui en prononça la suppression. Cet acte de justice et de vigueur eut un double mérite : d'abord il libéra les con- tribuables de la surcharge résultant d'une immunité qui profitait le plus souvent à de grands terriens; en outre, il rehaussa le lustre d'une distinction que l'on put croire désormais n'être plus recherchée que pour elle-même. 2° L'exemption que les officiers, hommes d'armes et archers des bandes d'ordonnance créées par Charles-Quint avaient obtenue de Philippe II; celle-ci, moins étendue que la précédente, ne s'appliquait pas, suivant les termes du décret du 21 avril 1591, aux « impôts, subsides, aides et » autres charges accordés par les états des pays, auxquels » les ecclésiastiques, nobles et autres privilégiés contri- » buent. » Cette faveur fut successivement confirmée, ex- pliquée, modifiée par de nombreuses ordonnances rendues de 1591 à 1671, époque présumée de la suppression de la milice dont il s'agit. 3° Enfin l'exemption dont les membres de certains corps judiciaires jouissaient pour les maisons qu'ils habi- taient (2). Les conseils collatéraux avaient réclamé la même prérogative à Bruxelles; les états de Brabant la leur con- testèrent vivement, et l'opposition fut- accueillie par une décision impériale, le 28 mars 1726. § VIII. — Aussitôt que les rôles étaient arrêtés l'aulo- (1) Christyn, Jurispr. heroica , p. 473. (2) Wynants, clinp.de VExemption des conseils, etc.; Coloma, Arrêts du gr. conseil , t. Il , p. 134. ( 131 ) rite locale les déclarait exécutoires; ils étaient publiés, affichés, remis à l'entrepreneur ou au collecteur de la re- cette, et chaque contribuable recevait un avertissement écrit contenant l'indication détaillée de sa cote et du délai dans lequel il devait en acquitter le montant (1). Le payement n'était reçu qu'en numéraire. Le fisc n'ad- mettait aucune compensation, de quelque chef que ce fût : les dispositions des édits confirmaient sur ce point celles du droit écrit, fondées sur la nécessité d'assurer avant tout le service de l'État (2). Elles ne permettaient aux juges d'accorder ni sursis ni défenses; une opposition judiciaire, une demande reconventionnelle n'arrêtait pas l'exécution sans la consignation préalable de l'impôt (3). C'est dans le lieu de la situation des biens imposés que la taille devait être acquittée, lors môme que les récoltes s'engrangeaient autre part. Si le travail des répartiteurs donnait lieu à des réclamations, le juge de ce lieu était seul compétent pour en connaître,, soit que le réclamant demeurât dans le ressort, soit qu'il fût domicilié ailleurs. Cette règle s'observait même en Flandre, où la taille était réputée personnelle (-4). Mais ce juge n'était plus le juge ordinaire. Il avait paru sage de retirer aux échevins la juri- diction contentieuse lorsque, avant concouru à l'assiette de la taille, ils auraient eu à prononcer sur les griefs re- (1) Éd. 15 sept. 1682, a. 21,22; règl. 12 déc. 1622 (Limb.); mand. 12 mars 1686, a. 18, 20 (Liège). (2) L. 46, § 5, De jure jisci, D., XLIX, 14; 1. 3, De compens., C, XIV, 31 ; éd. 28 août 1687, a. 14 (Lux.) ; d'Hermaville, air. 71; De Humayn, arr. 33. (3) Rescrit 30 avril 1632 (Nara.); décret 50 oct. 1683 (Fland.); Patou , sur Lille, III , 343, n°83. (4) Éd. général 11 janv. 1682; mand. 12 mars 1686 (Liège). ( 132) proches à leur ouvrage. C'était le droit commun du pays. Si l'acte souverain qui acceptait le subside et qui réglait les formes de la levée n'avait pas délégué à des juges spéciaux la connaissance des réclamations, la partie qui voulait se plaindre devait s'adresser à l'autorité exception- nellement compétente pour ce cas : dans le Brabant, aux chefs-villes, avant l'édit du 12 août 1749, et depuis aux commissaires nommés par cet édit (1); à Luxembourg à la commission instituée par l'édit de 1 771 ; à Liège aux députés des états et du prince (2); en Flandre aux quatre chefs-collèges, suivant une décision du 23 février 1650; en Hainaut au grand bailli et au conseil ordinaire (3) ; à Namur au gouverneur et aux députés des états (4); à Tournai aux états, dont la juridiction fut maintenue dans l'édit qui érigea, en 1773, le conseil provincial de Tournai et Tournaisis; enfin, dans la principauté de Stavelot au conseil provincial, conformément à l'ordonnance de l'évêque-abbé Guillaume Egon, du 19 mars 1685. Ainsi, nos provinces, sans affaiblir les ressorts de leur individua- lité, obéissaient à des tendances communes et se rappro- chaient spontanément par l'analogie de leurs institutions. A l'expiration du terme fixé pour le payement, le collec- teur faisant procéder sans délai à la saisie du mobilier et, s'il le fallait , à celle des immeubles appartenant aux débi- teurs retardataires, afin d'être lui-même en mesure au mo- ment voulu. S'il ne versait pas à l'époque déterminée le (i) Wynants, Ut. des Compétences , chap. II. Les chefs-villes étaient Louvain, Bruxelles, Anvers et, avant le démembrement du duché, Bois- ie-Duc. (2) Mand. 12 mars 1686, a. 6; 26 nov. 1691. (3) Chart. gén., LX , a. 52 ; LXI , a. 1 , 2 , 7 (4) Rescr. 17 mai 1634 et 5avr. 1636. ( »33 ) montant do la taille chez l'agent chargé de l'encaisser, l'exécution était immédiatement dirigée contre lui et con- tre ses cautions et, en cas d'insuffisance, contre les gens de loi qui l'avaient commis. Wynants dit avoir vu con- damner et exécuter, en leur propre et privé nom, les éche- vins de la ville de Léau, par suite de l'insolvabilité de leur préposé. Il ne restait à ces garants ainsi pris à partie qu'un recours contre les contribuables en défaut (1). Ce recours pouvait s'exercer, comme l'action directe du fisc, par la voie rigoureuse de l'arrestation; c'était en cette matière, comme souvent dans les autres, un mode légal de contrainte (2). Lorsque le possesseur d'un immeuble se trouvait hors d'état de payer la taille, il avait, dans quelques provinces, une dernière ressource pour prévenir l'expropriation de cet immeuble, et d'abord la saisie de son mobilier, par laquelle l'exécution commençait ordinairement; cette triste ressource, flebile adjutorium, comme Justinien le disait d'un remède analogue (3), consistait à abandonner la jouissance de l'immeuble à la communauté, qui dès lors était chargée d'acquitter l'impôt. C'était un expédient auquel pouvait recourir aussi le propriétaire qui ne parve- nait pas à louer ses biens-fonds. et qui ne voulait pas les exploiter lui-même (4). (1) Éd. génér. 8 juin 1671; éd. 13 sept. 1687, a. 24 et suiv.; maud. 12 mars 1686 , a. 21 et suiv. ; Vlaemsch zett. boeks. , XIVe cap. (2) Coul. d'Anvers, XXVII, 37; Ghristinaeus , Dec. cur. belg., t. V, dec. 19, n° 4; Christyn sur Bugnyon , 1. 1, sat. 116, not. G; 1. III, sat. 93, not. B; Patou sur Lille, t. II, p. 758, n° 23; Wynants, De Informe de l'exécution, chap. II, à la lin. (3) L. 7, qui bonis cedere possunt , C. VII, 71. (4) Vlaemsch zett. boeks., XIIIe cap.; Wynants, Explication de ce qui doit s'observer... V. « Il arrive quelquefois.» ( 134 ) Si plusieurs immeubles distincts étaient affermés par le même bail ou compris dans la même exploitation, l'aban- don devait comprendre l'ensemble; il n'était pas permis de retenir la partie dont on retirait un avantage pour se débarrasser de celle qui n'était qu'onéreuse (1). L'abandon devait être formel ; le taillable qui se serait borné à déserter les biens , à les laisser en friche, n'en aurait pas moins été cotisé et contraignable par les voies ordinaires (2). De leur côté, les gens de loi étaient tenus de louer ces biens avec toutes les formalités prescrites pour déjouer la fraude et obtenir le loyer le plus avanta- geux. La location avait lieu publiquement et aux enchères, ordinairement pour une période triennale, et les fermages servaient à payer les impôts. A l'expiration du bail, le cédant pouvait reprendre la jouissance des biens et récla- mer l'excédant, s'il y en avait, des loyers sur les tailles payées et les frais (3). Quelque retard qu'il mît à rentrer en possession effective , il n'avait pas à craindre que la communauté, qui ne jouissait qu'à titre précaire, lui opposât avec succès une déchéance ou une prescription quelconque. § IX. — Outre l'hypothèque tacite attribuée au lise sur les biens de ses comptables, le droit écrit lui assurait, pour le recouvrement des impôts, un privilège qui le faisait payer sur le prix des meubles et des immeubles du débi- teur par préférence aux créanciers chirographaires, et une action hypothécaire en vertu de laquelle il pouvait exiger (i) Règl.6 oct. i706 ,a. -42 (Fland.); Opsjaunaux, Arrêts not. du parle- ment de Tournai , t. II, arr. -17. (2) Règl. 12 juin 1705, a, 11, t-2 (Brab.). f~\ Vlaemsch zett. boeks., XIII" cap ,8e \ i ( 135 ) du nouveau possesseur d'un immeuble les impôts dus au momentde l'acquisition (1). Peut-être aurait-on pu dire, sous notre ancien droit public, que les individus soumis à la taille n'étaient pas, rigoureusement parlant, les débiteurs du fisc; que c'était plutôt à la communauté qu'ils devaient l'impôt comme la communauté le devait aux états provinciaux ; que ceux- ci étaient en quelque sorte seuls liés directement envers le prince par le vote de l'aide ou du subside. Cependant, l'impôt avait retenu, en raison de sa destination, les pri- vilèges dont le droit romain l'avait armé, sauf des modi- fications secondaires établies par les coutumes locales. Dans l'édit perpétuel de 1611, les archiducs régnants dérogèrent expressément à la condition essentielle "des œuvres de loi pour « l'hypothèque légale et préférence » compélant, disaient-ils, par disposition de droit à nous » et notre fisc sur les biens des receveurs de nos domaines » et revenus. » Quoique ce texte parle spécialement des biens des comp- tables, il est certain que ceux des taillables étaient sou- mis aux mêmes garanties en faveur du fisc : la jurispru- dence et le témoignage des auteurs en offrent une preuve qui trouve dans plusieurs de nos coutumes une confirmation positive (2). (1) L. 5inf. De censibus, D.,L., 15; 1. 1 , si propter publ. pensif., I. 1, 2, ex quibus cousis piy. vel hyp , C. IV, 46, VIII, 15. (2) Slockmans, dec. 96, nis 1-8; Wynants, dec. 106, n° 1, dec. 107, n° 2; Christinseus, t. IV, dec. 125; Guypers, Tract, van Grand, proced., qiuest. M),n° 5, Ôetaddit. n° 2; De Flines, sur Tournai, tit. XVII, a. I; Pinault, sur Cambrai, rub. du tit V, à la tin; Patou, sur Lille, t. Il , p. 294; Coi/l. Anvers, LXVI, 38; Ruremon.de, part. IV, tit. II, §2, art. 9; Lille-Salle XXII, a. 3; mand.du 12 mars Hï86, a. 26 (Liège) et les notes de Louvrex, I II, p. 368. • ( 136 ) En Belgique, pays de nantissement au plus haut degré, l'hypothèque tacite du fisc était la subversion du principe fondamental. L'influence puissante du droit romain avait fait admettre assez facilement cette anomalie dans la ma- jeure partie du pays, mais dans le Hainaut, où l'autorité de celte législation était fort contestée, la disposition de l'édit perpétuel rencontra une vive et longue résistance. A la réception de l'édit, la cour souveraine de Mons avait adressé de pressantes représentations aux archiducs, mais ceux-ci maintinrent la loi et ordonnèrent qu'elle fût pu- bliée en son entier (1). Malgré cette décision , le droit hypo- thécaire du lise ne fut jamais liquide dans le comté. Le traité sur les hypothèques, bref, mais substantiel, que Cogniaux publia à Mons en 1742, dit catégoriquement que nul en cette province n'a d'hypothèque tacite, pas même le prince sur les biens de ses receveurs (2). Quant au droit de préférence sur les meubles, il était admis sans contradiction ; les Chartres de 1619, qui le consacraient expressément, réglaient l'ordre et le délai de son exercice (5). Pour assurer d'autant mieux sur les meubles l'efficacité du privilège que des ventes simulées rendaient souvent illusoire, Philippe IV publia, le 29 juillet 1655, un édit qui s'adressait à toutes les provinces : il y déclara nuls tous engagements ou aliénations de bétail, récoltes, usten- siles et meubles quelconques qui ne seraient pas suivis de la tradition réelle, à moins que l'acte ne fût passé devant (1) Anselmo, Ad. edict, perpet., a. 24, § 1. (2) Cogniaux, p. 195; introduction manusc. aux Chartres, v° Hypo- thèque. (3) Cbap. LXXV, a. B. ( «37 ) le magistrat du domicile du vendeur et que les deux par- ties n'affirmassent sous serment que l'opération était sérieuse et ne recelait aucune intention frauduleuse. § X. — La créance du fisc ne conservait pas indéfini- ment son droit de préférence. Ainsi le privilège sur les meubles s'éteignait en Brabant et en Flandre après deux années, en Hainaul, après trois années d'existence (1). La durée de l'action réelle était quelquefois moins longue encore; redit du 15 septembre 1687 l'avait limitée à un an pour le Brabant, et ne laissait plus ensuite au col- lecteur que l'action personnelle. Cette dernière, si un statut particulier n'en avait pas abrégé le terme, demeu- rait soumise pour la prescription aux dispositions du droit commun (2). Suivant un règlement décrété pour la Flandre en ma- tière d'accises et de taxes communales, le fermier ou col- lecteur pouvait agir contre les retardataires, la première année par voie d'exécution, la seconde par voie d'action et, après deux ans, la dette était prescrite (5). L'auteur ano- nyme du traité flamand des tailles exprime le vœu de voir cette disposition rendue applicable aux aides et subsides ; mais il faudrait pour cela, ajoute-t-il , une déclaration ex- presse du prince (4). On avait déjà été en partie au-devant de ce vœu dans une province voisine. Un corps judiciaire qui, toujours prêt à ressaisir des attributions politiques perdues et regrettées , (1) Ed. 12 août 1749, art. 56 (Brab.); Vlaemsch zetl. boeks., XVe cap., Ie vr., § 4; Chart. gén. Hain., LXXV,6. (2) Domat, Droit publie, 1. 1, tit.V,sect. 6, art. 17; Vlaemsch zetl. boeks., ]|pcap., 8« vr., § 6, in f. (3) Place. Fland., t. V, p. 476, a. 52. (4) XIVe cap., 8c vr.. in f. ( 138 ) s'est arrogé plus d'une fois le pouvoir législatif, le conseil de Brabant avait porté, le 30 juin 1650, un règlement im- portant sur la prescription des tailles; il avait étendu et déclaré commune aux impôts publics en général la pres- cription de deux ans introduite en 1540 par Charles-Quint pour certains honoraires, salaires et loyers spécifique- ment déterminés, et qui n'ont rien de commun avec les tailles (1). Dans ses décisions brabançonnes, Wynants, qui était conseiller de Brabant, donne, peut-être par esprit de corps et en tout cas improprement, ce me semble, le nom d'édit à ce règlement (2); au reste, s'il ne méritait pas le nom, il a eu les etfets d'un acte de l'autorité souveraine, car le prince, par son silence, en a toléré et légitimé l'exécu- tion. § Xï. — J'aurais peut-être à parler maintenant et du mouvement des deniers depuis le payement fait au collec- teur jusqu'au versement dans le trésor de l'État, et des comptes à rendre par ceux qui avaient manié les fonds. Mais ces opérations, accomplies entre l'autorité et ses agents, n'intéressant ni la personne ni la propriété des contribuables, sortent du cadre de cette notice. Je termine donc ici l'aperçu du régime fiscal qui a ballotté nos aïeux depuis le quinzième jusqu'à la fin du dix-huitième siècle. Ce résumé est sans doute fort incomplet : il n'indique que les bases et les ressorts principaux du système , que les règles suivies le plus généralement et les exceptions qui s'écartent le plus du droit commun; mais je n'aurais pu, sans me perdre dans un chaos de minuties dénuées (1) Place. Brab., t. IV, p. 159, flnrr. FUMA , 1. 1 , p. 767 (-2) Dec. 194, n° 2 ( »59 ) d'intérêt, passer en revue les détails infinis qui diversifiaient les statuts et les usages de toutes les parties du pays. Que les preneurs du passé, que les apologistes du pré- sent rapprochent les deux époques, voient, comparent et jugent. Pour un esprit impartial, quelle doit être la conclu- sion de ce rapprochement? Je laisse aux lecteurs, s'il en est que cette question intéresse, le soin de la résoudre eux-mêmes. Cet opuscule a pour but non de leur commu- niquer mes opinions , mais de mettre à leur disposition quelques éléments d'une comparaison que chacun d'eux peut faire aussi bien que moi. TABLE. I. - Obscurité de la matière page 97 II. — Objet restreint de la notice » 99 III. — Nature el origine des tailles 101 IV. — Vote, repartition et assiette » 102 V. - Diversité des bases » 112 VI. — Siège de l'obligation » 115 VII. — Exemptions » 118 VIII. — Recouvrement, poursuites, juges » 130 IX. Privilèges du fisc . . » 134 X. - Prescriptions » 137 XI. — Conclusion » 138 ( 140 ) CLASSE DES BEAUX -ARTS. Séance du 12 janvier 4865. M. De Keyzer, directeur. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Al vin, G. Geefs,Madou, Navez, Simonis, Van Hasselt, J. Geefs, De Braekeleer, Fraikin, Partoes, Ed. Fétis, De Bussclier, Portaels, Balat, Payen, le chevalier Léon de Burbure, Franck, membres. M. Nolet de Brauwere Van Steeland, associé de la classe des lettres, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. M. le secrétaire perpétuel donne connaissance de la mort de M. Braemt, membre de la classe, décédé le 2 décembre dernier, à l'âge de 68 ans. M. Alvin, vice-directeur de la classe, communique le discours suivant qu'il a prononcé sur la tombe du défunt : « Messieurs, C'est pour la septième fois que, depuis moins de qua- tre ans, les membres de la classe des beaux-arts de l'Aca- démie royale de Belgique se trouvent réunis autour de la ( m ) tombe d'un confrère. La mort frappe sans relâche dans les rangs de l'école dont les premières années de ce siècle ont éclairé les débuts. C'est la loi de l'humanité; nous devons nous y soumettre pour nous-mêmes et pour les objets de notre affection, mais les regrets et les larmes ne sont point une révolte; il est juste, il est bonde pleurer sur les amis qui s'en vont. Hier, c'était Roelandt, l'éminent architecte auquel la ville de Gand doit ses plus beaux mo- numents modernes; aujourd'hui , c'est encore un soldat de la vaillante phalange de Flandre que nous accompagnons à sa dernière demeure. Parmi les grandes villes belges, Gand s'est toujours dis- tinguée par l'encouragement que ses magistrats, secondés d'une population sympathique, accordent aux beaux-arts; c'est Là que l'esprit d'association s'exerça d'abord par la fondation de sociétés ayant pour objet le développement des facultés élevées de l'esprit; là s'ouvrirent les premières expositions de peinture. C'est parmi les riches citoyens de cette cité que les jeunes artistes rencontrèrent le plus facilement de généreux protecteurs : Vilain XIIII, Van Hul- them, Cornelissen, d'Hane de Potter, voilà des noms qui rappellent une époque où tout jeune homme, annonçant des dispositions pour la culture d'un art, était assuré d'être efficacement soutenu dans la route difficile et ardue qui conduit aux sommets. Celui dont nous pleurons aujourd'hui la perte a ressenti dans sa jeunesse les effets de cet encouragement aussi éclairé qu'affectueux. Joseph-Pierre Braemt est né à Gand, le 15 juin 1796. Destiné d'abord à une carrière pour laquelle les arts du dessin sont indispensables, il puisa, dans la pratique des travaux de l'orfèvrerie, le sentiment du beau dans la ( 142) forme. Un séjour assez prolongé à Paris l'avait familiarisé avec les productions les plus fameuses de l'antiquité et de la renaissance. Quand il fut en âge de choisir lui-même sa spécialité, il se sentit entraîné vers la gravure. Il avait vingt-deux ans lorsqu'il obtint son premier succès sérieux , succès qui le signala à l'attention de ses compatriotes. La Société royale de botanique de Gand l'avait chargé de graver les coins de la médaille destinée à récompenser les vainqueurs dans les concours d'horticulture. Le jeune Braemt avait été très-heureux dans son coup d'essai, qui est encore au- jourd'hui l'une des meilleures productions de la numisma- tique belge moderne. L'année suivante, en 1819, Braemt fut choisi pour gra- ver la médaille commémorative de la pose de la première pierre du palais de l'université de Gand. Nouveau succès qui attira sur le jeune graveur l'attention du gouverne- ment des Pays-Bas. Dès lors et pendant un grand nombre d'années , il fut chargé de l'exécution de toutes les mé- dailles destinées à perpétuer le souvenir des événements mémorables. En 1821, c'est la victoire de Palembang; en 1825, l'érection du monument de Waterloo et l'inauguration du roi Guillaume; en 1824, l'installation de l'ordre de Guillaume. Le gouvernement de la Belgique continua à Braemt la confiance que lui avait accordée celui des Pays-Bas; il le nomma graveur des monnaies. Pendant plus de quarante ans, notre confrère n'a cessé de travailler et de produire des œuvres de mérite. La der- nière moitié de cette longue période a été témoin de pro- grès notables dans l'art de la gravure. Braemt a vu grandir ( 143 ) auprès de lui de jeunes émules; il applaudissait à leurs succès et jamais son cœur droit et loyal ne s'est laissé entraîner aux suggestions de la jalousie. Braemt était membre de l'Institut royal des Pays-Bas, il appartenait aussi à l'Académie d'Anvers, la plupart de nos sociétés artistiques et littéraires avaient tenu à hon- neur de se l'associer. Il reçut , le même jour, de la bienveillance du Roi deux distinctions qui lui étaient bien précieuses : le 1er décem- bre 1845, il était nommé chevalier de l'ordre de Léopold et membre de la classe des beaux-arts de l'Académie royale de Belgique. La première de ces distinctions était motivée par les ouvrages que Braemt avait présentés à l'exposition nationale; il a pleinement justifié l'autre : nul d'entre nous n'a montré plus d'assiduité aux séances de la compagnie. Il y apportait trois choses particulièrement nécessaires dans la délibération : le bon sens , l'expérience et le bon goût. Son habitude des affaires a été surtout utile au dévelop- pement d'une institution de bienfaisance dont les artistes malheureux sont appelés à recueillir les fruits. Je veux parler de la caisse centrale des artistes belges. Braemt en était le trésorier, c'est lui qui en avait organisé la partie financière. On ne saurait donner assez d'éloges au dévouement qu'il a déployé dans l'accomplissement de ia tâche labo- rieuse qu'il s'était imposée et dans laquelle il ne sera pas aisément remplacé. Quelques heures avant sa mort, il s'occupait encore des intérêts de cette caisse et s'efforçait, prévoyant sa fin pro- chaine, de mettre la correspondance et la comptabilité dans un ordre irréprochable. 11 n'a pas même voulu; en ( 144 ) quittant ce monde, abandonner tout à t'ait l'institution qu'il regardait comme son enfant, il a fait en sorte que sa présence s'y manifestât aussi longtemps que la caisse elle-même subsisterait, et pour cela il lui a légué sa belle collection de médailles anciennes et modernes. Sous des dehors quelquefois rudes, Braemt était un homme de goût délicat. Il a donné mille preuves d'un sen- timent exquis du beau chaque fois qu'on s'est adressé à lui pour quelque projet artistique. Parlerai-je des qualités du cœur qui nous faisaient aimer notre confrère ? Aucun de vous n'a besoin de ce stimulant pour sentir l'étendue de la perte que nous ve- nons de faire. Vous le connaissiez , vous l'appréciiez trop bien pour qu'il soit besoin d'exciter vos regrets. Adieu donc, cher confrère, puisses-tu jouir, dans un monde meilleur, de la récompense si bien méritée par une vie de travail , de loyauté et d'honneur ! Tu n'es point mort tout entier, puisque tu laisses, pour conserver ta mémoire ici-bas, tes ouvrages et tes bonnes actions. » — ïl est donné Jecture de l'arrêté royal qui nomme M. Al vin président de l'Académie pour l'année 1865. — L'Institut royal britannique des architectes de Lon- dres remercie l'Académie pour l'envoi de ses publications. — M. Ad. Siret, correspondant de la classe, fait par- venir, pour être insérée dans l'Annuaire de l'Académie, la notice qui lui avait été demandée sur Erin Corr, décédé dans le courant de l'année dernière. — M. Auguste Vander Meersch, architecte, à Aude- naerde, écrit que son frère Désiré-Joseph, en mourant, a laissé à l'Académie différents manuscrits sur l'histoire ( »45 ) des tapisseries d'Audenarde; il exprimé en même temps le désir de voir la compagnie souscrire à quelques condi- tions pour l'acceptation de ce legs. MM. De Busscher, Van Hasselt et de Burbure sont invités à examiner cette de- mande. — M. AI vin dépose la 2e livraison des documents icono- graphiques publiés par la Bibliothèque royale de Bruxelles. — Remercîments. — M. DeKeyzer donne lecture d'une lettre de M. Hittorf, associé de l'Académie, qui signale l'intérêt que présentent divers articles insérés aux Bulletins : M. Yan Hasselt fait à ce sujet quelques communications et se charge de les rédiger pour la prochaine séance. — Ed. Fétis fait connaître qu'il transmettra prochai- nement à M. le secrétaire perpétuel les renseignements demandés par la Société des sciences de l'Yonne sur des tapisseries de l'ancienne école flamande. ELECTIONS. La classe avait à désigner, dès à présent, son directeur pour Tannée 4866 : M. De Busscher a été nommé à la majorité des suffrages. La classe procède ensuite à l'élection d'un membre effectif et de plusieurs associés. M. Gustave Deman a été nommé membre, en remplace- ment de M. Roelandt, dans la section d'architecture. Cette 2me SÉRIE, TOME XIX. 10 ( 146 ) nomination , aux termes du règlement , sera soumise à la sanction royale. La classe, ensuite, a nommé successivement comme associés : Dans la section de peinture, en remplacement de MM. Flandrin et Galame : M. Gérome, peintre d'histoire, à Paris, et M. Frédéric Madrazo, à Madrid. Dans la section de gravure, en remplacement de M. Pis- trucci, M. Edouard Manuel, à Dusseldorf. Dans la section d'architecture, en remplacement de M. Von Klenze, M. César Daly, à Paris. Dans la section de musique, en remplacement de M. Meverbeer, M. Verdi, à Turin. CAISSE CENTRALE DES ARTISTES RELGES. — M. Edouard Fétis, secrétaire du comité directeur de la caisse, fait connaître que le comité s'est réuni avant la séance, et qu'il s'est occupé de suppléer, autant que possible, à la perte qu'il vient de faire par la mort de M. Braemt, son trésorier. M. Braemt, dans sa préoccu- pation pour le bien-être de la caisse, a pris soin de cette institution jusqu'à son dernier instant, et il lui a légué, comme dernier souvenir, sa collection de médailles en exprimant la volonté qu'on la vendît au profit de l'asso- ciation. M. Alvin a bien voulu se charger de remplir provisoire- ment les fonctions de trésorier de la caisse. Le comité fait connaître qu'il s'est formé à Liège un sous- comité, pour surveiller les intérêts de la caisse ( >« ) dans cette ville; il aura pour président M. de Selys- Longchamps, et pour secrétaire M. Dewalque. — M. De Keyzer remercie la classe pour la bienveil- lance qu'elle lui a témoignée pendant qu'il en était direc- teur; il invile M. De Busscher à venir prendre place au bureau. M. Alvin propose de voter des remercîments au direc- teur sortant; il remercie la classe en ce qui le concerne personnellement. M. De Busscher exprime également ses remercîments. La classe répond par des applaudissements aux diffé- rentes allocutions qui lui sont adressées. OUVBAGES PRÉSENTÉS. De Smet (J.-J.). — Recueil de mémoires et notices histori- ques, tome Ier. Gand, 1864; in-8°. De Ram (P.-F.-X.). — Annuaire de l'Université catholique de Louvain, 29me année, 1865. Louvain; in-12. Quetelet (Ad.). — Annuaire de l'Observatoire royal de Bruxelles, 52n,e année, 1865. Bruxelles, 1864; in-12. Chalon (/?.). — Curiosités numismatiques. Bruxelles, 1864; in-8°. [Guillaume ( le général)]. — Lettre à M. Le Hardy de Beau- lieu, représentant, par un officier général. Bruxelles, 1865; in-8°. ( »48 ) [Guillaume (le général)]. — Lettre à M. d'Hane-Sleen- huyse par un ofïicier général. Bruxelles, 1865; in-8°. Morren (Edouard). — ^'acclimatation des plantes. Namur; in-8". Morren (Edouard). — Etienne Dossin, botaniste liégeois , 1777 à 1852. Gand, 1865; in-8°. Mailly (Ed.). — Essai sur les institutions scientifiques^de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, V. Bruxelles, 1805; in-12. Malaise (C). — Note sur le terrain crétacé de Lonzée. Bruxelles, 1864; in-8°. Ozeray (J.-F.). — Histoire de la ville et du duché de Bouillon. Deuxième édition. Bruxelles, 1864; 2 vol. in-8°. De Schoutheete de Tervarent (le chevalier).— Recherches sur le séjour au pays de Waes des familles de Burbure et Schoorman. 2me fascicule. Saint-Nicolas, 1864; gr. in-8°. Conseils provinciaux du royaume. — Procès-verbaux des séances, session de 1864. 9 vol. in -8°; — Annexes aux Ex- posés de la situation administrative des provinces de Hainaut, de Liège et de Namur, 1864; 5 vol. in-8°. Commissions royales d'art et d'archéologie. — Bulletin , IIInie année, octobre et novembre 1864. Bruxelles; in-8°. Fallot (feu le major du génie Laurillard). — Cours d'art militaire, ou leçons sur l'art militaire et les fortifications, données à l'École militaire, à Bruxelles. Troisième édition, revue et augmentée par le lieutenant-colonel du génie E. La- grange, lre, 2n,e et 4me partie. Bruxelles, 1858-1864; 2 vol. in-8°. Petrequin (J.-G.). — Vues nouvelles sur la chirurgie d'Hip- pocrate touchant les luxations du coude et les poses académi- ques de l'École de Cos. Anvers, 1864; in-8°. Revue universelle des arts , 10mP année, 20me vol. nos 1 à 5. Paris-Bruxelles, 1864; 3 cah. in-8°. D'Otreppe de nouvelle (Alb.). — Essai de tablettes lié- ( 149 ) geoises, 45™* et 4Gme livraisons. Liège, 1864-1865; 2 broch. in-12. Journal historique et littéraire, XXXIme année, liv. 10. Liège, 1865, in-8°. Revue trimestrielle, publiée sous la direction de M. Eu- gène Van Bemmel, 2me série, 1er volume. Bruxelles, 4865; in-12. Institut archéologique liégeois. — Bulletin, tome V, 3rac liv. Liège, 1864; in-8°. Cercle archéologique du pays de Waes, àSaint-Xicolas. Annales, tome second, lre livr. décembre 1864. Saint-Ni- colas; gr. in-8". De Vlaemsche school, tvdsehrift voor kunsten, letteren, * etenschappen , oudheidskunde en kunstnyverheid, Xde Jaarg. 25s,e_50de aflev en tite] en tafein. Anvers, 1864; 8 feuilles in -4°. V Abeille, revue pédagogique, publiée par Th. Braun. X",e année, \Omt à 12me livr. Bruxelles, 1864; 5 brochures in-8°. Académie royale de médecine de Belgique. — Bulletin, deuxième série, tome VII, nos 10 et 14. Bruxelles, 1864; 2 cah. in-8°. Annales de ï électricité et de l'hydrologie médicales, oœe année, nos 10 à 42. Bruxelles, 4864; 5 cah. in-8°. Annales d'oculistique, fondées par le docteur Florent Cu- nier, XXVIIe année, tome LU, 5me et 6me liv. Bruxelles, 1864; in-8°. Kops [Jan). — Flora batava, afbeelding en beschrijving van nederlandsche gewassen, gevolgd door Jhr. F.-A. Hartsen. 189ste aflevering. Amsterdam, 4864; in-4°. Hollandsche maatschappij der wetenschappen te Haarlem. — Xatuurkundige verbandelingen , 2dc verzameling, XIXliende deel, XXI8U deel, lste stuk. Haarlem, 1864; 2 cah. in-4°. Winckler (T.-C). — Catalogue systématique de la colletion ( 150 ) paléontologique du musée Teyler. Deuxième livraison. Haar- lem, 1864; gr. in-8°. Correspondance de Napoléon Ier, publiée par ordre de l'em- pereur Napoléon III, tome XV. Paris , 1864 ; in-4°. Lenormant [François). — Monographie de la voie sacrée éleusinienne, de ses monuments et de ses souvenirs, tome Ier. Paris, 1864 ; in-8°. Publication des œuvres complètes de Bartolomeo Borghesi. — Troisième rapport du secrétaire de la commission, M. Ernest Desjardins. Paris, 1864; gr. in-8°. Debouny [Wcdter). — Le cœur de l'homme, études poéti- ques, avec une introduction par Armand Le Bailly. Paris, 1864 ; gr. in-12. De Coussemaker (E.). — Scriptorum de musica medii aevi, novam seriem a Gerbertina alteram, collegit nuncque primum edidit. Tomus I. Paris, 1864;in-4°. Perreij [Alexis). — Documents sur les tremblements de terre et les phénomènes volcaniques dans l'archipel des Kou- riles et au Ramtschatka. Lyon, 1865; gr. in-8°, Barbiani (D.-G.) et Barbiani (B.-A.). — Mémoire sur les tremblements de terre dans l'île de Zante , avec une introduc- tion par M. Alexis Perrey. Lyon, 1864; in-8°. Société géologique de France. — Bulletin, deuxième série, XXImc année, feuilles 24-28. Paris, 1865; in-8°. Société météorologique de France. — Annuaire, tome XII,ue 1864, 2,ne partie, Bulletin des séances, feuilles 14-21. Paris, 1864;gr. in-8°. Institut historique de Paris. — L'Investigateur, journal. XXIme année, 560,,,e et 561me livr. Paris, 1864; in-8°. Société havraise d'études diverses, au Havre. — Recueil des publications de la 30,ne année (186ô) et séance publique du 10 juillet 1864. Havre, 1864; in-8°. Société impériale d'agriculture de Valenciennes. — Revue agricole, industrielle;, littéraire et artistique, 16rac année, ( 131 ) t. XVHIme, n0i 4, 5 cl 6. Valenciennes , 1804; 5 eah. in-8". Comité flamand de France, à Lille. — Bulletin, tome III, n° 12. Lille-Dunkerque, 186i; in-8°. Société de physique et d'histoire naturelle de Genève. — Mémoires, tome XVII, lre partie. Genève, 18G5; in-4°. Zoologische gesellschaft zu Frankfurt ÂjM. — Der zoo- logische garten. Zcitschrift fiir Beobaclitung , Pflege und Zucht der Thiere. Vde Jahrg., nos 7-12 und Inhalt en titel. Frankfurt A/M., 1864; in-8°. Naturwissenschaftliche vereines fur Steiermark zu Graz. Mittheilunger, I und II Heftes. Gratz, 1865-1864; 2 cahiers in-8°. Grunert (J.-A). — Archiv der mathematik und physik, XLIIIde Theil, l8le Heft. Greisswald, 1865; gr. in-8°. Kbnigliche baijerische Akademie der Wissenschaften zu Mûnchen. — Sitzungsberichte, 1864, II, Heft 2. Munich, 1864; in-8°. Von Schlangintweit-Sakùnlunski (ffermann). — Meteoro- logische resultate aus Indien und Hochasien (Il Beobach- tungcn iiber den Einfluss der Feuchtigkeit auf die Insolation). Munich, 1864; in-8°. Société impériale d'agriculture de Moscou. — Bulletin , année 1863 et 1863-1864, n09 1 à 7. Moscou, 1863-1864; 12 broch. in-8°. Numismatic Society of London. — The numismatic chro- nicle. New séries, n° XVI. Londres, 1864; in-8°. The Reader, a review of literature , science and art, vol. IV, nos 105 à 110. Londres, 1865; 5 doubles feuilles in-4°. Royal Society of arts and sciences of Mauritus. — Trans- actions, vol. II, part. 1, 2, 3, new séries, vol. I, part. 2, vol. II, part. 1. Mauritus (Ile Maurice), 1850 à 1861; 5 cah. in-8°; — Proceedings , 18 th. september 1851 to 25 th. oc- tober 1855. Mauritus; in-8°. — Reports of the agricultural committec, 1847 à 1865; 8 broch. in-8°. ( 152 ) Bouton (Louis). — Plantes médicinales de Maurice. (Deuxième édition.) Port-Louis, 1864; in-8°. Ai) r 'es (Philippe B.). — Sur la vaccine, de ses avantages et de ses prétendus inconvénients. Ile Maurice; in~8°. Matin (J.-R.). — Observations on the water supply of Mauritus. In-8°. Corrispondenza scientifica in Roma. — Vol. VIID1°, nos 11, 12,43. Rome, 1865; feuilles in-4°. Bulletino nautio e geografîco , appendice alla corrispon- denza scientifica di Roma, vol. III, nos 2 et 5. Rome, 1864; 2 feuilles in-4°. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE 1863. — No 2. CLASSE DES SCIENCES, Séance du 4 février 1865* M. Nerenburger, directeur. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Wesmael, Stas, De Koninck, Van Beneden, Dewalque, Ad. de Vaux, Edm. de Selys-Longchamps, le vicomte B. du Bus, Gluge, Mel- sens,Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, E. Quetelet, Spring, Gloesener, Candèze, Eug. Coemans, membres; Lamarle, Aug. Kekulé, associés; Montigny, Ed. Morren, correspondants. 2me SÉRIE, TOME XIX. 11 ( 1»4 ) CORRESPONDANCE. Il est donné lecture d'une lettre de M. le Ministre de l'intérieur, qui annonce qu'un arrêté royal du 12 janvier dernier approuve l'élection laite par la classe des sciences de MM. Maus, Gloesener, Spring, Candèze et l'abbé Coe- mans, en qualité de membres titulaires de ladite classe. M. Hansen , directeur de l'observatoire de Gotha , récem- ment nommé associé de l'Académie, exprime ses remercî- ments. M. J.-B. Vincent communique ses observations ornitho- logiques, faites dans les environs de Bruxelles, pendant l'année 1864. — Remercîments. — La classe reçoit les ouvrages manuscrits suivants, et nomme des commissaires pour les examiner, savoir : 1° Pour une note de M. Swarts, Sur V action de l'amal- game du sodium sur la conmazine et Vhèlicène. Commis- saire : M. Kekulé; 2° Sur les tremblements de terre en 1863, par M. Alexis Perrey. Commissaires : MM. Duprez et Ad. Quelelet. RAPPORTS. Note sur certaines illusions d'optique; par M. Delbœuf. Rapport pat* BM. Plateau. € La note de M. Delbœuf a pour objet les illusions de la vue auxquelles les Allemands ont donné le nom de pseu- ( 155 ) doscopies, et qui consistent en ce que certains dessins au Irai t , regardés directemen t , ne paraissen l pas sous leur véri- table forme ou avec leurs véritables dimensions relatives; des parallèles, par exemple, coupées par un système con- venable d'obliques , semblent perdre leur parallélisme, etc. M. Kundt avait déjà cherché à grouper les pseudoscopies sous un même point de vue, en posant ce principe, que l'œil apprécie les angles, non par les arcs qui les mesu- rent, mais par les cordes de ces arcs. En partant de là , on peut effectivement imaginer des pseudoscopies qui produi- sent l'effet attendu; mais le principe de M. Kundt ne con- stitue pas une explication des phénomènes, et d'ailleurs il est en défaut à l'égard de quelques pseudoscopies. M. Del- bœuf essaie de donner une théorie rationnelle et générale de ces phénomènes : selon lui , l'œil juge des angles et des longueurs par le sentiment instinctif de l'effort musculaire qu'il doit effectuer pour aller d'un point à un autre de l'ob- jet, en tenant compte de ce qu'une partie de cet effort est dépensée dans les passages du repos au mouvement et du mouvement au repos. C'est là, sans doute, une théorie hypothétique; mais l'auteur la rend probable en l'appuyant sur des analogies; elle rend raison de toutes les pseudoscopies, et permet, comme le principe de M. Kundt, d'en construire autant d'autres que l'on voudra. La note de M. Delbœuf me paraît intéressante, et j'ai l'honneur d'en proposer l'insertion au Bulletin. » Le rapport de M. Plateau, auquel souscrit M. Duprez, second commissaire, est adopté par la classe, et la notice de M. Delbœuf sera insérée dans le Bulletin avec les planches qui l'accompagnent. ( 156 ) Hérédité de la panachure (variegatio); par M. Ed. Morren. Rapport de 31. &ps'iitf*. Cette notice contient beaucoup de faits intéressants rela- tifs à la question souvent débattue de la panachure des plantes cultivées et sauvages. Elle fournit, en outre, des observations éclairant la doctrine de l'hérédité et de l'ata- visme. Je pense qu'elle figurerait avec avantage dans nos Bulletins. Etappovt de m. Eugène Coemans. Sans vouloir aucunement contredire l'auteur de cet in- téressant travail, je n'oserais cependant pas voir, avec lui , la cause principale de l'hérédité de la variégation dans la panachure marginale des feuilles carpellaires, qui se transmettrait ainsi par contagion aux jeunes ovules. La panachure est une débilitation des corpuscules amy- lacés qui président à la formation de la chlorophylle. Cette affection peut devenir chronique et héréditaire, mais elle n'est pas de nature , ce me semble , à se transmettre par contagion. Pour adopter l'opinion de M. Morren , il faudrait qu'il fût constaté que la panachure héréditaire ne se rencontre pas parmi les plantes à placenta axillaire libre et que, dans le cas d'hybridation , la panachure du père n'est pas transmissible. C'est ce qui n'a pas encore été prouvé. Pour le reste, la notice de M. Morren est des plus in té- ( *57 ) ressantes, tant au point de vue horticole qu'au point de vue botanique, et je m'empresse d'en proposer l'impres- sion dans les Bulletins de la compagnie. Conformément à ces conclusions , qu'adopte le troisième commissaire M. Wesmael, la notice de M. Morren sera in- sérée au Bulletin. Chorise du Gloxinia speciosa pétorisé ; par M. Ed. Morren, itapiioft (le HT. Etiyèuo l'oe»»>atts. La notice de M. Morren est consacrée à la description et à l'explication d'un cas de tératologie très-intéressant, celui d'une chorise corollaire complexe, résultant non d'un dé- doublement, mais plutôt d'une synanthie accompagnée d'avortement. Les Gloxinia, depuis qu'ils sont livrés à toutes les in- ventions de la culture, offrent d'année en année de plus nombreuses déformations florales. C'est ainsi que, outre les pélories et les chorises extraverticillaires citées par M. Mor- ren, on rencontre encore parfois, parmi les nombreux hybrides provenant du croisement des Gloxinia rubra et speciosa, des corolles à six et même à sept lobes, dont les divisions supplémentaires affectent les positions les plus irrégulières. Ces aberrations n'ont pas encore Gxé l'atten- tion des tératologistes, je suis cependant persuadé que leur étude apporterait de nouvelles lumières à l'inter- prétation du cas de chorise complexe dont M. Morren nous a entretenus. J'ai l'honneur de prier la classe de voter l'inv ( 158 ) pression de celle riolice et la reproduction de la planche qui l'accompagne dans les Bulletins de l'Académie. » Conformément aux conclusions de M. Coemans, appuyées par les deux autres commissaires, MM. SpringetWesmael, la notice de M. Morren sera imprimée dans le Bulletin. Notes sur quelques plantes rares ou critiques de la flore belge (5me série); par M. François Crepin. gêitppoi'i de M. Eugène Coeêttans. « Le travail que M. Crepin vient de soumettre ta l'ap- préciation de la classe est la communication la plus impor- tante qu'il ait faite jusqu'ici à l'Académie. Son 5me fascicule de plantes rares ou critiques de la flore belge renferme, en effet, des observations, le plus souvent pleines d'inté- rêt, sur près de quatre-vingt-dix espèces de la flore indi- gène. Parmi celles-ci, quarante environ ne sont citées qu'à titre d'indication de stations nouvelles, mais, par contre, quatorze sont entièrement neuves pour le pays et sept au- tres, dont on pouvait soupçonner la disparition, ont été retrouvées sur notre territoire. Les diagnoses de l'auteur, à l'égal de celles de nos meil- leures flores modernes, ont toute la clarté et la précision voulues, et attestent qu'il n'admet pas d'autorité, mais contrôle et lâche de perfectionner la caractéristique de ses devanciers. On doit lui savoir également gré d'avoir mis en tableaux parallèles les caractères d'un certain nombre ( »59 ) d'espèces affines, p. ex., des Cracca caria el villosa, des Ulricularia neglecta et vulgaris , Rumex aquaticus elmaxi- mus, Potamogelon mucronatus et pusillus et de plusieurs espèces de Carex. Les questions d'indigénat , toujours très-délicates, sont le plus souvent étudiées et résolues à l'aide des données de la géographie botanique; c'est ainsi que l'auteur a procédé pour les Arabis turrita, Brassica nigra, Lepidium draba, Colatea arborescens, Fœniculum capillaceum, Echium lap- pula, Ribes nigrum, Taxus baccata, etc. Je crois donc que le travail de M. Crepin apporte un contingent heureux à la flore de notre pays, et j'ai l'hon- neur d'en proposer l'impression dans le recueil des Mé- moires in-8° de l'Académie. x> Ces conclusions, appuyées par les deux autres commis- saires, MM. Spring et Wesmael, sont adoptées par la classe qui ordonne l'impression du mémoire de M. François Cre- pin dans le recueil in-8° des Mémoires couronnés et autres mémoires de V Académie. COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Ad. Quetelet présente un ouvrage qu'il vient de pu- blier sous le titre (^Histoire des sciences mathématiques et physiques chez tes Betges. Pendant près d'un demi- siècle, dit l'auteur, je me suis attaché à celte étude, et je me suis efforcé dans mes instants de loisir d'étudier les ( 160 ) travaux des savants anciens et modernes, qui se sont dis- tingués en Belgique, et de rappeler leur mérite par l'exa- men de leurs écrits et de leurs autres travaux. JSote sur les pyroxyles-, par M. Melsens, membre de l'Académie. Les propriétés brisantes, les irrégularités dans le tir, l'explosion sous l'influence de faibles chocs, la décompo- sition spontanée, etc., ne permettent pas, dans Vêlai actuel de la question, de penser à remplacer la poudre de guerre ordinaire par le pyroxyle. Je crois donc que MM. Pelouze et Maurey sont dans le vrai en repoussant l'emploi du pyroxyle pour les armes , ainsi que l'ont fait et le feront encore avec raison toutes les commissions militaires de tous les pays, aussi longtemps que la question ne sera pas mieux étudiée. Peut-être, néanmoins, pourrait-il être utilement employé déjà, lors- qu'il s'agit de profiter de ses propriétés brisantes, comme dans le cas des projectiles creux et principalement dans ceux qui sont destinés non-seulement à percer les blinda- ges des navires cuirassés, mais à produire en même temps des dégâts dans la muraille; les échantillons de pyroxyle sous forme de pulverin, de grains, de charge comprimée, que j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de l'Académie, me paraissent montrer, dès aujourd'hui, la possibilité de l'application que j'indique. — 11 paraît que la poudre de guerre la plus brisante ne permettra pas, dans certains cas, d'associer la solidité indispensable des parois du pro- jectile avec la charge que la chambre peut contenir, et qui ( 161 ) devra produire l'éclatement ; on semble même disposé à employer pour cet usage le fulminate de mercure , opinion que j'ai entendu émettre par des officiers distingués d'ar- tillerie. Quoi qu'il en soit, mais sans préjuger de l'avenir de l'em- ploi du pyroxyle dans les armes, je suis même porté à admettre que si l'on parvenait à fabriquer un produit con- stant, non susceptible de donner lieu à des explosions spon- tanées, on n'en devrait pas moins faire rejeter encore ac- tuellement son emploi dans les armes de guerre, à cause de la propriété que possède le pyroxyle de détonner sous l'influence de chocs très-faibles. On sait , en effet, que l'on a toujours écarté les poudres fabriquées au chlorate de potassium, bien que celles-ci ne se décomposent pas spon- tanément, bien qu'elles se conservent comme la poudre ordinaire; mais, indépendamment d'autres inconvénients graves, elles aussi détonnent sous l'influence de chocs assez faibles. L'attention ayant été de nouveau attirée sur le pyroxyle, dans ces derniers temps, j'ai pensé que les observations suivantes pourraient offrir quelque intérêt aux savants qui s'occupent.de la question. Deux opinions sont en présence : M. le général Lenk pense que l'on peut prévenir les explosions spontanées du pyroxyle eu apportant des soins particuliers dans la prépa- ration de ce produit. Je partage entièrement cet avis, me basant sur les expériences que je connais jusqu'aujourd'hui et y compris, bien entendu, celles que MM. PeïouzeetMau- rey citent dans leur travail ; ces savants pensent, au con- traire, qu'avec le temps, le pyroxyle autrichien doit éprou- ver les mêmes décompositions que le pyroxyle français ; car, en préparant la matière d'après les données du général ( 162) Lenk, ils oui eu plusieurs explosions à 100° C. En prolon- geant suffisamment l'action d'une température de 55 à 80° G., ils ont constaté des décompositions du même genre, soit aveclepyroxyle autrichien, soit avec le pyroxyle fran- çais; l'un de leurs produits, préparé d'après le procédé autrichien, a même fait explosion à 47° C. Je dois dire que j'ai pu conserver, sans altération appa- rente, une quinzaine d'échantillons de pyroxyle préparés de 1847 à 1850. Depuis deux ans, ils sont suspendus à six mètres de hauteur dans un coin de mon jardin, entre deux murs à angle droit, orientés de telle façon que la bissec- trice de cet angle coïncide sensiblement avec le plan du méridien. Ces poudres, en coton cardé, en tissus de diffé- rentes qualités, en dentelles de coton, sont tassées dans une grande bouteille de verre ordinaire, dont le goulot est fermé , mais dont le fond est enlevé et remplacé par un matelas de papier. Ces échantillons, à l'abri de l'humidité, sont donc exposés à la lumière, au soleil le plus ardent de la journée. On peut admettre que, dans ces conditions, le pyroxyle a été souvent soumis depuis deux ans à la tem- pérature de 69° C, observée au Bouchet dans des masses de coton étendues au soleil sur des draps de séchoir. Cepen- dant, j'ai trouvé tous ces échantillons intacts, il y a envi- ron deux mois. J'ai pris, au hasard, une dizaine de ces échantillons, je les ai desséchés prudemment et je les ai introduits dans des matras d'essayeur; ceux-ci ont été plongés dans une atmos- phère de vapeur d'eau à 100° C, pendant 28 jours, de- puis sept heures du matin jusqu'à sept heures du soir; un papier bleu de tournesol laissé dans l'intérieur du matras n'a rougi très-légèrement que pour deux de ces échantil- lons. Aucun n'a fait explosion. ( l<»5 ) Je dois ajouter que ces matières proviennent de prépa- rations très-différentes; en effet, elles ne constituent pas toutes des poudres énergiques, car je me souviens que plusieurs ont dû être préparées en vue de la préparation du collodion. Quoi qu'il en soit de la nature chimique et de la com- position de ces corps, que je n'ai pas soumis à l'analyse, ils brûlent tous d'une façon plus ou moins vive comme le pyroxyle, quelques-uns sont ou paraissent être très- vils, ne laissent aucun résidu en déflagrant et suppor- tent mieux l'action de la chaleur que les produits fabri- qués au Bouchet, et ceux préparés par MM. Pelouze et Maurey, soit d'après le procédé de M. le générai Lenk, soit d'après des procédés analogues à ceux mis en œuvre au Bouchet. Les pyroxyles, que j'ai préparés vers 1849, ont été lavés avec les plus grandes précautions par des immersions pro- longées dans l'eau; parfois je les laissais plongés dans de l'eau fortement alcalisée par l'ammoniaque caustique; je m'étais aperçu, vers cette époque, qu'il était convenable de laisser la matière, parfaitement lavée à l'eau du reste, en contact avec une dissolution étendue de soude caustique. Celle-ci se colorait toujours plus ou moins. Si mes produits offrent plus de résistance que les produits examinés par MM. Pelouze et Maurey, je suis porté à l'attribuer au lavage par l'alcali caustique ou une immersion de plusieurs jours dans de l'eau contenant quelques centièmes de soude. Souvent même, je me contentais de presser fortement le pyroxyle au sortir du bain caustique; parfois je le plon- geais dans un deuxième ou dans un troisième bain alcalin et caustique, ou je me contentais de le presser fortement et de le dessécher sans ;iulre lavage; dans cet état, le ( 1(34 ) pyroxyle retenait une petite quantité de soude qui, néces- sairement passait, pendant la dessiccation et à la longue, à Tétat de bicarbonate de sodium. Lorsque l'aspect de la matière ne me paraissait pas convenable en sortant de la lessive caustique, l'échantillon était de nouveau lavé à grande eau et replongé dans un bain de soude caustique étendue, pour terminer, ou bien je baignais le produit dans une dissolution saturée à froid de bicarbonate de sodium, et je me contentais d'exprimer fortement la liqueur sans lavage ultérieur; parfois, je faisais bouillir le produit avec la dissolution très-étendue de bicarbonate; le pyroxyle for- tement pressé était desséché lentement à la température ordinaire dans cet état. Les procédés que j'ai employés dans les lavages diffèrent donc du procédé français et de celui suivi par M. le géné- ral Lenk; en employant un alcali caustique, je me suis rapproché des conseils qui ont été donnés par M. Schôn- bein. Je ferai observer que mes pyroxyles restent souvent imprégnés d'une faible quantité de bicarbonate de sodium, tandis que ceux du général Lenk retiennent environ deux pour cent de silicate. Est-ce à dire qu'il faut attribuer la résistance que mes préparations opposent à la décomposition spontanée, à l'effet du lavage à la soude caustique, à l'ammoniaque caustique? Je pense que ce serait aller trop loin dans ce moment; car la plupart des échantillons, sur lesquels j'ai opéré , ont passé plusieurs années dans l'eau ; quel- ques-uns avaient même été envahis par des cryptogames verts, qui se produisent dans les eaux de source ; ce long séjour, dans un liquide en général légèrement alcalin , a pu exercer une action préservatrice en éliminant les produits les plus altérables. ( 105 ) On sait, par les travaux de MM. Bechamp, Hadow, Van Kerckhoff, Vohl, l'effet de faction des alcalis et la trans- formation des pyroxyles en produits dérivés nouveaux et nécessairement moins nitrés lorsqu'on opère à chaud; l'ac- tion duc au contact prolongé d'une eau légèrement caus- tique et froide, suivie d'un lavage à l'eau alcaline, n'a pas encore été étudiée analytiquement, sur le produit insoluble restant; on est tenté de croire qu'il doitprobablementavoir pour effet de rendre solubles les produits les plus détério- rables, en les ramenant vers une constitution plus simple, moins nitrée et offrant plus de résistance aux agents ordi- naires qui provoquent les décompositions spontanées. MM. Pelouze et Maurey font remarquer, dans leur mémoire , que tous les pyroxyles qu'ils ont analysés renfer- maient quelques millièmes de matières grasses et de par- ties solubles dans un mélange d'éther et d'alcool. L'action de la soude doit enlever les matières grasses, qui ne sont pas d'une nature cireuse, et doit exercer une action dissol- vante aussi sur des produits de décomposition qu'elle pro- voque, produits primaires ou secondaires, plus facilement décomposables et plus solubles que le pyroxyle; parmi ces premiers le pyroxam, la xyloïdine, etc. Quoi qu'il en soit, j'ai pu exposer mes pyroxyles lavés à la soude sur le tuyau d'un poêle et les rissoler sans en provoquer l'explosion; bien entendu que j'opérais sur de petites masses étalées et ne formant pas une pelote serrée. L'expérience dans ces conditions doit être nécessairement capricieuse; si elle ne réussit pas chaque fois, elle n'est cependant pas difficile , même dans ces mauvaises condi- tions. Des faits négatifs ne peuvent infirmer ce fait positif. On réussit toujours avec les bons pyroxyles, en opérant à des températures connues au bain d'alliage fusible. ( 160) Mais les décompositions des différents pyroxyles sous l'influence d'une température donnée, d'un temps connu, m'entraîneraient au delà des limites que je désire imposer à cette note. Je ne puis cependant m'empêcher de faire remarquer qu'il sera peut-être possible de résumer et de réunir sous quelques chefs déterminés les expériences si contradictoi- res de tant d'expérimentateurs : MM. Bôttger, Gladtstone, Knop, Marx, Payen, Pelouze, Piobert, Schônbein , Van Kerckhoff, etc. Quelques échantillons des pyroxyles précédents, lavés à la soude et retenant une faible quantité d'alcali, qui avaient été chauffés au bain-marie pendant un mois, n'ont fait explosion et détonné que vers 180° C; des observations analogues ont déjà été faites par d'autres expérimentateurs. — Sept autres échantillons, qui avaient subi des lavages exagérés à la soude, ont été desséchés ensuite à basse tem- pérature, puis chauffés sur un bain de mercure; ils étaient couverts par un disque de fer, légèrement bombé vers le centre , de façon à ce que le creux ménagé pût recevoir et bien abriter la charge; le bain était chauffé à 100° C. , on en élevait la température de 100° C. à 180° C. , en un temps qui a varié de sept à dix-sept minutes; ils ont fait explosion lorsque le thermomètre, plongé dans le bain, marquait 185° C. environ pour cinq de ces échantillons et 172 pour le sixième, qui fut expérimenté deux fois. J'ai employé dans le même but le bain d'alliage fusible, et les résultats ont été à peu près les mêmes en chauffant d'autres échantillons de la même façon. D'autres fois, j'ai enfermé le pvroxyle dans des tubes de fer plongeant de sept à huit centimètres dans le bain d'alliage; la tempéra- ture à laquelle l'explosion se produit descend beaucoup ( 167 ) même avec des produits bien lavés, elle parait être com- prise vers lo0° C. Mais il faut observer que beaucoup de circonstances modifient le moment de l'explosion; la rapi- dité avec laquelle la température s'élève, le poids du disque qui recouvre la poudre, le tassement de la poudre sous le disque ou dans les tubes, la bourre qu'on peut ajouter à ceux-ci, la quantité de matière, la nature des tubes con- ducteurs ou non conducteurs de la chaleur, etc., etc. Il me paraît que ces expériences montrent bien que de nouvelles recherches sont nécessaires, et que l'étude du pyroxyle devrait être reprise ab ovo, et avec le plus grand soin. Je reviendrai sur ce point et sur les altérations qu'une température élevée et longtemps maintenue produit sur le pyroxyle; cette transformation lente peut aller, comme l'ont déjà fait voir MM. Marx, Piobert, Van KerckhofF, jus- qu'à transformer le pyroxyle en une espèce de brûlin brun ou noirâtre, qui ne fait plus explosion et qui brûle comme de l'amadou. Quant à la détérioration lente sous l'influence de la cha- leur et particulièrement à des températures qui ne dépas- sent pas 100° C, les expériences sur des produits bien fabriqués manquent absolument. Il ne suffit pas de con- stater, dans un temps donné, la perte en poids du produit connu et analysé dont on part, mais il faut se rendre compte en poids de la nature de tous les produits qui se dégagent et décrire, de la façon la plus exacte possible, les propriétés chimiques et physiques du résidu. Le Bulletin de la Société chimique (8 octobre 1864) contient une observation de M. Barreswill, sur le travail de MM. Pelouze et Maurey; elle me paraît très-importante ( »68 ) dans la question de la préparation du pyroxyle; ce savant cite un fait qui lui est personnel sur la production de l'acide perchromique par l'action de l'eau oxygénée et de l'acide chromique. M. Rose n'a reproduit l'expérience de M. Barreswill, qu'après l'avoir vu exécuter sous ses yeux. M. Barreswill se demande si MM. Pelouze et Maurey « ont » bien réellement obtenu le pyroxyle de M. le général » Lenk ? Cela paraît probable, car les indications données » par M. le général Lenk semblent complètes, à moins » qu'il ne faille attacher une importance réelle à certaines » conditions dont le général n'aurait pas lui-même corn- » pris l'importance en les passant sous silence, les auteurs » français les ayant ainsi ignorées. » Voyons jusqu'à quel point ces assertions peuvent être admises. Dans leur travail, MM. Pelouze et Maurey décrivent les procédés employés au Bouchet et ceux du général Lenk (1), ils trouvent inutile de discuter les différences autres que celle qui consiste dans l'emploi que l'on faisait au Bou- chet de presses à vis pour exprimer les acides et l'eau, tandis que le général Lenk emploie dans le même but des essoi-euses à force centrifuge, à ce que je suppose. Les savants français ajoutent : L'emploi des essoreuses a sur celui des presses l'avantage de ménager les fibres du coton. Il peut donc en résulter un produit plus satisfaisant à l'œil, mais il est évident que cette modification n'influe point sur la composition chimique. Nous ne discuterons pas les autres différences existant entre le procédé du Bouchet et celui de Hirtenberg. (4) Je n'ai pas en ma possession les mémoires du général Lenk, et je n les connais quo par les publications françaises. ( 169 ) Je ne puis à mon grand regret partager les opinions de MM. Pelouze et Maurey. On appréciera les motifs qui me font opiner tout autre- ment par le récit qui termine cette note. J'admettrais même, avec les savants français, jusqu'à preuve du contraire : 1° que l'intervention de 2 p. °/0 de silicate de sodium n'a pas l'importance qui lui est attri- buée par le général Lenk; 2° qu'un lavage de quelques jours équivaut à un lavage prolongé de six semaines, suivi d'un lessivage au carbonate de potasse à 2° B. et à 100° C, terminé par un dernier lavage à l'eau , ce qui est loin d'être prouvé, selon moi. Mais, à mon avis, et indé- pendamment de circonstances que je ne puis apprécier, c'est à l'emploi des presses à vis qui, dans certains cas, peuvent empêcher un bon lavage, que l'on doit attribuer les explosions spontanées survenues au Bouchet et à Vincennes,et la détérioration de seize échantillons sur vingt-huit, prélevés sur les produits fabriqués au Bou- chet, en 1847. En résumé, je crois pouvoir admettre: que les esso- reuses ne permettent pas au coton de se pelotonner, comme cela arrive pour le coton sortant des presses; que le contact brusque et immédiat avec une grande masse d'eau froide, qui peut se renouveler très-rapidement et très-facilement dans le coton essoré, empêche une trop grande élévation de température ; cette élévation de tem- pérature peut aller jusqu'au dégagement de vapeurs rutilantes, ou au moins jusqu'à la transformation d'une certaine quantité de pyroxyle en matières gluantes, gommeuses, etc. Je suis étonné, aujourd'hui que les procédés de Hirten- berg sont connus, que le général Lenk n'ait pas attiré 2me SÉRIE, TOME XIX. 12 ( 170) l'attention, d'une façon toute particulière, sur ce point cri- tique de la fabrication ; il me semble qu'il fallait insister, et décrire avec précision le tour de main industriel qui avait conduit aux essoreuses; j'ai peine à comprendre les motifs d'une négligence pareille; d'après les seuls rensei- gnements que je connais par le travail de MM. Pelouze et Maurey, je crois pouvoir conclure que M. le général Lenk n'a pas été conduit à employer des essoreuses par les mo- tifs que je signale, mais bien parce que les appareils sont plus commodes, plus simples que les presses à vis, et qu'il est possible ainsi de mettre mieux les ouvriers à l'abri de vapeurs offensives. Je crois, comme M. Barresvill le sup- pose, que M. le général Lenk n'a pas compris l'importance réelle qu'il faut attacher aux conditions que je signale ici. Le récit à la fin de ma note semble prouver parfaitement ce que j'avance. Il serait utile, pour apprécier avec certitude jusqu'à quel point les lavages ont pu intervenir dans les décomposi- tions spontanées des produits du Bouchet, de connaître, dans tous leurs détails, toutes les opérations du lavage, tel qu'on l'exécutait. Yoici, du reste, une expérience que les personnes qui étudieront les pyroxyles feront bien de répéter : du coton assez mal cardé, sortant du bain nitro-sulfurique, est lavé à grande eau et plongé dans l'eau courante pendant douze ou vingt-quatre heures, de façon à être toujours submergé par l'eau qui se renouvelle constamment (un grand enton- noir, par exemple, muni d'un tube à double angle droit, la longue branche se trouvant à peu près à la hauteur de la partie évasée de l'entonnoir); en examinant le coton, on trouvera des fibres parfaitement isolées, d'autres au contraire sont accolées, et forment parfois de petites ag- ( 1-1 ) glomérations ; qu'on les place sur du papier buvard pour leur enlever l'excès d'eau, et puis dans du papier buvard bleui par du tournesol ; il m'est arrivé , après un lavage si prolongé, de voir le papier de tournesol rougir aux places correspondantes à ces petites pelotes, si l'on com- prime fortement le coton enveloppé dans son papier sen- sible. Cette expérience prouve la résistance que certaines portions de pvroxyle peuvent offrir au lavage. II parait donc absolument nécessaire, quand on emploie les presses à vis, de détruire autant que possible l'adhé- rence des fibres du coton nitro-sulfurique; or, tant qu'on chargera des ouvriers de ce travail , il faudra exercer une surveillance continuelle et intelligente, ce qui me paraît impossible. Il faut bien remarquer aussi que les hommes chargés de ce travail sont exposés aux vapeurs d'acide nitrique, si incommodes et si offensives, et que leurs mains gantées et armées de râteaux, afin d'éviter les corrosions produites par le mélange acide , sont par cela même gênées dans leur travail. Pour arriver à une fabrication type , il me semble que toutes les opérations devraient être d'abord exécutées par des machines, sauf à examiner ensuite tous les produits avec la plus scrupuleuse attention. Le pulverin que j'ai l'honneur de présenter me semble constituer une donnée intéressante, qui permettra de se rapprocher de cette fabrication modèle. Jusqu'à preuve du contraire, et dans l'hypothèse qu'il puisse exister dupyroxyle peu ou point décomposable spon- tanément, je pense qu'on peut admettre que, s'il y a tant d'exemples de décomposition spontanée à côté d'exem- ples plus nombreux d'une excellente conservation, la ( *72 ) faute en est aux procédés suivis et non à la matière, qui réclame, dans toutes les phases de sa fabrication, les soins les plus assidus, les plus minutieux et les plus intelligents. Il paraît résulter des expériences de MM. Pelouze et Maurey, que beaucoup de pyroxyles récemment fabri- qués, se trouvent dans un état d'équilibre instable ; mais il paraîtrait aussi que de longs lavages, l'air et l'eau peuvent modifier cet état, et qu'en définitive il reste un corps très-sensiblement homogène et plus durable; ce corps pyroxylique réaliserait un état d'équilibre relative- ment stable. Ce que la chaleur, la lumière, l'air et l'eau font lente- ment, sans danger, dans beaucoup de cas, ne peut-il donc pas se réaliser rapidement par des réactions chimiques, par une chaleur modérée prolongée, par des lavages réi- térés? La matière récemment fabriquée peut se modifier lentement, mais emmagasinée en grande masse avant cette transformation , celle-ci peut provoquer l'explosion brusque; avant de l'emmagasiner, il faut donc être certain qu'elle est dans cet état particulier qui lui assure une conservation dont nous ne connaîtrons le terme que plus tard, par des expériences longtemps suivies. Je dirai franchement, plus tard, ce que j'aurai observé dans une série assez nombreuse d'échantillons de py- roxyles que j'ai mis en expérience; pour le moment, je ne veux pas entrer dans plus de détails sur la décomposition spontanée des pyroxyles sous les influences ordinaires de conservation , telles que la chaleur, la lumière, l'air, l'hu- midité; je me borne à citer une expérience qui démontre qu'il faut tenir compte, plus qu'on ne l'a fait jusqu'aujour- d'hui, de Faction de l'humidité ou de l'eau en vapeur, et que des poudres, conservées humides, sont dans des con- ( 173 ) ditions toutes spéciales. Baignées, elles paraissent se conserver intactes à froid; humides et tassées, elles fer- menteront sans doute; si des taches d'huile s'y trouvent, la température pourra s'élever sur ces points et provoquer des effets analogues à ceux observés dans les indienneries; humides et très-légèrement alcalines , ne fût-ce que par la chaux des eaux ordinaires, elles permettent le développe- ment de végétations; humides, tassées et acides , leur dété- rioration sera sans doute accélérée, l'observation des seize échantillons décomposés du Bouchet semble le prouver. Voici l'expérience sur laquelle j'appelle particulièrement l'attention : des pyroxyles, bien lavés d'abord, desséchés avec le plus grand soin après les avoir imprégnés d'une très-faible quantité de bicarbonate de sodium, sont ensuite placés au bain-marie; un papier de tournesol bleu est introduit au milieu du tas de poudre; ils peuvent parfois rester au bain-marie à l'air, couverts d'un simple papier, pendant un mois, sans que le papier de tournesol rougisse. Il semble que l'on doit admettre que l'air ordinaire n'est jamais assez privé d'humidité, pour empêcher les vapeurs rutilantes de colorer le papier de tournesol en rouge. On re- prend cette poudre et l'on constate, sur un petit échantillon, qu'elle communique à l'eau distillée la propriété de bleuir le papier rouge de tournesol. Introduite sèche dans un ma- tras d'essayeur, qu'on plonge dans la vapeur, les papiers de tournesol restent bleus pendant longtemps dans ces nou- velles conditions; mais, si l'on introduit quelques gouttes d'eau distillée dans le matras, il suffit souvent de quelques minutes pour voir le papier bleu prendre une teinte rouge, qui indique la présence d'un acide énergique. Je signale ce fait afin qu'on ne m'accuse pas de croire a l'inaltérabilité absolue des pyroxyles, dans les conditions ( 174 ) ordinaires, parce que je n'admets pas une altérabilité aussi facile, aussi prompte et aussi capricieuse, que celle qui leur est attribuée par MM. Pelouze et Maurey; mais il doit être bien entendu que je parle d'un pyroxyle bien lavé, comme les échantillons que j'ai l'honneur de présenter à l'Académie. Quant à la constitution des pyroxyles balistiques, je n'ai aucun motif pour mettre en doute les analyses sur lesquel- les MM. Pelouze et Maurey établissent la formule de la poudre-coton qu'ils représentent par C24 H 18 O18, 5 kz O5 (1 ), mais je me refuse à admettre que celle qui est déduite des analyses de MM. Redtenbacher, Schrotter et Schneider, qu nu (A* O*)6 O20 ou Cu H1* O", 6 kz 0^ soit inexacte; je suis porté à croire , avec les savants que je viens de citer, qu'il peut exister un corps ayant cette dernière formule, bien que quelques motifs théoriques sem- blent s'y opposer; mais je me demande si l'on peut tra- duire les pyroxyles balistiques en formule. A mon sens, les savants français et les savants autrichiens ont opéré sur des produits distincts , et la question analytique de- vrait être reprise. Les chiffres obtenus par MM. Pelouze et Maurey semblent indiquer que leur produit a pu être mélangé d'une faible quantité d'un corps moins nitré, ana- logue à la xyloïdine, la nitramidine ou le pyroxam, plus facilement décomposable spontanément que la véritable poudre-coton. Je me permetterai aussi, et sans préjuger la formule que l'avenir déterminera, de ne pas partager absolument l'opi- (1). Je conserve la notation employée par MM. Pelouze et Maurey. C = 12; H = i; 0 = 8; kz — ti. ( 175 ) nion qui tendrait à admettre que le rendement constitue la base la plus solide pour établir la véritable composition du pxjroxyle. 11 me semble que les savants français auraient du prouver qu'ils ne perdent aucun produit accessoire, qui resterait dissous dans les acides et dans les eaux de lavage ordinaires ou alcalines qu'ils emploient; il me paraît diflicile, sinon impossible, de réaliser la théorie d'une ma- nière absolue comme ils le pensent; les rapports suivants justifient, ce me semble, mon observation : C24H20Q2<> 324 400.00 C2*H18Ajs50*3 576 177.77' qu H20 O20 _ 324 _ 100.00 qu nu A*fi 0"""" 576 ~~~ 183.33 ' Il me paraît qu'une perte de cinq à six pour cent sur la somme du produit à obtenir se comprend facilement, et qu'il est plus logique d'admettre ce déficit, que de croire qu'on réa- lise exactement le calcul. Faisons observer aussi qu'avec des lavages mal exécutés, il se produit incontestablement des substances de nature gommeuses ou sucrées, solubles dans l'eau, analogues, sans doute, à celles qu'on retrouve parfois dans les produits de la décomposition spontanée des pyroxyles mal préparés, et que MM. Pelouze et Maurey ont observées dans un des produits détériorés du Bou- chet(l). Je dois ajouter encore, s'il m'est permis d'en juger par mes propres expériences, que MM. Pelouze et Maurey ont dû opérer avec beaucoup de soin et d'exactitude pour éta- (1) Annales de chimie et de physique, pp. 204 et 20o, t. III , \r série. ( 476 ) blir Je rendement; quelques expériences m'ont prouvé en effet que je notais un peu au-dessous de leur chiffre. Vers 1849, deux arquebusiers distingués de Bruxelles avaient fabriqué un pistolet et une carabine à aiguille se chargeant par la culasse; la balle creuse portait une charge de poudre-coton, le fond du creux de la balle était muni d'une faible quantité de fulminate destiné à produire l'inflam- mation. Un chimiste leur avait enseigné la préparation du pyroxyle , et leur avait remis une provision de produit ainsi que le matériel néces- saire à la fabrication. La provision du pyroxyle épuisée, ces industriels se firent aider , pour en préparer de nouveau, par un pharmacien de Bruxelles; mais il leur fut impossible d'obtenir un bon produit; ce py- roxyle ne possédait aucune qualité qui permît de s'en servir dans leurs armes; quoique bien lavé, il acquérait très-rapidement une odeur nitreuse, sa force de propulsion dans l'arme était insuffisante; il se détériorait. Le chimiste qui avait guidé ces arquebusiers était absent, et, tout en sui- vant très-exactement, ses recommandations, il fut impossible de réaliser une bonne fabrication. Ils me prièrent , en qualité d'ami de leur chimiste absent, de les guider et d'examiner tous leurs produits. Je constatai que le coton était propre et bien cardé, l'acide nitrique avait une densité con- venable, l'acide sulfurique aussi, et, dès le premier essai, je fis à mon laboratoire une poudre excellente avec leurs matières. Ils se mirent depuis seuls à l'œuvre, et , à différentes reprises, ils ne firent que des produits détestables. Ce fut à la suite d'une série de mécomptes que je me décidai à assister à leurs opérations. Le coton était, plongé dans un mélange d'a- cide nitrique et sulfurique préparé d'avance ; je ne me souviens plus des proportions exactes, mais je crois que c'était un, en poids d'acide nitrique, sur trois d'acide sulfurique ; après un certain temps d'immersion, on en- levait le coton et on le soumettait à l'action d'une presse pour en faire écouler l'acide en excès. On formait ainsi des espèces de galettes de coton et on les lavait à l'eau pure. A la vue de la première masse de coton que je vis plonger dans l'eau, je ne pus m'empêcher de m'écrier qu'on allait faire une poudre détestable ; c'est, en effet, ce qui arriva. Je pris au hasard , dans le tas, deux parties de coton, et je fis le lavage en vue d'obtenir une mauvaise poudre, comme celle qu'on venait de fabriquer; le pyroxyle lavé par moi était absolument mauvais; la deuxième portion de coton était destinée à prouver que si l'immersion dans l'eau était bien conduite, rien n'empêchait de fabriquer une poudre excellente avec un produit identique à celui avec lequel je venais d'en préparer une détestable. Je ( 1" ) 6s ouvrir le coton le plus possible, et quand il fut parfaitement étale, je le plongeai brusquement dans l'eau , en prenant le soin de le remuer et de le comprimer constamment. La poudre obtenue était de toute pre- mière qualité, en tout semblable au produit fabriqué dans le temps par le premier chimiste. J'ai conservé, depuis celte époque, des balles pour pistolet; leurs char- ges sont parfaitement conservées aujourd'hui et se trouvent, ainsi que le pistolet en acier fondu, dans les mains de mon ami, M le capitaine Caron, chef du laboratoire de chimie au dépôt d'artillerie, à Paris. Je ferai obser- ver que cette arme rayée a tiré au delà de 50,000 coups et qu'elle est sensiblement intacte. Recherches sur l'indice de réfraction de la lumière blanche réfractée sans dispersion sensible; par M. Ch. Montigny, correspondant de l'Académie. Ce travail a pour objet de déterminer la position que prend un rayon de lumière blanche, relativement aux rayons colorés du spectre, quand le premier est réfracté par un milieu homogène sans éprouver de décomposition sensible. 11 semblera peut-être singulier de s'occuper de la mesure d'un phénomène qui, à la rigueur, ne se réalise pas dans l'expérience, puisque toute réfraction de la lumière blan- che par une substance homogène est accompagnée d'une dispersion, sensible ou non. Mais des raisons, que je vais exposer, m'ont engagé à entreprendre ce genre de recher- ches à l'égard de l'espèce de lumière qui est, en définitive, la plus abondamment répandue dans la nature, et sur l'es- sence de laquelle nos idées théoriques ne sont pas encore parfaitement assises, quoique nous considérions avec rai- son, depuis Newton, la lumière blanche comme étant le résultat du mélange de tous les rayons primitifs du spectre. Je ferai remarquer d'abord que, dans la mesure de la ( H8 ) réfraction par- la méthode fondée sur le phénomène du transport latéral, et dans les procédés applicables aux liquides que j'ai décrits précédemment, la lumière blanche est susceptible d'éprouver une forte déviation sans mani- fester de dispersion apparente dans les conditions spé- cifiées (*). Il est hors de doute que l'indice trouvé par ces procédés est celui qui conviendrait au rayon blanc, s'il était suscepti- ble de traverser, sans subir de décomposition intérieure, la substance homogène expérimentée, quand celle-ci est mise sous forme de milieu prismatique. Or, dans ce cas, la position du rayon blanc serait-elle sensiblement inva- riable, c'est-à-dire indépendante de la nature du milieu réfringent? Ce rayon s'écarterait-il assez peu de celui que l'on a appelé le rayon moyen du spectre, et qui appartient à la raie E de Fraunhoffer, pour que nous soyons autorisés à représenter, en optique, l'indice de la lumière blanche par l'indice caractéristique de la raie E , comme cela se fait ordinairement dans la comparaison entre la réfraction et la dispersion? Telles sont les questions que l'expérience doit décider. La dernière question soulevée a trait particulièrement à la réfraction par les gaz, puisque les indices relatifs à ces milieux sont en réalité des indices caractéristiques de la lumière blanche, aucune trace de dispersion n'ayant été signalée ni par Dulong, ni par MM. Arago etBiot dans leurs mesures sur la réfraction par les gaz. L'absence de colo- ration dans ces expériences résulte incontestablement de (*) Nouvelle méthode de mesure de l'indice de infraction des liquides. Bulletins de l'Académie, 2" série, tome XVIII. ( in ) ce que la dispersion est restée trop faible pour être per- ceptible, et nullement de ce que, par leur nature, les gaz seraient impropres à disperser la lumière, comme l'opinion en a été émise autre part (*). Refuser un pouvoir dispersif aux gaz est tout à la fois contraire aux fondements de la théorie concernant les rapports entre la lumière et la ma- tière, et en opposition manifeste, à l'égard de l'air, aux observations sur le pouvoir dispersif de l'atmosphère, qui est la cause indubitable des couleurs spectrales que les images télescopiques des astres présentent près de l'hori- zon. Ce fait mettant hors de doute la dispersion par l'air, qui n'est qu'un mélange d'oxygène et d'azote, et dont la puissance réfractive est en rapport si simple avec celles de ces gaz, il est tout à fait certain que ceux-ci , et, par ana- logie, tous les fluides élastiques, sont doués d'un pouvoir dispersif propre. « (") L'air est également réfrangible pour toutes les couleurs... La vitesse » de la lumière est indépendante de la couleur... » Introduction à la haute optique, par le Dr A. Béer, traduction de M. Forlhomme , pages 28 et 30. Dans les expériences rappelées plus haut, la réfraction de l'air au vide n'a pas dépassé 6', et les observations ont été effectuées sur des mires terrestres obscures, avec des instruments peu amplifiants; on conçoit alors que la dispersion, qui ne serait pour l'air qu'environ ljsom' de la réfraction, d'après l'estimation de Bessel, n'ait pu être sensible. Mais il en est autrement pour les images brillantes des étoiles, quand elles sont vues, à l'aide de puissants instruments, dans les régions infé- rieures de l'atmosphère où la réfraction s'élève à un demi-degré environ. Les étoiles s'étalent alors en images spectrales dont l'étendue en hauteur a varié entre cinq et vingt-deux secondes, pour des distances zénithales comprises entre quatre-vingt-six et quatre-vingt-neuf degrés , d'après les mesures des astronomes Bessel et Struve. Ce sont ces mesures que j'ai utilisées pour déterminer approximativement le pouvoir dispersif de l'air à l'égard de quelques-unes des couleurs du spectre, clans un travail qui est inséré au tome XXVI des Mémoires de l'Académie. ( 180 ) Ces faits précisés, il importe de savoir pour les gaz comme pour les autres substances, à quelle place correspond l'indice trouvé pour la lumière blanche dans le spectre propre à chacune. C'est ce que nous serons en droit de con- clure par analogie, avec toute certitude, je pense, d'après les expériences qui vont suivre, quoiqu'elles n'aient eu qu'une certaine catégorie de corps pour objet. Les substances sur lesquelles j'ai expérimenté sont toutes liquides; ce sont : l'eau, l'alcool, l'éther, une dissolution ammoniacale, les acides azotique et sulfurique, les essen- ces de térébenthine et de sassafras, la créosote et le sulfure de carbone, tous liquides de plus en plus réfringents. J'ai mesuré leur indice de réfraction, sans dispersion apparente, à l'aide de la seconde des deux méthodes que j'ai décrites: celle qui est fondée sur l'usage du cathétomètre comme instrument principal ('). Chaque liquide a été l'objet de (*) Dans ce procédé, ce sont les mesures cathélométriques qui réclament la plus grande précision, comme il a été dit précédemment. J'ai pu opérer dans les expériences actuelles à l'aide d'un excellent cathétomètre que M. le général Nerenburger a eu l'extrême obligeance de me confier, et qui donne les hauteurs àiilbome de millimètre près. Quand les instruments sont bien réglés et bien précis, il n'y a guère d'autre précaution à prendre dans la manière d'opérer, que de se servir d'une cuvette assez large, afin d'éviter que la courbure de la surface liquide , produite par capillarité près des bords du vase , n'altère l'hori- zontalité parfaite de cette surface, à l'endroit où les rayons émanés de la pointe métallique immergée sortent de la surface vers la lunette de théo- dolite. Comme des effets de même genre se produisent également autour du lieu d'immersion de la tige effilée en pointe, et qu'ils s'étendent à certaine distance, j'ai jugé prudent de substituer à la partie inférieure de cette tige un fil de platine contourné comme il suit. La partie du fil qui doit plonger dans le liquide est courbée en demi-cercle, d'un rayon de trois centimètres environ, puis repliée vers le bas à son extrémité inférieure. ( 181 ) plusieurs déterminations successives qui ont été nombreu- ses pour les plus importants. Ces substances sont comprises parmi celles dont le pou- voir dispersil' a été l'objet de mesures de la part de Fraun- hoffcr, de MM. Baden-Powell, Dale et Gladstone. Dans les déterminations de ces savants, qui sont rapportées aux raies de Fraunhofler, la généralité des observations sur les différents liquides ont été effectuées à 18° environ de température. L'époque avancée de l'année où j'ai pu opé- rer m'a forcé de le faire à des températures inférieures à 18°, que je n'ai point cherché à modifier, afin de laisser chaque liquide à la température de l'air ambiant. Comme la réfraction et la dispersion varient sensiblement avec la température, j'indique d'abord dans le tableau suivant, sous ce rapport et sous celui de la densité, quelles ont été, pour la plupart des liquides employés, les différences entre les observations précédentes et les miennes, que j'appellerai expériences récentes (*). sur une longueur d'un demi-centimètre. Cette extrémité, qui est effilée, se trouve sur le prolongement vertical de la tige primitive dans la même position que si le fil de platine était rectiligne. Le point où la courbure du fil émerge du liquide est alors assez éloigné du lieu où les rayons lumineux en sortent, pour qu'il n'y ait pas à craindre d'altération dans la forme de cette partie de la surface, par le fait d'actions capillaires exercées dans son voisinage. (*) Les observations de Fraunhofler sont relatives à l'eau et à l'essence de térébenthine, celles de MM. Dale et Gladstone concernent l'éther seu- lement. Toutes les autres appartiennent à M. Baden-Powell. Les résul- tats que ce savant a obtenus sont extraits de l'ouvrage cité plus haut du Dr A. Béer. ( 182 ) TABLEAU A. NOMS des SUBSTANCES. Expériences précédentes. température. densité. Expériences récentes. température. densité. ' Eau distillée . . • . Dissolution ammoniacale Ether sulfurique. . 18?70 15,00 17,6,0 18,00 18,60 8,50 17,20 18,20 15,65 1,000 0,898 0,815 1,467 1,835 0,885 8?20 8,65 5,40 7,10 7,60 8,25 7,20 7,80 7,20 6,70 1,000 0,925 0,760 0,804 1,424 t,845 0,876 1,296 Acide azotique . . . Acide sulfurique. . . Essence de térébenthine Essence de sassafras . Sulfure de carbone . . Avant de faire connaître les résultats de mes expérien- ces sur la réfraction de la lumière blanche par ces liquides, je donnerai des explications sur l'emploi d'une formule connue qui m'a permis de calculer l'indice propre à chaque liquide, indépendamment des expériences. Dans son beau mémoire sur la dispersion , M. Cauchy a fait voir que si Ton désigne par at et a2 un terme et un coefficient dont les valeurs respectives dépendent de la nature du milieu ré- fringent considéré, l'indice d'un rayon coloré, de longueur d'onde X, qui traverse ce milieu, est donné par la for- mule : (1) Dans un travail récent sur la dispersion de la lumière, ( 183) que M. Verdet a résumé dans les Annales de chimie et de physique (*), M. Christoffel a examiné s'il n'y avait pas moyen de donner à la formule de M. Cauchy une forme qui permît d'arriver à un accord aussi parfait que possible, entre la dispersion observée et la dispersion calculée pour plusieurs substances. Ce savant a été conduit d'abord à res- treindre l'application de la formule de M. Caucby jusqu'à une limite inférieure de longueur d'onde /0, au-dessus de laquelle la valeur de X doit rester, si l'on veut que n soit réel , c'est-à-dire qu'il y ait réfraction. M. Christoffel dési- gne par n0 la valeur de n qui répond à Ï = K Les éléments du rayon limite au delà duquel la réfraction n'est plus sus- ceptible d'être calculée à l'aide de la formule (1) , sont ainsi désignés par n0 et 19 dans l'expression de l'indice ni que M. Christoffel a déduite de la formule de M. Cauchy, et que voici : (2) «oV/2 V^iW' Il importe de remarquer que, pour la plupart des sub- stances dont la dispersion a été étudiée , >0 est une quan- tité très-petite par rapport à la longueur des rayons visibles du côté du violet, qui sont, comme on le sait, les rayons correspondant aux plus petites longueurs d'onde. Le rap- port 4^ reste alors un nombre fractionnaire. M. Christof- fel a comparé les résultats obtenus au moyen de sa formule, avec les résultats des observations sur le pouvoir dispersif de diverses substances fixé à l'égard des raies de Fraun- O Année 1862, tome LX1V, p. 370. ( 184 ) hoffer. Pour effectuer ce calcul, M. Christoffel a déterminé d'abord, pour chaque substance , les constantes n0 et >.0 au moyen des indices observés qui conviennent aux raies B et G, dont les longueurs d'onde correspondantes sont con- nues. Il introduit alors dans la formule (2) la valeur de la longueur d'onde >, qui correspond sensiblement à l'indice qu'il veut calculer. Les résultats obtenus de cette façon, pour les divers rayons, diffèrent extrêmement peu des indices des raies de Fraunhoffer observés, à l'égard de la plupart des substances. Dans la généralité des cas, les différences entre le calcul et l'observation ne surpassent guère six ou sept unités de la quatrième décimale de l'indice, et le plus sou- vent elles sont moindres. Après ces indications qu'il était indispensable de don- ner ici, il est aisé de concevoir que si la longueur d'onde, qui est attribuable à la lumière blanche, était connue, et qu'elle fût introduite dans la formule de M. Christoffel, où les constantes n0 et 10 auraient d'ailleurs reçu les valeurs qui conviennent à chaque substance, on obtiendrait alors pour n la valeur de l'indice propre à la lumière blanche, supposée réfractée sans dispersion par le milieu réfringent , comme le serait une couleur simple. Or, récemment, M. Billet a déterminé la valeur du "k moyen qui convient à la lumière blanche, à l'aide de mesures fondées sur des phénomènes d'interférence (*). C'est ainsi qu'il a trouvé pour le 1 du blanc : x = 0mra,000567. On conçoit aisément, d'après tout ce qui précède, qu'il m'a été possible de calculer l'indice du rayon blanc pour (*) Annales de chimie et de physique, 1S62, t. LXIV. Mémoire sur les demi-lentilles d'interférence, par M. Billet, pages 38M ei 39o. ( «»s ) les liquides indiqués, afin de les comparer à l'indice déduit de l'observation pour la même substance. Mais, préalable- ment, il a fallu déterminer les valeurs de n0et 10 à l'égard de la plupart des liquides sur lesquels j'avais opéré, et qui n'ont pas été l'objet des calculs de M. Christoffel. J'ai réuni dans le tableau de la note ci-dessous les valeurs des constantes n0 et 10 calculées à l'avance , à l'aide des indices des raies B et G que je cite aussi, et qui ont été mesurés par les savants nommés plus haut (*). Quant aux résultais de mes expériences et de mes cal- culs relatifs à l'indice de la lumière blanche, je les ai réu- nis dans le tableau suivant avec les indices des rayons D et E déterminés par Fraunhoffer, par MM. Baden-Powell , O Les substances pour lesquelles les constantes n0, >o ont été calcu- lées par M. Christoffel, sont marquées d'un astérisque. TABLEAU B. NOMS des SCBSTANCES. Indice de réfraction pour le9 raies G. Eau Dissolution ammoniacale Ether sulfurique * . Alcool Acide azotique . Acide sulfurique . Essence de térébenthine * Essence de sassafras. . Créosote Sulfure de carbone . . 1,330 935 1,343 000 1,354 500 1,362 800 1,398 800 1,432 100 1,470 500 1 ,525 750 1,531 960 1,617 700 341 293 355 000 364 600 373 300 415 500 444 000 488 200 557 500 563 900 679 900 1,8729 1,8930 1,9068 1,9178 1 ,9640 2,0143 2,0647 2,1276 2,1313 2,2422 mm 0,000 1361 1343 1316 1367 1705 1402 1634 2257 2264 2741 2"" SÉRIE, TOME XIX. 15 ( 186) Dale et Gladstone, afin de montrer que ces résultats sont compris entre les indices de ces deux rayons. La quatrième colonne contient les mesures obtenues par l'expérience seule, et la cinquième, les valeurs qui ont été déduites du calcul au moyen de la formule (2). TABLEAU C. NOMS IMUCH.i DE RÉFRACTION Différence de) pour le rayons pour la lumière blanche des ' " " ' ^"" deux dernières SUBSTANCES. D. E. d'après l'expérience. d'après la formule (2). colonnes. Eau 1 ,333 577 1,335 851 1,334 537 1,334 200 + 0,000 337 Dissolution ammoniacale. 1,348 000 1,350 000 1 ,348 955 1,348 251 -+- 0,000 703 Ether sulfurique . . . 1 ,330 600 1,359 000 1,558 025 1 ,358 320 - 0,000 295 Alcool 1,365 400 1,367 5(10 1 ,366 636 1,366 163 + 0,000 473 Acide azotique .... 1,402 600 1,406 200 1,402 875 1,405 098 — 0,002 225 Acide sulfurique . . . 1,435 100 1,438 000 1,436 260 1 ,435 846 -+- 0,000 414 Essence de térébenthine. 1,474 434 1,478 355 1,476 105 1,475 679 -+- 0,000 426 Essence de sassafras . 1,532 150 1,538 700 1 ,534 254 1,536 502 — 0,002 248 Créosote 1,538 330 1,545 230 1,540 592 1,539 601 + 0,000 991 Sulfure de carbone . . 1,631 830 l,6'i3 860 1,637 313 1 ,636509 -+- 0,000 804 Je ferai remarquer d'abord que les indices observés et les indices calculés sont tous compris entre l'indice du rayon D et celui du rayon E. Les deux séries s'accordent donc pour montrer que si la lumière blanche était suscep- tible de traverser les dix substances indiquées sans éprou- ver de décomposition, elle serait plus réfrangible que le premier rayon et moins que le second. La différence des indices observés et calculés n'affecte que la quatrième décimale à l'égard de huit substances, et ( 187 ) la troisième pour les deux autres. Parmi celles-ci, ligure l'acide azotique ; remarquons que c'est le liquide qui pré- sente, au tableau A, la différence de densité la plus pro- noncée entre l'échantillon des expériences précédentes et celui des nouvelles. Le signe qui affecte la différence à l'égard de cet acide au tableau C, nous explique suffisam- ment comment l'indice calculé, qui correspond à un échan- tillon plus dense, est plus élevé que l'indice déduit de mes recherches sur un acide moins concentré. Quant à l'essence de sassafras et à l'éther, les indications manquent pour décider si la différence des densités a pu exercer une in- fluence sur le sens du signe qui affecte les écarts de leurs indices respectifs. Il n'est pas surprenant que le signe des différences du tableau C soit positif pour la généralité des substances; il eût été tel à l'égard de toutes , si celles qui font exception avaient joui du même degré de pureté dans les deux sé- ries, puisqu'alors ce signe dépendrait exclusivement de la différence de température de l'une à l'autre. En effet, le cal- cul des indices à l'aide de la formule (2) est fondé sur des observations où les indices B et G ont été déterminés, par les savants cités, à des températures comprises entre 15 et 19°, sauf pour la térébenthine. Or, à ces températures, les indices des raies B et G ont certainement une valeur moin- dre que celle qu'ils auraient respectivement vers 7 à 8°, température de mes expériences. Ces faits posés, le rap- port qui unit, dans les applications de la formule (2), les indices de B et G à 18°, la valeur de n0 et la valeur finale de n pour une môme substance, fait que cette valeur finale varie dans le sens des indices de B et G. Il n'est donc pas surprenant que l'indice n de la lumière blanche, calculé à l'aide de résultats obtenus à 18°, soit moindre que l'in- dice propre à la même substance , mais mesuré à une lem- ( -188 ) pérature qui était inférieure de 40° environ à celle-ci, comme cela est arrivé dans mes recherches. Cette consé- quence nous explique le sens positif du signe qui affecte la généralité des différences de la dernière colonne. Concluons de ce qui précède que l'accord est très-satis- faisant entre les résultats de l'observation exclusive el ceux qui reposent, tout à la fois, sur les résultats des expé- riences précédentes et sur les calculs que j'ai effectués à l'aide de la formule (2). Il y a donc certitude que ces indices représentent très-bien en général la propagation delà lumière blanche, supposée non décomposée, dans les milieux spécifiés et aux températures indiquées. Il y a lieu de tirer de cet accord des conclusions plus gé- nérales. Disons d'abord que , d'après les applications faites par M. Christoffel à des milieux bi-réfringents, sa formule représente à leur égard la dispersion d'une manière aussi satisfaisante qu'à l'égard des substances simplement réfrin- gentes, bien entendu dans les conditions où le rayon extraordinaire coloré, soumis au calcul, suit la loi de Descartes. Concluons-en que la formule (2) est propre à calculer la réfaction de la lumière blanche pour une substance bi-réfringente, quand la longueur d'onde 0mm, 000567 y remplace l, et que les constantes n0 et >0 ont été déterminées d'après les conditions qui sont pres- crites tout à la fois par ce qui précède, et par la nature du rayon ordinaire ou extraordinaire considéré. La longueur d'onde 0min, 000567 ou A étant comprise entre 0mm,000589et 0m,n ,000526, longueurs correspondant aux raies D el E, dont les positions dans le spectre sont bien connues, il est évident que, pour toute substance réfringente , la valeur de l'indice calculé à l'égard de la lumière blanche sera comprise entre les indices relatifs à ces raies. Déduisons de là cette conclusion finale : ( 189 ) Si un rayon de lumière blanche était susceptible de se réfracter sans dispersion en traversant un milieu quelcon- que où il suivît la loi de Descartes, sa direction serait comprise entre les rayons qui correspondent l'un à la limite de l'orangé et du jaune dans le spectre, l'autre au com- mencement du vert. Déterminons exactement la position du rayon blanc par rapport aux raies D et E , en y faisant concourir les résul- tats de l'expérience et du calcul. Soient », n' les indi- ces de la lumière blanche observée et calculée à l'égard d'une même substance, et d, e les indices des rayons D et E qui figurent aussi au tableau C. La position du rayon blanc dans l'intervalle des deux raies sera sensible- ment donnée par les formules ^^ et ^=-j-, selon que l'on prendra l'indice déduit de l'expérience exclusive ou celui calculé au moyen de la formule (2). Voici les valeurs que l'on obtient dans les deux cas pour les liquides indiqués, sauf l'acide azotique que j'ai éliminé à cause de l'écart en- tre les indices, suffisamment expliqué. D'après l'observation. D'après le calcul. Eau 0,42 0,28 Dissolution ammoniacale 0,48 0,15 Élher 0,58 0,70 Alcool 0,57 0,53 Acide sulfurique , - • • °,57 0,26 Essence de térébenthine 0,42 0,52 Essence de sassafras 0,52 0,65 Créosote 0,55 0,18 Sulfure de carbone 0,49 0,44 Moyenne . . . 0,442 0,565 Les valeurs résultant de mes observations sont comprises entre des excès plus restreints que les valeurs déduites ( 190 ) concurremment du calcul et des observations précédentes. Mais la généralité et la moyenne des premières est plus élevée que la généralité et la moyenne des secondes. Cette particularité s'explique si l'on remarque que dans la for- mule ^^ qui sert à calculer les premières valeurs, l'in- dice n est trop fort relativement aux indices cl et e, parce que ceux-ci ont été déterminés à des températures voisines de 18°, et que n résulte des déterminations que j'ai prises vers 7 à 8°, température à laquelle correspond une réfrac- tion plus forte. D'après cela, le numérateur n — cl est un peu trop élevé par rapport au dénominateur e — cl. Nous pouvons calculer l'écart ^^ ou k du rayon blanc par rapport à la raie D, sans faire intervenir la valeur d'aucun indice observé, en nous servant de la formule (1) de M. Cauchy. Désignons par 1, e, £, les longueurs d'onde respective du rayon blanc et des rayons E, D; d'après la formule de M. Cauchy, leurs indices seront exprimés par les équations : ??=#,-»- — i a = a, h ' e = a , -+- — • À2 iï7 e2 La substitution de ces valeurs dans l'expression j-^n nous donne pour k : >2 W2— E2 I Remplaçons <5, 1, s, par leurs valeurs numériques 0mn'000589, 0mm000567 et 0mm000526; nous trouvons ainsi : k== 0,312. ( 191 ) Cette valeur n'est pas très-éloignée de la moyenne 0,365 obtenue plus haut. Mais l'expression algébrique de k in- dique ici que cet écart dépendrait seulement des longueurs d'ondulation, et nullement de la nature du milieu réfrin- gent. Il y a lieu de se demander si la formule de M. Chris- toffel, qui représente la dispersion plus exactement que celle de M. Cauchy, conduit à la même conséquence. Pour examiner cette question, je ferai remarquer d'abord qu'en remontant à l'équation bi-carrée d'où M. Christoffel a dé- duit la formule (2), il est possible d'obtenir l'expression de n sous la forme suivante , qui est aussi exacte que la pre- mière, mais plus commode ici pour les calculs (*) : (5). -VÈlVÎ -+- 1 k = Si nous formons de la même manière les expressions des indices cl et e, en fonction des longueurs d'onde d et e, et que nous les combinions avec la formule (5) de manière à satisfaire à l'équation k = ^5^ == j-~, nous obtenons : La valeur de fc, calculée de cette manière pour chaque (*) M. Christoffel déduit sa formule de Téquation bi-carrée : Si Ton multiplie les trois termes de cette équation par ( £ ) , on obtient une équation qui conduit aisément à l'expression (3) de w. ( 192 ) liquide, ne peul différer que par la valeur numérique de /0 propre à chacun, puisque les longueurs d'ondulation X, <î,#e, sont tout à fait indépendantes de la nature de la substance. Or, d'après le tableau B qui a été inséré en note, les valeurs de l0 pour les divers liquides sont comprises entre 0mm,0001o6i et 0nm,0002741, la première valeur concernant l'eau et la seconde le sulfure de carbone. Si nous nous bornons d'abord à calculer les facteurs compris entre les parenthèses à l'égard de ces deux substances extrêmes, si diversement réfringentes, nous obtiendrons pour l'eau : 4, 1 222 t/J — 4,0422 VI k = = — ; 4,1 222*/^ — 5,8885 Ke et pour le sulfure de carbone : __ 2,8669 V/? — 2,7859 V~ 2,86691/? — 2,6677 V7 Enfin, après avoir remplacé £, 1 et s par leurs valeurs connues, nous obtenons finalement pour l'eau : A- = 0,349, et pour le sulfure de carbone : h = 0,386. D'après ces valeurs, la position du rayon blanc entre les raies D et E ne serait pas rigoureusement indépendante de la nature du milieu réfringent; toutefois elle varierait peu et resterait comprise entre les limites ci-dessus pour toutes les substances dont la réfraction serait comprise entre celles des liquides éprouvés. La moyenne 0,567 qui ( 193 ) coïncide presque exactement avec celle obtenue plus haut, représente donc sensiblement l'écart qu'éprouverait le rayon blanc, supposé rétracté sans dispersion, en esti- mant cet écart dans le spectre à partir de la raie D et en traction de l'intervalle de celle-ci à la raie E. Il n'est pas sans intérêt de remarquer que la position du rayon blanc, à laquelle nous arrivons par des voies diffé- rentes, est voisine de la position 0,40 que M. Chevreul as- signe au jaune vert entre les raies D et E (*). Elle est aussi proche du lieu du maximum d'intensité lumineuse du spectre, qui serait situé à 0,50 entre les mêmes raies et aussi à partir de D, d'après les recherches de Fraun- hoffer. Enfin , d'après les expériences de M. Becquerel sur la position des rayons continuateurs des actions chimiques provoquées parla lumière du spectre, le maximum d'ac- tion de ces rayons serait à peu près à 0,60 de l'intervalle des raies D etE, non loin, comme on le voit, du lieu où la lumière blanche se réfracterait si elle n'était pas dispersée. Il résulte de l'ensemble des considérations précédentes, où j'ai cherché à faire marcher de front l'expérimentation et le calcul, que la réfraction de la lumière blanche, sup- posée sans dispersion, n'est représentée ni par l'indice de la raie B ni surtout par celui de la raie E pour aucun milieu. Si le rayon qui appartient à cette dernière a reçu la quali- fication de rayon moyen, parce qu'il indiquait sensible- ment, a-t-on pu croire, la marche que suivrait la lumière blanche dans les milieux réfringents, il y a eu erreur à cet égard. Je proposerai de réserver plutôt cette qualifica- tion au rayon qui représente lui-même la propagation du (") Des couleurs et de leurs applications aux arts industriels à l'aide fies cerrles chromatiques, par E. Chevreul, membre de l'Institut. ( »94 ) rayon blanc, soit que l'on détermine expérimentalement sa position par une des méthodes où il n'y ait pas de dis- persion manifeste, soit qu'on la recherche par le calcul, à l'aide de données préalablement fixées, comme je l'ai fait- Il est évident que l'indice obtenu de cette manière repré- sentera la mesure de la réfraction; ce que ne fait en réalité aucun des rayons principaux du spectre, chacun se propa- geant pour ainsi dire indépendamment des autres, malgré les rapports qu'une dispersion plus ou moins forte dans un milieu établit entre leurs marches particulières. Mais il en est autrement de la position que prend un rayon de lumière blanche, lorsqu'il émane obliquement d'un mi- lieu homogène , sans dispersion apparente ou manifeste. La position qu'il affecte alors dans une déviation ou dans un transport parallèle très-marqué, peut-être envisagée, au point de vue de l'expérimentation, comme résultant des propagations de tous les rayons constitutifs du spectre considérées dans leur ensemble. Selon cette manière de voir, il est très-possible que la partie de l'optique où la dispersion est envisagée dans ses rapporls avec la réfraction, trouve un avantage réel à substituer, pour la mesure de celle-ci, l'indice du rayon blanc à celui de la raie E, qui a été employé jusque maintenant dans des calculs. D'après cette manière de voir, la mesure de la dispersion serait exactement rap- portée à la position qu'occuperait le rayon blanc dans le spectre. ( 195 ) ISole sur certaines illusions d'optique; essai d'une théorie psychophysique de la manière dont l'œil apprécie les distances et les angles; par M. J. Delbœuf, professeur à l'Université de Gand. La plus saisissante des illusions dont nous allons nous occuper a été signalée, pour la première fois, croyons-nous, par Zollner {Ann. de Poggendorf, 4860, tom. CX). Elle est représentée fig. l,où l'on voit converger et diverger alter- nativement les parallèles A, B, C et D. Cet auteur en ten- tait une explication psychologique ingénieuse, mais qui ne résiste pas à l'examen, et qui d'ailleurs ne pourrait s'appli- quer avec succès aux autres illusions du même genre. Depuis lors {Ibid., tom. CXX), Auguste Kundt en a trouvé de nouvelles que représentent les fig. % 5, 4, 5, 6 et 7. Dans la fig. % les parallèles A et B se rapprochent vers leur milieu, et dans la fig. 3, elles s'éloignent et se renflent. Dans la fig. 4, la droite ABCD a cessé de le paraître; dans la fig. 5, les prolongements de bc paraissent être non ab et cd, mais a'b et cd!. De même les droites ab et cd de la fig. 6 ne semblent pas être dans le prolongement l'une de l'autre ; ab paraît devoir se continuer en c'd', et de en b'a'. Enfin la fig. 7 nous montre une droite AB brisée en trois morceaux , dont celui du milieu, entre autres particu- larités, paraît beaucoup moins incliné que les deux autres, surtout si l'on éloigne la figure. A ces pseudoscopies , Kundt en a joint une d'un autre genre, dont la fig. 9 donne une idée. Cette figure nous montre une droite divisée en deux moitiés, dont l'une est divisée à son tour en parties quel- conques par des points ; et cette dernière paraît en général plus grande que l'autre. C'est ce dont Kundt s'est assuré par une suite nombreuse d'expériences très-délicates, et ( 196 ) qu'il est facile d'ailleurs de reproduire en gros. Si l'on demande à la première personne venue de diviser à l'œil une droite donnée, on verra en général qu'elle la divisera avec assez d'approximation — à moins, bien entendu, que par suite d'une conformation particulière des yeux, elle ne soit tentée d'exagérer l'une ou l'autre moitié, celle de droite ou celle de gauche. Si l'on demande ensuite à cette même personne de diviser en deux parties égales une droite dont l'un des côtés est chargé de quelques points, elle rapprochera presque toujours le point de division de ce côté. Il n'est pas nécessaire d'un grand nombre d'expé- riences pour s'assurer de cette tendance. Mais celles de Kundt mettent la chose hors de doute. Kundt a expliqué tous ces faits au moyen d'une hypo- thèse unique : c'est que l'œil apprécie les angles , non par leurs arcs respectifs, mais par les cordes de ces arcs, et qu'il apprécie les longueurs par les cordes des angles vi- suels. Il suit de là que l'angle aigu est vu comparativement plus grand que son supplément qui est obtus; et que deux portions de droite bout à bout paraissent plus grandes que leur somme indivise, vu que la corde de l'angle qui com- prend cette dernière est plus petite que la somme des cor- des des angles qui comprennent ses deux parties. Ainsi, d'après Kundt, si deux droites divisent le cercle en quatre angles, nous jugeons de la grandeur de ceux-ci comme si le cercle était divisé proportionnellement aux cordes qui soustendent les arcs. Cette hypothèse est curieuse; mais, bien qu'en gros elle explique les faits précités, elle ne laisse pas d'être empreinte d'une certaine exagération comme le montre la firj. 10. Soient AOC et BOC deux angles droits; divisons l'angle AOC en deux parties égales par la droite OD; l'an- ( 197 ) gle AOC doit nous paraître plus grand et par suite BOC plus petit. C'est ce qui a légèrement lieu en effet, ainsi que nous le démontrerons; mais non cependant comme si la demi-circonférence était divisée en deux angles propor- tionnels à la corde CBet à la somme des cordes AD et DC. Plus loin, nous verrons une pseudoscopie, fïg. 18, qui ne s'explique pas dans cette hypothèse et suffit pour la faire rejeter. Dans tous les cas, il resterait à montrer pourquoi l'œil a choisi un moyen si bizarre, si inexact et si peu commode pour comparer les angles et les distances. Enfin, il est d'autres pseudoscopies qui ne pourraient évidemment s'expliquer de la même manière. Les/fy. 11 et 12 en donnent des exemples. Le premier est bien connu. Si l'on cache la droite OC , ne laissant ainsi voir que l'angle AOB , l'œil jugera la droite verticale OA plus grande que OB, bien qu'elle lui soit égale ; et quelque position que l'on donne à l'angle, la verticale paraît toujours plus grande que l'horizontale, et souvent dans une proportion considérable. L'autre doit être connu des imprimeurs et de ceux qui ont l'occasion de corriger des épreuves. Si l'on regarde les deux cercles superposés de la fig. 1% ils parais- sent égaux ou à peu près, ici il faut naturellement tenir compte des différences personnelles; mais si l'on retourne la figure, celui de dessous, maintenant en haut, paraît bien plus grand que son compagnon. En réalité, il est bien un peu plus grand , de l'épaisseur du trait tout au plus, mais cette différence disparaît quand le plus grand est en bas, et s'exagère quand il est en haut. L'expérience se fait très-commodément en composant les deux moitiés d'un s, d'un x, d'un z, ou d'un 8 imprimés. Dans la position ordi- naire de ces caractères, la différence est peu ou point sen- ( 198 ) sible; dans la position renversée, elle saute aux yeux Plus le caractère est petit, plus le phénomène est remarquable Ici certainement il faut faire intervenir un autre principe que celui de Kundt. L'explication que nous allons essayer de donner sera à la fois physique et psychologique, et la phvsiologie de son cote, peut lui apporter le secours et l'autorité de' ses propres expériences. Si toutes ces illusions s'expliquent dune manière uniforme et saisissahle , on pourra donner au nouveau principe droit de cité dans la science, jusqu'à ce que des faits positifs viennent nous forcer à l'accepter ou à le rejeter définitivement. Jusque dans ces derniers temps, on s'était peu occupé du soin de rechercher comment se forme en nous la notion de 1 étendue. D'un côté, la métaphysique discutait à perte de vue sur l'espace et le temps, et refusait aux autres sciences le droit de s'emparer de ces idées qu'elle considé- rait comme formant son domaine propre. D'un autre côté le matérialisme, qui dominait partout dans l'étude des phé- nomènes naturels, écartait volontiers toute considération métaphysique ou psychologique. On est revenu à une ap- préciation plus saine des faits ; et désormais la physiologie la physique, la mécanique prêtent à la psychologie une' main qu'elle a le bon esprit d'accepter. Or, que sont en dernière analyse, les phénomènes précités ? Ce sont'des jugements, en apparence primitifs, mais au fond appuyés sur des raisons dont on n'a pas conscience. 11 s'agit donc de pénétrer dans l'âme inconsciente, sur un terrain dont le sens intime est exclu, et où la spéculation ne peut que marcher en aveugle. Nous nous expliquons. Si je juge, d'une part, que les droites A cl B, fig. fi, son. parallèles, et, d'autre par,, qne ( 199 ) les droites A et B, fig. i, ne le sont pas, c'est que je suis sollicité en sens opposés par une ou plusieurs raisons qui échappent à ma conscience, mais qui pourtant influent sur mon jugement. Ces raisons, le moi ne peut les trouver immédiatement par le sens intime, il doit auparavant sou- mettre son âme et ses sens à une série d'expériences qui finiront par lui découvrir certaines lois de sa nature. Une de ces lois, qu'on peut encore contester , mais qui paraît s'établir sur des bases de jour en jour plus solides, c'est que ce sont les variations de nos sensations muscu- laires qui nous font juger des variations de l'étendue. De même que le voyageur mesure l'espace qu'il a parcouru par la fatigue qu'il éprouve , — jugement personnel qui peut être erroné comme tout jugement , — de même lors- que , immobiles , nous voulons juger de la distance et de la direction , c'est en général une sensation musculaire , ou le souvenir d'une pareille sensation , qui nous fournit les éléments d'appréciation. Un exemple va mettre la chose en évidence. Je veux juger de l'étendue d'une portion de droite. Pour cela, ou je marcherai le long de cette droite, ou ma main glissera d'une de ses extrémités à l'autre, ou mon œil la parcourra dans toute son étendue. Dans chacun de ces trois cas, il y a mouvement, contraction musculaire, fati- gue et sensation correspondante. Pour ce qui concerne en particulier la vue, la distance est en général aussi appré- ciée au moyen de l'angle optique, et celui-ci à son tour se ramène à l'appréciation des efforts que font les deux yeux pour se diriger vers le même point. Un œil unique peut même, jusqu'à un certain degré, juger de la profondeur suivant l'axe optique , par le sentiment de l'effort dit d'ac- commodation qui, en lui-même cependant, ne paraît pas ( 200 ) susceptible d'une grande précision. On sait, en effet, qu'il est assez difficile d'enfiler un anneau suspendu devant l'œil, de manière à ne laisser apercevoir que son épaisseur; mais un peu d'exercice finit par donner une certaine habileté à cet égard. On objectera sans doute que l'œil immobile peut juger des grandeurs. Sans contredit; et c'est pourquoi nous avons dit plus haut qu'il suffisait du souvenir d'une sensation musculaire. Les différents points de la rétine ne sont pas doués d'une sensibilité identique. Ainsi, une même image venant se peindre tour à tour sur des parties différentes de ce tissu nerveux , revêtira à chaque position des caractères propres, si nous pouvons nous exprimer ainsi , caractères qui per- mettent à la longue de reconnaître cette même position. C'est ainsi que, si je promène la tête d'une épingle sur ia main, je suis en état de reconnaître et de désigner chaque fois la partie touchée, grâce à la nature particulière, quoi- que indéfinissable, de la sensation éprouvée. Peu à peu donc, je me suis familiarisé avec la topographie de mon œil , et je sais actuellement, quand un rayon lumineux vient frapper ma rétine en un point déterminé, dans quel sens et de quelle quantité je devrais tourner mon œil pour amener ce rayon à frapper un autre point, le point le plus sensible, par exemple. Ainsi encore, de même qu'aujourd'hui, rien que par le sentiment de la position de mes deux mains, je puis dire quelle distance les sépare, sans que j'aie besoin de les rapprocher, de même, je puis déterminer la dislance qui sépare deux points de ma rétine, sans que j'aie besoin d'amener l'un à la place de l'autre. Cela posé, on comprend sans peine que toute cause qui tend à augmenter gratuitement la fatigue doit faire juger plus grande l'étendue à mesurer. ( 201 ) Ces causes peuvent être naturelles ou artificielles, inter- nes ou externes. Parmi les premières, on doit compter la faiblesse des muscles, soit native, soit accidentelle. Les muscles droits, interne et externe de l'œil, sont plus forts que les muscles droits, supérieur et inférieur. Il suit de là que l'effort pour mesurer une longueur horizontale est moindre que l'effort nécessaire pour mesurer celte même longueur placée verticalement. De deux piétons qui font le même chemin, celui-là trouve la roule plus longue dont les jambes sont plus faibles. Si l'on soulève le même poids tour-à-tour avec chaque main , la main gauche le jugera généralement plus lourd. C'est ce qui explique lapseudos- copie, fig. 11. Le rapport des forces de ces deux couples de muscles dans l'œil humain est à peu près comme o est à 4 en moyenne. Pour expliquer la pseudoscopie 12, il faut nous lancer dans le domaine des suppositions. On divise en général à peu près convenablement une droite horizontale en deux parties égales. On commet des erreurs, mais tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre, et la plupart du temps elles sont peu considérables. Si, au contraire, on fait diviser en deux parties égales une droite placée verticalement devant les veux, on marque presque toujours le point de division beau- coup trop haut. Nous en avons fait mille fois l'expérience, non-seulement sur nous-même, mais sur beaucoup de per- sonnes dont plusieurs étaient exercées à juger des dimen- sions à la simple vue. 11 va sans dire que pour bien faire ces sortes d'expériences, il ne faut pas prévenir les sujets du résultat qu'on a en vue. Sitôt que l'on sait qu'on divise mal, on devient presque infailliblement incapable de divi- ser naturellement et sans hésitation. D'où provient cette différence dans ces aptitudes si diverses de l'œil? 2me SÉRIE, TOME XIX. 14 ( 202 ) On peut admettre sans difficulté que les muscles droits, interne et externe, pas plus que les muscles droits, inférieur et supérieur, n'ont la môme puissance. Mais on voit, sans peine, que pour la division horizontale , peu importe qu'il y ait oui ou non une différence dans la puissance des mus- cles externe et interne, provenant soit de leur grosseur, soit de leur mode d'insertion. En effet, pour comparer les deux moitiés, les yeux voyagent du point milieu tour à tour vers l'extrémité de gauche et celle de droite. Quand c'est vers l'extrémité de droite qu'on dirige le regard, le muscle interne agit sur l'œil gauche, et le muscle externe sur l'œil droit; quand c'est vers l'extrémité de gauche, on tire l'œil gauche avec le muscle externe., l'œil droit avec le muscle interne; de sorte que, dans l'un comme dans l'autre cas, on fait agir à la fois un muscle interne et un muscle externe, ce qui annule les différences, en admettant bien entendu une symétrie parfaite entre les deux yeux. Les choses se passent-elles delà même façon dans la division verticale? Non. Ici, tantôt pour s'élever du point milieu vers le som- met de la verticale, on fait agir les deux muscles supé- rieurs; tantôt, quandon descend dumilieu versla base, on fait agir les inférieurs. Si les premiers sont plus faibles que les seconds, la moitié supérieure doit paraître plus grande que la moitié inférieure, fuj. 12; ou bien, si l'on divise, on doit diviser inégalement en plaçant le point de division trop haut. D'après les calculs auxquels nous nous sommes livré sur nos yeux et ceux de quelques autres personnes , la dif- férence est en moyenne de ^ (*).. (¥) Voir quelques chiffres à la fin de cette note. La première série de 70 épreuves m'a été fournie par un professeur de perspective. Le rapport ( 203 ) La physiologie a-t-elle des moyens assez précis pour constater une semblable différence dans la force des mus- cles? Nous n'en savons rien. Toujours est-il que l'expé- rience pourrait contrôler cette théorie, si l'on était en état de produire artificiellement la paralysie momentanée d'un muscle déterminé? Cela ne se peut pas encore, mais on a des exemples de paralysies maladives survenues ou guéries, et les phénomènes observés sont d'accord avec cette expli- cation. Wundt (Menschen-und Thierseele; Leipzig, 1865), parle d'un casseur de pierres qui fut atteint d'une paralysie d'un muscle de l'œil et qui déplaçait les objets dans le sens du muscle paralysé. Peu à peu, il s'habitua à juger plus sainement de la position des objets malgré son infirmité. Mais plus tard, ayant été guéri, il fut derechef tenté de déplacer les objets en sens contraire. Dans les premiers temps de sa guérison, un louche est plus ou moins dérouté, et ses erreurs confirment de tout point la théorie géné- rale qui précède. Tout le monde sait, d'ailleurs, qu'une jambe atteinte de rhumatisme trouve les marches d'un escalier d'une raideur démesurée. Cela provient de la même cause. En voilà assez, croyons-nous, sur les causes naturelles. Passons aux causes artificielles, tout au moins aussi inté- ressantes. moyen des divisions supérieures et inférieures est de 91/ioo. Elle présente ceci de remarquable que 19 fois la partie supérieure a été la plus grande, et que cette circonstance se rencontre principalement quand la ligne à diviser était considérable. La seconde série m'appartient, elle donne un rapport de 97/ioo; la troisième provient d'une autre personne, le rapport y est de 95/ioo. Ajoutons que, bien que les ligues à diviser soient classées par ordre de grandeur, elles ont été divisées sans ordre. Dans le tableau une petite croix + désigne les cas où la division supérieure s'est présentée plus grande que l'inférieure. ( 204 ) Chacun de nous a plus ou moins éprouvé combien il est fatigant de se promener dans un musée, ou en compagnie d'un ami qui s'arrête à chaque pas. On sait aussi que Ton parcourt plus facilement une route donnée en marchant d'un pas régulier, uniforme, qu'en changeant souvent d'al- lure. Ainsi encore, pour aller d'un point à un autre plus élevé, il vaut mieux suivre une pente continue et sensible- ment égale que d'y aller par monts et par vaux. La cause de ces différences est toute mécanique, fl y a, en effet, force perdue pour le mouvement dès qu'il y a passage du repos au mouvement et vice-versa, ou même simplement quand il y a variation de vitesse. Chacun sait combien un cheval doit faire d'efforts pour mettre en branle une lourde cha- rette, bien que le poids de celle-ci ne surpasse pas ses forces, et qu'une fois en route, il doive la traîner sans trop de peine. C'est qu'ici il y a passage du repos au mouve- ment. Il en est ainsi de nous chaque fois que nous faisons un effort quelconque, que nous soulevons des poids ou lan- çons des pierres. Dans ce dernier cas, par exemple, l'arrêt brusque du bras nous fatigue presqu'autant que si nous lui avions fait parcourir une circonférence entière. Il suit de là que, toutes choses égales, d'ailleurs, la route paraît d'autant plus longue qu'on s'est arrêté plus souvent. Or, l'œil aime à s'arrêter là où il y a variation brusque de lu- mière. Si l'on jette, par exemple, les yeux sur une muraille blanche où se trouve tracée une ligne noire ou même un simple point, ils sont attirés presqu'invinciblement vers ces signes. A première vue, ces considérations expliquent les pseu- doscopies, fig. 9 et 15. On voit pourquoi la moitié MA, fig. 9, doit paraître plus grande que la moitié MB, puis- que l'œil en la parcourant s'est arrêté aux points qui y sont ( 205 ) marqués, el s'est par suite fatigué davantage. Dans cette ligure, on a placé une ligne divisée également en deux, mais non marquée, pour que le lecteur puisse s'assurer que son œil juge en général sainement de l'égalité des deux moitiés. Il est à lui recommander pourtant, chaque fois qu'il considère une des droites, de cacher les deux autres, et même toutes les autres figures avoisinantes, pour se mettre à l'abri de toute influence extérieure, et enfin, de tenir compte de ses tendances ou aptitudes personnelles qui ne peuvent s'éliminer. La fig. 15 présente ceci de re- marquable, que l'œil juge l'angle BOC plus grand que BOA qui lui est égal; mais qu'il juge aussi parfaitement que l'angle EOD est plus grand que l'angle EOF, ce qu'il est en réalité. D'un côté, l'effet est dû à une différence réelle , objective; de l'autre à une différence artificielle, subjective. De là résulte que les angles de la figure paraissent être opposés par le sommet, quoiqu'ils ne le soient pas. Il suit de là un principe remarquable, et qui va d'un seul coup éclaircir toutes les autres pseudoscopies, et nous en faire au besoin découvrir de nouvelles. Voici ce principe : S'agit-il, par exemple, de comparer les deux portions AC et CB de la droite AB, fig. 14? L'œil compare la fatigue qu'exige de lui le parcours de AC et celle que demande le parcours de CB. De quoi se compose la première? D'une fatigue proportionnelle à la longueur a de AC, et d'une fatigue m provenant du passage du repos au mouvement en A, et de celui du mouvement au repos en C. De quoi se compose la seconde? D'une fatigue proportionnelle à la longueur b de BC, et d'une fatigue m provenant d'une cause identique. De sorte que le rapport réel de AC et de BC est-£ et le rapport apparent ~£. Or, ce dernier rap- port est plus grand ou plus petit que le premier, suivant ( 20ii ) que a est plus petit ou plus grand que b. En outre, la lon- gueur de la droite totale AB n'est pas vue comme a h- 6, mais comme a-hb-h m. De sorte qu'en dernière analyse la figure vue n'est pas une droite a -+- b , divisée en deux parties a et 6, mais une droite a-hb~\- m, divisée en deux parties pro- portionnelles ka-hmetb-\-m,k savoir : (a -+- b ■+■ m) (a -+- m) (a -4- b -+- m) (b -+- m) a -f- 6 -4- -2m « + 6 + 2»t La fuj. 15 montre une pseudoscopie fondée sur ce prin- cipe : les lignes brisées ABCD paraissent à tout œil non prévenu plus grandes que les droites PQ qui leur sont éga- les respectivement. S'agit-il de comparer deux angles ABD et DBC ,fîg. 16, dont l'un est obtus et l'autre aigu, l'œil agrandit chacun d'eux d'une petite quantité qui fait apparaître le premier comparativement plus petit et le second comparativement plus grand. C'est ce que montre à l'évidence la pseudos- copie ficj. 17, où CA prolongé semble ne pas devoir passer par l'extrémité de BD, mais un peu vers la gauche, en D', par exemple. Nous ferons remarquer une dernière fois à ce sujet qu'il est bon, avant de la regarder, d'isoler la ligure et d'y supprimer les lettres. Cette pseudoscopie fait donc voir que, pour l'œil, CA a tourné autour du point A vers la gauche, et BD autour du point B vers la gauche aussi; ou mieux encore qu'ils ont tourné en sens inverses, mais non de quantités proportionnelles. C'est sur ce principe qu'est fondée la pseudoscopie, fig. 18, où la droite AB semble se briser au milieu pour former un angle très-obtus dont l'ouverture est dirigée vers le bas. Si nous ne tenons compte que des angles AOC p( BOC donl les arcs son! respectivement a el 180° — n. ( 207 ) on voit que la circonférence entière doit être divisée dans le rapport de a ■+- m, 180° — a+m et i80°H-w;ce qui donne pour la mesure des angles AOC, COB et AOB : 360° (a -+- m) 3G0n (180° — a -+- m) 360° -+- 3m ' 360° h- 3w et enfin 300° (180° -f- m) 500" (180° h- m) 500° h- 3m 2(180° -f- m) -f- m c'est-à-dire que l'angle AOB apparaît comme étant un peu plus petit que deux droits. L'effet est d'autant plus grand que le nombre des angles est plus grand. Il ne faut pas croire cependant que l'on pourrait arriver, en multipliant ceux-ci, à produire un effet très-considérable, par exemple à transformer la droite AOB en un angle droit, parce que m est nécessairement très-petit, et puis parce que la mul- tiplication des points d'arrêt finirait par rendre le mou- vement de l'œil sensiblement uniforme et à ne plus lui laisser apercevoir qu'une teinte grisâtre au lieu d'un en- semble d'angles très-petits; on comparerait alors non une somme de petits angles avec un grand angle, mais un angle gris avec un angle blanc. La pseudoscopie , fig. 19, où la droite AB prend une forme de moins en moins sinueuse à mesure qu'on s'appro- cbe du point B, est une application de la théorie précé- dente. Cette pseudoscopie ne laisse pas subsister l'hypothèse de Kundt. Car, ou la ligne AB doit rester droite, si l'on ne lient pas compte de l'angle de 180°, ou elle doit se briser très- fort, si l'on regarde l'arc de cet angle comme sous-tendu par le diamètre. En effet, la somme des cordes des petits ( 208 ) angles au-dessus de AB se rapproche de la demi-circon- férence, et, tout calcul fait, on trouve pour l'angle appa- rent AOB une valeur d'environ 140°. Ni l'un ni l'autre de ces cas ne se produisent. Cependant Kundt est arrivé par une autre voie à un résultat analogue au nôtre. Aussi, l'ex- plication de certaines pseudoscopies ne différera pas gran- dement de celle qu'il en a donnée. 11 résulte encore de là que les côtés d'un triangle appa- raissent nécessairement comme légèrement arqués. L'effet est peu visible sur un triangle ordinaire; mais un peu d'ar- tiiice suffit pour l'agrandir et le rendre sensible; c'est ce que laisse voir la fig. 20 où les côtés du triangle apparais- sent manifestement bombés; en effet, la somme de ses trois angles apparents dépasse 180°. La pseudoscopie , fig. 6, provient de ce que les angles BCD et ABM paraissent plus grands qu'ils ne le sont en réalité. La pseudoscopie, fig. 4, présente ceci de remar- quable qu'on y voit parfaitement que l'effet est plus grand à mesure que l'angle est plus petit, car la ligne ABCD y parait sinueuse comme abcd. Cet effet est particulière- ment visible dans la fig. 21 où les droites A, B, C et D se courbent de moins en moins à mesure que les angles formés vers leurs extrémités sont de moins en moins aigus. La pseudoscopie, fig. 22, qui nous fait croire que la circon- férence se continue au-dessus de la corde AB par l'arc in- férieur, est fondée sur le même principe. Là où la corde AB n'est pas tracée, l'effet trompeur ne se produit plus avec une égale intensité, tant s'en faut. Comparez fig. 25, où l'arc extérieur continue le cercle. Les pseudoscopies 1 , 2,5,5 et 8 s'expliquent facile- ment au moyen de la fig. 7. Ici le tronçon du milieu de la droite ab parait plus droit que les deux autres tronçons, ( -209 ) parce que l'effet trompeur se double par les deux angles aigus qu'il fait avec les deux parallèles intermédiaires. C'est pourquoi les prolongements de bc, fig. o paraissent être a'b et cd' , parce que la partie bc produit beaucoup d'an- gles aigus avec cette multitude de parallèles et se redresse par conséquent (*). Les fig. 1,2,5 s'expliquent de la même manière. Ici vient se placer une remarque qui confirme de tout pointée qui précède. Si l'on place les parallèles, fig. 1, verticalement devant l'œil, puis qu'on incline le papier de manière à en rendre le plan sensiblement hori- zontal, le parallélisme des droites A, B, C el D Unit par reparaître. Et il doit en être ainsi puisque la perspective agrandit les angles aigus qui sont tracés dans la figure. Si, au contraire, on fait la même expérience en plaçant les parallèles dans une position horizontale, tant que les lignes obliques sont distinctes, l'effet tend plutôt à augmenter qu'à diminuer, et l'on voit immédiatement pourquoi. On doit néanmoins se demander pour quelle raison, dans la fig. 1 , par exemple, ce sont les parallèles A, B, C, et D qui s'infléchissent et non les petites lignes en zigzag. Au premier abord, on pourrait répondre que ces dernières étant en plus grand nombre maintiennent mieux leur di- rection. Mais le fait véritable, c'est que l'effet se répartit sur celles-ci autant que sur celles-là. En général, les deux côtés d'un angle quelconque s'écartent d'une position moyenne correspondant en gros à la bissectrice. C'est ce O La droite abcd, en traversant le réseau de parallèles,, se conduit comme un rayon lumineux qui traverse un milieu plus dense. Le graveur des An- nales dePoggendorf s'y est laissé tromper II a tracé a'bcd' en ligne droite, et a abaisse encore davantage le prolongement véritable ba qui , par suite, cesse de l'être. ( 210 ) que montre la fig. 24 où les deux droites AM et BN, qui sont pourtant dans le prolongement l'une de l'autre, semblent devoir constituer un angle très-obtus dont l'ouverture se- rait située vers le haut. Naturellement, plus l'angle est aigu plus l'écart est considérable par rapport à sa grandeur ; c'est ce que montrent la fig. 25, où le prolongement NB paraît en dessous de AM , et la fig 50 où un effet semblable se produit. Continuons. La fig. 26 se compose de trois droites paral- lèles dont deux sont reliées par une oblique. Cette oblique cause un écart qui se répand à peu près uniformément sur ces trois dernières droites. BD et CE restent parallèles, mais BD est relevé; l'extrémité B est repoussée vers le haut et l'extrémité E est repoussée vers le bas; de sorte qu'aucun point du système BDCE n'est vu à sa place. De plus, la di- rection des parallèles BD et CE a changé; elles se sont relevées vers la gauche et abaissées vers la droite. C'est ce qu'on voit en comparant cette direction à celle de la droite A. L'effet peu sensible dans cette figure apparaît beaucoup plus prononcé dans la fig. 27. Seulement, bien que ce soient les parallèles B et C qui aient changé de di- rection, il semble que la parallèle A a participé beaucoup à ce changement et que son extrémité A se rapproche de B, et cela en vertu d'un autre jugement qui nous fait trouver plus simple de dévier A que le système BC ( avoir soin, pour l'expérience, d'isoler la ligure). La fig. 28 montre à l'évidence que c'est cependant le système BC qui a dévié de sa direction primitive. Elle nous fait voir que la seconde moitié de la droite A ne semble plus parallèle à B et se re- lève. Dans la fig. 20, l'effet est plus marqué. Enfin, une dernière preuve que 1rs petites obliques sont déviées éga- lement nous est fournie par la fig. r>0. La distance des ( 2U ) parallèles À et B parait plus grande que celle des paral- lèles M et N. C'est que les choses se passent comme si chacune des petites ohliques \a s'étaient relevées légère- ment en tournant autour des points A et a, qui eux- mêmes ont bougé en entraînant les parallèles, tout à fait comme on le ferait faire à un système articulé en. A et «, et qu'on tirerait en B et b. De plus, A et B ne semblent plus dans le prolongement de M et de N. La flg. 8 nous montre un effet complexe d'élargissement, de rétrécisse- ment et de déviation. Désormais rien de plus facile que de créer des illusions d'optique. Kundt avait fait la même remarque. Les fig. 51 , 52, 55 et 54 nous en donnent des exemples. Là les côtés d'un triangle se creusent, ici un cercle s'aplatit vers les angles du carré, prenant ainsi un peu la forme d'un qua- drilatère circonscrit. Là le cercle A se creuse et le cercle B s'allonge en pointe, du côté des points 6, situés sur le cer- cle B; ici on a la représentation d'un cercle qui s'allonge dans un sens perpendiculaire aux parallèles qui le coupent (on peut d'ailleurs .tourner la figure), ce qui provient de trois causes agissant dans le même sens : La vue est retar- dée par les parallèles ; les angles deviennent de plus en plus aigus en s'avançant vers les extrémités et, par suite, sont agrandis par l'illusion dont nous nous occupons ; enfin les droites elles-mêmes s'allongent comparativement davantage quand elles sont petites. . Un dernier mot. On pourrait énoncer comme suit les lois de l'appréciation par l'œil des distances et des angles. Principe général. — L'œil établit une augmentation d'écart constante entre deux points, quelle qu'en soit la distance, et entre les deux côtés d'un angle, quelle qu'en soit la grandeur. ( 212 ) Corollaire. — Quand il compare les deux parties d'une droite ou d'un angle, étant tenu compte de l'augmentation précitée, il agrandit la plus petite aux dépens de la plus grande. Nous pourrions tirer de ce travail une conclusion dont nous ne faisons ici qu'indiquer les traits principaux. C'est qu'il existe un sens des formes de l'étendue, qu'on pour- rait appeler le sens géométrique, et qui n'est autre que le sens musculaire. Il est servi par divers instruments plus ou moins parfaits; il emploie, si nous pouvons ainsi parler, des compas plus ou moins précis, à savoir les parties mo- biles du corps. Citons le tronc, les jambes, les bras, les mains, l'œil. Si je me promène ou si l'on me promène en cercle, je saurai que je décris une circonférence. Si le pied suit un contour quelconque, l'esprit pourra juger grossiè- rement de la forme de ce contour. Les bras, les mains — plus exercés, parce qu'ils offrent plus de prise à l'éduca- tion — sont à cet égard doués d'une grande habileté, sur- tout chez les aveugles de naissance. Eulin l'œil, grâce à sa forme spliéroïdale, à la disposition symétrique des muscles qui le font mouvoir, est un instrument sans égal et d'une sensibilité exquise. En tant donc que nous le considérons comme instrument du sens géométrique, nous n'avons pas à tenir compte de ses propriétés optiques. Comme instru- ment d'optique, l'œil, ainsi que l'oreille, peut être censé immobile. Comme instrument géométrique, sa mobilité est sa propriété essentielle et suffisante, et peu importe la forme de l'image qui se peint sur la rétine. ( 213 ). Les longueurs sont marquées en dixièmes Je millimètres. Lignes Divisions Divisions MOYENNES divisées supérieures. I inférieures. , Lignes Divisions Divisions divisées. snpérieures. inférieures. 180 90 90 ' 274 136 138 + -275 140 133 / 278 139 139 \ 285 j 142| 143 1 528 164 164 l 331 163 166 333 165 170 j 441 218 223 \ 443 208 233 j 447 222 223 447 + 447 214 225 233 9ÇK> 454 | 430 210 240 \ 465 230 235 493 245 250 | 4 512 260 232 » 515 250 , 265 1 516 517 256 257 260 ( 260 r 527 | 261 266 \ 545 265 282 \ + 560 286 280 j 620 288 332 \ 620 288 332 623 300 323 j 625 300 525 \ 625 f 301 ± 324 | 625 293 530 1 + 633 320 313 + 635 320 315 | ( 214 ) Lignes divisées. Pivisinns Divisions MOYENNES. supérieures. inférieures. Lignes Divisions Divisions divisées supérieures. inférieures. + 717 563 354 730 565 565 750 560 570 750 770 350 575 580 395 ; 754 1 567 | 387 784 577 407 783 570 415 787 377 410 802 942 575 460 429 482 872 416 ^ 4,55 | 1052 525 527 1056 520 556 1057 520 557 + 1038 552 526 + 1061 555 526 1066 526 540 1067 507 560 ' 1064^ 526 ?i 557 ,9. + 1067 547 520 ( 1070 550 540 1070 520 550 1070 550 540 1070 522 548 1070 550 540 1117 557 580 , 1117 557 560 , 1120 1235 555 600 565 1 635 1 1243 1 611 | 631 | + 1585 705 680 1487 717 770 ( 215 ) Lignes Divisions ' Divisions MOYENNES. divisées. supérieures. Inférieures. Lignes divisées. Divisions supérieures. Divisions inférieures. 1562 777 785 | IS64 782 782 + 1566 806 760 | + 1370 790 780 1607] 791 816 \ 1060 800 860 | 1663 785 878 1663 797 868 1 + 1763 890 875 + 1843 937 908 + 2000 + 2293 1020 1163 980 ( 1130 ( 2192 | 1108 £ 1085 | + 2623 1523 1500 ) + 2630 4520 1510 Total gé: IÉRAL. 66658 52921 55757 200 100 100 700 520 580 200 100 100 + 800 410 590 500 150 150 800 400 400 300 150 150 + 900 465 455 400 200 200 900 450 470 + 400 215 185 1000 500 500 500 250 250 1000 460 520 + 500 265 255 + 1400 710 690 600 500 500 1400 620 780 600 700 500 350 500 550 15600 6695 6905 ( 216 200 200 230 300 300 330 400 400 430 300 500 330 530 600 600 70;) Divisions supérieures. 100 03 1-20 130 110 170 200 183 220 210 230 230 260 270 290 300 550 Divisions inférieure*. Lignes divisées. Divisions supérieures. 100 103 130 130 160 180 200 213 230 240 270 250 290 280 310 300 370 700 730 750 800 800 830 830 900 900 950 1000 1000 1050 1100 1100 20*00 330 575 380 400 400 440 410 425 480 300 165 520 550 530 Divisions lnft rieurcs. 10150 oio 100 375 420 400 150 410 460 475 470 500 555 550 550 570 10670 Chorise du Gloxinia speciosa pélorisé; par M. Morren, correspondant de l'Académie. La chorise des corolles gamopétales est un phénomène beaucoup plus rare que celle des fleurs pohpétales, chez lesquelles la tendance à la duplicature sous ses diverses formes est d'ailleurs l<% pins prononcée. Moquin-Tandmi cite [Térat. vég., pp. T^WS-,')!)) le phénomène d'une double corolle enchâssée Tune dans l'autre chez plusieurs campa- Bu//, de VJcad ■'■■■:> ' ( 217 ) nules, quelques labiées, le laurier-rose, les primevères, les jasmins. Les Datura ceratocaulà et fastuosa sont bien connus par les amateurs d'horticulture, parce qu'ils sem- blent porter deux et même trois fleurs emboîtées l'une dans l'autre. Celte apparence provient, en général, d'un dédou- blement ou d'une chorise. Parfois la chorise n'est qu'appa- rente; ainsi, dans une variété de Campanutia persicifolia (Belg. hort., I, p. loi), cultivée par les jardiniers sous le nom de Campanula coronala, chaque fleur semble possé- der deux corolles; mais, en y regardant de près, on s'aper- çoit que la plus extérieure est une modification du calice. Les exemples connus de chorise, parmi les gamopétales, étant fort peu nombreux, nous avons pensé qu'il y aurait utilité à décrire celle que nous avons rencontrée dans le Gloxinia speciosa. Cette charmante Gesnéracée du Brésil, introduite seule- ment depuis 1815 en Europe, manifeste, sous l'influencé des nouvelles conditions de développement qu'elle trouvé sous le climat artificiel de nos serres, une remarquable tendance à se métamorphoser. Sans parler des change- ments de coloris, de port, de vigueur, de taille, nous men- tionnerons la pélorisation de ses fleurs, devenue à peu près habituelle. Dans le type,, ces fleurs sont sub-bilabiées, pen- chées et munies de 4 étamines. Dans nos serres, les mêmes fleurs sont devenues tubuleuses-régulières, droites et pourvues de cinq étamines conniventes. Après avoir marché vers la réalisation de ce type régu- lier, les Gloxînia semblent aujourd'hui le dépasser : à la pélorie vient s'ajouter une chorise. Nous décrirons celle-ci sous sa forme la plus parfaite, telle que nous l'avons observée le 23 du mois d'août 1864, dans les serres de M. L. Reichenheim, à Berlin. 2Ifie SÉRIE, TOME XIX. 15 ( 218 ) Parmi ses nombreux Gloxinia, tout un groupe, à fleurs dressées, blanches, nuancées de carmin, présentait unifor- mément la même apparence. La corolle tubuleuse et régulière de ces fleurs était enve- loppée, ou plutôt comme enchâssée dans une seconde corolle, dont le tube se confondait avec celui de la pre- mière, mais qui se séparait, vers les 2/5 de la hauteur de celle-ci, en un périanthe ondulé sur les bords. L'ensemble était aussi régulier que gracieux [fig. 1). Il est facile de reconnaître les rapports réels de la corolle avec cette formation secondaire que nous croyons pouvoir nommer une catacorolle, à cause de sa position d'infério- rité à l'égard de la première : si on la détache, on voit qu'elle est régulièrement soudée avec la corolle depuis la base du tube et que cette soudure dessine cinq lobes ou festons, dont les sinus sont opposés aux lobes de la corolle (fig. 2). En dessous de cette ligne, le tube de la corolle est en réalité composé de deux feuillets appartenant respecti- vement à la corolle et à la catacorolle. Les lobes de la catacorolle ne sont donc pas opposés, mais alternes avec ceux de la corolle : circonstance impor- tante, puisqu'elle tend à exclure l'hypothèse d'un dédou- blement. Une seconde observation doit nous faire définitivement rejeter une semblable explication. Elle concerne le mode de coloration de la fleur. La corolle est blanche avec la gorge d'un carmin vif et pur : l'extérieur est pâle et n'a d'autre teint que celui qu'il revêt par transparence. Chez tous les Gloxinia et la grande majorité des fleurs mono- pétales, c'est la face intérieure qui est le plus colorée. Or, la catacorolle présente un système de coloration absolu- ment opposé : c'est-à-dire que la différence de coloration ( -219 ) entre les deux faces est tout à l'avantage de L'inférieure ou extérieure. La coloration de la corolle se répète sur la cata- corolle, mais en sens inverse. Nous ne croyons pas ce fait conciliablc avec la pensée d'un dédoublement. 11 indique que nous ne nous trouvons pas en présence d'une simple chorise,et que nous avons à chercher ailleurs l'explication du phénomène. Nous croyons l'avoir rencontrée, mais il peut être utile, avant d'en faire part, de reprendre les choses à un nou- veau point de vue. Dans les Gloxinias choristes de M. Reichenheim , la catacorolle, comme nous avons nommé l'appendice supplé- mentaire et extérieur de la corolle, forme un verticille gamophylle et régulier : elle n'est pas sans ressembler un peu à la paracorolle des narcisses, mais le rapport de situa- tion avec le périanthe normal est précisément inverse. Si nous ne connaissions que cette seule forme de la chorise des Gloxinias, nous serions incapable de nous rendre compte des particularités que nous avons signalées tantôt, mais cette forme, pour être la plus complète, n'est pas la seule que nous ayons observée. Nous nous rappelons avoir remarqué, pour la première fois, la tendance des Gloxinias à se chorister, dans les serres de mon père, en 1849. Les fleurs étaient encore irrégu- lières, penchées : il se détachait, du tube de la corolle à la base, et en dehors, une petite lamelle pétaloïde, révolutée, sub-trilobée, colorée en dehors : un appendice, labelli- forme en un mot. Mon père a fait part de cette observa- tion tératologique à l'Académie, la première, à notre con- naissance, qui signale une chorise chez les Gloxinias (Bull., tom. XVI, n° 12; Fuchsia, p. 157). Plus tard, nous avons récolté quelques fleurs chargéesde plusieurs lamelles (/?5, avec la publication i\c toutes les dépêches de colle ambassade. ( 255 ) Nous lui devons une notice pleine d'intérêt — la pre- mière , je crois, qui ait paru — sur les archives de la séré- nissirne république (1). Un autre ouvrage, d'un ordre plus élevé, est sorti de sa plume : je veux parler des Princes de l'Europe au sei- zième siècle (2). L'histoire de la diplomatie vénitienne, et celle des relazioni en particulier, forment la première partie de cet ouvrage. Dans la seconde, l'auteur s'attache à mettre en relief ce que les relazioni sur la cour d'An- gleterre, sur les états italiens et spécialement ceux de l'Église, sur les sultans, sur la cour d'Espagne, renfer- ment de plus neuf et de plus piquant. La troisième et der- nière est consacrée entièrement à la France. Rien de plus attachant que la lecture de ce volume; aussi a-t-il obtenu, à son apparition, un succès que le temps confirmera sans aucun doute. Il y a pourtant un point sur lequel je ne puis être d'accord avec M. Baschet. J'ai avancé, me fondant sur le grand nombre de copies de relations vénitiennes du sei- zième siècle qu'on trouve dans les dépôts littéraires d'Ita- lie, d'Espagne, de France, d'Angleterre, d'Allemagne, que, jusqu'à la fin du même siècle, le gouvernement de Venise ne parait pas avoir mis d'obstacles sérieux à la di- vulgation de ces écrits (3). M. Baschet déclare que c'est là une opinion « manifestement erronée. Les relazioni, dit-il, (1) Les Archives de la sérénissime république de Venise; grand in-8° de xxvm et 116 pp. Venise, Hermannet Munster, 1857. (2) Les Princes de l'Europe au seizième siècle: François 1er; Philipell; Catherine de Médicis ; les papes ; les sultans, d'après les rapports des ambassadeurs vénitiens. Paris, 1862, Henri Pion, in-8° de 616 pp., ave. fac-similé. (3) Les Monuments de la diplomatie vénitienne, etc., pp. 30 et 31. [ 256 ) d ont toujours été tenues pour des pièces aussi secrètes » que les dispaccj ou dépêches (]). » Mon opinion ce- pendant ne reposait pas que sur des conjectures, mais elle s'appuyait du témoignage de Lazzaro Soranzo, noble véni- tien, cité par Foscarini (2). Je puis aujourd'hui en invo- quer un autre. Le manuscrit 5622 de la bibliothèque impériale, à Vienne, contient plusieurs relations vénitiennes du seizième siècle, parmi lesquelles il en est une qui roule sur l'empereur Maximilien Ier et l'Allemagne. Celle-ci est précédée d'une épître qu'adresse à un archevêque de Pise dont le nom n'est pas indiqué, Jérôme Amelunghi, connu par le poëme de la Gigantea ou la Guerre des géants, publié à Florence en 1566. Amelunghi s'exprime de la sorte : « Monseigneur révérendissime et maître, c'était un usage ancien, que les nobles de Venise, quand ils revenaient d'ambassade, rendissent compte à l'illustrissime Seigneurie de la substance de tout ce qu'ils avaient fait et de tout ce qu'ils avaient recueilli d'informations de nature à être utiles à la république. Les secrétaires, prenant la relation qu'ils avaient écrite , la plaçaient dans un endroit ta ce des- tiné, où, pendant quinze ans, il n'était permis à d'autres qu'aux membres du sénat de la lire : ce temps écoulé, on no pouvait en refuser copie aux gentilshommes qui dési- raient l'avoir pour leur instruction et pour se former au gouvernement de la république. C'est pourquoi le noble et aimable messire Bartholomeo Bartholini s'étant, non sans peine, procuré la description de l'Allemagne faite par un (1) Les Princesse l'Europe au seizième siècle, p. 43. (-2) Délia Letteratura veneziana, t. IV. p. 461, noie 100. ( 257 ) ambassadeur envoyé, eu ce temps-là, à l'empereur Maxi- milien, et dont le nom n'est pas connu, mon devoir m'a fait la copier, pour Poffrir à Votre Seigneurie Révérendis- sime(1). » Ne résulte-t-il pas de cette lettre d'Amelunghi qu'après les quinze années de secret, le gouvernement vénitien voyait peu d'inconvénient à ce que les relazioni se divul- guassent? Au nombre des promesses que M. Basehet a faites au public , est celle d'une histoire de la chancellerie secrète de Venise, histoire qui comprendral'énumération critique des différentes séries de titres appartenantes à cette chancel- lerie (2). Espérons qu'il ne nous fera pas trop attendre la réalisation de cette promesse. De même que les papeles de Eslado à Simancas, les papiers de la chancellerie secrète à Venise ont une importance capitale pour les annales po- litiques de l'Europe; ils sont, selon l'expression de M. Bas- (1) « Era antico costume, Rn,° monsignore et patronemio, quantlo inobili Veuetiani tornavano dalle legationi, referire alla illustrissime Si-noria di Venetia la sustantia di tutte le aclioni fatle per loro, et quanto di quel luogo havevan ritratto in benefitio et utile délia repubblica : ove pigliando i secretarii in scritto tal relatione, la mettevano in un luogoacciô diputalo. non sendo ad al tri lecito il vederla che a1 quelli del senato, per spalio (Fanni xv; e ftnito detto tempo, non poleva esserne denegato à gentilhuo- mini copia, solo per instruirli e dar loro camino a' governi délia repubblica. Laonde il suo nobile et gentile Mr Bartholommeo Bartholini havendo, non senza difficultà, havuta la descrittione del Alemagna i'atta da un ora- tore in quei tempi appresso Maximiliano imperadore,il nome del quale non è palese, m'a posto mio debitoa copiarla, per farne dono a V. S. Rma. » Cette lettre a été publiée par Ghmel, Die Handschriften der K. K. Hof- bibliolhek in Wien , im Intéresse der Geschichte , besondèrs derÔstèrrei" chischen, 1. 1, p. 16. (2) Les irchives de la sérénissime république de Venise, p. 20. ( 258 ) chet lui-même, le « vrai fleuron » du vaste dépôt des Frari (1). Lorsque l'histoire de la chancellerie secrète aura paru , elle deviendra le guide, le vade mecum indispensable de tous les savants qui iront consulter les archives de Ve- nise. II. Je faisais remarquer, en 1853, la différence essentielle qu'il y a entre les relazioni et les dhpaccj des ambassadeurs vénitiens : « Leurs rapports, disais-je, ne peuvent pas plus » suppléer à leurs dépêches, que les dépèches ne peuvent » tenir lieu des rapports, mais il faut plutôt considérer ces » derniers comme formant le complément nécessaire des » correspondances (2). » Cette distinction, M. Armand Baschet l'a parfaitement établie à son tour (3), et avec l'au- torité d'un écrivain qui a fait une étude approfondie de ces deux variétés, comme il les appelle, des œuvres ou monuments écrits de la diplomatie vénitienne. Je disais encore, il y a douze ans, que les dépêches des ambassadeurs de Venise étaient extrêmement rares dans les bibliothèques publiques (4). Je ne connaissais pas alors la bibliothèque impériale, à Vienne. Ce grand établissement a acquis, à la fin du xvme siècle, la célèbre collection ma- nuscrite de Marco Foscarini; en 1837 il s'est enrichi des manuscrits de la bibliothèque de Brera, à Milan; et, dans (1) Les Archives de la sérénissime république de Venise, p. 20. (2) Les Monuments, etc., p. 36. (5) Les Princes de l'Europe au seizième siècle, p. 55. (4) Les Monuments . etc., p. 5. ( 259 ) ces Jeux fonds, les dépêches vénitiennes se rencontrent en assez grand nombre. J'en ai formé, à l'aide de l'excellent catalogue de M. Tommaso Gar(l), un relevé qu'on me saura gré, je pense, de placer ici : Ambassade de Rome. — Dépèches de Bernardo Nava- gero, du 5 septembre 1556 au 6 novembre 1557; de Mar- cantonio da Mula, du 18 mai au 25 novembre 1560. Ambassade d'Espagne. — Dépêches de Bernardo Nava- gero,du 17 septembre 1545 au 51 mai 1546; de Domenico Morosini et Federico Badoer, du 7 juillet 1550 au 11 mars 1551 ; de Nicolo Sagredo, du 7 décembre 1640 au 27 no- vembre 1644; de Giorgio Cornaro, du 5 avril au 7 dé- cembre 1661. Ambassade de France. — Dépèches de Girolamo Lip- pomano, du 4 mars 1577 au 19 novembre 1579; d'An- gelo Correr, du 1er janvier 1657 au 7 août 1641; de Girolamo Giustiniani, du 21 mai 1641 au 2 juillet 1644. Ambassade de Vienne. — Dépèches de Giorgio Cornaro, du 50 novembre 1664 au 10 janvier 1665; de N. Gri- mant, du mois de mars 1716; de Nicoîô Erizzo , du 8 dé- cembre 1756 au 14 décembre 1757; d'Alessandro Zeno, du 21 décembre 1757 au 7 novembre 1759. Ambassade de Constantinople. — Dépèches de Ber- nardo Navagero, du 6 août 1550 au 28 juin 1552; d'An- dréa Memmo, du 5 juin 1714 au 28 avril 1715. Ambassade de Pologne. — Dépêches de Girolamo Lip- pomano, du 5 janvier au 16 novembre 1574. A juger de tous ces recueils de dépêches par ceux que (1) Il est imprimé dans VArchivio storico italiano,t. V, pp. ÔS8 ci suh ( 200 ) j'ai examinés, ils doivent provenir des familles des ambas- sadeurs par qui elles ont été écrites; et cela prouve que le décret du conseil des Dix, du 50 juin 1518, qui enjoignait aux diplomates vénitiens de remettre à ce conseil, lors- qu'ils revenaient de leur mission, tous leurs registres, dé- pêches et papiers, pour qu'ils fussent déposés dans les archives secrètes de la république (1), ne fut pas toujours religieusement observé. Aux archives impériales de cour et d'État, les dépêches des ambassadeurs vénitiens forment une série considérable de documents. Ce ne sont pas des originaux; ce sont des registres où les dépêches ont été transcrites, soit pour l'usage de la chancellerie ducale, soit pour celui des am- bassadeurs eux-mêmes. Les originaux reposent tous dans les archives de Venise, ainsi que le déclare loyalement M. Armand Baschet : « Si nous avions, dit-il, donné suite à tous les propos que nous avons entendus, nous aurions dû chercher à Vienne les archives de Venise ; nous nous savons gré aujourd'hui de n'avoir pas été d'une crédulité si facile. Venise n'a réellement perdu aucune de ses séries com- plètes Nous avons pu en juger sur des faits qui nous sont personnels. Pendant deux longues années (2), notre travail a été assidu auprès des archives de Venise ; nous avons consulté un nombre considérable de documents et de registres de tous genres : dépêches diplomatiques, écri- tures chiffrées, capitulaires d'administration, livres d'arts et métiers, registres du conseil des Dix, recueils de lettres (1) Les Monuments de la diplomatie vénitienne, p 6. (2) Oei riait écrit en f S"i7. 1 261 ) originales de souverains, nous ont passé sous les yeux; nous les avons tenus entre nos mains. Or, le cercle de nos études comprenait, par rapport à la France, l'es- pace des années écoulées entre la première expédition de Charles VIII en Italie et la mort de Richelieu ; comme on peut le remarquer, le champ est vaste, et cependant tout au long de cette immense étendue politique et intime de l'histoire, nous n'avons jamais eu besoin de diriger nos recherches en dehors de Venise (1). » A la bibliothèque impériale, comme je l'ai déjà fait con- naître ailleurs (2), j'ai analysé curieusement les dépêches adressées à la Seigneurie par Navagero, Morosini et Badoer, dans le temps qu'ils la représentaient auprès de Charles- Quint. J'ai parcouru, aux archives de cour et d'État, celles de Paolo Tiepolo, de Giovanni Soranzo, d'Antonio Tiepolo, de Sigismondo Cavalli, qui se succédèrent à Madrid en qua- lité d'ambassadeurs ordinaires de la sérénissime républi- que, de 1562 à 1568. L'examen attentif de ces correspondances m'a convaincu que c'est avec toute raison que l'illustre historien Ranke place les dépêches vénitiennes au-dessus de celles des agents diplomatiques des autres états de l'Europe (3). Cette supériorité, il ne faut pas la rapporter seulement (1) Les Archives de la sérénissime république de Venise, p. 11. Il y a pourtant une série de documents originaux que le gouvernement autrichien a fait apporter aux archives de Vienne : ce sont les relations des ambassadeurs vénitiens sur l'Allemagne et la maison de Habsbourg. (2) Notice des manuscrits concernant l'histoire de la Belgique qui exis- tent à la bibliothèque impériale, à Vienne, 1864, in-80., pp. 40 et 41 . (3) Ueber die Verschuomng gegen Venedig im Jahre 1618, p. 55. ( 262 ) a la profonde connaissance des affaires, à la perspicacité, à la solidité de jugement qui distinguaient les hommes dont le sénat de Venise faisait choix pour les envoyer à l'extérieur; elle tient encore à d'autres causes. Les instructions des ambassadeurs vénitiens leur recom- mandaient de s'enquérir avec soin de ce qui se passait, de ce qui se négociait journellement dans les cours où ils étaient accrédités, afin d'en rendre compte au gouverne- ment de la république (1), et ils s'y appliquaient avec d'au- tant plus d'ardeur qu'ils avaient à traiter peu d'affaires où les intérêts de leur pays fussent directement engagés. De là l'abondance des informations que fournissent leurs dé- pêches. Leur diligence était d'ailleurs singulière : il n'y avait pas de semaine qu'ils n'écrivissent une et souvent plusieurs fois à la Seigneurie. Leurs informations ont, de plus, le mérite d'être ordi- nairement exactes, car ils les puisaient aux meilleures sources : j'ai été à même de le vérifier en feuilletant ces correspondances sur Charles-Quint et sur Philippe II dont je parlais tout à l'heure. Aussi ftavagero et Morosini , qui assistaient, à la suite de Charles-Quint et du roi Ferdinand, à la diète de Spire, comme on le verra plus loin , pouvaient écrire au doge, sans (1) Dans leur publication, MM. Barozzi et Berchet donnent les com- missions des ambassadeurs dont ils publient les relations; on lit, dans cel- les des ambassadeurs envoyés en France : « Procurerai con ogni diligenza » possibile di bene intendere le trattazioni e negozii che alla giornata » occorreranno a quella corte, dandoci di tempo in tempo particolare » avviso di quanto giudicherai degno di nostra notizia. » (Ser. II, Fran- cia , t. I, p. 31.) — Celles des ambassadeurs destinés à la cour d'Espagne portent : « Userai ogni diligentia per intendere le cose che si tratterano « a quella corte , per dar avviso alla Signoria nostra di quanto giudicherai » degno di nostra intelligentia. » (Ser. 1 , Ispagna. t. I, p. 31.) ( 263 ) être taxés de présomption : « Nous croyons que, jusqu'ici, » des affaires d'importance Notre Sérénité en a été ins- » truite avant tous autres, et qu'elle l'a été fidèlement (1). » La supériorité des dépèches vénitiennes résulte enfin de la situation particulière des diplomates qui les ont écrites. Depuis la fameuse ligue de Cambrai , la république de Venise n'eut plus de démêlés sérieux avec aucune des puis- sances chrétiennes : sa politique consistait à entretenir des relations amicales avec tous les états, à garder stricte- ment la neutralité dans les débats qui s'élevaient entre les souverains, à ne pas manifester de préférence pour les uns plus que pour les autres. Il était naturel que leurs ambassadeurs s'inspirassent de cette politique, et il s'en- suit que leurs jugements, leurs appréciations sont en géné- ral marqués au coin de l'impartialité. Mes travaux dans les archives et à la bibliothèque im- périales, à Vienne, m'ont conduit à faire une autre remar- que, et je suis d'autant plus porté à la consigner ici que je ne sache pas qu'elle ait été faite encore : c'est que les ambassadeurs de Venise écrivaient deux sortes de dépê- ches (2), les unes [dispacci publici) qu'ils adressaient au (1) «... Fin hora credemo che délie cose d'importantia la Serenità Vostra ne sia stata, et prima degli altri, et con la verità,avvisata... » (Dépêche du 28 avril 1544, de Spire.) (2) La république des Provinces-Unies , qui emprunta à Venise l'usage des relazioni, l'imita aussi pour les correspondances des ambassadeurs : les diplomates hollandais, indépendamment des lettres qu'ils écrivaient aux états généraux et qui, lues dans leur assemblée, parvenaient ainsi à la connaissance des états de toutes les provinces, en adressaient de particu- lières et con6dentielles au grand pensionnaire. Personne n'ignore que cette double correspondance a lieu, depuis un temps immémorial, en Angleterre. Le même usage doit nécessairement s'introduire dans tous les pays où les dépêches diplomatiques sont livrées à la publicité. ( 264 ) doge et qui étaient destinées à être connues de tous les membres du sénat; les autres qui, adressées au conseil des Dix , devaient demeurer secrètes (letlere segrete). La plupart des recueils de copies qui m'ont passé par les mains ne contiennent que les premières. Je me suis proposé, dans cette étude, de retracer les actions et la politique de Charles-Quint pendant les an- nées 1543 à 1546, d'après les dépêches de Bernardo Nava- gero (1) principalement. Les deux campagnes de France, la paix deCrépy,les négociations qui la suivirent et aux- quelles le sort des Pays-Bas était si intimement lié, les diètes de Spire, de Worms et de Ratisbonne, les prélimi- naires de la guerre contre Jes protestants d'Allemagne, sans parler d'autres événements, font de ces trois années une époque considérable de l'histoire du grand Empereur. III. Charles-Quint avait quitté les Pays-Bas au mois de jan- vier 1541. Il ne croyait pas que de longtemps sa présence pût être nécessaire dans ces provinces : car il venait d'y rétablir l'autorité des lois et du gouvernement, ébranlée par l'insurrection des Gantois, et la trêve qu'il avait con- clue à Nice les garantissait de toute agression , du côté de la France, pendant sept années encore. Mais Fran- çois Ier était un observateur peu scrupuleux de sa parole : (1) Lettere scrilte da Bernardo Navagero, cavalière , che fu poi cardi- nale, alla serenissimarepubblicà Venez4ana , nel tempo che fu ambascia- tore a Sua Maestà César ea , cioè dal dï 17 seltembre 1543 sino al 31 maggio 1346. MS. in-fol. de 363 feuillets, marqué 1, 102. ( 265 ) dès 1541 il renouait des négociations avec le Turc, trai- tait avec le Danemark et la Suède, formait une alliance intime avec le duc de Clèves, Guillaume de la Marck; et l'année suivante, les Pays-Bas, assaillis, de tous les côtés à la fois, par des forces auxquelles ils n'étaient pas en mesure de résister, se voyaient dans le plus grand péril auquel ils eussent étéexposés jamais. Charles-Quint accou- rut à leur défense du fond de la Castille. Ayant traversé l'Italie et l'Allemagne, il prit, le 20 août 1543, à Bonn, le commandement de l'armée qu'il avait fait rassembler. En quelques jours, tout le duché de Gueldre tomba en son pouvoir, et Guillaume de la Marck, contraint à s'humilier devant lui , s'estima trop heureux de pouvoir conserver les duchés de Clèves et de Juliers. La Gueldre soumise, Char- les se dirigea vers le Hainaut , pour en chasser les Fran- çais; retenu par deux accès de goutte, d'abord à Diesl et ensuite à Binche, il ne put parvenir au camp devant Lan- drecies que le 20 octobre (1 ). Quelques jours après, Bernardo Navagero arrivait à Mons. 11 avait reçu sa commission d'ambassadeur à Bas- sano, le 18 septembre (2); mais on ne voyageait pas vite en ce temps-là. Dès son arrivée, il envoya un de ses gens à monsr Adrien Dubois (c'était l'aide de chambre favori de l'Empereur, etceiui à qui tous les ambassadeurs devaient s'adresser, pour être reçus de Sa Majesté Impériale) (5). Navagero ne se flattait pas pourtant d'obtenir immédiate- ment une audience , l'Empereur l'ayant refusée au nonce ; (1) Journal des voyages de Charles-Quint par Vandenesse. (2) Dépêche du 19 septembre, écrite de Carpanedo. (3) «... Che è quellodechi nelF audientie si servono tutti gY ambascia lori....» (Dépêche du 27 octobre, de Mons.1) 2me SÉRIE , TOME XIX. 18 ( 266 ) il ne l'eut en effet que trois semaines après. Il fut reçu , dans cet intervalle, par la reine Marie de Hongrie, qui, après lui avoir demandé s'il savait le français , lui fit répon- dre en italien par un de ses conseillers (1). Depuis longtemps, un des plus ardents désirs de Charles- Quint était de combattre contre François Ier; aussi, lors- qu'il sut que le roi s'était mis à la tête de son armée , il résolut de lui livrer bataille. En vain Granvelle lui fit les remon- trances les plus pathétiques pour l'en détourner (2) ; en vain la reine Marie le conjura, au nom de sa maison , de ses su- jets, de toute la chrétienté, de ne pas exposer sa personne aux hasards de la guerre (5) : il ne se rendit pas plus aux prières de sa sœur qu'aux raisons de son premier ministre; l'occasion qu'il avait tant souhaitée venait s'offrir à lui, il ne voulait pas la laisser échapper. Le 28 octobre, il se con- fessa et communia. Le 2 novembre, il mit ses troupes en mouvement, pour aller chercher l'armée française. La bataille semblait inévitable. François 1er faisait pu- blier partout qu'il la recherchait (4) , et l'on croyait d'au- tant plus à ses déclarations, que, selon le témoignage de Navagero (5), il avait 50,000 hommes d'infanterie et 10,000 hommes d'excellente cavalerie (6) , tandis que l'ar- mée impériale ne comptait que 50,000 à 55,000 gens de pied et 5,000 à 6,000 chevaux. En outre, les Impériaux (1) Dépêche sans date. (2) Voyez la lettre de Granvelle à la reine Marie, du 29 octobre, dans mes Analectes historiques, t. II, p. 216. (3) Voyez sa lettre à l'Empereur, du 29 octobre , dans Lanz, Cotres* pondenz des Kaisers Karl V, t. II , p. 404. (4) Sismondi, Histoire des Français, t XII, p. 31. (5) Dépêche du 31 octobre, de Mons. (6) «... Tina gapliarda cavalleria...» ( 267 ) manquaient de grosse artillerie, dont les Français étaient abondamment pourvus (1), et ces derniers s'appuyaient sur Landrecies, qu'ils avaient réussi à ravitailler le 3i oc- tobre. L'anxiété était grande dans les Pays-Bas, aussi bien qu'en France, carie conflit qu'on prévoyait pouvait avoir des suites incalculables : « Si ce qu'on craint arrive, » — écrivait Navagero au doge — ce sera peut-être le » plus grand événement dont notre âge ait été té- » moin (2). » François Ier ne voulut pas en courir les risques; il battit en retraite malgré toutes ses bravades. Il y a là-dessus de belles lettres de Charles-Quint à la reine Marie; je les ai publiées (3). Vandenesse , dans son Journal (inédit) des voyages de l'Empereur, raconte l'événement avec une sim- plicité qui m'engage à reproduire son récit: « Le samedy, » iij novembre, dit-il, Sa Majesté se vint présenter à la » barbe du roy de France, pour luy donner la bataille : à » quoy les François ne voulurent entendre, ains se reti- s> rèrent en leurs forts ; et , comme l'on sceut par plusieurs » prisonniers qu'ils tenoient toujours à propos de donner la » bataille, ledict jour Sadicte Majesté logea et campa fort » près dudictcamp des François, et y demeura le dimanche » tout le jour. Et, à onze heures de nuit, ledict roy de » France, estant dedans la ville de Chasteau-Cambrésy, » monta à cheval et feit entendre qu'il alloit donner la (1) Dépêche du 2 novembre, de Mons. (2) «.... Se succédera quel ch' ogn'un terne , sarà forse la maggior cosa ch' habbi veduto la nostra etade....» (Dépêche du 2 novembre.) (3) Dans les Analectes historiques , t. II , pp. 34-40 ; elles sont des 4, 3 et 6 novembre. ( 268 ) » bataille; et sans sonner trompettes ny tambourins, fai- b santoster à tous les mulets leurs sonnettes, print le » chemin et la fuite contre Guise, et toute son armée. De » ce advertie le matin , Sadicte Majesté leur donna la ï> chasse, jusque passé les bois de Bouchain, que sont en » France trois grandes lieues, où fut ratteint l'arrière- » garde du roy, et plusieurs de ses gens occis, et partie ; de leurs vivres et bagaiges prins. Ce faict, Sadicte Ma- » jesté revint loger dedans le Chasteau-Cambrésy , au » mesme logis dont le roy estoit parti la nuit précé- j> dente » La campagne était finie. Charles -Quint divisa son ar- mée, pour lui faire prendre des quartiers d'hiver. 11 s'arrêta quelques jours à Cambrai : il avait à se plaindre de l'évê- que et des habitants de cette ville impériale; il y mit gar- nison et ordonna la construction d'une citadelle. Le 15 novembre il vint à Yalenciennes, où il séjourna jusqu'au 20. Ce fut là qu'il donna audience à l'ambassa- deur de Venise. Dans sa réponse à Navagero, il s'excusa de n'avoir pu le recevoir plus tôt; il remercia la Seigneurie de l'intérêt qu'elle prenait à sa santé et à ses affaires; il paria du duc de Clèves, dont il avait dissimulé les injures tant qu'il avait pu le faire sans honte et sans dommage, et auquel il avait pardonné, après qu'il avait reconnu sa faute; il ajouta que, s'il faisait la guerre au roi de France, c'était unique- ment pour le service de Dieu. Il s'étendit longuement sur ce sujet, disant à l'ambassadeur : « Je veux que vous sa- » chiez que , dans les lieux de la province de Luxembourg » qu'il m'a pris, il a l'intention de faire prêcher les doc- » trines luthériennes; qu'il a écrit à plusieurs princes » d'Allemagne que, s'ils veulent le favoriser, non-seule- ( 269 ) » ment lui et le Dauphin embrasseront leur croyance, » mais encore il la fera prêcher en son royaume. Moi, je » me confie que plus il manifestera ainsi son mauvais » esprit et sa persévérance dans le mal, et plus Dieu me » prêtera son aide (1). » Il dit encore que, si le roi vou- lait se vanter d'avoir secouru Landrecies, il pourrait dire , lui, qu'il l'avait fait fuir (2). Pendant que l'Empereur était à Yalenciennes, le duc de Lorraine, Antoine le Bon, vint l'y visiter, accompagné de son (ils, le prince François. Cette visite donna lieu à beau- coup de commentaires, dont l'ambassadeur vénitien se rend l'écho : les uns prétendaient que le duc était venu pour traiter de la paix entre l'Empereur et le roi ; les autres, que c'était seulement pour faire la révérence à Sa Majesté Impériale. Cette dernière version parait peu vraisemblable à Navagero : en effet, le duc avait eu de longs entretiens, et avec l'Empereur, et avec la reine Marie, et avec M. de Granvelle (3). La vérité était que le duc Antoine s'était offert, en prolestant qu'il agissait de son seul mouvement, à aller trouver le roi, pour le disposer à la paix, si l'Em- pereur lui-môme y était incliné : à quoi l'Empereur avait répondu « qu'il n'en était besoin, puisque ce qu'il disait (1) «... Voglio che sappiate ch' io so che in quelle terre che '1 m'ha preso in Lucemburgh el vuol far predicar la setta lutherana, et ha scritto a molti di quei principi cTAIemagna che, volendo essi favorirlo, non sola- menteesso et eldelphin crederanno quel che credono loro, ma Io faranno predicar nel suo regno. Ma io di questo suo tal animo et perseverantia nel mal ne piglio un solo conforto, il quai è che quanto peggio fa il re, che non pub esser peggio di quel che fa , tanto più confido che Dio mi debba aiutar...» (Dépêche du 28 novembre, de Bruxelles.) (2) « .. Io potrô dir d'haverlo fugato...» (Ibid.) (5) Dépêche citée du 28 novembre. ( 270 ) » procédait de son mouvement, sans autre charge. » C'est ce que nous apprend une lettre de Charles-Quint à son ambassadeur en Angleterre, Eustache Chapuys (1). De Valenciennes l'Empereur se rendit à Mons, puis à Bruxelles. Navagero l'avait précédé dans cette capitale. Il y complimenta, au nom de la Seigneurie, M. de Gran- velle; il alla voir aussi don Ferrante Gonzaga, vice-roi de Sicile, et le duc de Camerino, Octave Farnèse, petit-fils du pape Paul III, auquel l'Empereur avait donné en ma- riage sa fille naturelle Marguerite (2). Ces trois personnages étaient fort en faveur auprès du maître, le premier surtout : « L'autorité de M. de Granvelle est telle » — écrit Nava- gero— « qu'il n'y a aucune affaire, grande ou petite, où il d n'importe extrêmement de l'avoir pour ami, ou du moins » de ne l'avoir pas contre soi : c'est pourquoi tous les » princes, tous les seigneurs qui désirent obtenir quelque » grâce de l'Empereur, recourent principalement à Sa » Seigneurie Illustrissime... (3) » Charles-Quint employa le temps qu'il passa à Bruxelles aux préparatifs de la prochaine campagne contre la France; afin de resserrer son alliance avec Henri VIII et d'en ob- tenir une coopération efficace , il lui envoya le vice-roi de Sicile (4). Gonzaga réussit complètement dans cette mission : (t) Archives du royaume. Cette lettre est du 19 novembre 1543. (2) Dépêches des 28 novembre et 2 décembre, de Bruxelles. (3) «... Siendo l'autlorità di monsr di Granvela appresso questo prin- cipe tanta che non ècosa, o picciola o grande, che si tratta , nella quai non importi grandemente haverlo amico et favorevole, o almanco non contra- rio Vedendo che tutti questi altri principi et privati gentilhuomini quali desiderano ottener qualche cosa da Cesare, ricorrono a S. S. 111 ma. prin- cipalmente, corne a quella co '1 favore délia quale sperano impetrar tutti i desiderii loro... » (Dépêehe du 27 décembre, de Bruxelles.) (i) Dépêches des 9 et M décembre, de Bruxelles. ( 271 ) Henri s'engagea à entrer en personne en Fiance, au mois de juin, avec une armée de 35,000 hommes d'infanterie et 7,000 chevaux (1). Le bruit courut en ce temps, à la cour, que l'Empereur allait épouser la princesse d'Angleterre (2); l'ambassadeur de Florence en ayant parlé à M. de Granvelle, le premier ministre lui répondit que c'était là une rumeur ab- surde (5). Quelques semaines après, à Spire, Navagero lui-même demanda à don Ferrante Gonzaga,qui revenait d'Angleterre, s'il n'avait pas négocié ce mariage. Gonzaga lui repartit : « Non-seulement je n'ai pas parlé de cela, » mais encore je ne crois pas que l'intention de l'Empc- » reur soit de se remarier jamais. II a un fds qui est déjà » marié, et des filles; en outre, il vieillit beaucoup et il » n'est pas très-fort (4) ». Navagero rend compte à la Seigneurie des états géné- raux que Charles-Quint assembla à Bruxelles le 25 dé- cembre; il rapporte en ces .termes la réponse que le pensionnaire de cette ville lit, au nom des états, à la pro- position lue par le président Schore : « Que, pour l'hon- © neur et l'avantage de l'Empereur, ils ne manqueraient » jamais, comme ils n'avaient jamais manqué, de le se- » courir, dussent-ils vendre leurs propres enfants (o). (1) Lettre de l'ambassadeur Chapuys à l'Empereur, du .. décembre; traité entre l'Empereur et le roi d'Angleterre. (Archives du royaume.) (-2) Marie, fille de Henri VIII et de Catherine d'Aragon. (3) «... Che èuna gran pazzia...» (Dépêche du 15 décembre.) (-4) «...Ne io ho parlato di questo, ne credo che la intention di Cesare sia più di maritarsi : esso ha un' ngliuolo gïà maritato et délie figliuole, oltra cheinvechia pur ogni giorno, nèè molto gagliardo...» (Dépêche ou i février ioii , de Spire.) (5) «... Che per honor et utilità di S. M. non mancheranno mai, si corne- ( 272 ) L'Empereur partit, le 2 janvier 1544, pour Spire, où il avait convoqué la diète; il s'arrêta trois jours à Cologne. Le siège archiépiscopal de cette ville était occupé par Herman de Weda, qui, après avoir déployé une grande ar- deur pour la foi catholique, s'était, dans les derniers temps, laissé entraîner aux principes des novateurs. Ce prélat venait, tout récemment, de proposer à son chapitre d'ad- mettre dans tous les lieux de l'archevêché des prédicateurs luthériens, d'adopter la communion sous les deux espèces, et d'autoriser la célébration des offices en langue alle- mande, propositions que le chapitre avait rejetées avec énergie. Charles-Quint loua hautement le bon esprit dont les membres de ce corps étaient animés ; il leur donna l'assurance qu'il ne manquerait pas de les soutenir, si eux-mêmes ils ne faillissaient pas à leur devoir. Navagero constate que la présence et le langage de l'Empereur contribuèrent puissamment au maintien de la religion ca- tholique à Cologne. Nous lisons aussi, dans ses dépêches, que le duc de Clèves vint en cette ville présenter ses hom- mages au chef de l'Empire, et que, pour lui complaire, il se montra habillé à l'espagnole (1). IV. Charles-Quint fit son entrée dans Spire le 30 janvier; le 21, à Creuznach, il avait reçu le cardinal Alexandre Farnèse, neveu et légat de Paul III (2). Le pape avait à non sono mancati, se ben' dovessero vender li proprii figliuoli...» (Lettre du 2 janvier 1541, de Bruxelles.) (1) Dépêche du 15 janvier 154i, de Cologne. (2) Journal de Vandenesse ( 273 ) cœur le rétablissement de la paix, et c'était l'objet de la mission qu'il avait donnée à son neveu. Farnèse venait de traverser la France, où, selon une pièce diplomatique du temps, il avait été « accueilli et traicté comme un dieu en » terre (1) ; » il en fut différemment à la cour impériale. Nous avons là -dessus un document très -explicite; c'est une dépêche de Granvelle à l'ambassadeur de l'Empereur à Londres : « Le cardinal — lui mande-t-il — a esté le » très-mal venu et de mesme receu et traicté, et a-l'on » rebouté à plat les moyens qu'il a proposé, et coppé chc- » min absolutement à la pratique, avec démonstrance de » malcontentement que le pape se fût avancé en cecy sans » le sceu ny volonté de Sa Majesté, et encores passé par » France trop suspectement; et n'a failly Sa Majesté de luy » reprendre très-expressément et spécifiquement le mau- » vais office que le saint-père a fait en l'affaire du Turcq. » L'Empereur lui dit encore que le roy de France et ses » gens se vantoient que le saint-père aidoit audict roy d'un » nombre de gens qu'il soubdoioit : ce qu'il n'avoit voulu d croire, pour non estre ledict saint-père si libéral, mais » que Sa Majesté vouloit bien l'avertir que, si S. S. assis- » toit ledict roy contre l'Angleterre d'ung seul homme, » Sadicte Majesté en feroit son fait propre , et ne le senli- » roit moins que si c'estoit à rencontre d'elle-mesmes , et » ce avec très-grande véhémence (2). » Il ne faut pas s'étonner, d'après cela, que Navagero ayant vu ensuite le légat à Worms, et ayant taché de savoir de lui ce qu'on pou- vait attendre de la négociation dont il était chargé , Far- (1) Lettre de Granvelle à Eustachc Chapuys, ambassadeur de l'Em- pereur en Angleterre, du 26 janvier 1544. (Àrch. du royaume.) (2) Lettre citée h la note précédente. ( 874 ) nèse lui répondit qu'il y avait peu à en espérer, car il avait trouvé dans l'Empereur et son conseil beaucoup d'opi- niâtreté et une grande diversité d'opinions (1). Le nonce, Francesco Brusda, évêque de Bary, lui dit à son tour, non- seulement qu'il y avait peu d'espoir d'une réconciliation entre les deux monarques, mais encore qu'il n'y en avait aucun (2). Ces renseignements lui furent confirmés par ce qu'il apprit du propre langage de l'Empereur : « Le pape » et le roi, avait-il dit, croyaient encore, comme ils ont » fait jusqu'à présent, m'amuser de belles paroles; mais je » n'ai pas voulu m'y laisser prendre, et l'on ne m'y pren- » dra plus (3). d La défiance que Charles-Quint avait de Paul lïl était déjà fort grande ; elle ne fit que s'augmen- ter (4). Navagero arriva à Spire dans le même temps que l'Em- pereur. Il avait traversé cette ville quatre mois auparavant, et voici le tableau qu'il en faisait alors à la Seigneurie : a Spire est entièrement luthérienne ; il ne s'y dit plus de » messe ; dans aucune des églises , qui ne sont pas du » reste en grand nombre , on ne voit d'image , pas même » celle de notre seigneur Jésus-Christ ; les murs sont » blancs; au milieu, il y a une chaire où chaque jour se » prêche l'Évangile, que toute la ville vient entendre. Le » prédicateur jouit d'un salaire public; il ne porte d'autre (1) «... Havendo ritrovato multa durezza in questi principi et gran di- versità di voleri ..» (Dépêche du 25 janvier , de Worms.) (2) Ibid. (3) «... Il ponlefice et il re volevano pure, corne hanno iatto fin' hora, darmi parole; ma io non ne ho volulo ne voglio più...» (Dépèche du 5 fé- vrier, de Spire.) (4) «... La dilfidentia che ha Cesare del ponlefice è mollo grande, et si fo (Ibid.) ( 275 ) » costume que ses vêtements ordinaires ; il est marié; il » consacre le pain et le vin, et administre fréquemment » la communion sous les deux espèces. Sur les papistes , » comme ces gens les appellent, ils s'expriment dans des d termes d'une extrême impudence (1). » Aucun des électeurs ni des princes les plus considéra- bles de l'Allemagne ne se trouvait encore à Spire. Le 7 février y vint le landgrave de Hesse, Philippe le Magna- nime, avec une suite de deux cents chevaux ; les électeurs de Mayence, de Trêves et de Cologne y arrivèrent les jours suivants. Le landgrave alla rendre visite à l'Empereur; il lui offrit cinq gerfauts, lui disant que, bien qu'il le vit plus porté pour la guerre et les armes que pour les plaisirs et la chasse, il lui faisait ce présent, dont il pourrait disposer, s'il ne lui agréait pas, en faveur du roi son frère ou de la reine sa sœur (2). « Ce prince — écrit Navagero , en par- » lant de Philippe le Magnanime — est très-aimé et très-. » estimé de la nation germanique; il est fort accompagné, » lorsqu'il paraît en public, et ses palais sont toujours » pleins de gens pour lesquels il tient table ouverte du » matin au soir ; on assure qu'il a dépensé plus de six » mille florins en achat de vins (5). » (1) «... Ella è tutta lutherana; non vi si dice alcuna messa; le chiese lutte, che ne son pero moite , senza alcuna imagine, non pur quella di N. S Giesu Christo; si vedeno solamente li mûri bianchi con un pergolo nel mezzo, ove si predica ogni giorno TEvangelio, al quai concorre tutta la città; et cbi lo predica ècondutto con salario publico; veste Thabilo suo ordinario et consueto; è maritato; et questo medesimo etiam consacra il pane ed il vino,ed sub utraque specie communica spesso la città tutta; et di questi papisti, checosi li chiamano loro, dicono parole molto vergn- gnose...» (Dépêche du 9 octobre 1544, de Spire.) (2) Dépèche du 14 février loio,de Spire. (5) «... Questo signore è molto amalo et stimato da questa nation» ( 276 ) Charles-Quint fit au landgrave un accueil plein de bien- veillance (1). Cela n'empêcha point qu'ayant appris que les prédicateurs attachés à sa cour prêchaient publiquement, il ne l'invitât à leur ordonner de s'en abstenir (2); mais Philippe était peu d'humeur à se plier facilement, même à la volonté du chef de l'Empire. Écoutons là-dessus Navagero : « Ce landgrave, dit-il, démontre, dans toutes » ses actions, qu'il tient peu de compte de l'Empereur. » Malgré les commandements de Sa Majesté, il continue » de faire prêcher par un sien ministre; et, entre autres » choses , celui-ci proclame qu'il est licite à chaque laïc » d'avoir deux femmes, et aux évêques d'en avoir autant » qu'ils ont d'évêchés. De sorte qu'on croit que toutes les » difficultés qu'il y aura en celte diète, et qui, selon le » jugement des hommes de sens, ne seront pas peu nom- » breuses, seront suscitées par ce prince, lequel s'attache » particulièrement à corrompre tous ceux qui ne partagent » pas ses opinions, et ne néglige rien pour les persuader. » Il s'est publiquement vanté d'avoir la parole de trois » évêques considérés comme des plus catholiques et des » plus importants entre tous, lesquels lui ont promis de » se déclarer pour lui et de se marier.... (3). » Charles- tedesca; esce in publico molto bene accompagnât*), et ha sempre li suoi palazzi pieni di gente, la quale intertiene con tavole preparate dalla mat- tina alla sera, et si dice per cosa certache ha fatto provisione di vino per 6,000 iîorini...» (Dépêche du 14 février, de Spire ) (1) « Molto amorevole. » (Ibid.) (2) Dépêche du 18 février , de Spire. (3) « ... Queslo lantgravio in tutte le attion' sue dimostra tener poeo conto di Cesare : continua nel far predicar ad uno suo ministro, contra i commandamenti di Sua Maestà ; et Ira l'altre cose, si predica che è lecito a cadauno laico haver due mog!ie,et alli vescovi tante quanti vescovati hanno : di sorte che tutte le difficulté che sono per haver in questa dieta . ( 277 ) Quint n'ignorait rien de tout cela sans doute; mais, comme le remarque l'ambassadeur vénitien, sa position était embarrassante : car si, d'un côté, il était plein de zèle pour la religion catholique, de l'autre, le besoin qu'il avait des princes protestants le forçait de les ménager (1). L'électeur de Saxe, Jean-Frédéric, arriva à Spire le 18 février (2). Il n'y manquait plus que l'électeur de Bran- debourg et l'électeur palatin; mais on ne pouvait compter sur celui-ci, qui était vieux et infirme : l'Empereur se dé- cida à ouvrir la diète deux jours après. Ce jour-là, il se rendit à la grande église, où la messe du Saint-Esprit fut célébrée par l'évêque d'Augsbourg, Othon Truchsess de Yaldburg. Les trois électeurs ecclésiastiques y assistaient, ainsi que plusieurs autres princes, presque tous catholi- ques. L'électeur de Saxe ne voulut pas y paraître. La pré- sence de l'archevêque de Cologne causa un grand éton- nement, car on le savait assidu au prêche du landgrave de Hesse ; mais on remarqua que pendant la messe il ne cessa de lire dans un livre qu'il avait apporté, et que, lors de l'élévation, il ne dirigea pas ses yeux vers l'autel (3). le quali da huomini di giuditio si giudicano che stano per esser moite, si crede che saranno nutrite da questo principe, il quale particolarmente eerca di corromper tutti quelli che sentono contra l'opinion sua, ne lassa tratto per indur tutti quelli che sentono il contrario ; et si ha publicamente gloriato di haver la parola di tre vescovi gïudicati li più cattolici de grallri et di più importantia , li quali li hanno promesso di dichiararsi per lui et maritarsi...» (Dépèche du 27 février, de Spire.) (1) «... L'Imperator da una parte è combattuto dalla religione, délia quai ne fà particolar professione , dall'altra dal rispetto che' 1 dee haver a craesti principi a questo tempo, per comodo suo... » (Dépêche du 18 février, de Spire.) (2) Dépêche du 18 février. (3) Dépêche citée du 27 février. ( 278) La messe finie, le cortège impérial se rendit à la maison de la ville , où la proposition fut faite par le vice-chance- lier de Naves : elle roulait principalement sur la nécessité de déclarer la guerre au roi de France, sur la religion et sur la chambre impériale (1). Le 11 mars le roi des Romains arriva à Spire; Dome- nico Morosini, ambassadeur de Venise auprès de ce mo- narque, l'accompagnait (2). A partir de ce jour et jusqu'au 9 juin suivant, les dépêches que nous analysons sont écrites en commun par Morosini et Navagero. Après de courtes délibérations, la diète se prononça pour la guerre contre la France. L'alliance de François Ier avec les musulmans avait excité l'indignation de toute l'Allemagne; on lui reprochait aussi d'avoir dit plusieurs fois qu'il ne désirait rien tant que de faire boire à son cheval l'eau du Rhin (3). L'entraînement contre lui fut général (4). En recevant la résolution de la diète, qui lui fut pré- sentée, le 13 mars, par douze députés de cette assemblée, six du collège électoral et six du collège des princes, Charles-Quint éprouva une satisfaction indicible. « C'a » été , par ma foi , une grande chose , — disait Granvelle, j> quelque temps après, aux ambassadeurs de Venise — » et même une chose inespérée de Sa Majesté, que l'Al- » lemagne, où le roi de France se vantait d'avoir tant » d'amis, se soit tout entière déclarée contre lui comme (1) Elle est en français dans le Journal de Vandenesse. (2) Dépêche du 1 1 mars. — Journal de Vandenesse. (5) « ... Non desiderar allro salvo che il suo cavallo bevi l'acqua del Kheno...» (Dépêche du 11 mars, de Spire.) (4) Dépêche du 13 mars, de Spire. ( 279 ) » elle l'a fait (1). » Notons ici un détail. Granvelle, qui entendait la langue italienne, ne la parlait pas couram- ment; ayant, dans le môme temps, une communication importante à faire à Navagero et à Morosini, il leur dit : « Je vais vous parler en latin , parce que je désire être » mieux compris de vous (2). » Personne n'avait plus contribué au succès de la propo- sition impériale que l'évoque d'Augsbourg (5). Charles- Quint le récompensa en le nommant commissaire général de l'Empire, dignité d'une grande importance, comme les ambassadeurs de Venise en font la remarque : car, l'Em- pereur étant présent, c'était le commissaire général qui portait la parole pour lui, et, en son absence, il occupait la première place et représentait sa personne même. Un traitement de 15,000 florins était attaché à cette charge, à laquelle le comte palatin Frédéric avait dû renoncer, venant d'être appelé à succéder à son frère, l'électeur Louis le Pacifique, mort le 26 mars (A). Charles-Quint, en remerciant la diète, lui fit connaître (1) «... È slata per mia fè gran cosa, ed inaspettata anchè (la Sua Maestà, questa che la Germania, nella quai si gloriava il re haver tanti amici, s' habbia tutta dichiarata contra lui come ha fatto .. » (Dépêche du 2 mai , de Spire.) (2) « .. Io parlarôcon voi in lingua latina, perché desidero esser meglio inteso... » (Dépêche du 12 avril, de Spire.) (3) Dépêches du H et du 29 mars, de Spire. (4) « Dignità di molta importantia , perché inpresentia di S. M. esso è quelle- che propone ogni cosa; in absentia ha il primo loco sopra tutti et rappresenta la personna istessa di Cesare, et ha d'entrata per questo carico 13,000 fiorini ordinarii. Facea questo officio il duca Federico pala- tino, già elettore in loco del fratello morto. A questo vescovo d'Augustajil quale ha fatto gagliardi offitii per l'Imperatore, hadatoS. M. questo fors» per parle.... » (Dépêche citéedu29 mars.) ( 280 ) les mesures qu'il comptait prendre pour l'exécution de ce qu'elle avait résolu, et il lui demanda les subsides néces- saires pour l'entretien, pendant huit mois, de 24,000 hommes de pied et de 4,000 chevaux; il offrait, s'ils lui étaient accordés, de mettre à la disposition du roi, son frère, pour la défense de la Hongrie contre les Turcs, 8,000 fantassins et 1,000 hommes de cavalerie. Le land- grave, qui jusque-ià, à la stupéfaction générale, s'était montré favorable aux desseins de l'Empereur, s'éleva, avec autant d'éloquence que de force , contre cette de- mande, soutenant qu'avant tout il fallait établir la paix publique en Allemagne et réformer la chambre impé- riale (1). Néanmoins la diète vota les subsides réclamés, en en limitant la durée à six mois (2). A cette occasion , elle résolut d'écrire aux ligues suisses, pour les adjurer de ne donner aucun secours au roi de France (3). Sur ces entrefaites, l'électeur de Brandebourg, Joa- chim II, surnommé Y Hector allemand, était arrivé à Spire (4), et le nouvel électeur palatin, Frédéric, y était revenu (5). Le collège électoral se trouvait ainsi au com- plet. Le 5 mai, une imposante solennité eut lieu. Charles- Quint, revêtu de ses habits impériaux et accompagné des (1) « 11 lantgravio, il quale fin hora, con meraviglia di tutti, havea mostrato di favorir grandemeule le cose diCesare,si lasso intendere ch' esso non era mai per assenlire , se prima non ottenesse la pace publica di Ger- mania, et insieme non fosse riformata la caméra dell' Imperio,et si è stato detto che a paiiato con molta eloquentia et molta forza... » (Dépêche du 1er avril, de Spire.) (2) Dépêche du 3 avril, de Spire. (3) Ibid. (4) Le 1er avril. (5) Le 31 mars. ( 281 ) électeurs aussi eu costume de cérémonie, des archiducs et des autres princes de l'Empire, se rendit à la maison de la ville, où il donna à Wolfgang Schuzbar l'investiture de la grande maîtrise de l'Ordre teutonique, dignité dans laquelle il avait succédé, l'année précédente, à Walter de Cron- berg. Le nouveau grand maître offrait à l'Empereur de le servir en personne, et à ses dépens, dans la campagne qui allait s'ouvrir, avec 400 chevaux (1). Bientôt après, une autre cérémonie occupa plus encore la cour impériale : ce fut le mariage du comte d'Egmont, Lamoral, avec la princesse Sabine de Bavière (2). Les fêtes qui eurent lieu à cette occasion durèrent quatre jours, du 8 au 11 mai. Par l'éclat dont il voulut qu'elles fussent environnées, Charles-Quint montra combien ce mariage lui était agréable. On reçut, dans ce temps-là, à Spire, la nouvelle de la défaite des troupes impériales, sous le commandement du marquis del Guasto, à Cérisoles (3). Les électeurs et la plupart des princes de l'Empire s'empressèrent d'aller ex- primer à l'Empereur le déplaisir qu'ils en éprouvaient (4); les ambassadeurs de Venise remplirent le même devoir. Charles-Quint répondit à ces derniers : « La Seigneurie a » grandement raison de se condouloir de ce qui m'arrive » de fâcheux, comme de se réjouir de mes prospérités : » car ma fortune est la sienne propre. La défaite a été » moindre qu'on ne le croyait; toutes les places que j'oc- » cupe sont fortes et bien pourvues, et ce qui me peine (1) Dépèche duo mai, de Spire. — Journal de Vandenesse. (2) Dépèche du 10 mai , de Spire (5) Le 14 avril 1544. (4) Dépêche de 27 avril, de Spire. 2ine SÉRIE, TOME XIX. 19 ( 282 ) » seulement, ce sont ces pauvres gens qui sont morts » pour mon service. Je mets ma confiance en Dieu, qui » connaît le cœur de tous, et qui sait quelles sont mes » intentions (4). » Sur le règlement de la paix publique en Allemagne et l'organisation de la chambre impériale, il ne fut pas aussi aisé de réunir les suffrages de la diète que sur la guerre contre la France. Au commencement de mai, les protes- tants présentèrent un écrit où ils demandaient que l'Em- pereur, pour mettre un terme aux troubles religieux, s'employât auprès du pape afin qu'un concile universel fût convoqué le plus tôt possible; qu'il convoquât lui-même, dans le courant de l'hiver , une diète où il se trouverait en personne; qu'il soumît les difficultés de la religion à des gens doctes et pieux qui seraient chargés de proposer des moyens d'arrangement sur lesquels la diète délibérerait, en attendant la détermination du concile général ; que le recez d'Augsbourg de 1530, où la confession des sectateurs de Luther avait été rejetée , et certains articles concernant la chambre impériale fussent tenus pour nuls et non avenus. Ces demandes soulevèrent une vive opposition au sein des catholiques : tout ce à quoi ils consentirent fut que l'Em- pereur convoquât la diète durant l'hiver; qu'avec l'assen- timent du pape et l'intervention d'un légat de S. S., des théologiens et des personnes savantes fussent appelés à résoudre les difficultés de la religion et qu'on s'en tînt à (1) « Ha la Signoïia gran ragione di dolersi dell' incommodi miei, et allegrarsi délie prospérité, perché ogni inia fortuna è sua. La perdita è stata minore che non credea : ho le terre tutte forte et ben proviste, et mi duole solamente di quella povera gente ch' è morta in servitio mio. Con- fido in Dio, il cual conosce il cnor de tutti, et sa l'intention mia. . » (Dé- pêche du 26 avril , de Spire ) ( -283 ) leurs décisions jusqu'à ce qu'un concile universel en eût décidé autrement; que si, à cause des circonstances, un concile universel ne pouvait être assemblé, il fût, de l'aveu du pape, qui y enverrait un légat, convoqué un concile national dont les décrets auraient force et vigueur, tant qu'ils n'auraient pas été modifiés par un concile uni- versel (1). Les ambassadeurs de Venise nous fournissent des ren- seignements curieux sur la politique qui, dans cette ques- tion délicate de la religion , était celle de Charles-Quint : « Nous avons appris, écrivent-ils, que l'Empereur, en » présence des protestations de plusieurs princes, — les- » quels, si les difficultés religieuses n'étaient pas aplanies, » pourraient être cause que l'aide qui lui a été promise » fût tardive ou qu'elle lui manquât, comme il est arrivé, » après la diète de Nuremberg, des promesses de secours » faites pour la défense de la Hongrie — convoquera la » diète, l'automne ou l'hiver, afin de traiter desdites dilli- » cultes : alors, si l'entreprise de France réussit selon son » désir, il sera si formidable que ceux qui le contrarient » aujourd'hui sur l'article de la religion n'oseront pas » s'opposer à ses volontés; si, au contraire, il échoue dans » cette entreprise, on croit qu'il cédera à toutes les pré- » tentions des protestants, car la plupart des princes, et » les plus puissants, appartiennent à cette secte, et, » afin d'obtenir leur aide, il voudra se les rendre favo- » râbles (%. » (1) Dépêche du 12 mai , de Spire. (2) «... Noi havemo inteso che Cesare, vedendo le protestation! faite da alcuni principi, li quali potrebbeno esser causa che, se non si risolvesse quesla difficultà, loagginto promessnli fosse tardo, o non si havesse, corne ( 284 ) Après une longue conférence avec l'électeur de Saxe et le landgrave de Hesse, l'Empereur se décida à appuyer auprès de la diète les désirs des protestants ; mais à peine eut-il été donné lecture de l'écrit contenant ses propositions, que les catholiques abandonnèrent la salle des séances, se plaignant du tort qui leur était fait , disant que de telles propositions étaient contraires à la fois à la religion, à l'autorité du saint-siége et à celle même de l'Empereur. Les deux nonces qui suivaient la cour impériale et celle du roi des Romains firent de très-fortes représentations à l'un et à l'autre monarques. Charles et Ferdinand leur ré- pondirent qu'ils ne manqueraient pas à leur devoir de maintenir la religion; qu'ils vivraient toujours catholique- ment, mais qu'il fallait chercher les moyens de faire cesser les dissensions de l'Allemagne, et pourvoir aux plus pres- sants besoins de la chrétienté (1). Charles-Quint cependant désirait concilier, autant que possible, les opinions opposées; dans cette vue, il revint sur plusieurs des concessions qu'il avait faites aux protes- tants, et notamment sur l'annulation du recez d'Augs- bourg(2). A leur tour, les protestants réclamèrent, sans que nella dieta di Norimbergh successe, che non attesero aile promesse di dare lo aggiuto per defension deir Ongaria, farà li edilti per convocar la dieta a questoautumnoover1 inverno,pertrattar queste diftïcultà délia re- ligione, perché se l'impresadi Franza succédera secondoil desiderio suo, sera fatto cosi formidabile che quelli che hora li constrastano nelle diflï- cultà délia religione non haveranno ardimento d'opponersi ad alcun suo voler; ma in casoche neir impresa di Franza gli succedesse accidente al- cuno sinistro , si crede che condescenderà a far tutto quello che li protes- tant! dimanderanno, per esser la maggior parte di principi, et più potenti, di questa setta, li quali si vorra tener benivoli, per haver il loro aggiuto...» (Dépêche du 12 mai, de Spire). (1) Dépèche du i£ mai, de Spire. (2) Dépêche du 21 mai, (\o Spire. (285 ) les catholiques se montrassent entièrement satisfaits (1). Charles négocia avec les uns et les autres. Les ambassa- deurs de Venise nous font connaître les arguments qu'il employa auprès des derniers. 11 y eut trois points sur les- quels il discuta surtout avec eux : 1° ils voulaient qu'il fut dit expressément, dans le recez, que la prochaine diète se tiendrait avec le consentement du souverain pontife et l'intervention d'un légat envoyé par lui; 2° ils n'enten- daient pas que les protestants fussent représentés dans la chambre impériale; 3° ils étaient entièrement contraires à ce que le recez se fît selon la déclaration de Ratisbonne, qui leur était si préjudiciable (2). Il leur dit, sur le pre- mier point, qu'il réputerait à offense de leur part la pensée que son intention pût être de convoquer une diète où Ton traiterait de la religion sans la volonté du pape et l'inter- .vention d'un légat de S. S.; sur le deuxième, qu'il lui pa- raissait juste que, les juges de la chambre impériale étant payés par tous les états de l'Empire , tous eussent part à leur nomination, et qu'ils ne devaient pas douter que les sen- tences de la chambre ne fussent dictées par un esprit de jus- tice , puisque le plus grand nombre de ses membres étaient catholiques; sur le troisième enfin, qu'il tenait, en son esprit, la déclaration de Ratisbonne pour nulle, car il avait été trompé lorsqu'il l'avait donnée, et que, quand on exa- minerait si elle devait ou non conserver sa force, il pro- (1) Dépêche du 25 mai, de Spire. (2) La déclaration donnée par l'Empereur, à Ratisbonne, le 29 juillet 1541 , sur le recez de la diète du même jour. Elle est dans Dumont, Corps diplomat., t. IV, part II, p. 210. Cette déclaration était tout à l'avantage des protestants, car elle annu- lait en quelque sorte, pour eux, les articles du recez qui avaient excité leur mécontentement. ( "280 ) niellait, en parole d'empereur, de l'annuler, mais que, pour le moment et dans l'état où étaient les choses, il serait inopportun de soulever cette difficulté. Il les assura d'ailleurs qu'il serait toujours le prince religieux et catho- lique qu'il avait été jusque-là, et que, s'il faisait mainte- nant quelque chose contre leur gré, c'était parce qu'il ne pouvait pas faire autrement (1). Ces bonnes paroles déterminèrent les catholiques à ne plus insister. De leur coté, les protestants se rendirent aux raisons qui leur furent alléguées. Le recez put ainsi être publié du consentement de tous; il le fut le 10 juin,enpré- (1) k L'Imperatore è slato separatamente cou li cattolici longamente, aïlirniandoli che sempre è per esser quello principe religioso et cattolieo ebe è stato,et che se hora fa qualche cosa contra la volontà loro, è perché non puô far altramente , pregandoli che siano contenti ch '1 recesso se. facci secondo sua ultima scrittura corretta. Tre sono state le difficulté sopra le quali hanno longamente parlato : la prima, che volevano cattolici che nella scrittura apertamente se dicesse che la dieta prossima si facesse con eonsentimento del pontefice et assistentia del suo legato ; la seconda, che non pareva loro conveniente che nella caméra dell1 Imperio havessero parte li proteslanti ; la terza , che non potevano per alcun modo assentire, vedendo Sua Maestà inclinata a far questo recesso secondo la dichiara- tion diRatisbona, per esser ella di tanto prejuditio suo. Alla prima hab- biamo inleso haver riposto Cesare che riputava esser ofiesa da loro ogn' hora che pensassero che ranimo suo fosse per convocar aleuna dietta nella qualesi tratasse di religione senza la volontà del pontefice et intervento di qualche suo legato ; alla seconda , che li pareva honesto che essendo pagati li giudici da tutti li stati dell' Imperio, che in questo cargo, pagali da tutti , tutti ne havessero parte, ne dovevano loro dubitar che le sen- tentie non fossero fattegiuslamente , esseudo loro il maggior numéro; alla terza, che S. M. havea nell' anima sua quella dichiaratione per nulla, es- sendo stala in quel tempo ingannala , et che quando si trattara se ladovesse valer o non valer, promeltea in verbo Cesaris d'annullarla, ma che hora , sendonel termine che è, non li pareva tempo di muover questa difficultà, o di alterar altramentela scrittura... . (Dépêche du ôO mai, de Spire.) ( 287 ) sence de l'Empereur et du roi des Humains (1). Le même jour, le roi quitta Spire, pour reprendre le chemin de ses états, laissant auprès de son frère les deux archiducs ses iîls : l'aîné, Maximilien, pour le suivre à l'armée; l'autre, Ferdinand, dont les inclinations étaient toutes pacifiques, pour aller résider, à Bruxelles, avec la reine Marie. La plupart des princes de l'Empire n'avaient pas attendu jusqu'à ce moment pour retourner chez eux; le landgrave était parti dès le 16 mai (2), et l'électeur de Saxe deux jours auparavant. Telle était, au rapport de Navagero, la corpulence de cet électeur, qu'il ne pouvait voyager qu'en chariot (3). (1) Dépèche du 10 juin, de Spire. (2) Dépêche du 21 mai, de Spire. (5) « Il quale, per la corpulentia sua , è andalo et va in carretta. (Dépêche du 14 mai, de Spire. ) ( 288 ) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 2 février 1865. M. Alvin, président de l'Académie. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. G. Geefs, Navez, Van Hasselt, J. Geefs, Fraikin, Partoes, De Busscher, Balat, Payen, le chevalier Léon de Burbure, Franck, membres. COBBESPONDANCE. MM. Gérôme et César Daly, nommés associés de l'Aca- démie, expriment leurs sentiments de gratitude pour la distinction dont ils ont été l'objet. M. Daly promet, pour répondre aux désirs de la classe, de faire parvenir plu- sieurs de ses ouvrages sur des monuments de sculpture et d'architecture. — Des remercîments lui sont adressés. — M. Vieux temps, membre de la classe, l'ait parvenir un exemplaire de la composition qu'il a fait exécuter dans le temple des Auguslins. « L'ouverture avec hymne natio- nal de ma composition , écrit-il au secrétaire perpétuel, ( 289 ) qui a été exécutée à la dernière séance publique de l'Aca- démie, vient d'être publiée , et je m'empresse de vous en envoyer un exemplaire que je vous prie d'offrir en mon nom à l'Académie, en souvenir du jour où elle a bien voulu me fournir une si belle occasion de l'aire entendre cet ouvrage. J'espère qu'elle voudra bien l'agréer, ainsi que l'expression de ma gratitude pour la bienveillance avec laquelle elle l'a accueilli. » Des remercîments sont adressés à M. Vieuxtemps pour cet envoi. — M. Siret, correspondant de l'Académie, l'ait parvenir la notice nécrologique sur Érin Corr, qui lui avait été de- mandée pour Y Annuaire de 1865. — L'Institut royal des architectes britanniques remercie l'Académie pour l'envoi de ses publications. — Dans la séance précédente, la classe avait entendu la lecture d'une lettre de M. Auguste Yander Meersch, rela- tivement à des manuscrits sur l'histoire des tapisseries d'Audenarde que son frère, Désiré- Joseph, a légués à la compagnie. Il avait demandé qu'au cas où ces manuscrits seraient imprimés, il lui en serait envoyé cinquante exem- plaires, et que, si l'Académie jugeait à propos de faire exé- cuter le buste de son frère , il pût en recevoir une copie. D'après l'avis des commissaires, MM. De Busscher, Léon de Burbure et Yan Hasselt, la classe ne voit aucun obstacle à adopter les conclusions favorables de ses rapporteurs, et décide qu'il sera écrit dans ce sens à M. Vander Meersch. — La société chorale et littéraire des Mélophiles de Masselt fait parvenir un exemplaire du Bulletin littéraire ( 290 ) qu'elle publie , et elle exprime le désir de recevoir, à titre d'échange, le Bulletin de l'Académie. — M. de Burbure appelle l'attention de la classe sur un arrêté pour la publication des œuvres des anciens musi- ciens belges. Il demande si la classe de beaux-arts n'a pas été chargée de cette publication, et, dans le cas affirmatif, que l'on fasse connaître ce qui a été fait pour donner suite à l'arrêté royal. M. de Burbure fait apprécier l'avantage qu'il y aurait à publier, le plus possible, les œuvres des anciens compositeurs qui ont jeté autrefois tant d'éclat sur le pays. — M. Balat exprime le désir de voir dresser un cata- logue général, comprenant les ouvrages d'art d'origine belge qui se trouvent dans les collections étrangères. « Il serait du plus grand intérêt pour l'histoire de l'art, dit-il, de pouvoir connaître ce qui a été produit par les artistes belges qui se sont expatriés, et dont les productions ornent encore les musées étrangers. » M. le président, en appuyant cette proposition, désigne MM. Balat et Van Hasselt pour rédiger le programme du travail qu'il s'agit d'élaborer et les invite, avec l'assentiment de la classe, à déterminer le mode d'après lequel on pourrait s'adresser aux corps sa- vants et aux diverses associations étrangères. 291 OUVRAGES PRÉSENTÉS. (Juetelet {Ad.). — Histoire des sciences mathématiques et physiques chez les Belges. Bruxelles, 1804; in-8°. Vieil xtemps (H.). — Ouverture et hymne national belge, pour orchestre et chœur (op. 41). Mayence, 1804; in-4°. Visschers (Auy.). — Du premier essai tenté en Belgique pour l'abolition de la peine de mort (4851-1835). Liège, 1804; m-8°. Dubois (Ch.-F.). — Oiseaux de l'Europe, suite aux planches coloriées des oiseaux de la Belgique et de leurs œufs. 189e à 194e liv. Bruxelles, 1804; 0 cah. in-8°. D'Otreppe de Bouvette (Alb.).—- Essai de tablettes liégeoises. 47rae livraison. Liège, 1865; in- 12. Diegerickx (I.-L.-A.). — Inventaire analytique et chrono- logique des chartes et documents appartenant aux archives de la ville d'Ypres. Tome VInie. Bruges, 4804; in-8°. Van Heurck {Henri). — Herbier des plantes rares ou cri- tiques de la Belgique, fascicule III. In-folio Hoffman (J.-B.). — Traité théorique et pratique des ques- tions préjudicielles en matière répressive, selon le droit fran- çais; précédé d'un exposé, dans la même forme, de l'action publique et de l'action civile considérées séparément et dans leurs rapports mutuels. Tome 1. Bruxelles, 1805; in-8°. De Marteau (J.-G.-J.). — Lampes de sûreté. 2me édition. Anvers, 1805; in-8°. Uytterhoeven [André). — Hygiène des hôpitaux, mortalité à l'hospice de la maternité à Paris. Bruxelles, 4805; in-8°. Conseil supérieur d'agriculture du royaume de Belgique Bulletin , publié par le Ministère de l'intérieur. Situation de l'agriculture (année 1803), tome XVII. Bruxelles, 1805: in-4°. ( 292 ) Société de l'histoire de Belgique. — Seizième siècle. Mémoires anonymes sur les troubles des Pays-Bas, 1565-1580, avec pré- face et annotations , par Alex. Henné. Tome IVme. Bruxelles, 1865; in-8°. Bulletin du Bibliophile belge. — Tome XXme, 6mc cahier. Bruxelles, 1865; in-8°. Revue universelle des arts, Xme année, XXme volume, nos 4 à 6. Bruxelles, 1865; 5 cah. in-8°. Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. — Bulletin des séances, année 1864. Bruxelles, 1864; in-8°. Bulletin des archives d'Anvers, publié par ordre de l'ad- ministration communale, par P. Génard, tome Ier, 2me livraison. Anvers, 1864; in-8°. Académie d'archéologie de Belgique. — Annales, tome XXI, 2me série, tome Ier, lre livraison. Anvers, 1865; in-8°. Société d'émulation pour l'étude de l'histoire et des anti- quités de la Flandre, à Bruges. — Annales, tome XIII, 2me série, n° 1. Bruges, 1864; in-8°. Société chorale et littéraire des Mélophiles de Hasselt. — Bulletin de la section littéraire. 1er volume. Hasselt, 1864; in-8°. Journal des beaux-arts et de la littérature, publié sous la direction de M. Ad. Siret. 7me Année, n09 1 à 4. SMNicolas, 1865 ; 4 feuilles in-4°. Annales d'oculistique. XXVIIIme année, tome 55, lrc et 2me livr. Bruxelles, 1865; in-8°. Société médico-chirurgicale de Bruges. — Annales, XXVI,ue année, lre et 2me livr. Bruges, 1865; 2 broch. in-8°. La presse médicale belge, 17rae année, nos 1 à 15. Bruxelles , 1865; 15 feuilles in-4°. Le Scalpel, XVIIme année, nos 24 à 51. Liège, 1865; 8feuilles in -4°. Maatschappij van Nederlandsche letterkunde te Leyde. — Handelingen van de jaarlijksche vergadering p,ehoudcn in ( -295 ) .1820, 1827, 1828, 1830 tôt 1854, 1854, 185;), 1852 en 1864. Leidc, 28 cah. in-8°; — Nieuwe reeks van werken, IX deel. Leide, 1857; in-8°; — Levensbcrichten dcr afgestorvcnde me- delcden. Lcidc, 1864; in-8°. De Wicquefort (A.).— Histoire des provinces unies des Païs-Pas, depuis le parfait establissement de cet estât par la paix de Munster. Publiée au nom de la Société d'histoire à Utrecbt, par C.-A. Chais van Burcn. Tome II. Amsterdam , 1864; in-8°. Muséum Botanicum Lugduno-Batavi. — Annales, edidit, F.-A. Guil. Miquel. Tomus I, fasc. 1,2,5. Amsterdam, 4865; 5 cah. in-folio. Revue britannique. Édition de Paris, 44mc année. n° 1. Janvier, 1805. Paris, in-8°. Société philotechnique de Paris. — Annuaire, année 4864; tomeXXVIIme. Paris, 1805; in-12. D'Héricourt (le comte Achmet). — Annuaire des sociétés savantes de France et de l'étranger. Tomes I et II. Paris, 1805- 1805; 2 vol. in-8°. Piérart (Z.-J.). — Excursions archéologiques et historiques sur le chemin de fer de S'-Quentin à Maubeuge. Seconde édi- tion. Paris-Maubeuge, 1862; in-8°. Société des antiquaires de Picardie, à A miens.— Bulletins, tome VIII , p. 469 à fin et titre. Amiens , 1 864 ; in-8°. Geologischen commission der Schweizer7 zu Bern. — Bei- trâge zur geologischen Karte der Schweiz. Zweite Lieferung, mit Karte. Berne, 4864; in-4°. Delafontaine (Marc). — Matériaux pour servir à l'histoire des métaux de la Cérite et de la Gadolinite. I et II. Genève, 1864; 2 broch. in-8°. Berthelot. — Sur la synthèse des substances organiques; traduit par M. M. Delafontaine. Genève, 4864; in-8°. Xaturforschenden Gesellschaft zu Bamberg. — Funfter und sechster Berichtes, fiir das jahr 1860-1801 und 1801- 1862. Bamberg, 1801-1805: 2 vol. in-8°. ( 294 ) Kônigliche Âkademie der Wisêenschaften ztt Berlin. — Abhandlungen aus dem jahre 1865. Berlin, 1864; in-4°. Physikalischen Gesellschaft zu Berlin. — Die Fortschritte derphysik im jahre 1862. XVIIIs,e jahrgang. Berlin, 1864; 2 vol. in-8°. Verenis fur Erdkunde in Dresden. — Erster jahresbericht. Hildburghausen, 1864; in-4°. Oberlausitzischen Gesellschaft der Wissenschaf'ten zu Gor- litz. — Neues lausitzisches raagazin. XLIste Band. Gôrlitz, 1864 ; 2 cah. in-8°. Kônigliche Gesellschaft der Wissenschaften und der Georg- Augusts-Universitat zu Gôttingen. — Gottingische gelehrte Anzeigen, 1864. Gôttingen; 2 vol. in-12; — Nachrichten aus dem jahre 1864. Gôttingen; 1 vol. in-12. Justus Perthes' Geographischer Anstalt zu Gotha. — Mittheilungen ùber wiehtige neue Erforschungen aus dem Gesammgebiete der Géographie von Dr A. Petermann, 1865, n° 1. Erganzungsheft nos 14 und 15. Gotha, 1865; 3 cah. in-4°. Heuschling [Xavier). — Géographie und statistik des kôni- greichs Belgien. Leipzig, 1864; in-8°. Kônigliche Akademie der Wissenschaften zu Mûnchen. — 1° von Dollinger (/.). — Kônig Maximilian II und die Wis- senschaft, rede. Munich, 1864; in-8°; — 2° Riehl (W.-H.) — Uber den Begriff der Biergerlichen Gesellschaft, vortrag. Mu- nich, 1864; in-4°; — 5° Thomas (Geor g -Martin). — Die stellung Venedigs in der Weltgeschichte, rede. Munich, 1864; in-4°. Koniglichen Slerwarle bei Miinchen. — Annalen, XIII Band. Munich, 1864; in-8°. Kisch (E.-H.). — Marienbad in der Sommersaison 1864, nebst einigen Bemerkungen zur Balneotherapie der chronis- chen Metritis (des chronischen Uterusinfaret). Prague, 1865: in-8°. Entomologische Vereine zu Stellin. — Entomologisehe Zri- tung. XXVster Jahrgang. Slettin, 1864; in-8°. ( 295 ) Kaiserliche Âkademie der Wissenschaften in Wieti. — Jahrgang, 48G5, nos 4 à 6. Vienne, 1865; 6 feuilles in-8°. Von Arneth {Alfred ritter). — Maria -Theresia und Marie- Antoinette. Jhr Briefwechsel wahrend der Jahre 1770-1780. Paris-Vienne, 1865; in-8°. Physikalisch-Medicinischen Gesellschaft zu Wurzburg. — Medicinische Zeitschrift, Vter Band, IV und VI heft; — Natur- wissenschaftliche Zeitschrift, V,cr Band, III und IV heft. Wurtzhourg, 1864; 3 cah. in-4°. Società italiana di Scienzi nalurali di Milano. — Atti, vol. VII0, 1864. Milan, 1864; in-8°. Pitrelli (Nicolas). — Disegno délia seienza nuova, lettera I. Naples, 1865; in-8°. Poggioli (Michel-Ange). — De amplitudine doctrinae bota- nicae qua praestitit Fridericus Caesius, commentatio Josephi Filii cura et studio. Rome, 1863; in-8°. Correspond enza scienlifica in Roma. — Vol. VII0, n,s 10 'et 1 i. Rome, 1865; 2 feuilles in-4°. Berchet (Guillaume). — La republica di Venezia et la Persia. Turin, 1865; in-8°. The Reader, a review of literature, science, and art. Vol. V, nos 111, 412,415, 144, 145. Londres, 4865; 5 doubles feuilles in-4°. Memorias que el ministerio e esta en el département*) de hacienda , de relaciones exteriores, del interior , de guerra, dejusticia, culto e instruccion publica, de marina, présen- tera al Congreso national de 1864. Santiago de Chile; 6 cah. in-4°. Menadier (Julio). — Estadistica comercial comparativa de la republica de Chile. Valparaiso, 4862-4864; 40 cah. in-4°. Sexe (S.-A.). — Om sneebraeen folgefon. Christiania, 4864; in-4°. Norske fortidsmindes merkers bevaring , i Christiania. — Norslce bygninger fra fortiden ( Norwegian buildings from ( 296 ) former times), ï legninger og med tcxt. Fjerde hefte, pi. XIII- XVI og pag. 0-8. — Forenigen, aarsberetning for 1865. Christiania, 1864; 1 cah. in-4° et 1 broch. in-8°. Irgens (M.) og Hiortdahl (Th.). — Om de geologiske for- hold paa Kytstraekningen of nordre bergenhus amt. Christia- nia, 4 864; in-4°. Universitate regia f'redericiana, i Christiania. — Index scholarum. Christiania, 4864; 2 cah. in-4°. Videnskabs-Selskabet i Christiana. — Forhandlinger, aar 4864. Christiania, 4864; in-8°. Nyt Magazinfor naturvidenskaberne. — ïolvte Binds, fjerde hefte, trettende Binds, forste, andet og tredie hefte. Christia- nia, 4865-64; 5 cah. in-8°. Diplomatariwn Norvegicum, VI, 2. Christiania, 4864; in-8°. JVorske rigsrcgistranter. III Binds , 1 hefte (4588-4593), udgivet ved Otto Gr. Lundh. Christiania, 4863; in-8°. Norske fornlevninger, af C. N. Nicolayscn. III hefte. Chris- tiania, 4864; in-8°. Beretning om bodsfoengflets virksomhed, i aaret 4865. Christiania, 4864; in-8°. BULLETIN DR L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. i863. — N° 5. CLASSE DES SCIENCES. Séance du 4 mars 4865. \J. Nerenburger , directeur. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents: MM. d'Omaliusd'Halloy, Wesmael, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, le vicomte Ber- nard du Bus, Nyst, Gluge, Melsens, Liagre, Duprez, Brasseur, Poelman, Dewalque, Ern. Quetelet, Spring, Gloesener, Eug. Coemans, membres; Schwann, Lamarle, Aug. Kekulé, associés ; Donny, correspondant. M. Ed. Fétis , membre de la classe des beaux-arts, as- siste à la séance. 2me SÉRIE, TOME XIX. 20 298 CORRESPONDANCE. M. le ministre de l'intérieur adresse à l'Académie trois exemplaires du tome XVII du Bulletin du conseil supé- rieur d'agriculture , et vingt-cinq exemplaires de l'opuscule de M. Dupont, sur les fouilles exécutées dans les grottes de la province de Namur. — M. James Dana adresse de New-Haven (États-Unis), une lettre de remercîments , pour sa nomination récente d'associé de la compagnie. — M. Studer, président de la commission géologique de Suisse, fait hommage de la seconde partie du travail sur la carte géologique de ce pays. — L'Académie Stanislas, de Nancy, remercie pour l'en- voi des Bulletins de l'Académie. — M. Landzweert d'Ostende et M. E. Rodigas , profes- seur à l'école d'horticulture de Gendbrugge , près de Gand, envoient les résultats de leurs observations périodiques sur les animaux et sur les plantes, faites pendant l'an- née 1864. — M. le secrétaire perpétuel annonce que, depuis le 19 février dernier, il a reçu de M. Melsens un paquet cacheté, qu'il dépose sur le bureau : ce paquet est reçu par la classe et sera déposé dans ses archives. — M. Ad. Quetelet, communique une lettre qui lui a été adressée par M. Florimond , de Louvain , et qui con- ( -299 ) cerne un météore vu dans celte localité le 17 février der- nier, vers S heures 50 minutes du soir. « La clarté cré- pusculaire nuisait beaucoup à son éclat : une masse en- flammée, moins grande que la lune et de forme allongée, se dirigeait rapidement de l'est vers l'ouest; sa hauteur était d'envron Ad0. Aucune traînée ne s'est manifestée, et aucun bruit ne s'est fait entendre. » — Ce phénomène a été aperçu également à Liège, dit M. De Kqninck : il a été observé par son fils. Après l'explosion, un nuage blanc, ayant la forme d'un M (dont les jambages étaient écartés et disposés perpendiculairement à un vertical), a persisté pendant environ 20 minutes. Le temps était serein et calme. Ce même phénomène a été aperçu par M. d'Omalius, dans les Ardennes, et par M. Dewalque, qui a pris des renseignements pour quelques autres localités. (Voyez plus loin , page 504.) — La classe reçoit les ouvrages manuscrits suivants : 1° Sur une particularité de nervation chez plusieurs espèces du genre Cratœgus, par M. Alfred Wesmael. (Com- missaires : MM. Constantin Wesmael et Ed. Morren.) 2° Sur le squelette de l'extrémité antérieure des céta- cés, par M. le docteur C. Van Bambeke. (Commissaires : MM. Van Beneden et Poelman.) 5° Sur la conservation des substances organiques, par M. Adolphe Pienkowski, étudiant à l'Université de Gand. (Commissaires : MM. Stas et Donny.) 4-° Théorie nouvelle du mouvement d'un corps libre, par M. F. Folie, docteur en sciences physiques et mathé- matiques. (Commissaires : MM. Brasseur et Schaar.) ( 500 ÉLECTION. Par suite du décès de M. Kickx, la classe avait à pour- voir à son remplacement dans la Commission de la Bio- graphie nationale , pour la partie relative à la botanique et à l'agriculture. Les suffrages de la classe désignent M. Coe- mans pour remplacer son honorable confrère dans cette commission. RAPPORTS. Sur les tremblements de terre en 4865 , avec suppléments pour les années antérieures de 4845 à 4862; par M. Alexis Perrey. Rapport de MM. Mkttpreï. M. Perrey s'est proposé de réunir une série de docu- ments propres à jeter quelque lumière sur la constitution de la partie la plus intérieure de notre globe, et à faire ressortir la connexion qui peut exister entre les tremble- ments de terre et d'autres phénomènes de la nature ; c'est vers ce but qu'il a constamment dirigé , avec une rare per- sévérance, ses recherches. Le mémoire qu'il présente au- jourd'hui concerne les tremblements de terre ressentis en 1865; il renferme, en outre, de longs suppléments à ses différents catalogues dont l'Académie a ordonné, à diver- ses époques, l'impression dans son recueil. Je crois qu'il est dans l'intérêt de la science de continuer cette impres- ( 501 ) sion, et j'ai l'honneur de proposer à la classe d'insérer, dans ses Mémoires in-8°,le nouveau travail de M. Perrey. Rapport de M. ,f . Quelelel. Depuis plus de vingt ans, M. Alexis Perrey s'occupe avec un zèle infatigable de réunir des renseignements sur les tremblements de terre que l'on observe à la surface du globe. Il a pris soin de joindre à ses recherches sur les phénomènes récents les renseignements, sur le même sujet, qu'il a pu recueillir chez tous les écrivains anciens, de sorte que l'ensemble de ses Mémoires forme un recueil indispensable pour ces sortes de recherehes, et spéciale- ment pour la constitution intérieure de notre globe. Depuis longtemps, nous avons pu juger la nature et l'ob- jet de ses longues et pénibles investigations. Il serait à désirer qu'après des travaux réunis avec tant d'ordre, il voulût bien consentir aujourd'hui à en déduire les conclu- sions. On ne peut qu'apprécier sa modestie et sa persévé- rance (1), et l'on saura gré à notre Académie d'avoir favorisé, autant qu'il dépendait d'elle, la continuité de ses recher- ches. Ainsi que notre honorable collègue, M. Duprez, nous engageons l'Académie à continuer de favoriser des travaux aussi utiles et à en ordonner l'impression. Conformément aux conclusions des commissaires, l'im- pression du mémoire de M. Perrey est ordonnée. (1) Voyez ces expressions, page 423, de mon ouvrage : Sur la physique du globe, imprimé à Bruxelles, in-l°, en 1861 , chez, VI. Hayez. 30-2 ) Sur l'action de l'amalgame de sodium sur la coumarine et r/iélicine, par M. le docteur Swarts. Rapport (le M. ELekiUé. La note de M. Swarts contient deux faits nouveaux, qui, s'ils n'ont pas une importance supérieure, ne sont néan- moins pas dépourvus d'intérêt. Ces deux faits, les voici : La coumarine, principe extrait des fèves de Tonka, ex- posée à l'influence de l'amalgame de sodium en présence de l'eau, se dédouble en donnant comme produit princi- pal de l'acide salicylique. D'après certaines analogies on aurait pu s'attendre à observer une addition d'hydrogène. L'expérience a démontré que cette addition n'a pas lieu, mais que la soude caustique à l'état naissant, provoque déjà à la température ordinaire un dédoublement, qui sous l'influence de la soude toute formée n'a lieu que par la fusion. Le second fait décrit dans la note de M. Swarts est le suivant. L'hélicine (produit d'oxydation de la salicine) traitée en présence de l'eau par l'amalgame de sodium, s'ajoute de l'hydrogène, en donnant ainsi de l'hélicoïdine. Ici, l'auteur s'était attendu «à voir se produire un dédoublement ana- logue cà celui qu'il avait observé pour la coumarine; l'ob- servation a démontré que c'est au contraire l'addition qui a lieu. D'après les détails des expériences décrites dans la note, on peut regarder ces deux faits comme parfaitement démontrés. En conséquence, j'ai l'honneur de proposer ( 303 ) à la classe d'insérer la note de M. Swarts dans ses Bul- letins. Conformément aux conclusions des rapports de MM. les commissaires, l'impression de ce travail est ordonnée. COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Melsens, membre de la classe, fait une communica- tion verbale sur les pyroxyles;il en résulte, dit-il, d'après ses nouvelles expériences, la confirmation de quelques faits cités dans la note présentée à la dernière séance. Il communique, en même temps, quelques faits sur la préparation de l'acide sulfureux et de l'acide chlorosulfu- rique, qu'il dit être parvenu à préparer facilement et en grande quantité, même dans l'obscurité. Il présente en dernier lieu , quelques plans relatifs à l'établissement de paratonnerres sur l'hôtel de ville de Bruxelles, et demande qu'il soit nommé à ce sujet des commissaires qui constitueraient une commission perma- nente. Cette proposition et les considérations qu'il présente à l'appui donnent lieu à de nombreuses observations. En dernier lieu, il est décidé que les plans, qu'il aura l'obli- geance de rédiger, seront soumis à une commission de trois membres, MM. Duprez, Gloesener et De Vaux. 304 ) Sur le bolide du 11 février 1865; par M. G. Dewalque, membre de l'Académie. Le météore dont la classe des sciences vient d'être en- tretenue, a été observé en plusieurs endroits de notre pays et jusqu'aux environs de Paris. La déformation si curieuse que sa traînée a subie me semble mériter une mention détaillée : on l'a observée à Liège et aux environs , à Sta- velot, à Huy , à Namur et à Charleroy. Voici d'abord quelques extraits de journaux du pays : « On écrit de Huy : Samedi soir, vers six heures, un globe lumineux est descendu du ciel au SO. de cette ville, laissant dans l'espace une traînée en zigzag d'un blanc opaque qui s'est teintée légèrement de fèu lorsqu'à éclaté le météore, à peu de distance de la terre. » ( La Meuse, 20 février.) « Samedi soir, vers six heures, etc comme à l'article précédent. (Journal de Charleroy, reproduit par le Journal de Liège du 20 février.) a On écrit de Namur : Samedi dernier, vers sept heures du soir, un bolide est passé au-dessus de notre ville, dé- crivant dans l'espace différentes figures, et, entre autres, un M bien marqué; ce météore était d'un blanc opaque; il s'est teinté en rouge lorsqu'il a éclaté au-dessus du petit village de Forest. » (La Meuse, 22 février.) Cette direction est, je crois, l'OSO. Je ferai remarquer que le jour de cette apparition est le vendredi et non le samedi. Pour Stavelot , je n'ai pas de renseignements détaillés : je sais seulement qu'on y a observé, le vendredi 17, vers six heures du soir, la déformation en M de la traînée per- sistante dont il est question dans ces extraits. ( 505 ) Je suis mieux informé pour Liège, grâce aux rensei- gnements que je tiens d'un de nos élèves-ingénieurs, M. L De Koninck, (ils de notre savant confrère. Ce mér léore y a apparu vers cinq heures cinquante minutes du soir, à rOSO. Il avait l'aspect d'une comète à noyau beau- coup plus gros et plus brillant qu'une étoile de première grandeur; il a décrit une trajectoire à peu près verticale, qui pouvait avoir environ trois degrés de longueur. Arrivé à quinze degrés de hauteur, le noyau a disparu, puis la traînée, d'abord droite et fixe, s'est contournée graduel- lement en zigzag sans perdre de sa dimension suivant la verticale, et elle a disparu peu à peu, après quinze minutes environ. Aucun bruit n'a été entendu. Enfin, mon frère cadet, qui se trouvait aux environs de Liège, a constaté les points les plus intéressants de ce phénomène, quoique, se trouvant en voiture avec d'autres personnes, il n'ait pu en observer ni le commencement ni la fin. Sans que rien ait d'abord attiré son attention , il aperçut dans le ciel , à J'OSO., une traînée lumineuse rec- tiligne, inclinée de quatre-vingts degrés au moins de haut en bas et de droite à gauche, comprise entre quinze et vingt degrés de hauteur sur l'horizon, et pouvant avoir en lon- gueur six à sept fois le diamètre de la lune, tandis que sa largeur était très-faible. Peu à peu cette traînée s'élargit jusqu'à avoir environ la cinquième partie du diamètre lu- naire; sa couleur était jaune-rougeàtre, mais, au lieu d'être uniforme, elle semblait provenir d'une multitude de points brillants, rappelant la traînée d'une fusée d'artifice. En même temps elle se déforma , en subissant une triple cour- bure qui lui donna graduellement la forme d'un M cou- ché ( S), la partie supérieure à droite. Des quatre parties dont est formée cette ligne brisée, la supérieure ou la pie- ( 306 ) mière était très-courte, et la quatrième ou l'inférieure, au lieu d'être horizontale, était inclinée, à peu près parallèle à la seconde. Les angles étaient d'ailleurs largement arron- dis, ou plutôt formés de deux ou trois ondulations rappe- lant le chiffre 5; celui de gauche et l'inférieur de droite ont paru plus brillants que le reste. Toute cette figure pouvait être inscrite dans un rectangle ayant pour hauteur sept dia- mètres lunaires et pour largeur quatre diamètres. L'obser- vation dura six à sept minutes, sans que le phénomène eût disparu; il était six heures lorsqu'il fut perdu de vue. Ce météore a été aperçu par deux observateurs à Au- teuil, près de Paris, à cinq heures quarante minutes du soir (soit cinq heures quarante-huit minutes à Bruxelles, qui donne l'heure chez nous); il se dirigeait du S. au N., et fut visible une dizaine de minutes; mais la déformation de la traînée a été à peine observée (1). Est-ce de ce météore qu'il s'agit dans l'article suivant du Courrier du Havre, que j'extrais de LaMeuse,de Liège, du 22 février? « Avant-hier soir, vers onze heures et demie, un bolide est passé au-dessus de notre ville. Il suivait la direction du SE. au NO., et décrivait une traînée lumineuse sem- blable à celle des étoiles filantes, mais plus large. Quand ce météore parut être au-dessus de l'hôtel de la Marine, une détonation se fit entendre et tout disparut. » Notre bolide a dû être vu au Havre vers cinq heures et demie. (1) Voyez, pour plus amples détails , les Comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris, du 27 Février iXBo, t LX, pp. 157 et io8. ( 307 ) .We sur l'action de l'amalgame de sodium sur la co tu na- rine et r/ielicine, par M. le docteur Th. Swarts. L'amalgame de sodium possède la propriété de fixer deux atomes d'hydrogène sur les substances dont l'état de saturation offre deux lacunes, pour me servir de l'expres- sion de M. Kekulé, par qui cette réaction a été introduite dans la science. Il n'était pas sans intérêt d'étudier l'ac- tion de ce même réactif sur les substances qui, d'après les idées qu'on se fait aujourd'hui sur la constitution des corps organiques, offrent un nombre de lacunes plus considé- rables. J'ai été amené ainsi depuis longtemps à des recherches qui m'ont occupé pendant un temps considérable , mais qui n'ont pas conduit au résultat désiré. Toutefois, j'ai eu l'oc- casion d'observer quelques réactions assez curieuses, que je me proposais de publier dans un travail plus étendu; mais une note, publiée récemment sur l'une des substances dont je me suis occupé, me force de livrer aujourd'hui à la publicité les résultats auxquels je suis parvenu, j'ose donc espérer que l'Académie accueillera avec indulgence le tra- vail que j'ai l'honneur de lui soumettre. Action de l'amalgame de sodium sur la coumarine. La coumarine, principe odorant des fèves de Tonka,a pour formule €9 H6^-2. Elle diffère donc de l'acide cinna- mique £9 H8 -£K2 par deux atomes d'hydrogène. Comparée à l'acide hydrocinnamique G9 H,0 -0'2 de Erlenmeyer et Alexeyeff, elle s'en distingue par l'absence de A H. On pou- vait donc espérer de fixer sur cette substance quatre atomes d'hydrogène par l'action de l'amalgame de sodium, si tou- ( 508 ) tefois elle offrait ce lien de parenté avec l'acide hydrocin- namique. L'expérience n'a pas vérifié cette prévision; mais il se passe dans l'action de ces deux substances une réaction non moins curieuse. On sait que sous l'influence de la po- tasse en fusion, la coumarine se transforme en acides sali- cylique et acétique (?) par suite du dédoublement de l'acide coumarique qui se produit d'abord. On a en effet : e9 h6 o, + h, a = g9 n8 e-3 Coumarine. Acide coumarique. Gg Iïs (>3 -+- 2K HO- = G7 Iî5 K^-3 H- Ga H, KO-, -+- Hs Salicytuie de potasse. Acétate (/). Or, j'ai observé que la même réaction se passe à froid, sous l'influence de la soude à l'état naissant, qui se forme par l'action de l'eau sur l'amalgame de sodium. Après avoir fait réagir pendant quelques jours ce réactif sur la cou- marine, j'ai neutralisé la liqueur par l'acide carbonique, à l'effet de précipiter de sa solution alcaline, la couma- rine qui aurait pu rester inaltérée. La liqueur filtrée a été sursaturée par l'acide ehlorhydrique et épuisée ensuite par l'éther. Ce dernier a laissé cristalliser de l'acide sali- cylique , que j'ai aisément reconnu par son point de fu- sion (156°), par sa coloration caractéristique avec les sels ferriques et par les résultats d'une analyse. 0.3250sr de substance ont donné 0.7250 G 02 et 0.1345 HaG-. CALCULÉ. TROUVÉ. G, 81 60.8 60.69 Hs 6 4.3 4.60 <>3 48 54.7 138 90.8 ( 509 ) Je ne suis pas parvenu à déceler l'acide acétique dans les produits de la réaction. Comme l'acide salicylique produit dans l'expérience que je viens de décrire se forme dans un milieu réducteur, il est évident qu'on ne peut pas le considérer comme un dé- rivé par oxydation de la coumarine , mais qu'il faut admet- tre au moins l'existence dans cette dernière du radical de l'acide salicylique. On est conduit ainsi à envisager la cou- marine comme de l'acétylène-salicylide. Co Ha ) C7Ii40-2 ) II ne se dégage toutefois pas d'acétylène dans la réaction de l'amalgame de sodium sur la coumarine, pas plus que dans la décomposition de ce corps par la pile galvanique. Parmi les substances offrant plus de deux lacunes, et que j'ai soumises à l'action de l'hydrogène naissant, je citerai ici l'acide aconique , l'acide pyromucique et l'acide chélidonique. Je n'ai pu observer ici de phénomène d'ad- dition. Il faut donc admettre avec M. Kekulé que, dans ces substances, l'état de condensation des atomes de car- bone est différent de celui que nous présentent en général les dérivés des corps gras. Action de l'amalgame de sodium sur Vhélicine. J'ai été amené à faire cette expérience, dans l'espoir d'obtenir par la soude à l'état naissant un dédoublement analogue à celui que j'avais observé pour la coumarine. Toutefois, la réaction est complètement différente. Elle a été observée et publiée par M. Lissenko (1), qui a trouvé (1) Zeitschrifl f. Chem. v. Pharm., 4864, 577. ( 310 ) qu'en présence d'un excès d'amalgame , Phélicme se trans- forme par réduction en salicine. J'étais arrivé depuis long- temps à un résultat un peu différent. En effet, si Ton n'emploie pas un excès d'amalgame , la réduction s'arrête pour ainsi dire à mi-chemin, et au lieu d'obtenir la sali- cine, on obtient la combinaison de cette substance avec l'hélicine non transformée : c'est-à-dire l'hélicoïdine de M. Piria. Celle-ci se distingue d'un mélange de salicine et d'hélicine par son point de fusion, situé à 195°. J'ai fait d'ailleurs l'opération à deux reprises différentes, pour m'assurer par l'analyse que j'avais affaire à une substance de composition constante ; du reste, le produit offrait tous les caractères de l'hélicoïdine, comme je m'en suis assuré par comparaison. Voici les résultats de l'analyse : 1. 0.2550gr de substance ont donné 0.4852s'1 €--0-, et0.1523sr Ha-G-. II. 0. 3502s' _ __ 0.0085s' €-0-, et 0.2035s* H,-0-. TROUVÉ. CALCULÉ. ^ ^, — — — 1. II. G26 ) 52.3 H34 +g/9H2^ 6.2 •G-„) 41.4 31.9 52.05 6.64 G.46 Il résulte de ce qui précède, que je n'ai en aucune ma- nière l'intention de révoquer en doute les résultats aux- quels est arrivé M. Lissenko. Si les deux expériences ont donné des résultats légèrement différents, cela tient sans aucun doute à ce que nous nous sommes placés dans des conditions différentes d'expérimentation. ( 31 I ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 6 mars 4865. M. Ch. Faider, vice-directeur, occupe le fauteuil. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le baron de Gerlache, de Ram, Gachard, le baron de Saint-Génois, David, Paul Devaux, De Decker, Snellaert, Haus, M.-N.-J. Leclercq, Baguel, Ed. Ducpetiaux, Arendt, le baron Kervyn de Lettenhove, Chalon, Ad. Mathieu, membres; Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Blommaert, correspondant. M. Alvin et Ed. Fétis, membres de la classe des beaux- arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur fait connaître qu'un monu- ment sera érigé à Tongres, avec le concours du gouverne- ment, en l'honneur d'Ambiorix. Il désire savoir si, dans l'occurrence , l'adoption du dolmen, comme signe figuratif du culte des tribus dont Ambiorix était le chef, serait con- forme aux traditions de l'histoire. Cette question est sou- ( 312 ) mise à l'examen d'une commission composée de MM. Rou- lez, Chalon et Thonissen. Le Gouvernement adresse, en même temps, un exem- plaire du tome VI de l'Inventaire des chartes et docu- ments appartenant aux Archives de la ville d'Ypres. — L'Académie royale des sciences morales et politiques de Madrid remercie pour l'envoi des derniers travaux de la compagnie. Des remercîments semblables sont adressés par la Société de statistique de Londres et par la biblio- thèque de Munich. M. Carvallo, ministre plénipotentiaire du Chili, fait par- venir, pour la bibliothèque, une collection de la statistique comparative du Chili, pendant les années 1847 à 1862, et une collection des rapports ministériels présentés au congrès de 1864. La classe reçoit également Y Annuaire de l'Académie pour 1865, le tome IV du Corpus chronicorum Flan- driae, de la Commission royale d'histoire, publié par M. De Smet, et le 7nie volume des Œuvres de Georges Chastel- lain, éditées par M. le baron Kervyn de Lettenhove. — Remercîments. NOMINATIONS. La classe a perdu, dans le cours de l'année précédente, trois de ses associés étrangers, MM. Arthur Dinaux, Nas- sau-Senior et Rafn. La commission chargée de la présen- tation des savants qui pourraient les remplacer dépose la liste des candidats soumis aux suffrage de la compa- gnie. _ ( 315 ) La classe décide ensuite de renvoyer à une commission spéciale, composée , celte année , de MM. Leclercq , de Ram et Thonissen, l'examen préalable des questions destinées au programme du futur concours, et qui lui auront été adressées à cet effet par MM. les membres. COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Mathieu, membre de la classe, donne lecture d'une pièce devers intitulée : Anncessens. L'auteur se réservant de publier son œuvre, l'insertion au Bulletin n'en est pas ordonnée. Trois années de l'histoire de Charles-Quint (1545-1546), d'après les dépêches de V ambassadeur vénitien Bernardo Navagero; par M. Gachard, membre de l'Académie (1). Charles-Quint quitta lui-même Spire le 10 juin, pour se rendre à Metz, où il fît son entrée le 16, à la tète d'une troupe nombreuse de gens de pied et de cheval; il était accompagné de l'archiduc Maximilien, du duc Maurice de Saxe, du marquis Albert de Brandebourg et de plusieurs autres grands seigneurs d'Allemagne (2). Navagero le suivit en cette ville. La France avait récemment, par le cardinal de Ferrare, fait faire des ouvertures à la repu- (i) Suite. — Voir le Bulletin du mois de février 186o. (2) Journal de Vandenesse. 2me SÉRIE , TOME XIX. 21 ( 314 ) blique de Venise, pour l'attirer dans une ligue contre Charles-Quint; mais le sénat, fidèle à ses principes de neutralité, n'avait pas voulu y prêter l'oreille : Navagero, ayant demandé audience à l'Empereur, l'instruisit de tout ce qui s'était passé. Ce monarque se montra très-satisfait de la conduite de la Seigneurie (1). Ley duc François de Lorraine, qui avait succédé, le 14 juin, à son père, Antoine le Bon, vint à Metz rendre visite à Charles-Quint. 11 était, par sa femme, neveu de l'Empereur; il reçut de lui un accueil des plus affec- tueux (2) : « Ce duc — écrit Navagero au doge — est ré- » puté grand impérialiste, non-seulement à cause de sa » parenté étroite avec l'Empereur, mais encore par affec- » tion et volonté. 11 est avare, et en cela il ne ressemble » pas à son père, qui, pour avoir l'habitude de donner » trop, était toujours en faute d'argent (3). Dès le 12 mai , Charles avait envoyé en avant Ferrante Gonzaga, qui devait commander sous lui l'armée destinée à agir contre la France. Gonzaga commença la campagne par le siège de Luxembourg; après une faible résistance, cette place lui ouvrit ses portes le 6 juin. Il se présenta ensuite devant Commercy, qui tint à peine quatre jours. Devenu maître par-là du passage de la Meuse, il alla atta- quer Ligny, où le comte de Brienne, de la maison de Luxembourg, seigneur de l'endroit, le sieur -de Roussy, (1) Dépèche du 18 juin, de Melz. (2) Dépêches du 26 et du 50 juin, de Melz : « Con questo duca » — dit Navagero dans la dernière — « ha usato Cesare moite amorevoli dimos- » trationi. » (3) «... È riputato raolto impériale, non solamente per il parentado che è stretto tra lui et Sua Matà, ma per affeltione el volontà. Ê avaro, et in questa parle dissimiledel padre, il quai, per donar troppo, havea sempre poeo... » (Dépêche «lu 22 juin , de Melz.) ( 315 ) son frère, et le sieur d'Echenais, dit Tinteville, s'étaient enfermés avec deux mille fantassins et cinq cents chevaux. il se disposait à en taire un siège en règle, lorsque, contre son attente, la garnison se rendit le 29 juin, à condition d'avoir la vie sauve (1). Les paroles qu'à la réception de cette nouvelle Granvelle adressa à Navagero, feront juger de la satisfaction qu'elle causa à la cour impériale : « Cette » prise de Ligny, lui dit-il, est d'une grande importance : » car, indépendamment de ce qu'il se trouvait dans la » ville deux mille gens de pied qui y étaient entrés a\ec » l'intention de la bien défendre, et beaucoup de muni- » tions et de vivres, Ligny était réputée en ce pays une » place très-forte ; aussi craignions-nous de ne pouvoir » l'emporter, ou du moins de n'y pas parvenir de si tôt et » sans quelques sacrifices. Mais tout a bien tourné : ce qui » fait voir que Dieu favorise la juste cause de Sa Majesté » Impériale (2). » Il ajouta : « Par ma foi, la garnison » s'est comportée bien lâchement, n'ayant même pas » voulu attendre un assaut, quoique ces deux frères et » M. d'Échenais eussent dit que tout leur désir était de » voir l'Empereur faire le siège de la place (ô). » Les trois chefs français furent amenés à Metz; Charles-Quint or- (1) Dépêche du 1er juillet, de Metz. (H) ... Questa ultima vittoria di Ligni è di molta importantia, perché oltra che vi erano dentro 2,000 fanti entrât! con animo di diffender il luogo, moite monitioni et vettovaglie , era poi riputato Ligni in questo paese molto forte, et già qui si stava con qualche pensiero, o che non si havesse,o non cosi presto, et non senza danno. Ma il tutto è successo bene , et già si vede che Iddio favorisée la giusta causa di S. Mt:i... » (Dépèche du 1er juillet, de Metz.) (5) u ... Per niia fè, Fhanno reso molto vilmente, non havendo voluto aspettar pur un' assalto, ancora che quelli doi fralelli et quello di Senne dicessero non desiderar altro se non che l'Imperatoreandasse air assedio di quel loco... » {Ihid.) ( 316 ) donna qu'on les conduisît aux Pays-Bas, pour tenir prison dans des châteaux-forts. Pendant son séjour dans la cité impériale, Charles donna une preuve de clémence qui mérite d'avoir place ici. Un seigneur allemand, le comte Pechlin (1), avait, au mépris des édits impériaux, fait des enrôlements pour la France; il fut arrêté aux faubourgs d'Épinal, et transféré à Metz (2). Là son procès lui fut fait par le vice-chance- lier de l'Empire, le docteur de Naves, assisté du conseil- ler Boisot, et il fut condamné à avoir la tète tranchée pu- bliquement. L'exécution devait avoir lieu le 21 juin; l'échafaud était dressé sur la grand' place; le condamné avait fait sa confession, et il allait marcher au supplice, lorsque l'Empereur, à la prière de l'archiduc Maximilien et de Maurice de Saxe, lui accorda sa grâce (3). Charles fut contraint de s'arrêter à Metz plus longtemps qu'il n'aurait voulu : l'argent que la diète lui avait promis n'arrivait pas, et, malgré tous ses efforts, la reine Marie avait pu à grand' peine lui envoyer quelques milliers d'écus (4); les régiments qu'il avait fait venir d'Espagne étaient en retard; son artillerie s'était rassemblée avec lenteur (5). Enfin, le dimanche 6 juillet, s'élant couvert de son armure, il prit le commandement des troupes qu'il (1) Navagero l'appelle Picchelin, Vandenesse Picolin ,et Granvelle, dans une lettre du 18 juin à la reine Marie , le comte Beclingen. (2) Lettre de Granvelle à la reine Marie , du 18 juin ; analysée dans les manuscrits du comte de Wynants, directeur général des archives de Bruxelles, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. (5) Dépèche du 22 juin, de Metz. — Journal de Vandenesse. U) Lettre de la reine à l'Empereur, du 23 juin, analysée dans les ma- nuscrits du comte de Wynants. (5) Dépêches des 22 e! 26 juin, déjà citées. ( 317 ) avait concentrées dans la ville et aux environs, et se mil en marche à leur tête. Navagero nous donne le dénombre- ment de l'armée impériale : elle comptait, d'après lui, neuf enseignes de gens de pied sous les ordres du prince d'Orange, René de Chalon, quatre enseignes d'Allemands levées aux environs de Spire, les unes et les autres faisant 6,o00 hommes environ; 5,700 Espagnols; les escadrons du duc Maurice forts de 800 chevaux, ceux du marquis Albert qui en comprenaient 500; les gens du grand maître de l'ordre Teutonique, de quelques autres princes alle- mands, la garde et la maison de l'Empereur, qui tous ensemble faisaient un millier de chevaux; 1,000 pionniers et huit pièces de canon (1). Avant de quitter Metz, l'Em- pereur avait nommé le comte de Feria capitaine de son étendard et de sa maison (2), charge dont avaient été re- vêtus le comte de Benavente en Provence, et le duc de Camerino à Alger. Navagero fait un grand éloge de Feria : « Ce comte, dit-il, est réputé un seigneur très-aimable, » très-modeste et très-libéral; aussi Sa Majesté et toute » la cour le tiennent-ils en haute estime (5). » Charles prit le chemin de Pont-à-Mousson , pour se diri- ger, par Toul, vers Saint-Dizier , que Gonzaga, après la prise de Ligny, était allé investir. Quoiqu'on fût au cœur de l'été, il pleuvait continuellement et les chemins étaient affreux (4). Durant toute cette marche, Charles ne négli- (1) Dépèche du 16 juillet, de Saint-Dizier. (2) « Capitano del standardo et délia casa di Sua Maestà » (Dé- pêche du 50 juin, de Metz.) (3) «... É tenuto questo coûte molto gentil signore et molto modesto et libérale, et per ciô gratissimo, et aHa Maestà Sua, et alla corte tutta... » {Ibid.) (S) Dépêche du 16 juillet, déjà citée. ( "'18 ) gea aucune des dispositions qu'on pouvait se promettre d'un prudent et valeureux capitaine, ordonnant lui-même chaque chose, et voulant être constamment au milieu de son armée, dont il ne s'écarta que pour aller visiter Com- mercy et Ligny (1 ). A Nassau-le-Grand , près de cette der- nière ville, il eut une entrevue avec la duchesse de Lor- raine, sa nièce, qu'accompagnaient le duc François et le frère de celui-ci, Nicolas, évèque de Metz et de Verdun (2). Il arriva, le 15, au camp devant Saint-Dizier, brisé de fa- tigue (3): ce qui ne l'empêcha pas de faire, le même jour, une reconnaissance de la place, et il s'approcha de si près des remparts, et tant à découvert, qu'il fut généralement hlàmé de s'exposer ainsi (4). iXavagero fait la description de Saint-Dizier, qu'il repré- sente comme une place très-difficile à emporter. Elle était défendue d'ailleurs par deux hommes d'une grande réputa- tion: le capitaine de Lalande, qui, l'année précédente, avait commandé dans Landrecies, et Geronimo Marino, bolo- nais; ils avaient sous leurs ordres 2,000 hommes de pied, 100 hommes d'armes, 500 gentilshommes volontaires et 700 bourgeois, qui tous avaient juré de mourir plutôt que de se rendre (5). Tandis que Charles se disposait à pousser avec vigueur (1) «... Nel marchiar non ha mancato Sua Ma,à di tutti quelli officii che si possono aspettar da prudente et valoroso capitano; lia lei voiuto ordinar ogni cosa et esser in ogni parte dell' essereito suo... » (Dépèche citée du 16 juillet.) (-2) Dépêche du 10 juillet. — Journal de Vandenesse. (ô) «... Tutto stracco et affanuato... » (Dépèche du 16 juillet.) (i) «... Et andô tanto inanti, et cosi apefto, clic lu giudicalo da tulli eh' andasse in loco che non se li conveniva .. :> [Ibid.) Ci) Dépêches des 16 el 17 juillet . du camp devanl Saint-Dizier. ( 549 ) les opérations du siège, un événement fatal vint le privei d'iui de sps meilleurs généraux. Le 14 juillet, dans l'après- midi, le prince d'Orange, curieux de connaître l'état de la batterie, descendit dans la tranchée. Gonzaga s'y trouvait : pour l'aire honneur au prince, il lui offrit une chaise'sur laquelle il était assis, et s'assit en face de lui, à terre (1). Le prince venait à peine de se placer sur cette chaise, qu'un coup de mousquet parti des remparts le frappa au- dessus du côté droit de la poitrine, à la conjonction de l'épaule et du bras. On le transporta presque mort au logis de l'Empereur; le lendemain, dans la soirée , il expira (2). Il avait épousé Anne de Lorraine, dont il n'avait point d'enfant, et ce fut ainsi que la principauté d'Orange passa au comte Guillaume de Nassau, lils aîné du comte Guillaume, son oncle paternel. La mort de René de Chalon excita dans l'armée un sentiment de regret universel, mais personne n'en fut affecté autant que Charles-Quint (3). L'ambassadeur de Ye- (1) Dépèclie citée du 16 juillet. — Lettre de Charles-Quint à la reine Marie, du li juillet , analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. (2) «... Ina moschetlata diede nella trincea,et cosi stracca lo ferisopra il petto destro, nella congiontura délie spalle co M braccio : dal quai colpo caduto in terra, fu riputato morto ail' hora, ma è vivulo fino beri quasi aile 24 bore... » (Dépèche citée du 16 juillet.) (5) C'est ce dont témoigne une lettre qu'il écrivit à la reine Marie le 15 juillet, et qu'il terminait par ces lignes, tracées de sa main : « Vous » croyez bien, madame ma bonne seur, le déplésir que ce m'est d'avoir » perdu un tel personnage, et mesmes pour avoir esté blessé d'un si grand » malheur. Il me fera grande faute : car il estoit tel que vous sçavez. Or » ce sont fruits de ce mestier , et il se faut contenter de ce que Dieu fait. » Dans sa réponse du 22 juillet , la reine fait un grand éloge du prince d'Orange, qui, dit-elle, était aimé et estimé de tout le monde aux Pays- Bas, et dont l'influence dans les états de Brabant était si utile à l'Empe- reur. (Manuscrits du comte de Wvnants.) ( 320 ) nise trace du prince d'Orange un portrait que nous croyons devoir reproduire : « Ce prince, dit-il, avait le comman- » dément de 8,000 gens de pied, des meilleurs qui ser- » vissent Sa Majesté Impériale; il faisait la guerre par » amour de la gloire, et par affection et dévouement » pour l'Empereur. Jl était cher, non-seulement à ses sol- » dats, mais encore aux Espagnols et à tous les autres. » Son affabilité, sa libéralité, sa noblesse, sa valeur, le » faisaient aimer de chacun. Il ne comptait que vingt-six » ans ; il avait une figure agréable. Ses revenus étaient » de 60,000 à 70,000 ducats, et ils se seraient élevés à » 110,000, si le roi de France et le landgrave de Hesse » ne se fussent emparés d'une partie de ses posses- » sions.... (1). » Par une coïncidence singulière, le même jour où fut frappé René de Chalon , un coup de canon tuait dans Saint-Dizier le capitaine de Lalande (2). Les troupes espagnoles étaient justement renommées pour leur valeur, mais elles n'étaient pas aussi recomman- dables par leur discipline : le 15 juillet, elles s'avisèrent, sans ordre de l'Empereur ni de son lieutenant général, de donner l'assaut à la place assiégée; elles furent repous- sées, après avoir perdu assez de monde. Navagero attribue (!) «.. Guidava queslo principe 8,000 failli, cli megliori che servino Sua Malà , et l'acea la guerra per honore et per pure affectione et servitio di Cesare. Era caro no solamente a questi suoi soldati, ma alli Spagnuoli et a tutti gli altri. Lo laceano amabile la molta humanità etliberalità sua, ornata poi dalla nobillà et valore, Era giovane di 26 anni, d'aspetto gra- tioso, ricco di 60 in 70,000 dueati d'entrata, et se fosse stato patrone di quello che li tiene occupalo il christianissimo re et il lantgravio, arriva- ria a 110,000 dueati. » (Dépèche citée du 16 juillet.) (2) Dépêche du 25 juillet, du camp devant Saint-Dizier. ( 3-21 ) surtout cet échec à la lâcheté que montrèrent les Alle- mands (1). Les Français occupaient Vitry avec douze enseignes de gens de pied et 800 chevau-légers; de là ils intercep- taient les convois qui venaient au camp impérial, et ils espéraient aussi, à la faveur de quelque occasion propice, jeter du renfort dans Saint-Dizier. Après avoir tenu con- seil avec les chefs de son armée, Charles-Quint résolut, le 23 juillet, de les faire attaquer. Cette expédition, com- mandée par Maurice de Saxe, Alhert de Brandebourg, Francesco d'Esté et Guillaume de Furstemberg, fut cou- ronnée d'un entier succès. Les Français évacuèrent Yitry, et, dans leur retraite, ils perdirent, en tués et en blessés, quinze cents hommes et plus (2). L'armée impériale n'avait pas un nombre suffisant de pionniers; c'était une des causes pour lesquelles le siège de Saint-Dizier traînait en longueur (5). Le mauvais temps en était une autre; les pluies ne discontinuaient presque pas (4). Cependant le comte de Sancerre,qui commandait dans cette place, ayant perdu l'espoir d'être secouru, de- manda, le 8 août, à parlementer. Après vingt-quatre heu- res de négociations, il fut convenu qu'il rendrait la ville, si, dans les huit jours, le roi de France ne forçait pas (1) Dépèches du 16 et du 26 juillet, du camp devant Saint-Dizier : « Si » sono portati vilmente, » dit Navagero des Allemands, dans la dépêche du 1Q. (2) Dépèches des 24, 23 et 26 juillet, du camp devant Saint-Dizier. — Bulletin de la prise de Vitry dans mes Analectes historiques, 1. 1, p. 257. (3) Dépèches des 25 juillet et 15 août, du camp devant Saint-Dizier. i Lettre de Charles-Quint à la reine Marie, du 26 juillet , analysée dans 1rs manuscrits du comte <\c Wvnants. ( 3*2 ) Tannée impériale d'en lever le siège (1). Ce délai élanl ex- piré, le 17 au matin la garnison sortit. Tous lés habitants, sans distinction de sexe ni d'âge , voulurent la suivre, em- portant aveceux lecorps de M. de Lalande,qui étaitinhumé depuis un mois. Charles-Quint assistait en personne à cette sortie. Il avait appris que les Allemands se propo- saient de venger, sur les soldats français, la mort du prince d'Orange ; il ordonna, la veille, qu'ils abandonnas- sent leurs logements, par où la garnison devait passer; il prescrivit aux généraux de veiller à ce qu'il ne se commît aucun désordre; il fit placer des échelles et des cordes au- près des fourches dressées sur le chemin , de manière que ceux qui se rendraient coupables de quelque délit pussent être pendus sur-le-champ ; il commit plusieurs officiers de justice pour présider aux exécutions, s'il y avait lieu d'en faire. Grâce à ces mesures énergiques, la garnison n'eut pas la moindre insulte à essuyer. Le comte de San- cerre quitta un instant sa troupe pour venir saluer l'Empe- reur, qui l'accueillit avec distinction (2). Ce fut à l'ingé- nieur vénitien Mario Savorgano que fut confié le soin de rétablir les fortifications de la ville. L'armée impériale avait reçu, le 11 août, un renfort d'infanterie allemande commandé par Christophe de Lan- denberg (5) ; un convoi de sept cents chariots de vivres et un secours de trois cent mille ducats venaient de lui (H Dépêche du 9 août, du camp devant Saint-Dizier. - Journal de Vandenesse. (2) «... Molto humana et allegramente , » dit Navagero dans une dépêche du 25 août, à laquelle nous avons emprunté les autres détails que nous donnons sur l'évacuation de la ville. (3) Dépèche du 15 août, du camp devant Saint-Dizier. — Journal de Vandenesse. ( 323 ) parvenir aussi (J). Charles-Quint, après avoir mis garni- son dans Saint-Dizicr, leva son camp le 25, pour se por- ter en avant. Il avait sous ses ordres 27,000 hommes d'infanterie, dont 5,000 Espagnols, et la cavalerie qu'il avait amenée d'Allemagne, augmentée de quelques esca- drons. Au rapport de Navagero, l'infanterie était, en ma- jeure partie, excellente, et la cavalerie superbe, à l'excep- tion des chevau-Iégers. L'artillerie consistait en soixante pièces parfaitement montées, quarante de batterie et vingt de campagne (2). Charles coucha le 26 à Yitry, le 28 à Saint-Pierre, le 50 à la Chaussée. Le lendemain il s'approcha de Chàlons, qu'il dépassa, ne jugeant pas à propos de l'attaquer. Dans les escarmouches qui accompagnèrent cette marche, le comte de Furstemberg tomba au pouvoir des Français , et le prince de la Roche-sur- Yon fut pris par les impé- riaux (3). Charles espérait forcer les Français à la bataille; mais le dauphin, qui les commandait, avait ordre du roi d'éviter un engagement à tout prix, elil reculait toujours. L'armée impériale traversa Aï et Épernay, auxquelles elle mit le feu; elle entra, sans coup férir, dans Château- Thierry. Le 12 septembre, elle arriva devant Soissons, qui lui ouvrit ses portes, dès qu'elle fut sommée. En cet endroit, Charles lit un exemple qui produisit une vive sen- sation. Un huissier de sa chambre, pour lequel il avait de l'affection , vola, dans une abbaye près de la ville, un ciboire d'argent où reposait le corps de Jésus-Christ; il le (1 ) Dépêche du 24 août , du camp devant Saint-Dizier. (2) Dépêche du 31 août, du camp in villa Ses.se. (3) Dépêche «lu fi septembre, du camp, a seize lieues de Paris. — Jour- nal de Vandenesse. ( 524 ) sul : sans hésiter,. il ordonna que le coupable fût attaché à la potence. L'exécution eut lieu incontinent; mais la corde se rompit, et le patient tomba à terre, encore plein de vie. Regardant ce fait comme un coup de la Provi- dence, Charles commanda qu'on examinât de nouveau le voleur, afin de s'assurer s'il n'avait pas de complices; et comme il fut trouvé qu'il en avait eu un en effet dans la personne d'un des hallebardiers de sa garde, il voulut que tous deux fussent pendus, quoique le hallebardier fût également au nombre de ses favoris, recommandant d'employer à leur supplice des cordes telles qu'on n'eût pas à craindre qu'elles vinssent à se rompre. L'un et l'autre de ces malheureux étaient allemands (1). La prise de Soissons répandit la terreur dans Paris; l'imagination grossissant, comme toujours, les dangers de la situation, on voyait déjà l'ennemi aux portes de cette capitale. La plupart des bourgeois un peu riches char- geaient ce qu'ils avaient de plus précieux sur la Seine, ou l'envoyaient par terre vers Orléans. Chacun fuyait, au lieu de songer à se défendre (2). (1) «... Ne voglio restar di scrivere,in questo proposito , la prudenlia et gïustitia dell' Imperatore, il quale sendogli stato fatto intendere che uno suo favorite-, altre vol te bombardiere di Sua Mlà et hora portière, havea robbato uno tabernacolo d'argento o.ve era il corpo di N. S., essendo stato ritrovato con esso, adesso commando che fusse appiccato; et referitoli che rotto'llaccio, suspeso da un loco molto alto , cadde in terra vivo, disse : « Non puô esser altro senon che costui non fosse solo a questa crudeltà, » et perd commandato da novo che fusse essaminato, et ritrovato ch1 era in sua compagnia et conscio di questa impielà un suo alabardiere molto fa- vori to, ordinô che l'uno ot l'altro con un laccio molto grosso fossero appic- cati... » (Dépèche du 11 septembre, du camp, à Soissons.) (2) Charles-Quint pouvait donc , sans jactance , écrire le 20 septembre à ses ambassadeurs en Angleterre : « Certes, s'il fnst esté possible à oostre ( 325 ) François Ier, depuis l'ouverture de la campagne, avait, à différentes reprises, fait des tentatives, directes ou indi- rectes, pour porter l'Empereur à accueillir des propositions de paix. Pendant le siège de Saint-Dizier, le sieur de Lon- gue val, Nicolas de Bossut, qui était fort avant dans la la- veur de la duchesse d'Étampes, avait écrit à Granvelle que, s'il voulait communiquer avec lui des moyens de naî- tre un terme aux maux de la guerre, il était prêta se rendre, avec le bailli de Dijon, le sieur de Villers-lez- Pons, en l'endroit qu'il leur désignerait; que le roi était animé des intentions les plus pacifiques; quil serait donc- aisé de s'entendre; que la duchesse d'Étampes y emploie- rait tout son crédit (1). Cette ouverture avait été suivie de plusieurs autres, faites par le lieutenant de la bande du comte de Brienne, le sieur de Berteville, qui se présenta au camp impérial sous prétexte d'un échange de prison- niers, et par le bailli de Dijon, porteur d'une lettre de créance du duc d'Orléans (2). Le duc de Lorraine vint lui- même, dans ce but, trouver l'Empereur le 14 août (5). Il y avait, en ce temps, à Paris, un moine espagnol, » très-chier et bon frère le roy d'Angleterre faire marcher son armée , » ou une bonne partie d'icelle pour correspondre à la nostre , et que ce »> fust esté prestement, Ton eust peu faire très-grande conqueste , avec » la très-grande crainte et frayeur de ceulx de ce coustel... » (Archives du royaume.) (1) Lettre de l'Empereur ià la reine de Hongrie, du 26 juillet, analysée dans les manuscrits du comte de Wynanls. (2) Lettre de Granvelle à la reine de Hongrie, du 26 juillet; lettres de l'Empereur à la reine, des 51 juillet et 11 août, analysées dans les ma- nuscrits du comte de Wynants. (3) Dépèche du 14 août, du camp devant Saint-Dizier. — Journal de Vandenesse. — Lettre de Granvelle à la reine de Hongrie, du 18 août . analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. ( 526 ) de l'ordre de Saint-Dominique, qui était confesseur de la reine Éléonore; il s'appelait fray Gabriel de Guzman (1). Éléonore, à la suggestion vraisemblablement du roi, l'en- voya au confesseur de sa sœur la reine de Hongrie; elle savait toute l'influence que Marie avait sur l'Empereur. Fray Gabriel fit plusieurs voyages au camp; il y était le «jour de l'entrevue du duc de Lorraine avec Charles- Quint. Sur ses instances, un sauf-conduit lui fut remis pour le secrétaire d'État Claude de l'Aubespine (2). L'Aubespine eut, le 21 et le 22 août, de longues confé- rences avec Granvelle et Gonzaga (5). On a vu déjà quelle était l'autorité de Granvelle auprès de l'Empereur; selon Navagero, celle de Gonzaga n'était pas moins grande (-4); depuis de longues années même, il n'y avait eu personne qui eût eu un tel crédit sur ce monarque, qui se servait de lui aussi bien dans le conseil qu'à la guerre (5). Charles-Quint, jusqu'à ce moment, avait fait peu d'étal des ouvertures des Français , où il n'avait trouvé aucun fondement solide à de sérieuses négociations. A la suite (1) II est dit, à tort, dans Sandoval , qu'il était étudiant à Paris. (2) Dépêche du 20 août, du camp devant Saint-Dizier (au conseil des Dix). — Lettre de Granvelle à la reine de Hongrie, du 18 août, déjà citée. (3) Dépèche du 22-24 août, du camp devant Saint-Dizier (au conseil des Dix). (4) « Il quale — dit-il en parlant de Gonzaga — è di quella maggior auttorità che possi essere hora presso questo principe... n (Dépêche du 24 août.) (5) «... L'auttorità del signor vicerè è hora taie a questa corte, che forse già molti anni non vi è stato alcuno signore presso questo principe délia maggiore, servendosi Cesare di lui non solamente nelF espeditioni délia guerra, ma anchè nelli cotisigli délia pace... » (Dépêche du 2." septem- bre, (\c Cateau-Cambrésis.) ( 527 ) des conférences dont nous venons de parler, il consentit à donner un sauf-conduit à l'amiral d'Annebault. Le 29 août, l'amiral se trouva, accompagné d'un président au parlement de Paris et du secrétaire Bavard, à Saint- Arnaud, à une demi-lieue du camp impérial; Charles y envoya, de son côté, Granvelle, Gonzaga, l'évêque d'Arras (Antoine Perrenot, fils de Granvelle), qui commençait à jouer un rôle marquant sur la scène politique, et le secré- taire espagnol Alonso de Idiaquez. La communication entre eux dura cinq heures; elle se tint dans une église; fray Gabriel de Guzman y intervint. Elle n'aboutit à aucun résultat (1) : ce qui fit dire à Xavagero, écrivant au con- seil des Dix, que tous étaient sortis de l'église moins con- tents qu'ils n'y étaient entrés (2). A l'issue de cette réu- nion, d'Annebault partit par la poste pour aller en rendre compte à son souverain (5). Il revint le 1er septembre avec le conseiller de Neuilly, et une nouvelle conférence eut lieu dans un château de l'évêque de Chàlons, tout près de cette ville. Le 4 arri- vèrent au camp le secrétaire Bavard- et un gentilhomme que la reine Éléonore envoyait à son frère. Le bailli de Dijon s'y présenta le lendemain ; il fut toute la nuit en pourparlers avec les ministres de l'Empereur (4). Ces allées (1) Dépèche du 51 août, m villa Sesse (au conseil des Dix). — Lettre de l'Empereur à la reine Marie, du 31 août, analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. (-2) «... Tutti uscissero molto manco allegri che non introrno .. » (Dé- pèche du 31 août, déjà citée,) i3i Ibid. {A) Dépèche du 6 septembre, du camp, à seize lieues de Paris (au con- seil des Dix ). ( 328 ) et venues montraient assez le grand désir que Fran- çois Ier avait de faire la paix. En entrant en France, Charles-Quint s'était bien pro- posé d'aller dicter la loi à son rival dans Paris même (1). Tous ses mouvements avaient été calculés dans ce but, et les négociations qu'il avait autorisé ses ministres à ouvrir avec les envoyés français ne lui en avaient pas fait aban- donner le dessein (2). Mais, pour cette entreprise, il lui fallait le concours que le roi d'Angleterre s'était engagé à lui prêter; or, peu soucieux de remplir ses promesses, Henri avait voulu profiter des embarras de François Ier pour accroître ses possessions du côté de Calais, et il avait mis le siège devant Montreuil et Boulogne. En vain Charles le fit solliciter, par ses ambassadeurs, Eustache Chapuys et le seigneur de Courrières, de joindre au moins une partie de ses forces aux siennes; il prit différents prétextes pour s'en excuser. Ce refus donna à Charles matière à réfléchir. D'autres raisons, également graves, vinrent influer sur ses résolutions. Au seizième siècle, le service des approvisionnements (1) Dans la réponse qu'il donna, à Spire, le 5 juin, à William Paget, se- crétaire de Henri VIII, il disait : « Combien l'on ave tenu fin d'aller audit » Paris, ce n'a esté pour occupation de ladicte ville seulement, ains de » prendre pied si avant au royaume de France, que Ton face perdre » l'obéissance au roy en icelluy, lui oster l'assistance de ses subgetz et » le moyen de recouvrer argent d'eux, et le contraindre à faire la raison » à Leurs deuxMajestez... » (Archives du royaume.) (2) Navagero écrivait encore, le 6 septembre, que l'armée était dispo- sée à pousser jusqu'à Paris ; et le 8, la reine Marie mandait aux ambassa- deurs près Henri VI II , « que Châlons étant bien pourvue, l'Empereur ne » l'attaquerait pas, mais qu'il entendait passer oultre contre Paris , pour » satisfaire à la capitulation faite avec le roi d'Angleterre. » (Archives du royaume.) ( 329 ) était fort mal réglé dans les armées, et, dus le début de la campagne, la rareté des vivres se lit sentir dans le camp impérial. Navagero écrivait au doge, le 0 juillet : « Ici un » pain noir, grand comme ceux qu'on achète ordinaire- » ment un marchetto à Venise, coûte une plaque (1), qui » est à peu près comme quatre marchetti de Votre Séré- » nité. Le vin et l'avoine sont à un prix inestimable (2). » II mandait, le 16, que le jour de l'arrivée de l'Empereur devant Saint-Dizier, l'armée avait manqué de pain , et que ce n'était pas la première fois. Deux jours après, c'était la viande qui faisait défaut (o). Plus on s'éloignait des fron- tières des Pays-Bas , et plus on souffrait de la disette : « Moi et ma maison, » écrivait le 51 août l'ambassadeur de Venise, « nous aurions été mainte fois sans pain, si je » n'avais fait quelque provision de biscuit (4). » A la vé- rité, l'armée trouva des vivres en assez grande abondance à Château-Thierry, mais ils furent bientôt consommés. L'argent commençait à manquer aussi (5), et les troupes (1) La plaque (plecke) était une monnaie brabançonne équivalente à un tiers de sou ou 24 mittes (mijten). En 1545, la rasière (hectolitre) de blé, qui, les dix années précédentes, a Bruxelles, avait valu, en moyenne , la à 16 sous, s'éleva au prix de 1 florin 3 sous (le florin valait 20 s. ). Nous n'avons trouvé nulle part ce que valait, à Venise , le marchetto. (2) «... Qui un pane negro, et tanto grande quanto è quello che suole costar uno marchetto a Venetia , val una placca, ch' è quasi 4 marchetti di Vostra Serenità. 11 vino et la vena val' pretio inestimabile... (3) Dépêche du 23 juillet. (4) «... loeUa casa mia, se non fusse stata certa poca di provisione di biscotto ch' io feci, saria stata più d'una volta senza pane... » (5) D'après une lettre de l'Empereur à ses ambassadeurs en Angleterre , du 20 octobre, il devait un mois de solde a ses troupes, lorsqu'il avail conclu la paix. (Archives du royaume.) 2me SÉRIE , TOME XIX. 22 ( 330 ) n'étant pas régulièrement payées, il était malaisé de les contenir dans le devoir. C'est un tableau lamentable que celui que font les dépêches de Navagero des saccagements, pillages, incendies, commis par l'armée impériale. Les Al- lemands se signalaient entre tous dans ces actes de sau- vagerie (1). A Vitry, où l'Empereur aurait voulu établir des magasins, il avait fallu y renoncer , parce qu'ils avaient brûlé la ville (2). De plus, la saison avançait, et il était à craindre que bien- tôt les chemins ne fussent impraticables pour l'artillerie et les convois de vivres et de munitions. La position de l'armée impériale pouvait ainsi devenir critique. Enfin, Charles-Quint voyait ses troupes diminuer cha- que jour par les maladies et les désertions, tandis que l'armée française s'augmentait par les renforts qu'elle ne cessait de recevoir. Toutes ces considérations , auxquelles il y a à ajouter encore les soucis que donnaient à Charles-Quint les affaires de la religion et les progrès des Ottomans en Hon- grie (3), le disposèrent à accepter les propositions de paix de la France. Toutefois, avant de se résoudre, il voulut savoir si, dans le cas où il continuerait sa marche sur Paris, Henri VIII mettrait enfin ses troupes en mouve- ment pour lui prêter la main ; il lui envoya, le 7 septem- bre, afin de s'en éclaircir, l'évêque d'Arras (4). (1) Dépêches des 30 juillet , 6 et 14 septembre. (2) Dépêche du 30 juillet. (3) Dans une dépêche du 17 septembre, Navagero mandait au conseil des Dix que, selon le bruit commun au quartier général, la question du concile et la prochaine campagne contre les Turcs avaient été pour beau- coup dans la détermination de l'Empereur de faire la paix. (4) Dépêche du 6 septembre, du camp, à seize lieues de Paris. — Lettre ( 55» ) Antoine Perrenot arriva au camp du monarque anglais le 11. Il eut deux audiences de Henri VIII, en compagnie de Chapuys et du seigneur de Courrières; il conféra aussi avec son conseil. Le roi lui déclara catégoriquement qu'il ne pouvait rien faire pour seconder les opérations mili- taires de l'Empereur; que d'ailleurs le temps pendant le- quel les deux souverains étaient convenus de tenir leurs troupes -sur pied était près d'expirer. L'évêque d'Arras avait ordre de lui communiquer les conditions auxquelles l'Empereur, dans ce cas, se proposait de traiter avec la France : elles n'eurent pas son approbation; néanmoins il dit que l'Empereur était libre de traiter, pour ce qui le regardait, sous la réserve qu'il ne consentirait à rien qui fût préjudiciable à l'intelligente et sincère amitié existant entre eux , ni aux engagements qu'ils avaient contractés l'un envers l'autre (1). L'évêque d'Arras fut de retour de sa mission le 18 sep- tembre (2), Dès l'avant-veilîe, Charles-Quint avait autorisé Gonzaga et Granvelle à conclure avec les plénipotentiaires français. Tout étant terminé, l'amiral d'Annebault vint, le 17, à l'abbaye de Saint-Marceau, près de Soissons, pré- senter ses hommages à l'Empereur (3). Le lendemain, le duc d'Orléans parut lui-même à l'improviste au quartier de l'Empereur à la reine de Hongrie , du 19 septembre , analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. (1) Lettre de Chapuys et du seigneur de Courrières à la reine Marie, du 16 septembre lo44. (Archives du royaume.) (2) Dépêche du 18 septembre, de Crépy. — Journal de Vandenesse. — Lettre de Charles-Quint à la reine Marie , du 19 septembre, déjà citée. (3) Dépêche du 17 septembre , du camp à quatre lieues plus loin que Soissons (au conseil des Dix). — Journal de Vandenesse. — Lettre de Charles-Quiut,du 10 septembre. ( 332 ) général, que l'Empereur venait de transférer à Crépy. Na- vagero nous met dans la confidence des paroles que Fran- çois Ier adressa à son fils, en l'y envoyant (1) : « Mon fils, » — avait-il dit — vous avez vingt-deux ans. Vous avez » pu voir que toutes les guerres que j'ai faites, tous les » périls auxquels je me suis exposé, ont été à cause de » vous , et pour l'amour que je vous porte. Dieu et la » fortune ont voulu que toutes ces guerres aient eu le ré- » sultat dont vous êtes témoin. Je me suis résolu à vous » donner à l'Empereur pour fils et pour serviteur; hono- » rez-le comme père et obéissez-lui comme à votre sou- » verain. Je vous bénis, en vous exhortant à raison de » mon âge, et vous commandant comme votre père, si » l'Empereur venait à vous charger de prendre les armes, » fût-ce contre moi et mon royaume, de le faire sans au- » cun scrupule (2). » D'Annebault, en présentant le duc à l'Empereur , lui dit : « Voici votre prisonnier que le roi » mon seigneur envoie à Votre Majesté (o). — Non mon (1) Il les tenaitdu comte Giovanni Francesco délia Sommaria: « homme, • dit-il, qui n'a aucune espèce de'vanité, et qui peut connaître ces » paroles, par son étroite amitié avec ces seigneurs français » (huomo in niuna parte vano, et che lo puô sapere, per Laver stretta amista con questi signori francesi). (2) «... Figliuolo mio, havete già 22 anni, et havete potuto veder che tutte le guerre ch1 io ho fatto ,et li pericoli alli quali mi sono messo, sono stati per causa vostra et per Tamor che vi porto. Ha voluto Dio et la for- tuna che tutte le guerre habbino havuto quello fine che voi vedete. Io mi son resolto di darvi air Imperatore per fligliuolo et servitor; honoratelo corne padre et obeditelo corne signore. Et con questo io vi benedico, essor- tandovi corne vecchio,et commandandovi corne padre, che se dair Impe- rator vi fosse commesso che vi armiate , anchè contra di me et contra il regno mio, lo facciate senza alcuno rispetto... « (Dépêche du 19 septem- bre , de Crépy.) (3) «... Ecco un vostro prigioniero che présenta a V. Mu il re mio si- gnore... » (Ibirl.) ( 333 ) » prisonnier, repartit l'Empereur, mais mon (ils, et pour » tel je le reçois, » accompagnant ces paroles d'un sou- rire plein de douceur et d'embrassements paternels (1). L'ambassadeur de Venise , qui était là , fait un portrait flat- teur de Charles de Valois : « C'est un prince, mande-t-ii » au doge, qui paraît plein d'amabilité et de vivacité , et » aussi courtois que modeste (2). » Le traité fut signé le 18 septembre, à Crépv. Le 19 , Charles-Quint, après avoir entendu la messe, en jura l'ob- servation en présence du duc d'Orléans , du duc de Ven- dôme, arrivé lé matin pour cette cérémonie, et des pléni- potentiaires français (3). Quelques jours après, il fit partir l'évêque d'Arras pour la cour de France, avec la mission d'assister à la prestation de serment à laquelle le roi était réciproquement obligé, de persuader ce monarque de s'en- tendre avec l'Angleterre, et de calmer le dauphin , dont plu- sieurs clauses du traité excitaient le mécontentement (4). Ces objets remplis, l'évoque devait se rendre à Calais, où étaient les ministres de Henri VIII, afin de leur don- ner toute la satisfaction possible. (1) »... Questo è mio figliuolo et per taie Taccetto , « accompagnando aueste parole con jinriso pieno dî dolcezza et abbraciamenti paierai... » (Ibid.) (2) «... Appare gratioso et vivo principe, tutlo humano et tutto mo- desto... » (Dépêche du 18 septembre , de Crépy.) (ô) D'après une lettre que Granvelle écrivit à la reine Marie , de Ribe- niont, le 24) septembre, ce serait ce jour-là que Cbarles-Quint aurait juré l'observation du traité; mais le journal de Vandenesse, qui assigne à celte cérémonie la date du 19, entre dans des détails si précis, que l'exactitude n'en peut guère être révoquée en doute. (4) Dépêche du 23 septembre, de Cateau-Cambrésis. — Lettre de Gran- velle à la reine Marie, du 20 septembre, aux Archives du royaume. — Lettre de Charles-Quint à sps ambassadeurs en Angleterre, du même joui (Ibid.) 554 ) VI. On ne pouvait reprocher à Charles-Quint d'avoir abusé de ses avantages dans les négociations de la paix qui ve- nait de se conclure : car le traité de Crépy ne lui donnait rien dont les traités précédents ne lui eussent attribué la possession, et lui, il s'engageait à céder au duc d'Orléans, selon qu'il lui accorderait en mariage l'une de ses filles ou de ses nièces, l'héritage tout entier de la maison de Bour- gogne, accru des provinces qu'il y avait ajoutées, ou le du- ché de Milan, depuis tant d'années sujet de querelles entre lui et le roi de France. Aussi Henri VIII, quand l'évêque d'Arras lui avait fait part du projet de traité, lui avait- il répondu assez crûment que ce serait une grande honte pour l'Empereur d'accepter les offres des Français; « et — » avait-il ajouté — ores que S. M. fût prisonnière entre » les mains desdicts Françoys, il ne luy sçauroient offrir » plus préjudiciables ny ignominieuses conditions (1).... » Les Espagnols qui étaient au camp impérial se mon- traient encore plus mécontents : ils disaient que, si le roi de France eût pénétré avec une armée jusqu'au cœur de la Castille, il n'aurait pas obtenu des stipulations plus avantageuses; ils donnaient à entendre que le prince Phi- lippe consentirait difficilement que les Pays-Bas, son pa- trimoine naturel, fussent aliénés de cette façon, et que l'Espagne ne voudrait pas qu'une fille de son souverain , qui pourrait devenir héritière de tous ses États, se mariât (J) Lettre écrite à la reine de Hongrie, le 16 septembre 1544, par les ambassadeurs de l'Empereur à la cour d'Angleterre, déjà citée. ( 335 ) dans la maison de Fiance (1). La reine Marie et les sei- gneurs des Pays-Bas n'épargnaient pas non plus les criti- ques. Tout le inonde s'en prenait aux négociateurs du traité, Granvelle et Gonzaga. Ce dernier ayant demandé à l'ambassadeur de Venise, dans les premiers jours d'octo- bre, si le garde des sceaux (2) lui avait communiqué les arti- cles de la paix, et Navagero ayant répondu que non, il lui repartit : « Le pauvre seigneur doit en être excusé : car » je puis vous dire que lui et moi nous sommes en butte » aux attaques de ces seigneurs flamands et d'autres, et » la reine Marie, qui avait pour moi tant de bienveil- » lance, maintenant me parle à peine. Je n'en crois pas » moins avoir fait une des meilleures choses et dont il pût » résulter un plus grand bien, et je suis prêt à en rendre » compte à qui y contredirait ; mais M. de Granvelle perd » la carte facilement, et sa manière à lui est de se cha- » griner (3). » Ce qui confirme ces paroles, c'est que (1) «... Dicono che se il re di Franza fosse stato in mezza Spagna ar- mato,non haveria havuto piùhonorate condition!. Si lassano anchè inten- dere che tara maie il principe figliuolo di Cesare a contentare cbe Fiandra et questi Paesi Bassi, patrimonio suo natural, sia alienato per questa via, et che la Spagna non voira che una figliuola dell' Imperatore, che potria hereditar tutti li Stati suoi , sia maritala nella casa di Franza... » (Dépêche du 7 octobre, de Bruxelles.) (2) Les historiens franc-comtois donnent à Granvelle le litre de chance- lier qu'il n'eut jamais : il était « premier conseiller , d'État et garde des » sceaux » de l'Empereur. (5) «... Ilpovero signor dee esser escusato, perché io vi so dire che et esso et io siamo stati lacerati da questi signori fiamenghi et altri per questa pace, et la regina Maria , che mi soleva far tante carezze, a pena hora mi parla. Io credo haver fatto et poter fare poche altre cose megliori et di maggior beneficio universal di questa , et son huomo da darne conto a chi me dicesse in contrario : ma monsr di Granvela si perde facilmenle , et il rimedio sno è afîannarsi... » (Dépèche du 9 octobre, de Bruxelles.) ( 336 ) Granvelle crut devoir adresser à l'Empereur un mémoire apologétique de sa conduite (1). La paix signée et jurée, Charles-Quint s'occupa de li- cencier une partie de ses troupes, et d'assigner des quar- tiers d'hiver aux autres. Le 19 septembre, il quitta Crépy; le 22, il coucha à Cateau-Cambrésis, d'où, le lendemain, il alla voir à Cambrai la reine sa sœur; il était accompa- gné de l'archiduc Maximilien et du duc d'Orléans. « On » ne pourrait » — écrit Navagero au doge' — « on ne pour- » rait exprimeras faveurs que l'Empereur a faites au duc. » Il a voulu qu'ils mangeassent ensemble; il l'a eu sans » cesse à ses côtés pendant le voyage, lui parlant fami- » lièrement, et riant avec lui plus qu'il n'a l'habitude » de le faire; plusieurs fois même il est allé le trouver p dans sa chambre (2). » L'entrevue de l'Empereur et de la reine fut des plus cordiales. Marie de Hongrie embrassa avec chaleur le duc d'Orléans, qu'elle regardait déjà comme son neveu. Ces trois princes et les archiducs Maxi- milien et Ferdinand dînèrent à la même table (3). Le licenciement de son armée ramena Charles-Quint à Cateau-Cambrésis. Il rejoignit ensuite la reine Marie à (i ) Il est dans les Papiers d'État de Granvelle, t. III , p. 26. (2) «... Non si potriano dire li favori che ha fatto Cesare al duca. Ha voluto ehemanzi alla sua tavola; lo ha tenuto sempre nel viaggio appresso, parlando domesticamente, et ridendo più del soiito suo;et aile vol te è andato a ritrovarlo nella sua stanza... » (Dépêche du 25 septembre, de Cateau-Cambrésis.) (5) «... Intendo che le carezze delF Imperatore alla serenissima regina Maria sono state infinité; infinité anchè sono state quelle a che la regina ha abbraciatorillustrissimod'Orlicns. Mangiorno insieme l'Imperatore, la regina, li doi Bgliuoli del serenissimo re de Romani et l'illustrissime d'Or- licns... o (Dépêche du J2;> septembre, de Cateau-Cambrésis,) (337 ) Valenciennes, après avoir visité, en passant, Landrecies, qui venait de lui être restituée, et le Quesnoy. Le 1er oc- tobre il arriva à Bruxelles. Le duc d'Orléans, ayant pris congé de la reine à Cambrai le 25 septembre, était ren- tré en France (1 ). Charles eut, à Bruxelles, la visite de la reine Éléonore , heureuse de voir la concorde rétablie entre son époux et son frère. Éléonore avait quitté la cour de France avec une suite nombreuse, et les événements qui s'étaient tout récemment accomplis donnaient à son voyage dans les Pays-Bas un caractère particulier d'importance. Charles envoya au-devant d'elle, jusqu'aux frontières de ces pro- vinces, le duc d'Arschot, l'évêque de Cambrai, le prince de Chimay et plusieurs autres personnages de distinction ; lui-même il alla la recevoir à une demi-lieue de Mons, ayant en sa compagnie les archiducs Maximilien et Ferdi- nand et les cardinaux français de Lorraine et de Meudon. La reine Marie attendait sa sœur à Soignies; elle lui offrit l'hospitalité en cette ville, tandis que l'Empereur, les ar- chiducs, les cardinaux couchaient à Braine-le-Comte , où, dans la soirée du 21 octobre, le duc d'Orléans arriva par la poste ; l'Empereur n'avait été informé, que la veille, de cette nouvelle visite du jeune prince qui était destiné à s'unir à sa maison. La reine de France fit dans la capi- tale des Pays-Bas une entrée solennelle; non-seulement toute la cour, mais encore le magistrat, la bourgeoisie, les métiers se portèrent à sa rencontre hors de la ville. Elle y séjourna, avec le duc son beau-fils, du 22 octobre au 3 novembre, et, pendant ces deux semaines, les joutes, (1) Journal de Vandenesse ( 338 ) les tournois, les jeux de cannes, les festins, les danses, les mascarades, se succédèrent sans interruption (1). Rien n'excitait autant la curiosité, rien ne préoccupait à un si haut degré les esprits des ambassadeurs accrédités à la cour impériale, que la solution de l'alternative aban- donnée à Charles-Quint par la paix de Crépy. Le lende- main de la signature du traité, Navagero mandait au doge : « Les hommes qui font profession d'entendre les » affaires du monde et qui sont ici réputés pour tels, » en parlent diversement. La plupart croient que l'Empe- » reur se déterminera à donner plutôt les Pays-Bas , par » la raison qu'un des articles du traité lui en réserve la » souveraineté pendant sa vie. D'autres inclinent à croire » qu'il donnera l'État de Milan. Moi, prince sérénissime, » qui ai vu les Pays-Bas, je puis affirmer que c'est une » très-belle et très-riche province, de laquelle TEmpe- » reur, dans toutes les guerres passées, a tiré, plus que » de nul autre de ses pays, de l'argent, des troupes et » tout ce dont il a eu besoin. L'État de Milan est aussi une » grande chose; c'est un des principaux membres d'Italie, » pour lequel tant de sang a été répandu, tant de trésors » ont été consumés jusqu'ici. Par ces motifs , je m'en » remets, quant à ce qu'il en peut être, au très-sage ju- » gement de Votre Sérénité (2). » Navagero revient sou- (1) Journal perator da il Stato di Milano, corne ogn'uno già lo crede,pensi pur di » dar auco il regno di Napoli et la Sicilia... » (2) Dépèche du 18 janvier 1545, de Bruxelles. (3) «... Fece il povero principe, nel partirsi, a quelli che lo viddero, compassione a tutti, cosi si dimostrô fiacco, pallido et mal conditionato. Parti in lettica, lutto fasciato et legato; et cou molta difficoltà, appogiato ad uno grosso bastone, si puotè condur finoal luoco ove era la sua let- tica... » {fbid.) ( 341 ) goutte, qui l'attaqua en même temps à J'épaule, au bras, à la main et à l'un des pieds, se déclara le 1er février et lui donna la fièvre; l'ambassadeur de Venise, qui s'était adressé, selon la coutume, à « monsieur Adrien » pour avoir audience , ne put l'obtenir , et fut renvoyé à M. de Granvelle. Les opinions des médecins de la cour variaient sur les remèdes à employer contre la maladie de l'Empereur : les uns étaient pour l'eau de bois des Indes ou de gaïac; les au- tres auraient préféré un cautère à la jambe (1). L'avis des premiers prévalut. Charles commença, le 10 février, de prendre l'eau de bois et de faire une diète rigoureuse (2). Il s'en trouva bien. Dans une dépêche du 22 mars, l'am- bassadeur de Venise nous donne des détails sur le traite- ment, le régime et l'état de l'illustre malade : « Depuis » huit jours, dit-il, l'Empereur mange de la viande et » boit du vin à son dîner. Il prend l'eau de bois deux fois » dans la matinée et une fois le soir. A son souper, il ne » mange que des amandes, des pignons et quelque pâte (5). » Maintenant il a la permission de passer de sa cham- » bre à coucher dans son antichambre. Sa couleur natu- » relie lui est revenue, mais il est encore bien faible. Il » remue difficilement l'épaule gauche, où il ressent par- » fois un peu de douleur, et il ne peut plier le gros orteil » du pied droit qu'avec l'aide de la main (4). » Ces rensei- (1) «... Sta Cesare mal conditionato Ha bavutoquesti di la febre, la quai pero è cessata. Del prender Tacqua del legoo vie varietà d'opiniom tra li medici : alcuni lodariauo più tosto una fontanella délia gamba... (Dépêche du 8 février 1545 , de Bruxelles.) (2) Dépêche du 15 février, de Bruxelles. — Journal de Vandenesse. (3) o... Mandole , pignoli et una pasta... » (4) »... Il color suc- natural li è ritornalo; ma è pero molto macilente ( 342 ) gnements, Navagero les tenait de personnes attachées au palais. Trois jours après , il fut reçu par l'Empereur; il put alors l'observer, et, comme on le pense bien, il ne manque pas de rendre compte de ses impressions à la Sei- gneurie : « Quant à l'état de l'Empereur, — ainsi s'ex- » prime-t-il — je puis écrire à Votre Sérénité que je l'ai » trouvé très-maigre et très-pâle. Il avait au cou une » bande de taffetas noir qui lui sert, je le suppose, à ap- » puyer le bras gauche. Les doigts de la main m'ont paru » fort amaigris et fort dissemblables à ce que j'en ai vu » d'autres fois. Comme il était assis et appuyé à une petite » table couverte de velours noir placée devant lui , je ne » saurais rien dire de plus de sa personne (1). » Aux douleurs physiques qui étaient venues assaillir Charles-Quint, s'était jointe la peine d'esprit où le mettait la déclaration qu'il avait à donner sur l'alternative énon- cée dans le traité de Crépy (2). Parmi les peuples que la Providence avait placés sous son sceptre , il n'en était aucun pour lequel il eût une affec- ancora; move difficilmente la spalla sinistra , nella quale sente alcune volte un poco di doglia ; il deto grosso del piè destro no lo puô piegare senza Paggiuto délia mano... » (1) «... Del stato di Cesare posso scriver a Vostra Serenità che l'ho ri- trovato molto macilente et molto pallido,con un cendal negro al collo, dove penso che tenga appogiato quello brazzo sinistro nel quale aile volte sente doglia. Li deti délia mano mi sono parsi molto estenuati et molto dis- simili a quelli che ho veduto altre volte; et perché lo ritrovai a sedere , appoggiato ad una tavoletta che li era inanti, coperta di veluto negro, non posso dire a Vostra Senerità altro del corpo suo... » (Dépêche du 27 mars 1545, de Bruxelles.) (2) « Una forse délie principali cause di questa sua indispositione sono li travagli délia mente, » écrivait Navagero au conseil des Dix , lo s février 1545. ( 545 ) lion égale à celle qu'il portait aux Belges; les Pays-lias étaient sa patrie; c'était là qu'il avait passé ses jeunes an- nées; c'était l'ancien patrimoine de sa maison. Depuis son avènement au trône, il avait été témoin du dévouement que ces provinces avaient montré, des sacrifices qu'elles avaient faits, des maux qu'elles avaient soufferts pour iui, dans ses luttes contre la France : il se sentait par-là plus obligé encore d'assurer leur conservation et leur prospé- rité. Or, il ne se dissimulait point que ce double but serait difficilement atteint, tant qu'elles n'auraient pas un sou- verain qui ferait sa résidence continuelle au milieu de ses vassaux; il reconnaissait aussi qu'il lui serait impossible, et plus encore au prince son fils après lui, de s'absenter longtemps de l'Espagne (1). Ces différents motifs avaient fait naître , dans sa pensée , depuis son passage par la France en lo59, le dessein de substituer à la cession du duché de Milan, qui était convenue entre lui et François Ier en même temps que le mariage du duc d'Orléans avec l'une de ses filles ou de ses nièces (2), celle des Pays-Bas et du comté de Bourgogne (5). De là l'alternative à laquelle la paix de Crépy avait donné une forme solennelle. Pour que la nouvelle combinaison pût se réaliser, il fallait qu'elle fût agréée des peuples des Pays-Bas; il fallait aussi que le roi des Bomains ne s'y montrât pas trop con- traire; il fallait enfin, et surtout, qu'elle eût l'assentiment de l'héritier présomptif de la couronne. (1) Voir, à ce sujet, dans les Papiers d'État de Granvelle, t. III, p. 78, le « Discours et arraisonnements des considérations que Ton peult pren- » dre sur l'alternative , etc. » (2) Voy. Lettres et Mémoires d'Estat, de Ribier, t. I, pp. 269, 291, 365, 468. (3) Ibid., pp. 309,514,520, 52-2. ( 344 ) Aussitôt après la conclusion de la paix de Crépy, Char- les-Quint envoya en Espagne le secrétaire Alonso de Idiaquez, pour en expliquer les stipulations à son fils, et lui rapporter l'opinion du prince et celle de ses ministres sur l'alternative (1). Chose étrange! On ne sait pas en- core aujourd'hui quels avis vinrent à l'Empereur de ce côté-là. Sandoval, en général si bien informé, ne nous en apprend rien : « Ce qui, en Castille, dit-il, fut résolu » par le prince et son conseil, je l'ignore (2). » Et cette lacune historique n'a pas été comblée par M. Lafuente, qui a eu pourtant à sa disposition les archives de Siman- cas (3). Nous connaissons les sentiments du roi des Romains par une lettre qu'il écrivit, le H décembre, à son frère; dans cette lettre , il se déclarait absolument contre la ces- sion des Pays-Bas, qui, selon lui, aurait eu les inconvé- nients les plus graves pour l'Empereur, pour ses enfants, pour sa maison et pour ses autres États (4). Bernardo de Meneses , son chambellan , qui alla, de sa part, trouver l'Empereur àGand, au mois de janvier (5), eut ordre d'insister sur ses représentations à cet égard. Quant aux peuples des Pays-Bas, si nous en croyons Navagero, ils désiraient voir s'accomplir le mariage du (t) Dépêche du 4 octobre, de Bruxelles. — Sandoval, Historia de Car- los V, t. II , p. 380. (2) «... Lo que en Castilla se acordô por el principe y su consejo no lo se... » (Historia de Carlos V, 1. c.) (3) Voy. le t. XII de son Historia gênerai de Espana , publié en 1835. (4) Cette lettre, dont l'original doit se trouver aux Archives impériales de cour et d'État, à Vienne, est analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. (o) Dépêche du 10 janvier 1545, de Gand. ( 345 ) duc d'Orléans avec la lille ainée de l'Empereur , car ils voulaient avoir leurs souverains propres, et non des princes éloignés, comme L'étaient les rois d'Espagne; ils considé- raient en outre que, par la cession du pays à un prince de la maison de France, ils demeureraient affranchis du gouvernement des femmes, lequel ils supportaient mal volontiers (1). Un document authentique fait foi cepen- dant que les principaux seigneurs des Pays-Bas, consul- tés par Charles-Quint, se prononcèrent contre l'aliénation de ces provinces (2), en exprimant le vœu, il est vrai, que l'Empereur prît les arrangements nécessaires pour qu'il pût, ou le prince son lils, y résider habituellement (5). Après bien des hésitations , Charles se décida à donner au duc d'Orléans la seconde fille du roi des Romains avec le Milanais. Un courrier qui partit de Bruxelles le 23 mars (1 ) « ....... Di questi populi , pare che desiderano che segua il matrimonio con la dote di questi paesi , perche dicono esser necessario alla conserva- tion delli Stati haver li principi proprii et non lontani , corne sono quelli di Spagna, oltre che, alienandosi per questa via questi Stati, veniriano a uscir di servitù di donna, che difficilmente vogliono tolerare... » (Dépêche du 17 octobre, de Bruxelles.) (2) On lit, dans une pièce intitulée, de la main de Viglius : Copie du billet que l'Empereur communiqua aux seigneurs principaux de par deçà, au mois d'avril xvc xlv, pour y penser, à Matines : « L'Empereur, « suyvant l'advis des principaux seigneurs des Pays-Bas , et soy confor- 1 mant à icelluy, comme très-raisonnable, a, par son ambassadeur rési- « dent en France, fait déclarer au roy très-chrestien sa résolution de » l'alternative des mariages mentionnez au derrenier traicté de paix d'en- » Ire S. M. I. et ledict seigneur roy , et accordé le mariage d'entre le duc » d'Orléans et la seconde fille du roy des Romains, avecq l'Estat de Mi- •< lan, etc. » (Archives du royaume, Collection de documents histo- riques, t. VII, fol. 143.) (3) C'est ce qui résulte de la même pièce. 2me SÉRIE, TOME XIX. 23 ( 546 ) 1545 (1) et arriva le 50 à Amboise, où était la cour de France (2), porta à son ambassadeur, le sieur de Saint- Mauris, sa déclaration sur l'alternative (5). En attendant qu'on fût informé de l'accueil qu'elle aurait reçu du roi très-chrétien, elle fut tenue secrète; Navagero, qui cher- cha à en connaître le contenu, n'y put réussir (4). A quel- que temps de là, il écrivait à ce propos : « Dans la même » ignorance où je me suis vu , ont été le nonce et tous les » autres ambassadeurs, auxquels jamais l'Empereur ne » communique rien (5). » Deux jours avant l'expédition du courrier dont nous venons de parler , une exécution avait eu lieu à Bruxelles, que Navagero raconte en ces termes : « Hier, sur la place » de cette ville, fut brûlé vif un hérétique de ces nouvel- » les sectes qui se sont répandues en ces pays, lequel » non-seulement croyait que le corps de Notre-Seigneur » n'existait pas dans l'hostie consacrée, et que la Vierge » n'était pas restée vierge après sa délivrance, mais en- » core avait commencé d'enseigner et d'inculquer ces im- » piétés à d'autres. Il est mort dans cette perversité avec » une force d'âme incroyable, riant et ne montrant pas le (1) Dépèche du 22 mars, de Bruxelles. (2) Lettre de Sain t-Mauris à la reine de Hongrie, du 51 mars, analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. (3) Elle est dans Léonard , Traités de paix, t. II, p. 416-418; dans Du- mont, Corps diplomatique , t. IV, part. II, p. 288, et dans les Papiers d'État de Granvelle, t. III, p. 87. (4) Deuxième dépèche du 22 mars , de Bruxelles. (5) «... Nelmedesimo termine che son io, è il signor nuncio et tutti gli altri ambasciatori di questa corte , alli quali mai è communicata cosa alcuna da questo principe... « (Dépêche du 25 avril, d'Anvers.) ( 347 ) •) moindre signe de peur (1). » Ce malheureux s'appelait Henri Van Hasselt ; il était luthérien (2). Le jour de Pâques, 5 avril , Charles-Quint se crut assez hien rétabli pour aller entendre la grand' messe à Saintc- Gudule; il s'y rendit, accompagné de sa cour, du nonce et de l'envoyé de Venise ; des questions de préséance empê- chèrent que les autres ambassadeurs ne se joignissent à son cortège. Cette sortie le fatigua beaucoup; le lendemain il eut quelque ressentiment de son mal , et on lui trouva une plus mauvaise mine qu'il n'avait eu quelques jours auparavant : néanmoins il voulut se donner le plaisir de la chasse à Tervueren, avant d'aller à Malines, où l'atten- daient la reine sa sœur et les archiducs Maximilien et Ferdinand (3). Après une semaine passée dans cette ville, il partit pour Anvers; c'était le 20 avril. Le 21, il visita (1) «... Heri, sopra la piazza di questa città, fu abbrusciato vivo un heretico di queste nove selte sollevate in questi paesi, il quale non sola- mente credea lui che nell' hostia non fusse il corpo del Nostro Signore, et che la Vergine non sia stata vergine doppo il parto, ma havea cominciato anchè a persuader et insegnar ad altri quelle sue impietà. È morto in questa perfidia con una grandezza d'animo incredibile , sempre ridendo ne raostrando segno alcuno di timoré... ° (Dépèche du 22 mars , de Bruxelles.) (2) Compte de Henri de Stradio , amman de Bruxelles, de 1o44-1o45, fol. 16, aux Archives du royaume. (3) «... Il di di Pasqua, usci Cesare in publico et volse udir la messa cantata nella chiesa maggior. Fu accompagnato da quelli pochi suoi gen- tilhuomini che s'attrovano qui et del signor nuncio et me , che altri am- basciatori, per concorrenze che hanuo di precedentia, non si ritro- vorno. Quel poco viaggio che fece nell1 andar alla chiesa et nel ritorno a palazzo, produsse che le due feste sequente si risenti alquanto di doglia, et fu veduto più tiacco et più débile che forse era stato qualche di inanti. Pure ha voluto partire, con pochi delli suoi, alli 8, per quello luogo du solazzo chiamato Bura, con animo di condursi a Malines hoggi... "(Dé- pêche du 11 avril, de Bruxelles.) ( 348 ) minutieusement la forteresse. Le 23, il donna audience à l'ambassadeur de Venise, qu'il en avait prévenu par son portier (nous signalons cette particularité, parce qu'elle n'est pas sans intérêt pour l'histoire de la diplomatie) : Navagero était chargé de lui exprimer la gratitude de la Seigneurie, à laquelle il avait fait communiquer sa décla- ration sur l'alternative (1). Cette déclaration eût été , sans aucun doute , plus agréa- ble à la cour de France, si le duc d'Orléans s'était vu appelé à régner sur les Pays-Bas; telle qu'elle était cepen- dant, elle y fut bien accueillie, et le roi en fit remercier l'Empereur par le secrétaire d'État de l'Aubespine (2), en son nom et en celui de son fils. Le duc voulut, en outre, le remercier en personne. Ce jeune prince aspirait à con- quérir les bonnes grâces du chef puissant de la maison à laquelle il devait s'allier; pendant que l'Empereur était affligé de la goutte, il lui avait envoyé un de ses gentils- hommes, afin de s'enquérir de son état et de l'excuser, sur l'indisposition du roi son père, de ce qu'il ne venait pas le visiter lui-même (5). Le duc d'Àrschot alla jusqu'à Mons au devant du lilsdu roi de France, qui arriva à Anvers le 24 avril, avec une suite de trois cents chevaux, lesquels, selon Navagero, n'étaient ni bien brillants, ni en très-bon ordre (4). Le duc d'Orléans mit pied à terre devant le palais de l'Empe- (1) Dépêche du 25 avril , d'Anvers. (2) Dépêche du 4 avril, de Bruxelles. — Papiers d'État de Granvelle , t. 111, p. 126. (3) Dépêche du 18 janvier 1545, de Bruxelles. (4) «... Non molto buoni né ben in ordine... » (Dépêche du 25 avril , d'Anvers.) ( 349 ) reur, qui le reçut à la porte extérieure avec toute sorte de démonstrations d'amitié, auxquelles il répondit par de gran- des marques de respect. Ils causèrent, en riant, quelques instants dans la cour, puis ils montèrent, et l'Empereur, ayant pris le duc à part près d'une fenêtre, eut avec lui une conversation d'un quart d'heure (1). Le duc rendit ensuite visite à la reine de Hongrie : après quoi, on le conduisit au logement qu'on lui avait préparé. Le 29 avril, toute la cour partit pour Lierre. Le lende- main, Charles-Quint, avec les archiducs Maximilien et Fer- dinand, alla couchera Diest, tandis que la reine Marie et leduc d'Orléans se dirigeaient vers Bruxelles, d'où, le 2 mai, le duc retourna en France (2). D'après les dépêches de Navagero, ce prince n'aurait pas été satisfait des résultats de son voyage (3); l'envoyé de la sérénissime répuhlique cite, à ce sujet, un propos tenu par Louis de Flandre, seigneur de Praet, à Giovanni Battista Gastaldo. Ces deux personnages étaient logés à Anvers dans la même maison : comme ils étaient l'un et l'au- tre assez mal portants, ils ne sortaient guère, et ils discou- raient souvent et longtemps ensemble. Gastaldo parlant un jour à de Praet de la cession de l'État de Milan, ce der- nier lui répondit : « Il y a bien des choses entre la bouche (1) «... Scavalco al palazzo dell' Imperatore, il quale li venue inconlro fino alla prima porta sopra la strada. Fu infinita la reverentia del duca verso la Maestà Sua; fu anchè molta la corlesia et humanità che usô Ce- sare con lui. Steltero per poco spatio di tempo nella corte ridendo; poi, moniale le scale, si ridussero loro doi separali ad una iinestra per spatio d'un quarlo d'hora in circa... » (Dépèche du 25 avril, ci-dessus citée.) (2) Dépèche du 29 avril, d'Anvers. — Journal de Vandenesse. (3) Dans une dépêche du 1er mai, d'Anvers, il dit que le duc est paru ,< non mollo conlento. a ( 350 ) » et le morceau (1). » L'ambassadeur vénitien croit devoir rendre compte au conseil des Dix de ces paroles, auxquel- les il attache de l'importance, « venant d'un si grand au- » teur que M. de Praet : « en effet, ajoute-t-il, s'il y a » quelqu'un ici qui connaisse la pensée de l'Empereur , » il est le seul qui puisse la savoir (2). » Au moment où il s'exprimait de la sorte, Granvelle était absent de la cour. Il ne paraît pas toutefois que , dans ce qu'il rapporte du duc d'Orléans, Navagero ait été bien informé : car nous lisons, dans une lettre de Saint-Mauris à l'Empereur, écrite de Verneuil le 28 mai, que « le duc avait dit à l'am- » bassadeur de Venise (à la cour de France) qu'il était » parti aussi content qu'il eût pu le désirer de lui Empe- » reur, lequel lui avait dit qu'il voulait lui même enche- » miner son affaire , sans l'entremise de ses ministres (5). » (1) «... Moite cose possono accascare inter os et offam... » (2) «... Venendo la cosa da cosi grave auttore corne è monsr di Prato, che se vi è alcuno che sappia la mente di Cesare, esso solo la puô sapere a questa corle... » (Dépêche du 1er mai, d'Anvers.) (3) Cette analyse est empruntée aux manuscrits du comte deWynants. ( 351 ) CLASSE DES BEAAJX-ARTS. Séance du 2 mars 1865. M. Alvln, président de l'Académie et directeur de !;i classe. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. G. Geefs, Navez, J. Geei's, Ferdi- nand De Braekeleer, Fraikin, Partoes, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, Portaels, Balat, Payen, le chevalier Léon de Burbure, J. Franck, membres; Ad. Siret, correspondant. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur fait connaître que le Roi a approuvé l'élection de M. Gustave Deman, architecte à Bruxelles , en qualité de membre titulaire de la classe. Le même Ministre adresse un exemplaire du Bulletin de la section littéraire de la Société des Méophiles de Hasselt, 1er volume, in-8°. — M. Donaldson , président de l'Institut royal des archi- tectes britanniques, et associé de l'Académie, remercie pour les dernières publications qu'il a reçues; il exprime, en même temps , ses regrets sur les pertes nombreuses que la mort a l'ait éprouver aux arts, dans ces derniers temps, ( 552 ) et principalement sur la perle de notre compatriote M. Suys. « J'avais , dit-il, le plus grand respect personnel pour lui, et la plus grande admiration pour son talent. » — Le secrétaire perpétuel dépose une cantate intitulée Les Belges à la première croisade , qui est envoyée au concours de composition musicale de 1865. Elle porte pour devise : Je chante les pieux combats et le guerrier qui délivra le tombeau de Jésus-Christ. Le Tasse, Jérusalem délivrée. — Il annonce qu'il a reçu de M. Auguste Van der Meersch le leg fait à l'Académie par feu son frère Désiré-Joseph, de ses manuscrits sur l'histoire des anciennes tapisseries de la ville d'Audenarde. Ces manuscrits sont renvoyés à l'examen de MM. De Busscher, Yan Hasselt et de Burbure. LOCAUX ACADÉMIQUES. M. le directeur rend compte des résolutions qui ont été prises par la commission administrative relativement à la décoration projetée de la rotonde commune à l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts et à l'Académie royale de médecine. Cette salle circulaire, se prêterait admirablement à recevoir les bustes des Belges qui se sont distingués dans les sciences, les lettres et les beaux-arts, bustes qui sont exécutés chaque année, con- formément à l'art. 2 de l'arrêté royal du 1 er décembre 1845. Cet arrêté royal porte que le local académique sera orné « des bustes des souverains fondateurs et protecteurs de cette institution, de ceux dos Belges qui se sont illustrés ( 553 ) dans la carrière des sciences, des lettres et des arts, ainsi que des académiciens décédés qui ont doté le pays d'ou- vrages importants. » CAISSE CENTRALE DES ARTISTES RELGES. La classe reçoit communication de différentes résolu- tions qui ont été prises par le comité directeur de la caisse. M. Ed. Fétis donne lecture du rapport annuel qui sera imprimé dans V Annuaire de l'Académie pour 1865. M. Alvin, comme remplaçant provisoirement le trésorier défunt de l'institution, M. Braemt, présente un aperçu de l'état de la caisse dont l'avoir s'élève maintenant à envi- ron 110,000 francs. Il fait connaître que M. Braemt, plein d'une généreuse sollicitude pour les intérêts qui lui étaient confiés , a légué son médaillier, qui sera vendu au profit de l'institution, et dont les fonds seront versés dans la caisse centrale des artistes. ÉLECTIONS. Par suite du décès de M. Braemt, délégué de la classe auprès de la commission administrative, la classe avait à pourvoir à une nomination ; elle porte ses suffrages sur M. De Busscher, et le désigne pour remplacer l'honorable confrère dont la Compagnie déplore la perte. ( 354 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Documents biographiques inédits sur les peintres Gossuin et Roger Vander Weyden le jeune, recueillis par le chevalier Léon de Burbure, membre de l'Académie. Les auteurs qui ont écrit la biographie du célèbre Roger Vander Weyden l'ancien, et parmi eux nous plaçons en pre- mière ligne MM. Alph. Wauters, Alex. Pinchart, Van Hasselt et Éd. Fétis, ont dû, faute de documents nouveaux, se borner à reproduire sur deux autres artistes de la même famille, Gossuin et le second Roger Vander Weyden, les détails plus ou moins exacts que contient l'ouvrage de Karel van Mander. Le chanoine Adrien Heylen , dans son Traité historique sur la Campine, et le Liggere ou livre de la corporation de S'-Luc, à Anvers, ont fourni, il est vrai, quelques dates précieuses; mais, pour acquérir une valeur réelle, ces renseignements demandaient encore à être coor- donnés et vérifiés sur de nouvelles preuves. Nous avons entrepris des recherches à cette fin dans les archives communales à Anvers, où ces artistes paraissent avoir passé la plus grande partie de leur carrière, et nous avons découvert sur Gossuin et Roger Vander Weyden, le jeune, des documents authentiques nombreux , qui établis- sent leur filiation, leurs alliances, leur état de fortune, et qui déterminent les époques vers lesquelles ils sont décédés. Ainsi que le témoignait autrefois une inscription mise au bas d'un grand tableau qu'il avait peint pour le maître- autel de l'église abbatiale de Tongerloo, Gossuin Vander ( 555 ) Weyden descendait en ligne directe du célèbre Roger Vali- der Weyden l'ancien , dont il était le petit-lils. Son père était probablement Pierre Vander Weyden, cité comme fils de Roger dans des documents trouvés aux archives de Tournai par M. Pinchart. Les comptes des pauvres de la paroisse de Sainte -Gudule, à Rruxelles, mentionnent aussi ce Pierre Vander Weyden, époux de Catherine Vander Noot, comme vivant encore en 1493 (1). La date de la naissance de Gossuin , à Bruxelles, doit être fixée vers Tannée 1465, puisqu'en 1535, l'inscription dont nous venons de parler le déclarait septuagénaire. Après avoir reçu l'éducation artistique dans sa ville natale, Gossuin Vander Weyden vint habiter Anvers, pré- cédé d'une réputation déjà si bien établie qu'on lui donnait dans les actes publics la qualification de maître, alors réservée aux artistes les plus éminents (2). Voulant se fixer d'une manière permanente dans la cité commerciale qui offrait aux artistes d'abondantes res- sources, il y acheta, le 1er mars 1503 (vieux style), une demeure, située dans la rue des Tanneurs, qui avait appartenu antérieurement à un sculpteur nommé Jean Moyens (3). Quoique, avant de commencer à exercer publiquement, à Anvers, sa profession de peintre, il ait dû se faire aflilier à la gilde de Sl-Luc, on ne trouve pas dans le Liggere de mention de sa réception , à moins que le Gorys désigné (1) Les détails qui précèdent sont tirés de la monographie de M. Alph. Wauters, Roger Vander Weyden, ses OEuvres , etc. ttruxelles, 1k;>6,ci du Journal des Beaux-Arts , 1865, page 65. (-2) Voyez Pièces Justificatives, I , II , III , IV , VI , VII et IX (5) Fbid. I ( 356 ) parmi les francs-maîtres nouveaux, en 1495, ne soit notre Gossuin, dont le nom aurait été mal inscrit (1). Après l'acquisition de sa maison , Gossuin Yander Weyden commença à recevoir dans son atelier de jeunes élèves pour les former dans son art et se faire seconder par eux dans^ ses travaux. En 1503, il y admit Pierre Bovelant; en 1504, Symon le Portugais; en 1507, Henri Van Meurs et Arnoul Vander Vekene; en 1512, Corneille Van Berghen et Fran- çois Dreyselere; en 1513, Ange Inghelsone; enfin, en 1517, Henri Symons (2). En 1514, les membres de la corporation des peintres l'appelèrent à y exercer les fonctions de doyen. Pareil hon- neur lui fut décerné seize ans plus tard, en 1530, alors qu'une verte vieillesse lui permettait de tenir encore le pinceau avec la vigueur de l'âge mûr (3). En 1514 aussi, Gossuin Vander Weyden vendit sa maison de la rue des Tanneurs (4); ce fut probablement vers cette époque qu'il alla habiter le refuge de Tongerloo, situé dans une autre partie de la ville. Notre artiste pourrait même avoir été Yhospes de cette succursale de l'abbaye : plus d'une fois il fut le fondé de pouvoir de l'abbé pour traiter des affaires séculières de la communauté. En 1517, il transmit au prélat xVntoine s'Grooten une grande propriété, s'étendant, en profondeur, de la rue des Tanneurs jusque dans la rue courte de l'Hôpital (5). En 1535 (1536, n. st.), l'abbaye ayant eu à supporter de grandes dépenses par suite de la reconstruction de son église (1) Voyez Liggere de Saint-Luc , transcrit et annoté par Ph. Rombouts et Th. Van Lerius. Anvers, J. De Koninck , éditeur, 1861 , page 46. (2) Voyez Liggere de Saint-Luc, ad annos. (3) Ibid, ad annos. (i) Pièces Justificatives, III. (ri) Ibid., IX. (557 ) et d'une partie du monastère, ce fut encore notre peintre qui, au nom de l'abbé Arnoul Streylers, vendit cette pro- priété à Jean Moys, receveur général du Brabant (1). En 1524, il vendit de même à Pierre Van Halmale une autre propriété de l'abbaye, nommée le Dragon, de Draek, située au Kipdorp à Anvers (2). Nous pourrions multiplier ces exemples. Comme aperçu sur la fortune de GossuinVanderWeyden, un acte, passé en 1530, nous le montre recevant de Marc De Ococby, officier préposé à la fruiterie de l'Empereur, le remboursement d'une rente hypothéquée sur des propriétés situées sous Leeuw-Sl-Pierre et Aa. Cette rente avait été constituée des deniers de Gossuin, en 1527 (3). Mentionnons aussi qu'il servit de tuteur, en loi 2, aux trois enfants délaissés par son parent, André Haliberton, époux de Cornélie Benninck, et qu'en 1516 il recevait, au nom desdils mineurs, le remboursement d'une rente importante [A). Notre artiste qui, en 1535, peignit le grand tableau de l'église de Tongerloo dont nous avons parlé, ators qu'il avait atteint l'âge avancé de soixante -dix ans, vivait encore le 16 janvier 1538 (n. st.) : dans un acte passé ledit jour, en présence des échevins d'Anvers, Roger YanderWeyden, le jeune, est qualifié de fils de Gossuin , Goossensone, sans que le nom de Gosuin soit suivi du mot défunt, ivylen, qu'il était d'usage d'ajouter lorsque la personne citée ne vivait plus (5). L'année et le lieu du trépas de cet artiste distingué sont (1) Pièces Justificatives, IX. (2) Ibid.,V\. (5) lbid., VII. (4) ffttf.,in,IVet.V. (5) lbid,, XI. ( 358 ) restés également inconnus; mais ce serait peu s'aventurer que de croire qu'il a fini ses jours au monastère de Ton- gerloo, auprès de l'abbé Arnoul Streyters, l'admirateur de son talent et son ami. Gossuin Vander Weyden avait contracté mariage avec une demoiselle de la famille Benninck, proche parente des peintres Alexandre et Simon Benninck et de Cornélie Benninck précitée ; nous ignorons son prénom. De cette union , qui semble n'avoir eu qu'une courte durée, il ne naquit qu'un seul enfant, un fils, celui que nous nommons Roger Vander Weyden, le jeune (1). Pénétré du sentiment artistique de ses ancêtres et formé sous les yeux de son père, Roger Vander Weyden, le jeune , fut dispensé de l'apprentissage et reçu directement à la maîtrise de la corporation de S^Luc à Anvers, en 1528, sans doute en vertu d'une clause de l'ordonnance du 22 juillet 1442, qui permettait exceptionnellement aux con- frères de la gilde d'acclamer comme maître, en leurs assemblées générales, l'artiste qui possédait un talent supérieur (2). Les élèves qu'il prit sous sa direction à Anvers furent peu nombreux : le Liggere mentionne seulement comme tel Jean de Jonghe , reçu dans l'atelier du maître en 1536. La mention au registre de Sl-Luc de cet élève , admis par Roger Vander Weyden, le jeune, en 1536 , aurait dû (1) Pièces Justificatives, XI. (2) On exigeait des aspirants à la maîtrise un apprentissage préalable de quatre années accompli chez un franc -maître, het en ivare ajoute l'art. 1 de l'ordonnance de 1442, dat eenich goet gheselle der vryheijt van der voerscreven Guide weerdich wave , soe mach men dgen ontfaen in de guide voerscreven bg consente ende goetdunckene van den gemegnen gul- debruederen , etc. , etc. (Cartulaire de la Gilde de Saint-Luc , in-folio , aux archives de l'Académie royale d'Anvers.) ( 559 ) faire examiner par les biographes si l'allégation de Van Mander, qui dit que Roger mourut en 1529, était exacte. Ils n'y songèrent pas, et, tout en infirmant la presque tota- lité des détails donnés par l'écrivain flamand sur Roger, le jeune, ils admirent comme constante la date du pré- tendu décès prématuré de l'artiste, en 1529. D'erreur en erreur, les auteurs de Y Histoire d'Anvers, MM. Mertens et Torfs, en vinrent à dire que Roger Vander Wcyden mourut de la suette à Anvers , lorsqu'il remplissait l'oftice de doyen de la gilde de Saint-Luc. Or, en 1529, époque où sévissait cette maladie, c'étaient Gilles Vander Borgueryen et Thomas Thomassen , et, en 1550, non pas Roger Van- der Weyden, mais Gossuin, son père, qui, avec Gérard Bufken, furent doyens de la corporation (1). Ces erreurs ont été la source de mainte divergence d'opinion entre les historiographes de l'école flamande. Les uns, tels que MM. Passavant, Forster, Waagen et Le Vieil, attribuent avec beaucoup de fondement à Roger Vander Weyden, le jeune, un assez grand nombre de ta- bleaux et de dessins de verrières; les autres, tels que M. A. Wauters, argumentent de la prétendue mort de l'artiste en 1529, c'est-à-dire un an après sa réception à la maîtrise de Saint -Luc, pour soutenir qu'il est impos- sible qu'il ait exécuté tant d'œuvres diverses en une aussi courte existence (2). M. James Weale , enfin , déclarait ces jours derniers dans le Beffroi, tome II, page 251 , que l'existence d'un Roger Vander Weyden, le cadet, est très- douteuse. Ce débat vient désormais à cesser , grâce aux docu- ments que nous avons découverts. (1) Mertens en Torfs, Geschiedenis van Antwerpen. vol. IV, p. 46. (2) Wauters. Op. cit., pp. 62, 102 et 103. ( 360 ) Résumons-les. Loin d'être décédé en 1529, Roger Valider Weyden , le jeune, vivait encore, à Anvers, le 6 avril 1557 (1558 nou- veau style). 11 était, à cette époque , l'époux d'une personne de bonne famille , nommée Anne Mannaerts; trois enfants, Antoine, Roger et Catherine Vander Weyden, étaient nés de leur union (1). Les époux possédaient, entre autres biens, une grande ferme , sous le hameau d'Overbroeck , dans le village cam- pinois de Brecht, d'une contenance de trente-six bonniers et s'étendant sur les territoires de Wuestwesel et Loen- hout. Cette propriété fut connue, dans la suite, sous le nom de : het goet van Rogier Vander Weyden (le bien de Roger Vander Weyden) ; d'où on pourrait inférer que l'ar- tiste y a souvent séjourné avec sa famille (2). Une maison située à Anvers, dans la rue des Orfèvres, qui, comme la propriété de Brecht, provenait de la famille de la femme de Roger, leur appartenait aussi en partie (5). En outre, parmi ses biens patrimoniaux, l'artiste comptait une rente sur la ville de Bruxelles, acquise pri- mitivement, le 12 avril 1459, par son illustre bisaïeul, Roger Vander Weyden, le vieux, et Isabelle Gojfairts, sa femme. Cette rente fut donnée en supplément d'hypo- thèque à Laurent Borrekens, lorsque en 1555, les enfants de Roger, le jeune, grevèrent la propriété de Brecht (4). Le 24 juillet 1545, Anne Mannaerts est qualifiée de veuve de Roger Vander Weyden, dans un acte par lequel elle et ses sœurs, assistées de leurs maris, donnent quit- (1) Pièces Justificatives, VIII, XII et XV (2) Ibid., XI, XVIII et XIX. (3) Ibid.,\\\. (4) Ibid., XVI. ( 361 ) tance des biens qui leur sont succédés par la mort de leur grand' mère, Catherine Wouters, veuve de Jean Peters (1). Roger Valider Weyden, le jeune, est donc décédé entre le G avril 1557 (1558, n. st.) et le 24 juillet 1 545. Il ne nous a pas été possible d'obtenir une date plus précise. Avec lui ne s'éteignit pas la lignée des Vander Weyden. Des trois enfants issus de son mariage, Antoine Vander Weyden, l'aîné, était majeur en 1552, et né, par consé- quent, avant 1527, vingt-cinq ans étant en Rrabant l'âge de la majorité. Il exerçait la profession de charpentier et servait, en 1552, de tuteur testamentaire à son frère Ba- yer (2). Celui-ci, pas plus qu'Antoine, ne paraît avoir cul- tivé l'art dans lequel ses ancêtres s'étaient acquis une juste célébrité : il avait, dans sa première jeunesse, perdu son père qui aurait pu lui servir de guide. Aucun docu- ment ne nous a appris que Royer Vander Weyden, le troi- sième, fut marié. Il vivait encore à Anvers, le 27 mars 1567. Quant à Catherine Vander Weyden, la sœur d'Antoine et de Roger, qui, née vers 1550, était encore sous tutelle en 1552, elle se rapprocha de la vie artistique par son ma- riage. Elle épousa un peintre nommé Lambert Rycx, fils de Ryckaerl Aertssen, surnommé Richard à la béquille, Ryck metterstelt, artiste jouissant d'une certaine renommée au seizième siècle, à cause surtout de son talent à peindre les nus (5). (1) Pièces Justificatives, XIV. (2) Ibid. XV. (5) Nous donnons, aux pièces justificatives, n0SX et XIII, deux docu- ments inédits, dans lesquels figurent le peintre Ryckaert Aertssen, et Ca- therine Diericx , sa femme. 2,ne SÉRIE, TOME XIX. 24 ( 362 ) Lambert Rycx, qui portait le sobriquet de Robsant ou liobbesaht (1) , avait épousé Catherine Vander Weyden dès avant le 14 mai 1555 (2). Si nous devions en croire Van Mander, aucun des en- fants de Ryckaert Aerlssen n'aurait cultivé la peinture; Lambert Rycx est néanmoins mentionné au Liggere de Saint-Luc, à Anvers, comme ayant été reçu à la maîtrise en 1555 et comme ayant, peu de temps après , admis dans son atelier un élève peintre , nommé Evrard Delfs ou Van Delft, et, en 1561, un autre, nommé Eewout Ee- vvoutsen. Ce dernier obtint la maîtrise en 1564. La fortune que Roger Vander Weyden, le jeune, et sa femme avaient laissée à leurs enfants ne tarda pas à être en partie aliénée. Lambert Robsant et son épouse levèrent de l'argent et hypothéquèrent, dès 1555, à un négociant, Laurent Bor- rekens, le tiers qu'ils avaient hérité de la propriété de Brecht; et, en 1 566, Catherine et Roger, son frère (Antoine Vander Weyden semble être décédé entretemps, sans avoir laissé de descendants), vendirent la propriété entière à un autre négociant, Guillaume Succa (5). Ainsi finit obscurément la descendance anversoise d'une des sommités de l'école flamande. Nous croyons avoir suffisamment détaillé tout ce qui concerne l'existence, naguère si peu connue, de Gossuin Vander Weyden et de Roger, le jeune, son fils. Nous laisserons à de plus experts que nous la tâche de (1) Pièces Justificatives, XVI et XVII. (2) Ibid. XVI. (3) Ibid. XVI , XVII , XVIII , XIX et XX. ( 563 ) discerner quelle est la part revenant à chacun de ces deux artistes dans les peintures que les historiens ont attribuées confusément aux trois Vander Weyden. Contentons-nous d'appeler l'attention des connaisseurs sur une suite de petits tableaux, conservés à l'abbaye de Tongerloo, et représentant la vie de sainte Dympne, on le talent de Gossuin , réuni probablement à celui de Roger, le jeune (car ils paraissent avoir travaillé ensemble), se montre sous un jour très-favorable. Encore un mot : M. Alphonse Wauters, dans son mémoire sur Roger Vander Weyden, le vieux, a cru devoir indiquer (1) quel- ques matériaux qui pourront servir un jour à reconstruire la généologie entière de l'illustre peintre. Dans le cours de nos recherches, nous avons eu également l'occasion de découvrir plusieurs tronçons de familles portant le même nom , nommément le suivant, qui semble n'être pas sans rapport avec la branche principale. Un Gossuin Vander Weeden (ou VanderWeyden, comme l'écrivait son petit fils), vivait vers 1475. Il eut pour fils un Pierre Vander Weeden, dit de Archy, établi à Anvers en 1491, qui était l'époux de demoiselle Avezoete de Her- zelles et mourut vers loi 7, laissant sa veuve, qui se re- maria avec Philippe de Leeuwere, et, pour seul héritier, un fils, maître Christophe Vander Weyden, en latin, de Pascuis, prêtre et chapelain, depuis 1506, de l'église de Notre-Dame, à Anvers, où il mourut en 1565, à un âge avancé (2). (1) Wauters. Op. cil., page 98. (2) Pièces Justificatives , XXI , XXII , XXIII , XXIV , XXV , XXVI , XXVII XXVIII et XXIX. ( 364 ) Le nom de de lier- elles, porté par la femme de Pierre Vander Weyden, dit de Archy, nous a remis en mémoire que, d'après M. Wauters, la femme d'un Guillaume de Herzelles payait, en 1445, la rente due eux pauvres de Sainte-Guduie à Bruxelles, qui était hypothéquée sur la maison de Roger Vander Weyden, V ancien (1). Un Renier Vander Weyen, architecte ou maître maçon, était, en 1422, à Anvers, le mari de Mabilie Bouts .11 avait eu, avant d'être marié, deux enfants naturels, Alexandre et Gérard Vander Weyen, en vie en 1422 (2). Un Pierre Vander Wye fut inscrit, en 1539, dans la gilde de Saint-Luc à Anvers, comme élève de Jean Van Cleve (3). Un Henri Vander Weyden, vivant dans .la première moitié du seizième siècle, épousa Béatrix Van Sallaken, dont il eut quatre enfants : Henri, Georges, Marie et Ca- therine Vander Weyden, mariés à Anvers et vivants en 1545 (4). Un Georges Vander Weyden fut enterré à Notre- Dame, le 25 mars 1555 (5); peut-être est-ce un de ces quatre enfants. (1) Wauters. Op. cit., page 47. (2) Pièces Justificatives, XXXI et XXXlf . (3) Liggere de Saint-Luc, ad annos. (4) Ibid.XXX. (a) Compte de l'église collégiale de Notre-Dame : Ontfanck van tweeden pellen. Item , xxvste mecrt (1555) van Gooris Vander Weyden, xn se. v den. 50 5 PIECES JUSTIFICATIVES. (1503, 1 mardi.) Lysbeth Van Opstallc, wedewe wylen Jan Noyens, wagbc- nmkers, eu m tutore , voer deen helft, Peter Noyens, waghe- makere, etc., etc., etc., aile wettige kinderen wylen des voirschreven Jan Noyens ende Lysbetten Van Opstalle, etc., etc., etc., gaven terve Meesteren Goeseme Van der Weyen , schildere, een loove, dat een wooninge alleene is, metten ca- ineren, plaetsen, hove, twee gedeele van den borneputte, fundo et pertinenciis omnibus, gestaen ende gelegen in de Iluvvctterstrate, tusschen de kinderen Bosscbaert Tboen- mans Iiuys ende erve, ex una , ende de ledige erve, nu 1er tyt den godshuyse van den Carmelyten toebehoorende, ex altéra, gclyc lien dat van den voirscbrevene Janne Noyens den vader ende grootvader toecomen ende verstorven is, t'sjaers erflick ommc twee ponden negenthiene scellinge groote Brabants, etc., etc., etc.VVaert dat dehuerlinck van den voirschrevene looven 't Sint Jansmisse nyet en betaeldc den voirscbrevene meester Goesseme de sesse ponden groote Bra- bants eens die hy ter causcn van der hueren van eene jare sculdich sal zyn , dat zy alsdan zelve de voirscbrevene sesse ponden groote Brabants eens den voirgeschreven Meesteren Goesseme npleggen ende betalen zelen. Unde obtulerunt hue- ren rente bovengesc} t. ( 366 ) il. (1515, Sjulii.) Meester Ghoosen Van der Weyden , schildere, gaf terve ende in erflycken redite, Janne Van Empt, coopman, van Moers geboren , eene loove dat een wooninge is, mctter came- ren, achter kuekenen, hove, twee gedeelte van den borne- putte, fundo et pertinentiis , gestaen ende gelegen in de Iluydevetterstrate, tusschen Aerts Bau buys ende erve, ex una, ende de ledige erve den godslmyse van Onser Vrouwen Bruederen toebehoorende, ex altéra, gelyc ende in aile der manieren hy 't selve buys cum pertinentiis anno XVe drie lcstleden, den iersten dacb martii, jegens Lysbetten Van Op- stalle, Aveduwe wylen Jan Nocyens, met hueren consorten, gecregen ende terve genomen beeft, etc. , etc. III. (1514, 4 octobris ) Àlexander Benninck, Meester Goessen Van der Weyden ende Symon Benninck, naeste vriende ende mage ende gele- verde momboren metten rechte van Tbomase, Andriese ende Cornélien , wettige kynderen Andries Ilalibcrton , welcke kyn- deren zy, by consente van der weesmeesteren deser stadt, bier inné vervingenende geloefden te vervane, bekenden ende verlyden hen volkomelic ende al vernuecbt, gepaeyt, gecon- tenteert ende wel voldaen van meesteren Janne Van den (ibeere ende Cornélien Bennincx, sinen wettigen wvve, van allen den goeden ende versterffenissen vanbuysen, haven, erven ende erfrenten, ruerende ende onruerende, qnaecumque cl ubîcumque, als lien eniebsins toccomen, blevcn code ver- storveil moegen zyn, van (1er voerscreven Andriese Haliberton ( 567 ) hueren vader wylen, etc., etc. Mede quam voer ons de voer- schreven meester Jan Van der Gheere, dcr voerschreven kindcrcn stiefvadere, ende gcloefdc de voerschreven Cor- nclie, des voerschreven Andries dochtere, te houden van etene ende drinckene, lyncn ende wullen, siec ende gesont , weselic ende tamelic na hueren stact, tôt dat se comen sal A\csen tôt enigen state, 't sy gheestelic oft weerlic; ende sal aisdan der selver Cornélien schuldich zyn op te leggenc ende te betalene de somme van twee en dertich ponden grooten vleems cens. IV. ( 1516 , 51 maii.) Meester Goossen Van der Weyden, Symon Bcnninck, als naeste vriende ende mage ende geleverde momboren metten redite van den wettigen kinderen Andries Haliberton, etc., etc. , vercochten ende lieten afquiten Jacope Jacops, visch- cooperc, twee ponden, thien seellingen grooten Brabants erflic, van den vive ponden grooten brabants t's jaers erf- lyckere renten, die zy hebben ende jaerlicx heffende zyn op een huys, met sesse harincliangen dair achter aen gestaen , fundo et pertinentiis , gestaen by de Veemerct, tu s se en Jan Jacops erve, ex una, ende der weduwen Wiggers erve, ex- ultera, etc., etc. V. (1517, 4 septembris.) (ihoessen Van der Weyden, ende Symoen Bynninck aïs mombors metten redite gelevert vanThomase ende Cornélien, wettige kindcrcn wylen Andries Haliberton, daer moeder af i> Cornelie Binninck, etc., etc. ( 368 ) VI. (1525, 18 julii.) Ileer Jan Martini, priestere ende meester Goossen Van der Weyden , schildere , in dcn name endc als gemechticht van den Eerweerdigen vaderinGode, heeren Anthonise'sGrootcn, abt, cnde van den gemeynen Convente des Goidshuys van Tongerloo, der oerdenen van Prenions treyt , die lien gemach- ticht hebben, etc., etc., nae uytwysen van eenre procura- tien, etc., etc., van der datenduysentvyfhonderd ende vyfen- twintich, drie dage in julio, quam vidimus, vercochten ende lieten afquyten Peeteren Van Halmale , meester Peeterssone , die 42 ponden groote Brabants, t 's jaers erflyckere ren- (cn, daer omme de voerschrevene heeren Jan Martini ende meester Goessen Van der Weyden , in den name ende ge- mechticht als boven, Peteren Moys, als gemechticht van den sclven Peteren Van Halmale, in den jare i524, 16 dage in julio, terve gegeven hebben een huysinge metten hove, pachuysen, poorte, stallen, borneputte, f'undo et per'tinen- ciis, geheeten den Draeck, gestaen ende gelegen in de Kyp- dorpstrate alhier, tusschen Jan Ryns huysinge ende erve, geheeten den Dorrenboom , ex una, ende de huysinge gehee- ten Augsbourg, die de Plancke te heeten plach, ex altéra, etc. VII. (1530, 15 decembris.) Meester Goossen Van der Weyden, schildere, vereocht cnde lict afquyten Jocrdane Van der Donck, als factuer ende tôt behoef van Marcken De Ocochy, froytier der Keyserlyker Ma- jesteyt, die 28 rynsguldenen crllick, die ter quitingen stonden den penninck twintich, die hy jaerlicx hadde cnde hef- ( 369 ) fende was <>|> sekere gronde van erven, gelegcn onder Sintc- Peeters te Leetiwen ende ook de heerlicheyt van (1er A, gelyck ende in aile <1o ) syne by Jaune Moys rentmeestcr gênerai van dcr beden ons genedichs heeren 's Keysers in syn lande onde hertoichdomme van Brabanf, ende by henliedcn wederorame bckeert ende beleyt ten oirbore van den voirgeschreven Goidshuvse, (ter ontlastingen ende mindernissen van den sculden ende tachter- lieden dair inné 't zelve Goidshuys vervallen was, uyt zekere saken brceder in de zelve opene lettren gespicificeert), vercocht heeft, wel ende wettelick, den voirgenaemden Janne Moys, een hnysinge, metter poorten, huyse daer neffens, stalle, borneputte, hove, twee achterhuysen in de corte Gasthuys- strate gestaen, gronde ende allen den toebeboorten , gestaen onde gelegen in de Huvdevetterstrate alhier, tu s s ch en der weduwen wylen heeren Zweers Van Heenvliet, ridders, huys onde erve,aen d'een syde, ende Jan Croeckx, huydevetters , huys ende erve, aen dander syde, comende achter uyte metten voirsebrevene twee buysen ende eender poorten in de voir- sebrevene corte Gasthuvsstrate, tussclien deerfgenamen wylen Henricx Van Galen, schilders, huys ende erve, aen d'een zyde, ende Jans Van der Voort, sinits, huys ende erve, aen d'andere zyde; gelyck ende in aile der manieren de voir- sebrevene Meester Goossen Van der Weijden de voirsebrevene hnysinge, metten toebeboorten in de Huydevettersstrate, op ton xxviie dach van novembri anno XVe ende XVIIe, wylen. heeren Anlhonise 's Groolen , prelaet was des voirschreven Godshuyse, ovorgegeven ende getransporteert heeft, etc., etc. X. (Kiôo , 6 octohris.) Jan Van Eynde, orgelmakere, vercocht Ryckaer de Aertssen, scliildere, ende Katlynen Dieriex , Adriaons dochtere, ejus uxori, 't 's jaers erflic sesse carolus guidon, goetvangoude ende swaer van gewichte, oie, op cou huys, metten hove, ( 571 ) ftutdu et pertinenciis , geheeten de JJgle, gestaen ende gele- een in de Gasthuvsstrate alhier, tusschen Berthelmeeus Van Buy te Q erve, ex una, ende Rodrigo Fernandis erve, ex altéra, etc., etc., ete. XI. (lo37 , 16 januarij.) Anna Mannaeuts, met Rogiere Van dek Weyden, Giïoossens- sone, ejus marito et tutore, vercocht Mattheeuse Truyens, allas Van Doerne, geleyerspotbackere, 't 's jacrs erflic acht karolus gulden, etc., op een hocve met huysingbe , hove , lande, heyde, aerden, weyden, grocsen, beemden, fundo et omnibus pertinenciis, groot int gelieele omtrent xxxvi buyn- deren, etc., gelegen int Overbroeck onder Brechte, ende oie eensdeels onder Wesele ende Loenliout, in diverse parceelen, gelyc ende in aile der manieren die Jan Rombouts nu in laet- scappen besitlende is, etc., etc. Unde obtulerunt de voirsebre- vene Rogier Van der Weyden ende Aima, ejus uxor, se et sua, etc., etc. , etc. XII. (1557, 6 aprilis.) Jouffrouw Lvsbette Van Acbterbout, met Janne Lode- wycx, ejus marito et tutore Adam Van Ymmerssccle ende jouffrouw Katlyne Van Acbterbout syn wive :t samen voer cen vierendeel van den buvse nabescreven ; Lysbeth Man- naerts met Willeme Van Sompekcn, dieneere van der Corler Roeden deser stadt, ejus marito et tutore; Katlyne Man- naerts, huer sustere, met PamvelseVander Ast, ejus marito et tutore, quaelibet pro se; Rogier Van der Weyden, pro se et nomine van Anna Mannaerts synen wive, die hem geniech- fichf herfî b\ eender openbaer procuratien in pampiere ( 572 ) gescreven ende op lieden gepasseert vore Jeronimus Heyns, openbaer notaris , 't samen oie voer een vierendeel van den huyse nabescreven, gaven terve Cornelise Snoeys, bonetver- coopere, de helft van eenen huysc in de Silversmitstrate op ten hoeck van der Lynmakersstrate geheeten de Keesstrate nu ter tyt, etc., etc., etc., gelyc ende in aile der manieren lien die toecomen bleven ende verstorven is van wylen Jaune Pétera ende Katlyne Wouters, huerlieder grootvader ende grootmoeder irylen, etc., etc. XIII. (15-38, 28 martii.) Ryckaert Aertssone, schildere, ende Katlyne Diericx, ejns uxor, vercochten Joose Van Cleve ende Adriane Tack, als busmeesters van der armer bussen van Sint-Lucas guide al- hier, ter zelver armer bussen beboef , 't 's jaers erflic vier karolusguldenen, goet van goude, etc., op eenloove de welcke een loove op haer zelven is, met plaetse, backliuyse, regen- backe, fundo et pertinentiis , gestaen in de Gastbuysstrate albier, op ten hoeck van der straetkene geheeten dBoheers- ken, tusschen 't zelve straetkën, ex una, ende des Godshuys van Sinte-Lysbetten erve, ex altéra, et ulterius super se et sua , etc., etc. XIV. (1543, 24 julij.) Lysbcth Mannaerts, met Willeme Van Sompcken, dienare van der Corter Roeden deser stadt, ejus marito et tatore, ex una, Katlyne Mannaerts, heur sustere. met Pauwclse Van der Ast, ejus marito et future , ex 2a parte, ende Anna Mannaerts oie heur sustere, wedkwk wylknRogikks Van der Wevden, cutn ( ^"S ) tutore, ex 7>a parte, bekenden endé.verlyden ondcrlinge in alleu partyen, 1 martii.) Katlyne Van dur Weyden, Rogiersdochtere wylen, wettige huysvrouwe Lambrechts.Rycx, cum tutore alieno, etc., etc., vercocht Katlynen Ryex, des voirschreven Lambrechts Rycx sustere , de xxxm karolus guldenen, sesse stuy vers endc twee groote Brabants crflick , etc. , van der vyftich karolus guldenen 't 's jaers erûelickcre renten, daeraf de resterende xvi karo- lus guldenen, xvi stuuvers ende 1 grooten, afgelost ende afge- queten zyn, ende om welke voirscreven gehecle rente zy com- paranten in de voirschreven qualiteyt , op ten xixen februarii , anno XVe ende LXVII, terve heeft gegeven Guillamme Succa ende jou/frouwe Katherynen Van den Mierop , ejusuxori, eenestede, hoeve, huys,hoff, schueren, koyen, bogaerden , ende allen den toebehoirten , gestaen ende gelegen tôt Brecht, onder Overbroeck , ende noch meer and ère partyen ende gronden \an erven oick tôt Brecht voirscreven gelegen, verschynende jaerlix, média martii naer luyt van der brieven daer affzynde ende gepasseert wesende voerscepenen binnen Brecht, ende insgelycx voer mannen van leene onder beyde heeren van lïalfîbreeht , etc. , etc. XXI. (1491 , ô augusli.) Vrouwe Johanne van Lannoy, ivettige gesellynne heeren Philips van Poytiers, heere van Archis, als gemechticht van den selven heeren Philips hueren man , omme heur goede te beswarene, te belastene ende te becommeren , na inhoud cens openen briefs in franchine gescreven, uuthangende besegelt in rooden wasse metten segele der hoogeboernen vermoegen- 2m(> SÉRIE , TOME XIX. 25 (378) den Vorsten ende Princen, onsen aldergenadichsten heeren den RoomschenConinc ende Eertshertogen Philips zyns zoens, onsen natuerlicken Prince, quam ridimus, ende Peter van der Weeden, Goessemszone , debent gesamenderhant ende elc een voeral Willem van 's Greevensande, opidano, aut la- tori, xxxvi ponden grote vlems, etc., etc., toecomende van borchtochten, daer ai' de voerseyde Willem de voergenaemde penningen voor den hcere Philips betaelt heeft, etc., ete. Unde obligaverunt een hnysinge geheeten de Ga?is, metten huyse ende looven daer neffens , metten gange, plaetsen, bor- neputte, stalle, gronde, et pertinenciis omnibus, gestaen in de Borch, comende achter utc met sekeren huyscn aen de borch- gracht, ende oie ter zyden ute in de Sackstrate; item aile der voirseyder Johannen erflicke goeden bynnen der prochien van Lilloe liggende, ende voerder aile der voorseyder Johannen ende des voerscreven Peters Van der Weeden andere goe- den, etc., etc. XXII. (1512, 3 septembris.) Peter Van der Weeden, alias Van Artssy, vercocht Cle- mencie Van der Meeren, Henricx dochtere, woonende totMe- chelen, 't 's jaers erflick xxxv scellingen grooten Brabants, prout communiter, op te helft van eender looven , metten hove, fundo et pertinenciis , gestaen ende gelegen by Sinte- Joorys poorte alhier, etc., etc. XXIII. (1513,10octobris.) Peter Van der Weedden, alias Van A rtchy , vercocht jouf- frouwe Geertruvt WolfFaerls , als kerckmeestersse ende tôt (379 ) bchoei' der kercken van den Bagynhove alhier, 't 's jaers erflick xxx scellingen grootc Brabants, etc., op ccn huys, mctten hove, plaetsen, gronde , et pertinenciïs , gestaen ende gelegen by Sint-Joris poerte, etc., etc. Item noch op im ende half gemeten lants , eu m fundo et pertinenciïs, gelegen tôt Lillo aen den Santvlietschen wech, tusschen den Scheldyc, wcstwaert, ende den selven wech, oostwaert; et ulterius super se et sua y etc., etc. XXIV. (1514, 16 decembris.) Nouvelle hypothèque sur les biens susdits de Pierre Van der Weeden, alias Van Artchy, au profit de Anne, fille de Jean Van Liesvelt, etc. XXV. (1514, 29 novembris.) Nouvelle hypothèque, au profit de Willem de Moelenaere, sculpteur, « beeltsnydere , als momboir ende tôt behoef van J(unie, sone wilen Peter Tacx » sur les mêmes biens de Peter Van der Weeden, alias Van Artchy, etc. XXVI. (1514, 14 aprilis) Peter Van der Weeden , alias Van Artchy , als rentmeester mynsheeren van Domicile (Dormcms?), verhuerde Henricke Van den Watere ende Clause De Laet , een visscherie, gehee- ten de Scutterie, gelegen bynnen de heerlycheit van Lilloo , l»u\ (<*n dycx, etc. , etc. ( 380 XXVII. (1516, TA maij.) « Meester Christoffel Van der Weede, zone wylen Peter s Van derWeede » en exécution d'un arrêt du grand Conseil de Malines, qui le condamne à payer 2126 livres, o escalins, 6 de- niers monnaie d'Artois , de 40 gros à la livre à « den Edelen ende welgeboirnen heere, heere Charles van Potiers , riddere heere van Dormans, etc., » promet et s'engage à mettre entre les mains du receveur dudit seigneur Charles De Poitiers, tou* les biens qui lui sont échus par la mort de son père , Pierre Van der Weeden , etc. , etc. (1516, 51 maij.) Acte par lequel Maître Christophe Van der Weeden remet la maison , située près de la porte Saint-Georges, et une rente sur des propriétés situées à Lillo, entre les mains dudit sei- gneur Charles de Poitiers, seigneur de Dormans. XXVIII. (1528, 23 septembres.) Meester Cristojfel Van der Weyden, (sic), priester, etc., hekende, etc., pro se et suis, alzoe Petronelle Van Buyten , zyn moeye, weduwe wylen Aernouts de Craes, by con- sente, etc., van hein meester Crisloffel, overcomen ende verac- cordeert is met Loys de Craes, des voerschrevens Aernouts- sone , van alsulkcn contracte antenuptiael als tusschen den voerscrevenen wylen Aernoute de Craes ende huer Pctronellcn voorgescreven tanderen tyden gemaecl isgeweest, etc., etc., etc.; son est dal hy gelaudeerl etc., hcefi 'i selve voergescreven trac- tact accord, etc., etc. 581 ) XXIX. (1517, ."> julij.) Meester Christofles Van der Weeden, alias (I) van Ardu/, fdius Petèrs, priester onde capellaen in Onser-liever Vrouwen kercke alhicr, als priacipael hoir alleene achterbleven ixt STERFHUYS VA.N WYLEN PlETER YaN DEH WEEDEN ALIAS (2) VAN Aiiciiy, ztnen vader voernoemt, bekende ende verlyde dat h y ghetransporteert ende upgedragen heeft, transportées ende updraecht by dezen letteren ende briefve, Phlips deLeeuwere, als ghetrout hebbende, jonckf'rouw Avezoete Van Herzelle, we- dewe was van wylen den voernoemden Pieter zijnen vader e, al- zulck reelil van sculde alzo wel van gheleenden ghelde, van achterstellen van renten, sculden ter causen van ontfanghen, ende andre resten van administra tie endc handelinghe, die wylen de voornoemde Pieter zyn vader ghehadt heeft. ende wies men hen schuldich ende tachter es totendach van he- den binnen den lande ende grael'scepe van Vlaenderen, ende principalic een schult die sculdich is een ghenaempt Ber- naert de Bleeckere, naer 't inhauden van zekere obligatien daer af wezende, ende ooe allen resten van pachlen ende ren- ten, ooe andere schulden wylen zyne vadere ende hem tach- terbleven, omme die te recouvrerene , innene ende ver- eryghen, ende die te applycquerene ten behoeve van den voernoemden Phlips endezyns actie hebbende, hem daer inné te moghenbcsongnierenaîsoft de voornoemden Meester Chris- tofles in persoene dat ghedaen hadde, renunchierende van ai den voernoemden reehten als ten behonve van den voernoem- ( !) Le mol alias a été substitué par \c scribe au mot ghezeit qu'il avait écrit d'abord. (2) Mémo observation qu'a la Note 1. ( 382 ) denPhlips in den name alsboven ende ter causen van zekcren appointement van recompensien in minderinghen van douai- ris der voernoemde jonckfrouw Avezoete Van Herzelle zynder huysvrouwen, wedeive van wylen Pieler zynder vader , ghe- maect by den voomoemden wylen Pieter voert daengaen van haren beeder huwelic , ende dinhauden van der briefven daer afghemaect ende ghepasseert, ende anderssins in recompen- sien van zekerebaghen ende juelen haren persoen aenclevende ; mids welcken douairis de voornoemde jonckfrouw gherenun- chieert heeft 't voernoemde sterfhuys ende ute gebleven. XXX. (1545, 28 januarij.) Beatris Van Zallaken, weduive was van wylen Henricx Van der Wyen , met Henricke Vermeere, ejus marito et tutore nu ter tyt; Gorys ende Henri ck Van der Wyen, gebruederen, heure ende des voorschreven wylen Henricx Van der Wyen wettige sonen; Marie Van der Wyen, heurlieder suster, met Janne Van Ederom, schoenmakere, ejus marito et tutore; ende Katlyne Van der Wyen; oie heurlieder suster, met Jo- rise VanWinten, cleermakere,e/«s marito et tutore ; vercoch- ten heeren Clase Van den Dycke, Janssone wylen, priester ende onderprochiaen in Sint-Joris kerk alhier, 't 'sjaers erf- lick achte karolus guldenen, goet van goude, op een huys, etc., etc., in de Meerstege, achter Jhesus-Cappelle alhier, tus- schen des Godshuys van den negene oude vrouwen, ex una, ende Gheerdts de Valckenere erve was, nu ter tyt Henricke de Lathoudere toebehoorende, ex altéra, etc. ( 383 ) XXXI. (1422, 5 deceipbris.) lieynere Van der Wyen, ex una , et Mabelie Bouts, syn wyf, cum tutore delicentia mariti, ex altéra, maectcn malcanderen haer huys, met hove, gronde, etc. , geheeten 'tftuys van Vrie- sele, gestaen op te Vlemincstrate, tusschen 't huys Van Malle ende Jans wyfs huys Van den Zande, etc. Reynere voirseit gaf ende maicte na syn lyf Zander ende Gheérde sinen natuerlicken zonen aile de goede die hi achter- latcn sal, boven, etc. XXXII. ( 142Ô, 14 januarij [1424 , n. s.].) lieynere Van der Weyen, metsere, se trouve parmi seize personnes, qui se présentent comme cautions de Hugo Wil- lenisone, constructeur de bateaux. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Commissions royales d'art et d'archéologie. — Bulletin, IIIe année, décembre. Bruxelles, 1864; in-8°. Sinclair {Edward B.). — Quelques observations sur l'admi- nistration de la vapeur de chloroforme dans la pratique des accouchements; traduit de l'anglais par le docteur André Uyt- terhoeven. Bruxelles, 186o; in-8°. Revue de la numismatique belge. — Quatrième série, t. III, lrc livraison. Bruxelles, 1805; in-8n. ( 384 ) Messager des sciences historiques, ou archives des arts et delà bibliographie , année 1864, 4me livraison. Gand; in-8°. Société archéologique de Namur. — Annales, tome VIII,* 4e livraison; — Rapport sur la situation de la société en 1864. Namur; 2 cah. in-8°. Journal historique et littéraire, 51mc année, 44melivr. Liège, 4865;in-8°. De Vlaemsche school, tijdschrift voor kunsten, letteren, wetenschappen , oudheidskunde en kunstnijverheid. Année 4865. Blad 1-5. Anvers, 4865; 5 feuilles in-4°. Revue de l'instruction publique en Belgique. — XIIlme an- née, nouvelle série, tome VIIIe, nos 4-5. Bruges, 1865; 3 cah. in-8°. Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. — Journal de médecine, de chirurgie et de pharmocologie. 25e année, 40e volume, janvier à mars. Bruxelles, 1865; 5 cah. in-8°. Annales de médecine vétérinaire, XIVe année, 1 à 5e cah., janvier à mars. Bruxelles, 1865; 5 broch. in-8°. Annales de médecine vétérinaire , XIVe année, 1 à 5e cah. Bruxelles, 4864; broch. in-8°. Société de pharmacie de Bruxelles. — Bulletin , 9e année , nos 4 à 5. Bruxelles , 4865 ; 5 broch. in- 8°. Société de médecine d'Anvers. — Annales, XXVIe année, livr. de janvier à mars. Anvers, 4865; o broch. in-8°. Société de pharmacie d'Anvers. — Journal de pharmacie, 24e année, janvier à mars. Anvers, 4865; 5 broch. in-8°. La Belgique horticole. — Journal fondé par Ch. Morren et rédigé par Edouard Morren. Année 4865, janvier à mars. Liège; 5 broch. in-8°. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1865. — N° 4. • CLASSE DES SCIENCES, Séance dit ier avril 1865. M. Nerenburger, directeur. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents: MM. d'Omalius d'Haï loy, Wesmael, Stas, De Koninck, Van Beneden, Ad. de Vaux, Gluge, Duprez, Brasseur, Poelman, Dewalque, Ern. Quetelet, Maus, Gloe- sener, Candèze, Coemans, membres; Lamarle, Kekulé, associés; Donny, Ed. Morren, correspondants. 2me série, tome xix. 26 ( 386 ) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur communique un rapport de M. Dupont sur les fouilles exécutées pendant les deux derniers mois dans les grottes de la province de Namur. (Commissaires : MM. Van Beneden, Dewalque et Poelman.) — M. le baron Gericke, ministre des Pays-Bas, trans- met un exemplaire des feuilles 5, 4,8, 11 et 17 de la Carte géologique de ce royaume, récemment publiées par le dé- partement néerlandais de la guerre. L'Académie royale des sciences de Berlin et la Société de biologie de Paris font parvenir leurs dernières publi- cations* — Remercîments. — La société royale des sciences de Gottingue et l'ob- servatoire de Kremsmunster remercient l'Académie pour l'envoi de ses Mémoires et de ses Bulletins. — M. Linster, attaché à l'observatoire de Pulkowa, en Russie, fait parvenir les résultats de ses observations sur la floraison, la feuillaison, la fructification et la chute des feuilles dans cette localité, pendant l'année 1864. M. le professeur Rigouts-Yerbert communique les mêmes résultats pour le Jardin botanique d'Anvers. M. Bernardin transmet ses observations sur l'état de la végétation, à Melle, près de Gand, le 21 du mois de mars dernier. — M. le secrétaire perpétuel indique les époques de quel- ques grandes apparitions d'étoiles filantes qui n'avaient pas été signalées jusqu'à présent et dont il doit la communica- tion à M. Alexis Perrey, de Dijon. Deux ou trois de ces apparitions avaient déjà été rappe- ( "'87 ) 1res par lui dans son catalogue des étoiles niantes, mais les citations de M. Perrey contiennent de nouveaux ren- seignements. Les voici avec les indications non signalées. « Anno Domini incarnationis 1388, indictione XI, Januario mense, die octava, serotina hora una et semis visae fuerunt a parte occidentis stellae ire per coelum, so- nitu horrifico versus Neapolim, et Cajetam, quae quidem stellae claritateerant praefulgidae, et tanti splendoris, ut quando earum discursus fiebat, esse videbatur médius dies; quantitate erant indiscretae : nam aliquae ipsarum tantae quantitatis cernebantur, ac si essent magnae trabes igneae, innumerae fuerunt » (suivent des points). Anonymi Cassinensis Chron., Muratori , op. cit., t. V, p. 75. « Eodem anno (MCXCIX) ninxit valde fortiter de mense Augusti in Bononia, et duravit tribus diebus magnum fri- gus, quod fuit repulatum magna novitas. » (Matthaei de Griffonibus, memorialehistor., Muratori, t. XVIII, p. 108). « MCXCIX. In questo anno di Agosto nevicô in Bolo- gna, e durô gran freddo per tre di. » (Cronica di Bologna, Muratori, t. XVII I, p. 242). « A di 17 e a di 18, del mese di Giugnodi questo anno 14oo, fu gran freddo, nebbia, pioggie, e nevi in alcuni luogbi délie montagne di Bologna. La maggior parte délie persone si misero i vestiti del verno , e i mantelli intorno, e stavano al fuoeo. » (Même chronique, 1. c, p. 717). « Eodem anno (1443), die 3Maji in Festo Sanctae Crucis 'hora tertia fortiter ninxit in civitate Placentiae, et fuit ma- gnum frigus. » (Ann. Placentini, Muratori, t. XX, p. 878). « Eodem anno (1470) die septima februarii frigus ingens regnavit : quod visum fuit mirum, quia toto mense Januarii fuit pulvisin itinere, et violae in dumis reperiebantur, et usque ad illam diem tempus fuit calidum. » [Mêmes anna- les, 1. c, p. 929.) ( 388 ) — Le secrétaire perpétuel dépose les ouvrages manu- scrits suivants : 1° Mémoire sur la résistance des matériaux à la rupture transversale ; par M. le capitaine du génie E. RotFiaen. (Commissaires : MM. Lamarle et Maus.) 2o Essai sur une nouvelle méthode de campement pour les troupes à pied; par M. le capitaine d'état-major Al- fred Bouillet, et : Essai sur un nouveau système de campement pour les troupes à cheval; par le même. (Commissaires : MM. le gé- néral Nerenburger et le major Liagre.) 5° Mémoire sur la transformation des séries et sur- quelques intégrales définies; par M. E. Catalan. (Commis- saires : MM. Schaar, Lamarle et Brasseur.) 4° Nouvelles remarques sur la glyceria du groupe helco- chloa avec la description d'une espèce inédite; par M. Cre- piu. (Commissaires : MM. Coemans, Spring et Wesmael.) RAPPORTS. Sur le squelette de l'extrémité antérieure des cétacés; par M. le docteur Van Rambeke. Rapport €ic m. Van MSeêieden. « M. Van Rambeke a présenté à l'Académie un mé- moire sur le squelette de l'extrémité antérieure des cétacés. Depuis longtemps nous avons remarqué que l'étude des membres des cétacés n'avait pas élé faite avec tout le soin qu'exige le sujet; qu'il y avait là une lacune à combler. ( 389 ) — A notre avis, la nageoire de ces mammifères devait avoir, pour la vie aquatique, non pas précisément l'impor- tance de l'aile de l'oiseau pour la vie aérienne, mais ;iu moins une valeur proportionnée à la part qu'elle prend à la locomotion. Les globécéphales ont des nageoires lon- gues et effilées, les Béluga les ont au contraire courtes et tronquées. Cette grande différence nous avait engagé depuis longtemps à rassembler des matériaux que l'on trouve rarement bien préparés pour cette élude. — Il faut attendre patiemment des occasions favorables (1). M. Van Bambekc ne s'est pas laissé rebuter par les diffi- cultés de cette étude et il a mis à profit le petit nombre de squelettes qu'il avait à sa disposition. — A voir le parti qu'il en a tiré, nous regrettons, dans l'intérêt de la science, qu'il n'ait pu en étudier davantage. — Ses observations sont en général justes, et les descriptions démontrent qu'il voit encore autre chose que l'os qu'il a sous les yeux. En parlant de l'humérus, nous ferons toutefois une question à l'auteur. Est-il bien vrai que cet os a subi une lïexion chez tous les cétacés, que son bord antérieur est toujours droit ou légèrement convexe et le bord postérieur (1) Nous ferons remarquer ici que si nous voyons poindre, dans le cours de la vie embryonnaire, la nageoire de la même manière chez les divers cétacés, chaque espèce a toutefois dès le début sa forme particulière. — Une nageoire longue et en forme d'aile présente d'emblée ses carac- tères propres. — Nous avons sous les yeux un fœtus de globécephale , qui n'a pas plus de trente centimètres de longueur, et dont la nageoire pecto- rale est aussi caractéristique que chez l'adulte. — Les vertèbres cervicales , qui sont soudées à l'état adulte chez plusieurs cétacés, sont déjà toutes sou- dées quand il n'existe encore que des cartilages. Le mot de soudure on de coalescence, impliquant l'idée de fusion entre divers os, est tout à fait impropre ici. ( 590 ) toujours concave? Je prierai M. Van Bambeke de compa- rer l'humérus de l'Orque avec celui du Narval et du Béluga. C'est avec beaucoup de raison, me semble-l-il, que l'au- teur signale la grosse tubérosité de l'humérus, comme étant plus volumineuse chez les cétodontesque chez les baleines. De toutes les parties du membre, c'est le carpe qui pré- sente le plus d'intérêt, et l'auteur a eu raison de recourir aux recherches de Gegenbaur sur le carpe des Batraciens, pour établir un point de comparaison. — Malheureuse- ment, M. Van Bambeke n'a pas pu voir un nombre suffi- sant de nageoires, et il a dû s'en rapporter à des disposi- tions individuelles. — Ainsi, pour lui, le nombre des os carpiens varie de un à sept, et il cite comme exemple le squelette d'Orque qui se trouve aujourd'hui au Musée de Gand, et dans lequel il n'a trouvé qu'un seul os carpien. — Dans le squelette d'un Orque mâle du Musée de Louvain, et qui vient aussi du cabinet de Paret, nous trouvons les trois os carpiens ordinaires du procarpe, et, comme nous avons conservé toute la main cartilagineuse, nous venons de faire mettre toute cette pièce en macération pour nous assurer (ce que nous pensons) si nous ne découvrirons pas les deux os ordinaires du mésocarpe. Ce qui démontre bien qu'il y a là des dispositions indivi- duelles qui peuvent quelquefois disparaître avec l'âge, c'est que nous trouvons, dans un jeune hyperoodon, qui est au- jourd'hui au Musée de Bruxelles, un os unique dans le méso- carpe, tandis que dans un autre hyperoodon adulte, qui est, je crois, à Stuttgart, le procarpe et le mélotocarpe réunis en ont également huit (1). Gegenbaur parle d'une Pteroba- (1) Vrolik n'en compte que sept (trois à la première et quatre à h seconde) dans l'exemplaire échoué à Zantvoord. ( 591 ) lœna minor, avec deux os dans le procarpe et un os unique dans la deuxième rangée carpienne, tandis que nous confir- merons l'observation de M. Van Bambeke qui accorde trois os à la première rangée et deux au mésocarpe, d'après l'exemplaire de Gand. — Dans la Pterobalœna minor de Bergen, comme dans un autre exemplaire qui est à Lou- vain et qui vient du Groenland, nous trouvons également deux os au mésocarpe. Nous sommes frappé de la ressemblance complète des os carpiens dans le Delph. eschrichtii de l'Université de Gand et celui de l'Université de Louvain, et l'arrangement des cinq os dans cette espèce, trois pour le procarpe et deux pour le mésocarpe, nous fait mieux comprendre aussi le carpe du Delph. albirostris, que nous avions interprété autrement. — Dans cette dernière espèce, le premier mé- socarpien se place entre les deux os antérieurs du pro- carpe et va s'articuler avec le radius, à côté d'eux'. — Dans le Delph. eschrichtii, c'est le second mésocarpien qui va s'articuler avec le cubitus en écartant le second procar- pien du troisième. M. Van Bambeke représente avec raison, nous semble- t-il, le carpe idéal des delphinides, avec trois pièces dans le procarpe et deux dans le mésocarpe , mais nous n'ose- rions pas en dire autant du carpe idéal des baleines, puis- que lui-même, dans la Pterobalœna minor, signale le même nombre que dans les Dauphins. Quant à la nomenclature, il me semble convenable et utile d'adopter, d'après Gegenbaur, le nom de radial, poul- ie premier procarpien, c'est-à-dire le scaphoïde; le nom de cubital et non de ulnal pour le troisième, c'est-à-dire le pyramidal, et le nom d'intermédial , pour l'os du milieu ou le semilunaire. ( 392 ) M. Van Bambeke se demande, en terminant, si l'on ne pourrait pas tirer parti de quelques-unes des dispositions anatomiques des membres et surtout de la forme, pour la classification des cétacés, et il propose de diviser ces ani- maux exclusivement d'après leurs nageoires, en : Am- blyptères, Colobaptères et Oxyptères, puis de les subdi- viser en Platyptères, etc. .4 priori nous dirions : si on voulait diviser les oiseaux exclusivement d'après leur vol, ou plutôt d'après la con- formation de leurs ailes, on rapprocherait, par exemple, la plupart des Rapaces, des Colibris, des Martinets et de plu- sieurs palmipèdes, et Ton aboutirait à une classification telle que les anciens naturalistes en présentaient à tout instant; en ne prenant pour base qu'un organe, on ne peut aboutir qu'à une répartition artificielle, à une classification systé- matique. En jetant les yeux sur le tableau qui accom- pagne le 'mémoire de M. Van Bambeke, je vois les Orca en tête du tableau, les Globicephales , qui ont cependant bien des rapports avec eux, à la queue, et les Monodon, séparés des Béluga, dont ils sont à peine distincts généri- quement, par les Platanist.es et les Inia, dans deux grou- pes différents, le premier dans les Ptéroptères, le second dans les Plagio-coloboptères. En résumé, l'auteur donne des preuves de connaissances anatomiques, il prouve qu'il sait observer et comparer, et, comme nous sommes persuadé que plus d'un natura- liste trouvera dans ce travail des rapprochements heureux et.des observations intéressantes, nous n'hésitons pas à en demander l'impression dans les mémoires de l'Académie. » ( 595 ) ttappot'l de M M*orltnan. « J'ai lu avec attention le mémoire sur le squelette de l'extrémité antérieure des cétacés, que M. le docteur Van Bambeke a présenté à la classe. Je partage l'opinion émise par mon savant collègue, M. Van Beneden, sur le mérite de ce travail, et je suis d'accord avec lui pour en proposer l'impression dans les Mémoires in-8", ainsi que de la planche qui l'accompagne. » Conformément aux conclusions de ses commissaires, la classe ordonne l'insertion du travail de M. Van Bambeke dans la collection in-8° de ses Mémoires. Sur la nervation de plusieurs espèces de Crataegus, par M. Alfred Wesmael. 0tfij)/>oit de M. Etlouat'd Wortv», « L'attention de M. Alf. Wesmael a été dirigée vers la nervation des feuilles par une communication de M. De Candolle au congrès de la Société helvétique des sciences naturelles qui a été tenu à Zurich, le 22 août 1864, et publiée dans les actes de cette session. Il résume la notice de M. De Candolle dans la première partie de son écrit. Puis, prenant pour point de départ une observation publiée, en 1845 (dans le Prodrome IX, 558), par M. De Candolle et relative à l'aubépine, il l'étend à plusieurs autres espèces du genre Crataegus. En vérifiant dans notre herbier les faits signalés par M. Wesmael et par M. De ( 394 ) Candolle, il nous a paru que cette particularité, de voir les nervures secondaires se diriger vers les sinus, était plus manifeste et plus caractéristique chez les espèces de Fagus, où elle a été signalée, que chez les Crataegus. Cepen- dant, les botanistes liront avec intérêt la courte note de M. Wesmael , et nous proposons , en conséquence , à la classe de bien vouloir en ordonner l'impression dans le Bulletin. » Conformément à ces conclusions, auxquelles souscrit M. Constantin Wesmael , second commissaire, le travail de M. Alfred Wesmael sera imprimé dans le Bulletin. Dans une des séances précédentes, M. Stas avait pré- senté un mémoire sur le poids atomique des corps. M. Ke- kulé, nommé avec MM. De Koninck et Melsens pour en faire l'examen, a développé les principales conclusions de ce travail et en a fait ressortir les points les plus impor- tants. M. De Koninck a adhéré au rapport de son confrère; et, conformément à leurs propositions , la classe a ordonné l'impression du travail de M. Stas dans ses Mémoires, ainsi que celle des planches qui l'accompagnent. Des remercî- menls ont été votés, en même temps, à l'auteur pour la présentation de ses recherches. ( 395 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les époques comparées de la feuillaison et de la florai- son à Bruxelles et spécialement à Stetiin et à Vienne; par MM. Ad. Quetelet, Linster de Pulkowa, et Cli. Fritsch de Vienne. . L'observation de la floraison et des principales circon- stances que présentent les plantes en se développant, a, de tout temps, fixé l'attention des naturalistes et des hom- mes instruits qui suivent avec intérêt les transformations qu'offre la nature. Il en est de même des phénomènes périodiques qu'on observe chez les animaux ; l'homme aussi n'échappe point à cette influence, comme l'indiquent, en particulier, les faits qui concernent les naissances et les décès pendant les différentes saisons. Seulement, les phénomènes périodiques sont en général si compliqués, ils dépendent de tant de causes différentes, que les naturalistes les plus distingués en avaient aban- donné l'étude après des essais infructueux. En 1750, 1751 et 1752, le célèbre Linné crut, dans ses Aménités académiques , devoir appeler l'attention sur ce genre de phénomènes. Cet habile observateur expliqua fort bien les précautions à prendre pour arriver au but, mais il ne put, malgré ses efforts, parvenir à déterminer ses amis à suivre la marche qu'il leur indiquait. Cet insuccès, provenait, du reste, bien moins des observateurs que du défaut d'appréciation des causes influentes et, particuliè- rement, du manque encore général de savoir établir les moyennes, problème nouveau à cette époque, surtout dans ce genre de recherches. ( 396 ) Les sciences depuis lors ont progressé, surtout pour la détermination des probabilités qui concernent les faits les plus importants de la nature : ces recherches soulèvent souvent des difficultés mathématiques encore peu étudiées; c'est ce qui explique pourquoi les premières tables de mor- talité out dû être construites, non par des naturalistes, mais par des mathématiciens. L'astronome Halley calcula la première table, et ce furent aussi des astronomes qui calculèrent ies premières tables de survie et de population, que l'on vit paraître dans les diîférents pays. Ces sortes de calculs impliquent des problèmes, que ne résolvent pas toujours les calculateurs; mais qu'un œil exercé entrevoit sans peine. Le désir d'étudier le problème général des phénomènes périodiques tourna naturellement mon attention vers le domaine des sciences naturelles, et vers les méthodes qui s'étaient établies déjà dans le domaine relatif à l'homme. Cependant, par la crainte de m'égarer,, je crus devoir prendre l'avis d'hommes distingués dont le suffrage m'était nécessaire; je m'adressai à MM. Robert Brown, sir J. Her- schel, Berzélius, de Humhoklt, de Martius, etc. Ces sa- vants voulurent bien m'aider de leurs conseils, et avec l'appui obligeant que j'obtins de la plupart de mes collè- gues de r Académie royale de Belgique, je ne craignis pas d'entreprendre mes recherches dès l'année 1859. Je n'ai point cessé ces travaux depuis cette époque, et de nombreux savants, soit en Belgique, soit à l'étranger, vou- lurent bien, avec la facilité des relations qui existent au- jourd'hui, me communiquer les résultats de leurs études. MM.Ch.FritsehelKreil commencèrent,;! Prague, en 1810, peu de temps après nous; et l'Angleterre, la France, l'Al- lemagne, la Russie, et d'autres pays voulurent bien aussi publier successivomenl les résultats de leurs observations. ( ">97 ) 11 en résulte que nous pouvons aujourd'hui comparer les résultais obtenus pendant plus d'un quart de siècle. A défaut de naturalistes exercés dans ces appréciations, j'ai essayé de présenter un premier résultat sur les phénomè- nes périodiques des plantes et des animaux; il est basé sur des observations laites pendant les vingt années de 1841 à 1860 et forme le chapitre Y de mon ouvrage Sur la physique du globe, publié dans le cours de 1801 (1). Depuis cette époque, M. Cb. Linster, aide à l'Observa- toire impérial de Saint-Pétersbourg, a bien voulu me communiquer obligeamment son intention de faire un travail général sur l'appréciation des époques naturel- les. Je n'ai pu accepter qu'avec reconnaissance son offre obligeante, et l'on jugera déjà, par l'aperçu suivant, du tra- vail qu'il veut bien nous faire espérer et des résultats inté- ressants qu'il promet à la science. Je reproduirai ensuite l'extrait d'une lettre de M. Charles Fritsch dont je viens de parler et qui, de son côté, recueille, pour toute l'Autriche, les observations sur les phénomènes périodiques des plantes. J'avais été désigné , il y a cinq ans, avec ce savant, au congrès statistique de Vienne, pour régulariser , au congrès suivant de Londres , les recherches à effectuer dans les différents pays et pour tâcher de fixer d'une manière générale le système d'ob- servations. Voici d'abord le plan des recherches que M. Ch. Lins- ter se propose d'établir en Russie; nous le laisserons parler lui-même : « J'ai vu avec plaisir, par votre honorée lettre, que vous préparez un travail sur l'ensemble de vos observations. J'accepte avec la plus vive reconnaissance votre offre bien- (1) Un volume in-4°, publié chez M. Hayez, à Bruxelles. ( 398 ) veillante de me faire parvenir vos travaux , dans le cas où cela ne vous causerait aucune difficulté. » Aussitôt après la réception de votre lettre, j'ai com- mencé le travail et, prochainement, tous les matériaux seront mis en ordre. Dans ce but j'ai déduit l'année nor- male de Bruxelles des observations de 1841 à 1860, comme suit dans l'annexe I. Le tableau II donne la marche de la végétation, relativement à l'année normale pour les diverses années séparées. J'ai pensé que toutes les plantes, pour lesquelles une phase de végétation d'au moins dix ans a été observée, pouvaient donner une valeur moyenne, et que, pour celles qui ont été observées moins de dix an- nées, la valeur moyenne peut être corrigée parle tableau II, et, par là, le nombre des objets pour la floraison augmente jusqu'à cent. » J'ai commencé ensuite à comparer la marche de la vé- gétation dans les différents lieux d'observation avec celle de Bruxelles, et cela de la manière suivante : » Je prends par exemple Tannée 1852, Bruxelles- Stettin. FEUILLAISON FEUILLAISON STETTIN Nombre Résultat 1852, à Bruxelles : 1832, à Stettin : moins des du époque de l'année. époque de l'année. BBUXBLLES. plantes. calcul. 34 96 Jours. 62 1 67 48 103 55 1 59 66 106,0 40 2 48 83,5 429,3 45,8 6 39 95,0 426,0 31,0 2 32 105,9 432,3 26,4 44 26 114,7 432,9 48,2 6 20 127,7 438,7 44,0 3 13 431,0 1 140,0 9,0 1 11 ( 399 ) » Si l'on traite maintenant les quantités Stetlin-Bruxelles, en tenant compte des poids par les moindres carrés , et en supposant que la marche à Stettin, par rapport à Bruxelles, puisse se représenter par une ligne droite, on obtient l'égalité pour 1852 : Stellin - Bruxelles = -+- 29,1 - 0,57b {t — 100), t indique le jour de Tannée où la feuillaison a eu lieu à Bruxelles. » Quand le coeilicient de (t — 1 00) est négatif , la marche de la végétation est plus rapide qu'à Bruxelles ; pour un coefficient positif, la marche est plus lente qu'à Bruxelles. La dernière colonne donne des grandeurs calculées d'après cette formule, dont les différences avec les grandeurs observées peuvent être attribuées à des erreurs d'observa- tion, comme cela a lieu pour les corps célestes. Ainsi pour Munich et Stettin, on a les égalités suivantes : Munich — Bruxelles. Stettin — Bruxelles. 1847 = H- 30 — 0,72 (/- - 100) -+-20 — 0,44 (f— 100) 1848 -+-17 — 0,93 » -f- 12 — 0,27 » 1849 -+-29-0,76 » -+- 25 — 0,47 » 1850 -+- 19 — 0,46 » -+-24 — 0,40 » 1851 -+• 1 —0,56 » -+-15 — 0,56 1852 -+-50-0,08 -+- 29 - 0,57 » » A Munich et à Stettin, la marche est plus rapide qu'à Bruxelles; mais à Munich, dans les six cas, elle est plus rapide qu'à Stettin. » Je me suis déjà convaincu que toutes les recherches que je pense entreprendre plus tard peuvent s'appuyer sur de pareilles équations. Les phases de la floraison peuvent se traiter d'une manière tout à fait analogue, cependant il parait que l'on doit séparer les flores de printemps, d'été et d'automne. Comme exemple, je prends l'année 1840 ( 400 ) (Munich — Bruxelles), où chaque nombre esl la moyenne de cinq observations. FEUILLAISON FL0R 4IS0N à Munich. à Bruxelles. à Munich. à Bruxelles. 38,2 • + 72,0 17,4 -+- 60,0 55,0 -l- 55,8 35,0 . 48,0 57,2 -+- 61,2 58,0 41,8* 59,6 -+- 52,4 65,4 ' 52,8 64,8 -4- 49,4 74,4 36,2 71,8 -h 43,6 84,2 35,6 82,6 -+- 33,4 92,2 36,2 87,2 H- 27,8 101,4 20,2 100,8 -r- 16,4 105,4 34,6 108,4 4- 8,0 107,6 24,4 119,0 + 11,2 110,0 28,2 113,2 120,6 • 17,6 20,6 124,4 17,8 * Le Buxus sempervirens est écarté. " L'helianthus et le colchicum sout compris tous deux avec un poids ili: ils sont em- ployés de même pour les autres stalions. (Nous avons cru devoir écarter les tableaux particuliers , pour ne donner que les résultats.) A. O. 127,0 130,8 140,5 146,2 151,0 12,6 12,0 10,7 20,4 6,4 156,2 22 163,8 — 2,4 168,8 * -+- 1,2 185,6 — 12,6 233,8 — 13,5" » Comme on le voit ici, il paraît qu'en général la florai- son et la feuillaison aux diverses stations ne diffèrent pas entre elles autant qu'à Bruxelles : dans cette dernière ville même, la floraison et la feuillaison diffèrent peu l'une par rapport à l'autre relativement à la végétation normale. ( 401 ) » J'espère coordonner tous mes matériaux de manière à pouvoir en déduire des résultats généraux, poser des lois, et terminer mon travail pour l'hiver prochain. » — Voici maintenant l'extrait de la lettre que veut bien nous adresserai. Fritsch, de Vienne, relativement, aussi, à l'observation des phénomènes périodiques des plantes : « Permettez-moi de vous communiquer les résultats des recherches que j'ai entreprises récemment, et qui se rap- portent aux observations des phénomènes périodiques des plantes faites dans plusieurs stations, par les observateurs qui sont en relation avec notre Institut. Cesobservalions ont été recueillies depuis l'année 1853 jusqu'en Tannée 1862, et embrassent, par conséquent, un espace de dix années. Je me suis arrêté à cette époque, quoique les observations continuent encore, parce que cette période correspondait avec mes observations faites dans le Jardin botanique de Vienne et dans les environs de cette ville. Toutes les obser- vations sont faites d'après le plan uniforme de notre Institut impérial de météorologie, fondé vers la fin de l'année 1851. Le nombre des stations où l'on observe actuellement est considérable : il atteint le chiffre de cent trente; mais le nombre des stations, où les observations pour le terme de dix années ont été recueillies, est très-petit, et le nombre des stations, où les observations ont été faites pour une période de cinq ans, ne dépasse pas quarante. » J'ai calculé, premièrement, l'époque moyenne de la floraison de toutes les espèces d'arbres et arbrisseaux ob- servés à chaque station; quant aux plantes, je me suis borné au petit nombre d'espèces recommandées dans l'in- struction publiée en 1859. » D'après mes recherches préalables, la détermination 2mc SÉRIE, TOMF XIX. 27 ( 402 ) de l'époque moyenne de la floraison des arbres et arbris- seaux exige au moins cinq années d'observations, c'est pourquoi j'ai fait usage de cette période; quant aux plan- tes, j'ai pris les époques moyennes dont l'erreur probable ne dépassait pas trois jours en plus ou en moins. » Je me suis proposé de déterminer, sur l'époque moyenne de la floraison des plantes, l'influence de la hau- teur au-dessus de la mer. J'ai combiné, à cet effet, deux à deux des stations différentes en altitude, mais dont la lati- tude et la longitude correspondaient à peu près, ou diffé- raient tellement peu, que l'on put négliger la position géographique. J'ai comparé le temps moyen de la floraison pour chaque plante , et j'ai calculé la différence moyenne du temps de floraison = b — b' pour toutes les plantes par chaque combinaison de deux sta lions. » J'ai calculé ensuite la valeur de b — b' pour la diffé- rence de hauteur = h — /i' = 100 toises. J'ai obtenu ainsi 6,1 jours pour les arbres et arbrisseaux, et 4,6 jours pour les plantes, comme retard moyen de l'époque de flo- raison pour cet accroissement de hauteur. Mais les valeurs de ce retard sont peu concordantes quand on les déduit séparément de chaque combinaison de deux stations, bien qu'on ne puisse attribuer la différence au nombre insuffi- sant des plantes. » Les chiffres que j'ai obtenus varient encore d'après la position relative des deux stations, et cette variation dé- pend de l'exposition du terrain où l'on observe : si la sta- tion la plus élevée est placée vers l'est, et la station infé- rieure vers l'ouest, ou si la station supérieure est vers l'ouest et la station inférieure vers l'est, les valeurs sont, pour le premier cas, 5,7 et 5,4 jours pour les arbres et les plantes, et pour le second, 6,9 et 5,9 jours. L'influence de ( 403 ) la hauteur est «loue plus grande avec l'exposition vers l'est qu'avec l'exposition contraire. » J'arrive à la détermination de l'influence de la latitude géographique. J'ai groupé, à cet effet, deux à deux les sta- tions dont la longitude géographique est assez peu diffé- rente, pour que l'on puisse négliger cet élément. » Pour calculer l'influence de la différence de la latitude = [5 — fi' = 1 degré, je me suis servi de la formule sui- vante : cnr(&_6')_0,06*(ft-A'n a = OU et j'ai trouvé a*= 2,9 jours pour les arbres et arbrisseaux, et a! == 5,8 pour les plantes comme retard moyen de l'époque de floraison, pour un degré d'accroissement de latitude. Ces valeurs sont extrêmement variables dans les diverses combinaisons de deux stations. La méthode de calcul est la même que pour l'influence de la hauteur. » Quoique l'on ne puisse attribuer qu'une très-petite in- fluence à la longitude géographique sur l'époque moyenne de la floraison, i'ai cru utile de déterminer l'influence de cet élément. A cet effet, j'ai groupé deux à deux les stations dont la latitude géographique était très-peu différente, afin de pouvoir négliger l'influence de cet élément. J'ai calculé, dans toutes les combinaisons de deux stations, la différence moyenne de l'époque de la floraison pour toutes les plantes par un degré de différence de longitude = 1 — A' d'après la formule suivante : / = 00 r (6 — 6')— 0,001 {h — li'y je trouve 0,4 jour comme retard moyen de la floraison ( 404 ; des arbres et des plantes pour un degré d'augmentation de longitude. Quand on considère séparément les combinaisons des stations deux -à deux, les valeurs sont peu concordantes; mais comme le nombre de groupes est considérable, je pense que la valeur moyenne est exacte, comme les valeurs que j'ai données déjà pour la hauteur, au-dessus de la mer et pour la latitude géographique. » A l'aide de ces trois valeurs constantes, j'ai calculé, pour chaque station, le nombre de jours d'avance ou de retard sur l'époque moyenne de la floraison pour la position géographique et l'altitude de Vienne. La somme de ces trois valeurs et du temps moyen de la floraison à chaque station devait être constante pour la même espèce de plantes et s'accorder avec l'époque moyenne de la floraison à Vienne. » La concordance supposée se reconnaît en effet. L'épo- que moyenne de la floraison pour chaque station, réduite à la position géographique et à l'altitude de Vienne, diffère de1 peu de jours pour les arbres et les arbrisseaux , mais cette différence est plus grande pour les plantes. » L'examen de mes résultats fournira, je pense, les ma- tériaux nécessaires pour une instruction utile aux obser- vations, puisque j'ai calculé l'écart moyen de l'époque de la floraison, rapporté à la position géographique et phy- sique de Vienne, pour un grand nombre de plantes. y> Le plus grand nombre des espèces d'arbres et d'ar- brisseaux est propre à ce genre d'observations; parmi les plantes on doit préférer celles qui ont un développement individuel égal, comme les diverses espèces de grains, telles que le seigle, secale céréale hybernum, et le froment, triticum sativum hybernum, ou les variétésà grandes fleurs. ( 405 ) telles que la frilillaria imperialis et le Paeonia oflicinalis. » J'ai obtenu enfin, par le calcul, l'écart moyen, pour chaque station, de toutes les espèces de plantes dont l'époque de la floraison a été rapportée à la position de Vienne et comparée avec l'époque moyenne de la floraison des mêmes plantes observées dans cette ville. Cette dévia- tion moyenne devrait être égale à zéro si les différent s de la position géographique et de la hauteur étaient seules agissantes; mais celte concordance n'a lieu que pour les stations où i'écart n'équivaut qu'à quelques jours, autre- ment l'époque moyenne de la floraison est accélérée ou retardée. » Je nomme celte déviation, l'anomalie locale, et il est remarquable que cette anomalie pour les arbres et les plantes de plusieurs stations n'est pas la même, non-seu- lement par rapport à la grandeur, mais encore au signe -+- ou — . C'est pourquoi il faut connaître les causes locales qui agissent sur la déviation, ainsi que l'équation personnelle de l'observateur. » D'après l'état actuel de nos connaissances, il est im- possible, à défaut d'observations pour un lieu, de déter- miner, a priori, l'époque de la floraison dans cette localité, à l'aide des éléments de la latitude, de la longitude et de l'altitude au-dessus du niveau de la mer par rapporta une autre localité pour laquelle les époques de la floraison sont connues. 11 faut donc, pour déterminer cette époque, que les observations se fassent directement, si l'on veut connaître le temps de la floraison. » Les observations se continuent assez régulièrement dans notre pays, et quand des stations cessent, d'autres se forment; ce système est surtout avantageux ici, où l'ano- malie locale joue un si grand rôle. ( 406 ) Je crois utile de vous faire remarquer que lorsque je pu- bliai, il y a quelques années, mes Termische constanten, renfermant les sommes moyennes de température pour la floraison et la fructification des plantes, la petite erreur probable des sommes moyennes laissait présumer que les sommes seraient en accord pour les diverses sta- tions. » J'ai examiné cette supposition; le résultat en a été sa- tisfaisant et, comme preuve, voici les sommes de tempéra- ture pour la floraison de quelques plantes observées dans diverses stations : Acer compestre. It Brùnn. . . 308° R. Schemnitz 507 Vienne 511 Acer tataricum. Schemnitz 485° R. Vienne -478 Amygdalus commun! s S t Brùnn 241° R. Vienne 247 Caslanea vesca Kremsmunster. . . 994° R. Schemnitz 965 » Ces plantes sont les premières dans l'ordre alphabéti- que, et je les ai choisies parmi toutes, parce que l'époque de leur floraison est la plus exactement déterminée. » Enfin, je me suis occupé de déterminer la différence absolue de l'époque moyenne de la floraison de toutes les plantes observées dans les différentes stations et rapportées à Vienne, avec le changement périodique de cette diffé- rence de mois à mois. J'ai trouvé cette différence assez concordante pour le plus grand nombre de plantes, et un changement périodique dans peu de stations seulement. Ainsi, la différence de l'époque moyenne de la floraison pour toutes les stations rapportées à Vienne reste la même depuis le mois de mars jusqu'en juin, période qu'embrasse ( 407 ) la floraison, bien que l'on dût attendre une diminution de la différence de mois à mois. Mais cette conclusion ne concerne que les arbres et les arbustes; quant aux plantes, l'examen n'est pas encore fini. » .\ote sur les hélicoïdes gauches susceptibles de s'appliquer et de se développer les tins sur les autres; par M. Ernest Lamarle, associé de l'Académie. On sait quelle est la condition nécessaire et suffisante pour que deux surfaces puissent s'appliquer l'une sur l'autre, sans déchirure ni duplicature : elle consiste en ce que ces deux surfaces doivent avoir même courbure en leurs points conjugués. S'agit-il, en particulier, des surfaces réglées et gauches? J'ai démontré, par voie géométrique f), qu'en nommant h et h' les distances comptées, sur une même génératrice rectiligne, à partir du point central, la première jusqu'au point quelconque p, la seconde jusqu'au point où le plan tangent fait un angle de 45° avec le plan tangent au point central, la courbure au point p avait pour expression générale r *' t. Partant de là, on établit, sans difficulté, que c'est uni- quement par conjugaison simultanée de leurs lignes de (*) Voir les Bulletins de l'Académie royale de Belgique , tomes V, VI ;t VII. 2me série ' ( 408 ) striction et de leurs génératrices rectilignes que deux hélicoïdes gauches peuvent s'appliquer l'un sur l'autre sans déchirure ni duplicature. On a d'ailleurs, en général, pour un hélicoïde gauche quelconque , h' = db r (cot a — cot 6) 0 r étant la plus courte distance de l'axe à la ligne de stric- tion; a et 6 les angles que font respectivement avec l'axe les parties de la génératrice rectiligne et de la ligne de striction situées d'un même côté par rapport à cet axe. Ces prémisses impliquent directement la conclusion suivante : Les hélicoïdes gauches susceptibles de s'appliquer les uns sur les autres, sans déchirure ni duplicature, sont ceux, et rien que ceux qui satisfont, en même temps, aux deux équations de condition, zb r (cot a — cot 6) = h' = constante ± [ô — a] = y = constante. Traduite en langage ordinaire, voici ce que devient cette proposition : Étant donné un hélicoïde gauche quelconque H, on connaît pour cet hélicoïde : 1° L'angle y sous lequel se coupent, d'un même côté par rapport à l'axe, la ligne de striction et la génératrice rectiligne. 2° La distance h' comprise sur la génératrice rectiligne (*) Il suffit tics premières notions de cinématique pour établir immé- diatement cette équation. ( 409 ) entre la ligne de striction et le point où le plan tangent l'ait un angle de 45° avec le plan tangent au point cen- tral (*). Cela posé, les hélicoïdes gauches applicables sur Vhéli- coïde II et, par conséquent, les uns sur les autres, s'ob- tiennent tous en construisant sur une portion de droite égale à h' un segment capable de l'angle y. Ce segment étant tracé, soit m un quelconque de ses points, o et a ses extrémités. Les hélicoïdes mentionnés ci-dessus sont au nombre de deux pour chaque position du point m. Ils se déterminent, comme il suit, en prenant leur axe parallèle à la droite oa : Les cordes ma, mo donnent, en direction, l'une la géné- ratrice rectiligne, l'autre la tangente à la ligne de stric- tion. La perpendiculaire abaissée du point m sur la droite oa donne, en grandeur, la plus courte distance de l'axe à la génératrice rectiligne. Cette construction très-simple est en parfait accord avec celle que j'ai donnée, en 1859, dans ma théorie géométri- que des centres et axes instantanés de rotation. Il s'en suit que deux hélicoïdes gauches susceptibles de s'appliquer l'un sur l'autre, sans déchirure ni duplicature , peuvent, en réalité , se développer l'un sur l'autre dans les conditions purement géométriques que j'ai précédemment établies. On observera qu'on peut prendre indifféremment pour direction de la génératrice rectiligne , la direction de la corde ma ou celle de la corde mo. La tangente à la ligne O On sait que la ligne de striction n'est autre que le lieu des joints centraux. ( 410 ) de striction est parallèle, dans le premier cas, à la corde mo; dans le second, à la corde ma. On voit ainsi comment, à chaque position du point m, correspondent en "même temps deux hélicoïdes distincts; il en résulte, d'ailleurs, que tout hélicoïde gauche détermine par lui seul un autre hélicoïde susceptible de s'appliquer et de se déve- lopper sur le premier. On passe directement de l'un à l'autre en faisant de la tangente à la ligne de striction la généra- trice rectiligne et, réciproquement, de la génératrice recti- Iigne la tangente à la ligne de striction. Cette règle s'ap- plique, en général, à tous les hélicoïdes gauches; il n'y a d'exception que pour ceux où l'axe est coupé par la géné- ratrice rectiligne. La série des hélicoïdes gauches applicables et dévelop- pâmes les uns sur les autres comprend un hélicoïde à plan directeur. En appliquante règle précédente à cet hélicoïde, on reconnaît immédiatement qu'il a pour correspondant conjugué, non pas un hélicoïde proprement dit, mais bien l'hyperboloïde de révolution compris dans la même série. La réciproque étant également vraie, on voit comment, étant donné un hyperboloïde de révolution à une nappe, on peut déterminer immédiatement l'hélicoïde à plan direc- teur et, par suite, la série complète des hélicoïdes gauches sur lesquels cet hyperboloïde peut s'appliquer et se déve- lopper sans déchirure ni duplicalure. ( 411 Considérations présentées par M. Kekulé à l'occasion d'un mémoire de M. Stas : Sur LES LOIS des propor- tions CHIMIQUES. Les recherches de M. Stas ont pour but principal de décider par l'expérience la question suivante : Y a t-il un commun diviseur entre les poids atomiques; en d'autres termes, l'hypothèse de Prout est-elle fondée en fait ? La réponse est on ne peut plus catégorique : Non , il n'y a pas de commun diviseur; les poids atomiques ne sont pas des multiples de celui de l'hydrogène, ni de la moitié, ni du quart, et pas même du huitième de cet élément; ce sont, pour la plupart du moins, des chiffres non commen- surables; l'hypothèse de Prout n'est donc pas fondée. Tout juge impartial doit regarder maintenant cette question comme définitivement vidée , autant qu'elle peut l'être par l'expérience, et conformément à l'esprit des sciences exactes. L'hypothèse de Prout, on le sait, implique l'idée d'une matière première unique. Je ne discuterai pas, pour le mo- ment, le plus ou moins de probabilité de cette idée philo- sophique; qu'il me soit permis, cependant, de faire une observation sur l'hypothèse elle-même. Prout et ses partisans parlent de rapport simple entre. les poids atomiques en général, et ils trouvent cette sim- plicité dans le fait, que les poids atomiques sont des mul- tiples d'une seule et même unité. Admettons, pour le moment, que l'hydrogène étant 1, les poids atomiques soient tous des nombres entiers; peut on parler de rapport simple entre 1 et 23 ou entre 19 et 127? ( 41-2 ) Pour ma part, je n'y vois pas de rapport numérique simple, et je crois qu'en musique nul ne trouvera un te! rapport bien consonnant. Mais au lieu de s'arrêter à ces rapports numériques, qui n'offrent rien de simple, les par- tisans quand même de l'hypothèse de Prout auraient pu y chercher, me paraît-il, une relation géométrique. J'avoue que je ne suis pas partisan de l'hypothèse de Prout, et cependant je me suis occupé quelquefois, dans mes heures de loisir, de cet ordre de spéculations. Je ne suis arrivé à aucun résultat, mais je crois devoir indiquer une considération de ce genre, pour montrer la voie que l'on pourrait suivre. Que l'on suppose les atomes de la ma- tière première répartis dans l'espace d'après de certaines lois de symétrie; que l'on considère des portions régu- lières de l'espace, circonscrivant un certain nombre de ces atomes, on pourrait arriver, en employant des formes qui présentent un rapport simple, à circonscrire des atomes dont les nombres soient en rapport simple aussi. Un octaèdre régulier renfermerait sept atomes; on pourrait y voir le rapport de l'hydrogène au lithium. Dou- blez les axes de l'octaèdre, et vous circonscrirez vingt-cinq atomes, mais le poids atomique du sodium n'est que vingt-trois. On pourrait se tirer d'affaire en admettant des troncatures, mais ce serait ouvrir la porte à l'arbitraire. Si, du point de vue des sciences exactes, la question de l'hypothèse de Prout est définitivement résolue, il n'en est pas moins vrai que les partisans de cette hypothèse peu- vent toujours prétendre que la question philosophique reste intacte; ils peuvent toujours dire qu'il n'est pas impossible qu'une loi simple échappe à nos investigations, par suile de causes perturbatrices encore inconnues. ( 413 ) C'est à ce poinlde vue que s'est placé M. Marignac, quand il dit: « Il ne m'est pas absolument démontré que bien des » corps composés ne renferment pas constamment et nor- d oralement un excès très-faible, sans doute, mais sensible d dans des expériences très -délicates, de l'un de leurs » éléments! » L'objection se trouve réfutée par les expé- riences de M. Stas, qui démontrent que cette cause d'er- reur, si elle existe, n'est pas sensible dans les expériences. Toutefois, l'idée même peut être maintenue, si l'on se ren- ferme dans des limites d'autant plus étroites que les mé- thodes se perfectionnent davantage. On pourrait même, d'un point de vue général, regarder celte idée comme émi- nemment probable. Des considérations sur les forces on pourrait déduire qu'une combinaison ab doit toujours renfermer un certain nombre, quelque minime qu'il soit, de molécules aa, et un autre nombre de molécules bb. On aurait quelque chose de semblable à ce que veut la loi de Berthollet. Ceux notamment qui acceptent l'hypothèse de Williamson, d'après laquelle les atomes dans les combi- naisons sont en mouvement continuel, ne nieront point la probabilité de cette hypothèse. On pourrait aller beaucoup plus loin encore dans ces spéculations, toutefois, en ne perdant pas de vue qu'elles n'ont rien à faire avec les principes, les méthodes et les exigences des sciences exactes et qu'elles appartiennent tout entières au domaine de la philosophie purement spéculative. On pourrait contester, par exemple, que les atomes d'un seul et même élément aient tous exactement la même gran- deur ou le même poids; on pourrait les regarder comme ayant des poids légèrement différents, variant entre des limites excessivement étroites. Les atomes de chaque ( 414 ) élément seraient entre eux comme les graines d'une cer- taine espèce de céréale, ou les œufs d'une espèce d'oiseau; mais ils différeraient de ceux d'un autre élément; comme les graines de deux espèces de céréales ou comme les œufs de deux espèces d'oiseaux diffèrent entre eux. On pourrait dire encore : si les atomes d'un élément donné ne sont pas de grandeur identique, il se pourrait bien que dans une réaction quelconque, dans laquelle une partie de ces atomes entrent dans une combinaison, une autre partie dans une autre; il se pourrait bien, dis-je, que les grands atomes se trouvent de préférence dans l'un, les petits au contraire dans l'autre produit. On pourrait admettre que , dans des réactions de ce genre , il y ait pour ainsi dire un tamisage des atomes. Je n'ai parlé, jusqu'à présent, que de l'hypothèse d'une matière première unique et de la loi de Prout, qui en est l'expression; mais depuis longtemps déjà les savants ont envisagé les rapports des poids atomiques à un point de vue différent. Je citerai en premier lieu Gmelin qui, en s'occupantde ce sujet dans son traité de 1842, dit à peu près ceci : « Les » poids atomiques des éléments appartenant à un groupe » naturel présentent souvent certaines régularités. Quel- » quefois ils sont égaux , quelquefois ils sont des multiples » les uns des autres, quelquefois encore ils augmentent » d'après une progression arithmétique, quelquefois enfin, » le poids d'un des trois éléments, qui forment une » triade , est la moyenne des poids atomiques des deux » autres. » Des idées analogues se trouvent exprimées dans le Traité de chimie de Regnault (édition de 1847). 11 dit : ( 415 ) a M est possible qu'il n'y ait qu'un groupe de corps sim- » pies dont les équivalents soient des multiples de celui » de l'hydrogène, et que, pour tous les autres, leurs équi- » valetUs soient des multiples d'un autre corps simple, ou » même qu'ils soient représentés par une somme dont l'un » des termes soit un multiple de l'équivalent de l'hydro- » gène, et dont les autres termes soient des multiples d'un » ou de plusieurs autres corps simples. » Ces idées, assez négligées pendant quelque temps, ont servi à M. Pettenkofer de point de départ pour des spécu- lations d'un ordre encore différent. Dans un mémoire pré- senté à l'Académie de Munich , le 12 janvier 1850 (et qui a été réimprimé depuis dans les Annalen de Liehig, en 1858), ce savant insiste sur ce que, « en comparant les » poids atomiques, surtout des éléments qui forment un » groupe naturel, on observe souvent une différence con- » stante; » il ajoute que « les mêmes différences se rencon- j> trent trop souvent , pour admettre que ce soit un simple » jeu du hasard; » il fait observer ensuite que « le même » fait se présente pour les radicaux composés, qui appar- » tiennent à un groupe naturel. » Ces spéculations, et beaucoup d'autres encore, que je crois pouvoir négliger ici, peuvent être regardées comme les précurseurs des idées que M. Dumas a publiées sur ce sujet. Dans un discours prononcé en 1851 , à une réunion de l'Association britannique pour le progrès des sciences, le célèbre chimiste français lit voir d'abord que les éléments analogues forment souvent des triades, et que le poids atomique du terme moyen est alors le plus souvent la moyenne arithmétique entre les poids atomiques des deux autres éléments du groupe; il démontra ensuite que le ( 41G ) même l'ait s'observe pour des radicaux organiques qui appartiennent à une série homologue. Il poussa plus loin ces spéculations dans son célèbre mémoire : Sur les équivalents des corps simples, publié en 1857 et 1858. Il se pose successivement quatre questions, remarquables dans l'histoire de la science et trop connues pour devoir les citer ici. A la quatrième, qui nous inté- resse surtout en ce moment, il fait la réponse suivante : « En rapprochant les résultats obtenus à l'égard des » corps simples de ceux que donne la comparaison de » quelques séries naturelles de radicaux organiques, on » trouve qu'il existe entre eux la plus profonde analogie. » Cette analogie éveille naturellement tant de doutes » sur la nature des éléments, et justifierait tant d'appré- » dations hasardées sur le plus ou moins de probabilité » de leur décomposition, qu'on est certainement autorisé » à se demander si les premiers comme les seconds ne » sont pas des corps composés, » Pour faire ressortir cette analogie, il montre que les poids atomiques des éléments qui forment un groupe na- turel, peuvent être représentés par des algorithmes tels que : a 1 nJ ; ou bien ou encore nd -4- nd'; a +■ ml -+- nd' -+- nd". Il ajoute : « que les propriétés des éléments qui forment » un groupe naturel sont telles, qu'en appelant a le pre- » mier terme de la progression et d sa raison, on pourrait ( -U7 ) » dire que c'est a qui donne le caractère chimique fonda- », mental et qui ûxe le genre, tandis que nd détermine » seulement le rang dans la progression et fixe l'espèce. » L'idée philosophique qui sert de base à toutes ces spé- culations est évidemment celle-ci : si Ton ne peut admettre une seule matière première, comme le fait l'hypothèse de Prout, on peut au moins l'aire l'hypothèse de l'existence de plusieurs matières premières, qui, en se combinant d'après de certaines lois, forment les cléments actuels. Ajoutons que M. Dumas et la plupart des partisans de ses vues admettent en même temps le principe de l'hypo- thèse de Prout, a savoir l'existence d'un commun divi- seur pour tous les poids atomiques. M. Dumas lui-même se prononce nettement à ce sujet : « Les éléments des corps simples semblent être tous » des multiples d'une certaine unité qui serait égale à (V» » ou 0,2o du poids de l'équivalent de l'hydrogène. » Or, comme nous l'avons fait remarquer plus haut , les expériences de M. Stas démontrent, à ne plus en douter, qu'il n'y a pas de commun diviseur. En résulte-t-il que les spéculations que nous venons de citer soient erronées dans leur fond même? il ne me paraît pas. En effet, si l'on admet l'existence de plusieurs matières premières, on peut admettre que les particules de ces matières possèdent des poids exprimés par des chiffres absolument incom- mensurables. Il en résulterait que les poids atomiques des corps, que l'on regarde maintenant comme éléments, se- raient, eux aussi, exprimés par des chiffres non commen- surables. En d'autres mots, les considérations de M. Dumas peuvent être vraies, même quand l'hypothèse de Prout est reconnue comme parfaitement erronée. Examinons maintenant si , parmi les corps dont M. Stas 2me SÉRIE , TOME XIX. 28 ( 418 ) a déterminé les poids atomiques, il s'en trouve auxquels on puisse appliquer les considérations de M. Dumas. Nous rencontrons dabord le Li, N« et K , trois éléments appar- tenant à un groupe naturel; nous trouvons ensuite le Cl, le Br et l'J, qui, avec le Fluor, forment une autre famille naturelle. Pour le Li, Na et K, on a : [O = 16] Li — 7.022 | diff.: 16.021 Na — 23.043 » { diff- : °073- (moitié : 0.0363.) Idiff.: 16.094 > K — 59.137 ) Il faudrait donc admettre une erreur d'observation égale en moyenne à 0.0565 , tandis que les chiffres trouvés par M. Stas, dans ses différentes déterminations, ne diffèrent que de : Pour le Li — de 7.020 à 7.024 . . . == 0,004 ou »/9 de 0.036 Na — de 23.042 à 23.045 . . . = 0,003 ou »/M K — de 39.130 à 39.133 . . . = 0,003 ou «/, 11 faut en conclure que la formule a -+- nd, proposée pour ce groupe, n'est pas l'expression des faits. Pour le C/, Br et J, on a : [O = 16] Cl — 35.437 J > diff. : 44.495 ) Br — 79.952 J diff. : 2,403 } diff. : 46.898 ' J — 126.850 ) Ici l'écart est tellement considérable, que personne ne pensera à admettre la formule simple : a -t- nd; aussi ( 41 9 ) M. Dumas propose-l-il : 1-7 — Il . = 1!) =19 (1/ — a -+- d . = i!) -f. k;,;;. . . = 56,8 IV — a ■+■ 2-/ -h d' . . . = 19 -+- 33 -+- 28 = 80 J - 2a-*- 2d+ -J-/' . . . -j 38 -i- 33 -f- 56 = 1-27. Il est évident que les poids atomiques du Cl, Br et J étant déterminés par l'expérience, on peut calculer des trois dernières équations des valeurs pour «, d et d\ qui conduisent de nouveau à ces mêmes poids atomiques. On trouve : a — 18.050 d — 16.527 d' — 27,968, Mais il est évident encore que ce calcul ne prouve ab- solument rien. On pourrait en déduire tout au plus que le Fluor doit être 18.93 au lieu de 19.00, comme M. Dumas l'a trouvé lui-même (1). A cette occasion, je me permettrai l'observation sui- vante : si, en partant de l'hypothèse de plusieurs matières premières, on veut expliquer les poids atomiques des élé- ments et les rapports que présentent entre eux les poids atomiques des éléments qui forment un groupe naturel, on doit au moins chercher à représenter chaque groupe par une formule générale qui exprime une certaine loi de (1) Dans son mémoire publié dans les Annales de chimie et de physique (série III, vol. LV, p. 171), M. Dumas donne pour l'iode : a -+- 2d h- M' -+- d". On aurait pour quatre éléments quatre formules et quatre inconnus, qui peuvent naturellement sh calculer pour mettre les formules en accord avec les chiffres déterminés par l'expérience. ( 420 ) progression. La formule a + nd, appliquée, mais non ap- plicable, comme nous venons de le voir, au Lï, N« et K, satisfait à cette exigence. Il n'en est pas de même des for- mules pour le Br et l'J; à les regarder, on s'attendrait à trouver entre ces deux éléments une différence profonde, bien plutôt qu'une si grande analogie. On conçoit, d'après ce que je viens de dire, que des expériences de M. Stas on ne peut rien déduire en faveur de la nouvelle hypotbèse de M. Dumas; elles tendent plutôt à en démontrer l'inexactitude. Note sur une particularité de nervation citez plusieurs espèces du genre Crataegus; par M. Alfred Wesmael. M. De Candolle a déjà indiqué (1) trois cas dans lesquels les nervures secondaires répondent aux sinus de la feuille et non aux parties saillantes. Ces trois cas sont : une bor- raginée, le Coldenia procumbens L., le Crataegus oxya- cantha L., et les Rhinanthus. On sait que dans presque toutes les feuilles les nervures secondaires correspondent à l'extrémité des dents ou des lobes. Les trois anomalies signalées par M. De Candolle sont très-remarquables, bien que d'autres plantes présen- tent le même phénomène. Le même auteur signale un nouveau fait dans plusieurs espèces du genre Fagus (2). Deux espèces de l'hémisphère (1) Prodromus, vol. IX, p. 558. (2) De Candolle, in But. soc.helv.Sc, nat., 18G4. ( 421 ) austral ont des nervures qui correspondent constamment à un sinus : ee sont les F Gunnii Hook et F. antarctica Forst. Chez le F. alpina Poepp et Endl, et F. sylvatica L., la majorité des nervures correspond aux sinus; celles-ci s'observent dans les deux tiers inférieurs, tandis que dans le supérieur les nervures sont rectilignes et aboutissent clairement à une dent. Ces quelques renseignements sur la nervation de certaines espèces de Fagus sont extraits d'une notice que je dois à l'obligeance sans bornes de M. A. De Candolle. Occupé d'un travail sur quelques plantes ornementales, j'ai eu occasion de remarquer que les deux espèces de Crataepw de la llore belge, C. monogyna Jacq. et C. oxya- canthoïdes Thùil. présentaient des feuilles sur lesquelles on remarquait des nervures secondaires qui viennent abou- tir aux sinus et aux lobes. Les nervures qui arrivaient aux sinus étaient aussi prononcées que celles qui correspon- daient aux lobes. Les faits que je viens de signaler ne sont pas nouveaux puisque, pour beaucoup de botanistes, nos deux espèces de Crataeyns rentrent dans un même type spécifique ; mais outre ceux-ci, j'en ai d'autres tout h fait nouveaux et sur lesquels je crois pouvoir attirer l'attention des botanistes : ils ont rapport à d'autres espèces du genre Crataegus. Chez le C. fisca Bosch., espèce de l'Amérique septen- trionale, les feuilles présentent, de chaque côté, deux ou trois sinus aigus et très-profonds; à chacun d'eux corres- pond une nervure secondaire. Celle-ci est d'autant plus apparente qu'on l'observe à la base de la feuille. Le C. heterophylla Flùgg (Mespilus Desf.) a la majeure partie de ses feuilles assez comparables, comme forme. ( 42<2 ) à celle de notre C. Qxycanthoïdes ThuiL; mais elles sont beaucoup plus grandes; leur sommet présente ordinaire- ment trois lobes : le terminal souvent tridenté. Aux deux sinus latéraux correspond une nervure secondaire qui est au moins aussi prononcée que celles qui arrivent à l'extré- mité des lobes. Une troisième espèce le C. spatulata Midi., originaire de la Caroline et de la Virginie, a des feuilles qui se rap- prochent beaucoup de celles de notre C. monogyna Jacq.; leur taille est cependant plus développée. A la paire de sinus inférieure viennent aboutir deux grosses nervures se- condaires, et celles-ci sont aussi prononcées que celles qui arrivent aux dents. Chez des feuilles beaucoup plus petites, celles qui se développent à peu près en rosette sur des axes très-courts, là, chaque feuille présente trois lobes à son sommet, tandis que dans celles qui garnissent les rameaux vigoureux, le nombre des lobes varie de cinq à sept. Chez ces feuilles trilobées, les deux sinus présenten! chacun une nervure beaucoup plus prononcée que celles que l'on remarque correspondre aux lobes. Ainsi chez les C. monogyna Jacq., C. oxyacanthoïdcs ThuiL, C. fisca Bosch., C. helerophylla Fl'àgg et C. spa- tulata Mich., les feuilles présentent deux sortes de ner- vures secondaires : les unes venant se terminer aux dents ou aux lobes,' les autres aboutissant aux sinus. ( 423 CLASSE DES LETTRES. Séance du 5 avril iSôo. M. Ch. F aider, vice-directeur. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le baron de Gerlache, de Ram, Roulez, Gachard, Borgnet, le baron de Saint-Génois, Paul Devaux, P. De Decker, Snellaert, Haus, M.-N.-J. Leclercq, Aréndt, Ducpetiaux, le baron Kervvn de Lettenbove, Cha- lon, Ad. Mathieu, Thonissen, membres; Nolet de Brau- were Van Steeland, associé; Guillaume, Alp. Wauters, Blommaert, correspondants. MM. Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux- arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. MM. les directeurs de la bibliothèque Bodléienne d'Ox- ford, qui avaient bien voulu prêter un de leurs manuscrits pour la publication de l'édition flamande du Boec der Wracken, de Van Maerlant, font connaître qu'ils ont reçu le volume qui leur a été renvoyé. ( 4-24 ) — M. de Ram fait hommage de deux écrits qu'il vient de publier : Analecles pour servir à l'histoire de l'université de Louvain, n° 28, et saint Anschaire et saint Rembert, apôtres du christianisme dans le Nord, au neuvième siècle. Des remercîments lui sont adressés. — M. Ed. Poulet, avocat à Louvain, fait parvenir un travail manuscrit concernant les juridictions et la pro- priété foncière au quinzième siècle, dans le quartier de Louvain. (Commissaires : MM. Thonissen , Defacqz et Faider.) RAPPORTS, Sur le projet de donner la forme de Dolmen au piédestal de la statue d'Ambiorix. Rapport tle M. Hottlez. « L'artiste, chargé de l'exécution d'un monument à éri- ger, à Tongres, en l'honneur d'Ambiorix, proposant de donner au piédestal de la statue de ce héros la forme d'un dolmen, M. le Ministre de l'intérieur consulte l'Académie sur la question de savoir si l'adoption du dolmen, comme signe figuratif du culte des tribus dont Ambiorix était le chef, serait conforme aux traditions de l'histoire. Le dolmen, comme vous le savez, Messieurs, est un monument caractéristique des Celtes. La question que M. le Ministre nous pose, traduite en d'autres ternies, revient donc à demander si les Éburons appartenaient à la race celtique. Si l'on s'en tenait au témoignage des his- toriens anciens, il faudrail se prononcer pour la négative; ( 4-25 ) car César avance formellement que ce peuple était ger- main. Mais il a surgi dans les temps modernes d'autres systèmes historiques. L'un d'eux regarde les peuples de la Belgique, même ceux dont l'origine germanique est affir- mée, comme de véritables Celtes; un autre admet l'iden- tité des Germains et des Celtes. 11 serait trop long et sans utilité d'apprécier ici ces divers systèmes; ils ont été, d'ail- leurs, l'objet de longues discussions au sein de la classe, il y a quelques années. Quoi qu'il en soit de la vérité des opi- nions contraires à la tradition historique, elles ont en leur faveur des autorités assez graves pour qu'un artiste puisse s'en prévaloir. Pourquoi d'ailleurs refuserait-on aux sta- tuaires ce pouvoir de tout oser que les législateurs de l'art accordent aux peintres et aux poètes: Pictoribus atque poetis , Quid libet audendi semper fuit œqua potestas. nous dit Horace. En se plaçant dans l'hypothèse que les Éburonséiaient des Celtes, l'artiste, cependant, devrait encore conserver des scrupules sur un point : est-il bien sûr que la génération d'hommes, sur laquelle régnait Ambiorix, élevait encore des dolmens'/ Je suis convaincu, quant à moi, que ces mo- numents remontent à un âge beaucoup plus reculé. Mais, à part les raisons d'ethnographie et de chronolo- gie, il en est d'un autre ordre qui devraient, me semble-t-il, faire renoncer l'artiste à son projet de piédestal. Les opi- nions des antiquaires varient sur la destination des dolmen: les uns les prennent pour des autels, les autres pour des monuments funéraires, et il semble que des découvertes récentes confirment ce dernier sentiment. Mais qu'ils aient eu l'une ou l'autre de ces destinations ou qu'ils les aient réunies foules les deux, c'étaient, dans ions les cas, des mo- ( 4>26 ) numents sacrés et religieux, dont la violation, si elle n'était pas punie, devait au moins révolter la conscience des peu- ples qui les consacraient. Pourquoi les Grecs et les Romains, dont nous suivons l'exemple, avaient-ils l'habitude constante de placer sur un piédestal leurs statues même les plus grandes? Évi- demment dans le but de les élever au-dessus des specta- teurs. En effet, Vitruve enseigne que les autels devant les temples doivent être posés sur un plan inférieur, afin que le simulacre de la divinité s'élève d'autant plus au-dessus de ses adorateurs; et Pline dit que la colonne employée pour piédestal (comme la colonne Trajane, par exemple) avait pour but d'élever les statues à une grande hauteur au-dessus du reste des hommes : Columnarum ratio erat attolli supra caeteros mor taies. Le piédestal s'appelait chez les Grecs bathron, bèma, basis; ces mots, dont le dernier a été adopté par les Ro- mains, viennent tous les trois de baô , marcher. Le pié- destal était donc censé n'être qu'une élévation du sol, sur laquelle on marchait comme sur le sol même. C'est à ce point de vue qu'il faut se placer pour juger le projet de donner la forme de dolmen au piédestal en question. Am- biorix serait donc représenté foulant aux pieds un objet sacré que, pendant sa vie, il entourait de toute sa vénéra- tion. Si la prosopopée n'était pas déplacée dans un rapport, je dirais que l'ombre du chef éburon se lèverait de sa tombe pour protester contre le sacrilège, dont on le rendrait coupable. Le désir de faire du neuf a sans doute inspiré l'auteur de la statue d'Àmbiorix. 11 ne pouvait, à mon avis, avoir une idée plus malheureuse. » ( 4-27 Happot'l tic M. t'hait:**. « Par sa dépêche en date du 28 février dernier, If. le Ministre de l'intérieur a chargé l'Académie d'examiner la question de savoir « si l'adoption du dolmen comme signe » figuratif du culte des tribus dont Ambiorix était le chef, » serait conforme aux traditions de l'histoire, d'après » les travaux les plus récents des savants et des histo- » riens. » On a donné, vous le savez, Messieurs, le nom de dol- men à un assemblage de pierres brutes, composé d'une dalle placée horizontalement, comme une table, et sup- portée par d'autres pierres qui lui servent de soutiens ou de piliers. Quelle est l'origine de ces grossiers et singuliers monu- ments? leur destination? leur âge? La réponse des archéo- logues à ces trois questions n'a pas toujours été la même. M. de Caumont y voyait des autels d'oblation; d'autres, des tombeaux. M. Alex. Bertrand, dans la Revue archéo- logique de l'année dernière, a examiné de nouveau le problème avec le plus grand soin, et voici quelles sont ses conclusions : 1° Les dolmens sont des tombeaux, car presque tous ont été primitivement enfouis ou recouverts de terre. Les corps y sont plus souvent ensevelis qu'incinérés. Ils ne renferment jamais d'objets de fer; l'or el le bronze y sont très-rares, ou n'y trouve ordinairement que des objets de pierre el d'os. 2° Ils appartiennent presque exclusivement aux con- trées de l'ouest de la Gaule. L'auteur invoque, ici, à l'ap- pui de sa thèse, la statistique des dolmens par départements, ( 428 ) et y joint une carte indiquant leur distribution sur la sur- face de la France. Si les dolmens sont contemporains des armes de pierre, ils remontent à une antiquité anté-hislorique qu'il est im- possible de déterminer. Quand les Gaulois envahirent la Grèce, le nord de l'Ita- lie, quand ils prirent la ville de Rome, quatre cents ans, environ, avant notre ère, ils avaient, sans aucun doute, d'autres armes que des éclats de silex emmanchés dans des bois de cerf; et ce n'est pas un caillou que Brennus jette dans la balance, mais bien un glaive (1). Nous voilà donc fort loin d'Ambiorix. On présume même que le dolmen n'appartient pas à la race celtique propre- ment dite, mais à une population antérieure qui sem- ble avoir pénétré en Gaule par les rivières ou vallées de l'ouest, à partir de l'Orne jusqu'à la Gironde. 11 serait doue tout à fait étranger aux tribus germaniques ou celto-ger- maniques dont Ambiorix fut le chef. Le choix d'un dolmen, pour servir de piédestal au héros éburon, serait un anachronisme que rien ne justifierait. » Rapport tle M. Thoitissct*. « Tous les membres de l'Académie connaissent les nom- breuses conjectures qui ont été successivement produites, pour déterminer l'âge et la destination de ces aggloméra- tions mystérieuses de pierres qu'on désigne sous les noms de dolmen, de cromlech et de menhir, ïl est permis de douter que jamais la patiente sagacité des archéologues f I) Addilus nb insolente Gallo ponderi gladiut ( 429 ) réussisse à résoudre ce double problème avec, une évidence irrécusable. Ainsi que l'a fort bien dit M. P.-J. Sclnnit, « ici » les pierres se taisent, car l'épigraphie n'existe pas plus que » l'iconographie, et quand il faudrait reconnaître celle-ci » dans quelques rares délinéations creusées à la pointe, » ou quelques reliefs, encore plus rares, exécutés si gros- » sièrement sur des surfaces brutes, qu'on n'est jamais » bien sur d'en saisir les formes, quelle oreille compren* » drait son langage (1)? d II est cependant un fait qui, à mon avis, se trouve, dès à présent, à l'abri de toute controverse sérieuse : c'est que, ni sous le rapport de leur âge, ni sous celui des populations qui les érigèrent, ces monuments grossiers de l'industrie primitive n'ont rien de commun avec les peuplades valeureuses qu'Ambiorix lança sur les légions romaines commandées par Sabinus etCotta. M. Alex. Bertrand a parfaitement démontré : 1° Que les populations qui ont érigé les dolmens n'ont pas été. refou- lées de l'est à l'ouest, mais ont plutôt pénétré en Gaule par les rivières et les vallées de l'ouest, depuis l'Orne jus- qu'à la Gironde; 2° Que les dolmens appartiennent pres- que exclusivement à l'ouest des Gaules et qu'on n'en ren- contre que très- exceptionnellement à l'est d'une ligne partant de Bruxelles pour aller aboutir aux environs de Marseille (2). Il n'en faudrait pas davantage pour me faire accueillir les conclusions de nos savants confrères, MM. Rou- lez et Chalon. Sous le double rapport du temps et du lieu, un dolmen servant de piédestal au héros éburon serait à nos yeux un véritable anachronisme. » Conformément à l'avis de ses trois commissaires, la (t) Encyclopédie du dix-neuvième siècle, Voir Pierres celtiques. (2) Bévue archéologique de Paris; nouvelle série, t.V, pp. 144 et suiv. ( 450 ) classe a reconnu que le choix d'un dolmen, pour servir de piédestal au guerrier éburon, serait un anachronisme que rien ne justifierait. Le secrétaire perpétuel a été chargé de donner connais- sance à M. le Ministre de l'avis de l'Académie et de lui communiquer in extenso l'opinion particulière des trois membres chargés de l'examen de la question. COMMUNICATIONS ET LECTURE. Trois années de V histoire de Charles-Quint (1545-1546), d'après les dépêches de V ambassadeur vénitien Bernardo Navagero; par M. Gachard, membre de l'Académie (1). VIL Suivant sa promesse, Charles-Quint avait indiqué une diète impériale à Worms au mois de décembre 1544. Il se disposait à s'y rendre, lorsqu'il fut pris de la goutte à Gand, et la rechute qu'il eut à Bruxelles l'empêcha encore de se mettre en route. Le roi des Romains avait, de son côté, à débattre avec les états d'Autriche et de Bohême d'im- portantes questions qui ne lui permettaient pas d'être à Worms avant le mois de mars. Dans ces circonstances, Charles songea à se faire remplacer, auprès de la diète, par la reine de Hongrie ; il en écrivit à son frère (2). Fer- (i) Suite et fin. — Voy. pp. 250 et 513. (2) Lettre du 6 février 1545, analysée dans les manuscrits du comte de Wuiants. ( 45i ) dinand lui répondit qu'il n'y avait pas d'exemple qu'une im- pératrice, ou une reine, ou toute autre dame, eut été com- mise pour négocier les affaires de l'Empire; qu'une telle innovation pourrait scandaliser les princes et les états de la Germanie, dont l'Empereur connaissait le caractère scrupuleux; qu'ils n'avaient que trop l'habitude de récla- mer sans motif, qu'il ne fallait pas leur en donner un sujet légitime (1). Charles se contenta d'envoyer à Worms, en qualité de ses commissaires, le seigneur de Granvelle, l'évéque d'Arras et le vice-chancelier de Kaves (2). Après son rétablissement, ce monarque, comme on l'a vu, était allé de Bruxelles à Malines, de Malines à Anvers, d'Anvers à Lierre, et de Lierre à Diest. Dans cette der- nière ville il ht, le 1er et le 2 mai, suivant une coutume à laquelle jamais il ne manqua, célébrer un service pour le repos de l'âme de l'impératrice , à l'occasion de l'anni- versaire de sa mort. A la suite de cette cérémonie, il partit pour Worms, où il entra le 16 avec le roi des Romains, qui était venu à sa rencontre à Alzei, maison de plaisance de l'électeur palatin (5). L'évéque d'Augsbourg, créé depuis peu cardinal, et tout le clergé allèrent au-devant des deux souverains. L'Empereur s'était fait escorter de six cents chevaux des bandes d'ordonnance des Pays-Bas. Sa mine n'était pas brillante , et il portait encore le bras en écharpe (4). Navagero avait précédé de deux heures, à Worms, le (1) Manuscrits du comte de Wynants. (2) Lettre de Charles à Ferdinand, du 1er février 1545, ibid. (3) Journal de Vandenesse. (4) « Va megliorando assai pegramente , et porta ancora il brazzo appogiato » (Dépêche du 8 mai, de Cologne.) ( 432 ) chef de l'Empire; il y retrouva Domenieo Morosini , qui était toujours accrédité par la séréuissime république auprès du roi des Romains (1); et comme à Spire, les dépêches qu'ils adressèrent à leur gouvernement furent communes tant que dura la diète. Cette assemblée avait été ouverte, le 24 mars, par Fer- dinand, assisté des commissaires impériaux (2); elle était peu nombreuse. On n'y comptait aucun des électeurs ni des princes de l'Allemagne. Le troisième jour de son arrivée , Charles-Quint appela les commissaires des princes catholiques et des protes- tants; il s'excusa auprès d'eux, sur son indisposition, de ce qu'il n'était pas venu plus tôt. Le jour suivant, il manda les commissaires des princes catholiques seuls : ii leur dit que les protestants se montraient si obstinés sur les deux points de la paix publique et de la chambre im»- périale, qu'il désirait savoir d'eux ce qu'il avait à leur répondre (3). Ces derniers lui présentèrent, le 23 mai, un très-long écrit qui se résumait dans ces cinq articles : 1° que les con- troverses sur la religion fussent remises à la décision d'un concile général ; 2° que la paix publique de la Germanie s'observât conformément à l'édil ancien, d'après lequel l'un prince ne devait pas offenser l'autre, et celui qui occupait des biens appartenant à autrui était tenu de les restituer ; 3° que la chambre impériale se réglât, dans ses jugements, sur les dispositions des statuts en vigueur; 4° que l'Em- (1) Dépêche du 17 mai, de Worms. (2) Papiers d'État de Granvelle , t. III , p. M. (3) Dépêche du 20 mai , de Worms. ( 453 pereur ne confirmât poinl le recez de Spire; 5° enfin qu'il déclarât son intention sur les articles ci-dessus (I ). Charles désirait donner toute satisfaction aux catholi- ques; mais il lui {allai! user de ménagements envers les protestants, avec lesquels il n'était pas en mesure de rompre. In fait que rapportent les ambassadeurs véni- tiens montre combien était grande sa circonspection à ce! égard. N avait défendu à un prédicateur luthérien qui, avant sa venue àWorms, y prêchait en public, de le faire doréna- vant. Ce prédicateur, un jour qu'un prêtre, compagnon du confesseur de l'Empereur, s'apprêtait à célébrer une grand'messe en l'une des églises de la ville, y entra avec la connivence de quelques membres du magistrat, monta dans la chaire et prêcha : de sorte que le prêtre catholique fut contraint de s'enfermer dans le chœur, et de se borner à dire une messe basse. Quoiqu'il y eût là une sorte de mépris de son autorité, Charles ne jugea pas à propos d'en faire éclater son mécontentement (2). Depuis l'entrevue de Creuznach avec le cardinal Far- nèse, les rapports entre Charles-Quint et Paul III ne s'é- taient pas améliorés. Au moment où la paix de Crépy (1) Dépêche du bornai, de Worms. '-) « Quello predicator lutherano che era stato prohibito da Cesare che non dovesse predicare , stimando poco li commandamenti di Sua Maestà Cesarea, ritrovandosi il compagno del confessor di Cesare in una chiesa per dir una messa cantata, venne co'l favore delli deputati di questa città , et entré in pergolo, et fece l'officio suo non solamente la mattina, ma anchè il doppn mangiar : di sorte che '1 detto compagno del confessor fu costretlo serrarsi v*l choro et dir' una messa piccola; ne perô ha fatto Cesare segno alcuno di risenlimento » (Dépêche du 25 mai, de Worms. 2me SÉRIE, TOME XIX. 29 ( 434 ) venait d'être conclue, le pape envoyait à Bruxelles un de ses camériers, porteur d'un bref dans lequel il se plai- gnait, en termes acerbes (1), de la partialité que l'Em- pereur avait montrée pour les protestants à la diète de Spire (2); il faisait faire les mêmes plaintes au roi des Romains par son nonce en Allemagne (5); dans une nom- breuse promotion de cardinaux (4), il affectait de ne pas comprendre l'évêque de Pampelune, don Pedro Pacheco de Villena, dont la nomination était désirée de l'Empe- reur (o). Tout cela avait blessé Charles-Quint, qui voyait dans Paul III un pontife jaloux de sa grandeur, et mal disposé envers lui, envers sa maison et envers les États placés sous son sceptre (6). Cependant Paul III avait convoqué un concile universel à Trente : il avait besoin , pour le succès de cette importante4 mesure, du concours de l'Empereur; il résolut de faire une démarche qui témoignât de son intention de rétablir leur intelligence, si nécessaire au bien de la chrétienté, et ce fut encore sur le cardinal Farnèse qu'il jeta les yeux pour cette mission. Ce prince de l'Église arriva à Worms le 17 mai; il y fut reçu avec tous les honneurs dus à sa dignité, au caractère dont il était revêtu , aux liens étroits de parenté qui l'unis- saient au souverain pontife; le roi des Romains, accom- (1) « ... Assai acerbe.... » (2) Dépèche du 7 octobre, de Bruxelles. (5) Lettre de Ferdinand à Charles-Quint, du 24 septembre, analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. (4) Faite en Tannée 1544, la huitième du pontificat de Paul III. (5) Dépêche du 23 janvier 1545, de Bruxelles. (6) Lettre de Charles-Quint à Ferdinand , du 19 février 1545, analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. ( 455 ) pagné des archiducs ses iils, du grand-maître de l'ordre Teutonique et de plusieurs évèques, se porta à sa rencon- tre^). Dès le lendemain, il eut une audience de l'Empe- reur. Les premières paroles qu'il lui adressa furent pour excuser ce qui s'était passé entre le pape et lui; mais Charles-Quint, l'interompant aussitôt, lui dit qu'il n'était besoin de parler plus de choses anciennes, et qu'il fallait commencer à faire un livre nouveau (2). Les jours suivants, le cardinal eut de longues conférences avec Granvelle, avec l'évèque d'Arras et avec le secrétaire fdiaquez (5). Il partit de Worms par la poste, après avoir pris congé de l'Empereur, dans la nuit du 27 au 28 mai; il s'était dé- guisé et n'emmenait avec lui que trois de ses serviteurs, le duc de Wurtemberg ayant refusé de lui donner un sauf- conduit. Pour que son voyage excitât moins l'attention, ses gens publièrent qu'il était allé à la chasse (4). Le plus grand secret avait été observé sur les négocia- lions de Farnèse par ceux*qui y étaient intervenus, et les ambassadeurs de Venise se trouvaient réduits , à cet égard, à former des conjectures. Le jour même qui suivit son dé- part, Navagero et Morosini ayant vu M. de Granvelle, ce ministre leur dit spontanément (5) que les communications (i) Dépêche du 20 mai , de Worms. — Journal de Vandenesse. (2) « Che non bisognava più parlar di cose vecchie, ma incomin- ciar a far libro novo » ( Dépêche du 20 mai, de Worms.) (3) Dépêches des 22 et 23 mai , de Worms. (4) Dépêche du 28 mai , de Worms. — Journal de Vandenesse. — Lettre de Charles-Quint à la reine Marie, du 2 juin 13-45, dans les manuscrits du comte de Wynants. (o) Le but de Charles-Quint , en permettant que cette négociation se divulguât, était de faire sentir aux protestants qu'il ne manquait pas de moyens de les dompter, quand il voudrait. (Schmidt, Histoire des Alle- mands , trad do de La Veaux, t. VII , p. 200.) ( 430 ) du cardinal avaient consisté en deux points : que d'abord il avait offert à l'Empereur, au nom du pape, cent mille ducats et plus, si c'était nécessaire, pour la guerre contre le Turc; qu'ensuite il lui avait demandé d'agréer l'ouver- ture du concile, d'y envoyer les prélats de ses royaumes, et de procéder contre les protestants. Granvelle les informa aussi des réponses faites à ces propositions par son maître. Quant au premier point, l'Empereur avait accepté l'offre des cent mille ducats, bien qu'il espérât que, cette année, le Turc n'attaquerait point la Hongrie et qu'une trêve pourrait même être conclue avec lui, car, contre un ennemi si puissant et si fallacieux, il fallait toujours être en garde; par ce motif, il avait donné l'ordre d'envoyer à Vienne 3,000 Espagnols et d'autres troupes encore (1). Il avait dé- claré, sur le second point, qu'à la vérité les luthériens fai- saient preuve d'une obstination extrême, mais que pourtant il jugeait préférable de recourir à des moyens d'arrange- ment avec eux qu'à des voies de rigueur et que, dans cet esprit, il était prêt à tout faire (2). Charles-Quint s'expri- mait lui-même ainsi dans une lettre à la reine Marie où il l'instruisait de la mission que le, cardinal Farnèse était venu remplir auprès de lui : « Et touchant le con- » cille et la religion, l'on luy a amplement déclaré et » fait entendre et apparoir évidemment la perplexité où » l'on se trouvoit en ceste diète touchant ladicte religion, » et mesmes que les protestans persistoient obstinément i> d'estre asseurez par moy et les aultres estalz de l'Empire (1) Dépêche du 28 mai , déjà citée. (2) « Che se bene erano duri questi lutherani, parea perô meglio a S. Matà di ritrovar via et modo di composition et di quiète, per la quale esso era per fare ogni cosa .... » (Dépèche du 28 mai.) ( 47)7 ) » contre ledict concilie, avant que d'entendre en aucuns » affaires de ceste Germanie, ny contre le Turcq ny aul- » très : dont ledict cardinal s'est montré esbahv, affirmant » que Sa Saincleté ne sçavoit que les choses fussent en si » mauvais termes; et s'est party en diligence devers Sadicte » Saincteté , pour regarder et sçavoir ce que s'y pourra » faire (1). » Par l'une des stipulations du traité de Crépy, François!" s'était obligé à fournir, à la première réquisition de Charles- Quint, 600 hommes d'armes et 10,000 gens de pied dans la campagne que l'Empereur et l'Empire feraient contre les Ottomans. Sans décliner l'obligation qu'il avait ainsi contractée, François offrit à Charles d'envoyer au sultan, afin de négocier la paix ou une longue trêve entre eux , un ambassadeur qu'accompagnerait quelqu'un dont l'Empe- reur ferait choix. Après avoir pris l'avis de son frère, de la reine Marie et de Granvelle, Charles souscrivit à celte proposition, et désigna pour le voyage de Constantinople Gérard de Veltwyck (2) : c'était un des secrétaires de son conseil privé aux Pays-Bas, dont il avait eu l'occasion d'éprouver les talents, l'ayant emmené avec lui à son dé- part de ces provinces, en 1541 , et chargé, à la lin de 1544, d'une mission en Autriche et en Hongrie (5). Veltwyck, étant venu à Worms, y reçut, le 22 mai, ses instructions de l'Empereur (4); le même jour il partit pour Venise, où il devait se rencontrer avec le protonotaire de Montlue, depuis évèque de Valence, qui était l'ambassadeur (1) Lettre du 2 juin, déjà citée. (2) Papiers d'État de Granvelle, t. III, pp. 106 et 108: (5) Lanz, Correspondenz des Kaisers Karl V, t. II, pp. '«19 el (4) Lan/. , I. c. p. i.~:>. ( 438 ) envoyé à Constantinople par François 1er. Les deux diplo- mates avaient ordre de leurs souverains d'agir de con- cert (1). Charles-Quint annonça à Morosini et à Navagero la mission qu'il donnait à Yellwyck (2). Cependant la diète ne faisait aucun progrès; les protes- tants se refusaient à délibérer sur les matières qui lui avaient été soumises, tant que l'Empereur ne se serait pas prononcé à l'égard de la prorogation de la paix publique selon le recez de Spire (3). Charles-Quint leur fit délivrer deux écrits : dans l'un, il les exhortait à rendre au duc de Brunswick ses États dont ils l'avaient dépouillé, à défaut de quoi il se verrait contraint de faire des choses qui lui seraient désagréables. L'autre contenait trois points. Le premier concernait le concile : l'Empereur entendait qu'ils se rapportassent au jugement de cette assemblée, alors même qu'il leur serait défavorable; le second avait rapport à la chambre impériale : aucun changement n'y était pro- posé à ce qui avait été déterminé dans le recez de Spire ; le troisième touchait la paix publique, sur laquelle l'Empe- reur trouvait inutile une nouvelle déclaration, puisqu'ils n'étaient molestés de personne, et que nul ne songeait à les molester (4). Une question dominait toutes les autres : c'était celle de savoir si le concile s'ouvrirait et si les protestants s'y feraient représenter. Navagero ayant cherché à connaître la façon de penser là-dessus des ambassadeurs français, (1) Dépêche du 25 mai, de Worms. — Papiers d'État de Granvelle, t. 111, pp. 107 et 149. (2) Dépêche du -3 mai, de Worms. (3) Dépêche du ^0 mai, Me Worms. i'i) Dépêche du 5 juin, de Worms. ( 459 ) M. de Grignan (1) lui répondit en riant : « Par ma foi, je » n'ai jamais été astrologue; ce sont là des choses qui dé- » pendent de diverses volontés, et chacun en parle et en » pense à sa guise (2). » Granvelle se donnait toutes les peines imaginables pour persuader les commissaires des princes prolestants d'accepter le concile; mais ils n'y vou- laient pas entendre. Suivant eux, le concile indiqué n'était pas celui qu'on leur avait promis, celui-ci devant être gé- néral, libre, chrétien, et s'assembler en Allemagne. D'ail- leurs, l'Empereur avait fait imprimer à Louvain certains articles, tous contraires à leur doctrine, un surtout qui attribuait au pape une prééminence qu'ils ne lui recon- naissaient point (5); il avait par-là manifesté son opinion, sans en référer à un concile. Dès lors, à quoi bon un con- cile s'assemblerait-il maintenant (4)? (1) Louis Adhémar, seigneur de Grignan. Voy. Ribier, Lettres et mé- moires d'Estat, t. I, p. 23G. (2) « Per mia fè, io non e stato mai astrologo :queste cose depen- dano da diversi voleri, et ogn' uno ha il suo discorso et il suo parer. .. . » ( Dépèche du 7 juin , de Worms. ) (3) Les articles dont il s'agit, au nombre de trente-deux, avaient été arrêtés par la faculté de théologie, à Louvain, le 6 décembre 1344, et l'Empereur, par une ordonnance du 14 mars 1343, en avait prescrit l'ob- servation dans toutes les provinces des Pays-Bas. Cette ordonnance est aux Placards de Brabant, t. III, p. 83, sous le titre de « Arliculi or- » thodoxam religionem sanctamque fidem nostram respicientes, a sacrae » theologiae prof'essoribus Lovaniensis universitatis editi, per Sacralis- » simam Caesaream Majestatem confirmati. » L'article dont les protestants se plaignaient était le 23e, ainsi conçu : « I nus est Ecclesiae summus pastor, cui omnes obedire tenentur : ad )> cujusjudicium conlroversiae quae super fide et religione existant, sunt » referendae. » (4) « Li quali stanno pur ostinati in rispouder che questo non è il concilio promesso a loro, che deve esser générale, libero, christiano et ( 440 ) jusqu'au 9 juin, pas un des électeurs ni des princes allemands n'avait paru à Worms. Ce jour-là y arriva le comte palatin, Frédéric (1), neveu de l'Empereur par son mariage avec Dorothée, fille de Christiern II, roi de Dane- mark, et d'Isabelle d'Autriche; mais il n'y séjourna pas beaucoup : la nouvelle, qu'il reçut le 15 juin, de la mort du duc François de Lorraine (2), lui fournit un prétexte pour en partir, sa femme étant sœur de la duchesse douai- rière (5). Pendant le temps qu'il passa à Worms, l'électeur Frédéric ne voulut assister aux réunions ni des catholi- ques ni des protestants; il affecta de rester neutre entre les deux partis (4). Il dit à l'Empereur, qui l'entretenait de l'opiniâtreté des luthériens, qu'il n'avait à craindre aucune opposition de sa part, pourvu qu'il ne fît pas entrer des troupes étrangères dans la Germanie, car, dans ce cas, il ne pourrait ni ne devrait manquer à ce qu'il devait à sa patrie (5). Le 11 juin, les ambassadeurs de François Ier, MM. (h4 nella natione germana, el che bavendo faito imprimir rimperalore in Lovanio certi capitoli tutti contrarii alla dottrina et opinion loro, et mas- simamente uno nel quale fa il primato a! pontefice, il che non è altro che haver dichiarato l'opinion sua senza determinacion di concilio , non sanno ;i che proposito hora si debba dimandar concilio, havendogià Sua Cesarea Maestà laspiatosi intender assai chiaramenle, dal che si pnô quasi lener per fermo, etc. » ( Dépèche fin 7 juin , déjà citée.) (1) Dépèche du 9 juin , de Worms. (2) Ce prince était mort le 12 juin, à Bemiremont. (3) Dépêche du 20 juin , de Worms. (i) « Corne neutrale, perché oelli consigli non vuol esseïe oè eo eattolici ne ton protestanti » I Dépêche du 20 juin. ) (o) <.< Che non era per mancarli in alcun modo, pur che non con- ducessc gente foresliera , ne! quai caso non polea ne voleva maucar alla nation sua « [Ibid.) ( 441 ) Grigoan et Mesnage, se rendirent à la maison de ville, où siégeait la diète; ils y tirent donner lecture d'un écrit por- tant, en substance, que le roi très-chrétien, comme l'ami naturel de la nation germanique, exhortait les princes et les «lais de l'Allemagne à soumettre leurs différends au concile général (1). Cette exhortation produisit peu d'effet sur les protes- tants, qui n'étaient pas persuadés du reste qu'elle fût bien sincère (2). Ils répondirent à l'écrit de l'Empereur qu'ils étaient prêts à remettre entre ses mains, à certaines con- ditions, le duché de Brunswick : mais, sur le point du concile, ils se montrèrent intraitables, et ce fut en vain que Granvelle insista , leur disant qu'ils n'avaient pas d'ob- jection raisonnable à y faire; que Trente était une ville d'Allemagne ; qu'ils pourraient y aller et en partir en toute liberté; enfin que l'Empereur voulait que le concile se tint avec ou sans eux (5). Pour qu'ils consentissent à assister au concile, il eut fallu qu'on le convoquât dans l'une des quatre villes de Cologne, Mayence, Trêves ou Metz (4). Ils demandèrent, à leur tour, qu'un colloque sur les diffé- rends de la religion fût tenu, auquel interviendraient des (1) Dépèche du 12 juin, de Worms. — D'après le journal de Vande- oesse, ce serait le 10 que cette séance aurait eu lieu. (2) Voy. Schmidt, Histoire des Allemands (trad. de de La Veaux), t. Vil, p. 1 1)6. Saiot-Mauris écrivait à l'Empereur, le 28 mai , que, quoique le roi de France lui eût dit qu'il désirait la célébration du concile, il savait que le roi et ses ministres se réjouissaient des dissensions de l'Allemagne, espé- rant par-là (pie l'Empereur aurait toujours besoin de leur assistance; que toute la cour pensait de même, etc. ( Manuscrits du comte de VVy- naiits.) (3) Dépêches des 1 i et 20 juin, de Worms i Dépêche du 27 juin , de Worms. ( 442 ) hommes savants et pieux, députés tant par eux que par les catholiques (1) : c'était une idée qu'avait mise en avant l'électeur palatin (2). Sur ces entrefaites, un courrier expédié de Rome ap- porta au nonce accrédité à la cour de l'Empereur des dépè- ches d'une haute importance. C'était le 25 juin : le nonce ne perdit pas de temps pour en communiquer le contenu à l'Empereur (3). Paul III, ayant entendu le rapport du car- dinal Farnèse sur les résultats de sa mission à Worms, offrait à Charles-Quint, s'il voulait faire la guerre aux pro- testants, deux cent mille écus pour les préparatifs de l'ex- pédition, et un corps auxiliaire de 12,000 hommes de pied et 500 chevaux qui serait à la solde du saint-siége; il mettait, en outre, à sa disposition les demi-fruits des re- venus ecclésiastiques de tous ses royaumes, et le pouvoir de vendre les seigneuries et vassaux des monastères, moyen- nant une compensation à leur donner en rentes (4). De telles offres étaient faites pour exciter au plus haut point l'attention de l'Empereur; elles donnèrent lieu à de longues délibérations dans le sein de son conseil. Toutes les raisons qu'il y avait pour ou contre l'entreprise propo- sée par le pape furent débattues ; toutes les difficultés qui s'y attachaient furent pesées. Enfin on trouva que, quand bien même on serait prêt pour cette entreprise, il y aurait im- possibilité, vu l'état avancé de la saison, de faire un grand effort pendant l'année courante, mais qu'on ne l'était pas, (1) Dépèche du 10 juillet , de Worms. (2) Dépêche du M juillet, de Worms. (5) Dépêche du 27 juin , de Worms. (A) Lettre de (iranvelle à la reine Marie, du S juillet, analysée dans le? manuscrits du comte de Wynants. ( 443 ) et que les protestants , au contraire, se tenaient sur leurs gardes. On considéra, de plus, que divulguer un sem- blable dessein sans l'exécuter, ce serait mettre en commo- tion toute l'Allemagne, susciter des inimitiés profondes contre l'empereur, rendre les protestants plus insolents en ies réduisant au désespoir, et perdre entièrement les catholiques (1). Charles-Quint envoya le seigneur d'Andelot au pape, pour lui soumettre ces considérations, et en même temps l'entretenir dans les dispositions où il était jusqu'à ce que les circonstances fussent plus propices (2). Tous les yeux étaient en ce moment ouverts sur ses négociations avec Paul 111 (5); afin de donner le change à l'opinion publique, il lit courir le bruit qu'il avait chargé d'Andelot d'aller visiter, de sa part, la duchesse de Camerino, sa fille, qui était enceinte (4). Le 18 juillet arriva à Worms le marquis del Guasto, gouverneur de l'État de Milan, avec cinq cents che- vaux (5), et, trois jours après, Ruy Gomez de Silva, por- teur de la nouvelle que la princesse d'Espagne, Marie de Portugal, était, le 8, accouchée d'un fils (6). Cette nouvelle causa une joie inexprimable à l'Empereur. Les ambassa- deurs des puissances étrangères s'empressèrent d'aller le (1) Lettre de Granvclle à la reine Marie, du S juillet, déjà citée. (•>) Ibid. (5) Les ambassadeurs de Venise écrivaient, le 27 juin, que ces négo- ciations donnaient lieu à beaucoup de discours et de conjectures; il; mandaient au doge, le Î9, que, selon ce qu'ils avaient appris , il s'ams- sail , entre autres, d'une aide offerte par le pape contre les luthériens (i) Lettre de Granvelle du 8 juillet, ci-dessus citée. (5) Dépêche du 2o juillet ,de Worms. — Journal de Vandenesse. ^6) Dépêche du 21 juillet . «le Won m- ( 444 ) féliciter : il répondit à ceux de Venise, comme en d'autres occasions, qu'ils avaient raison de se réjouir, car il répu- tait commun à la Seigneurie tout ce qui lui arrivait d'heu- reux, ïl ajouta : « J'espère que mon petit-fils, s'il vit, s'em- j> ploiera pour le service de Dieu, et qu'il sera l'ami de » mes amis (i). » Depuis que l'électeur palatin avait quitté Worms, nul autre prince allemand n'y était venu. Charles-Quint, voyant que la diète ne pouvait aboutir à aucun résultat, résolut de la rompre. Le 28 juillet, le vice-chancelier de Naves se présenta, par son ordre, à la maison de ville, et fit connaître aux états assemblés que sa volonté était de con- voquer une autre diète, ainsi qu'un colloque qui la précé- derait et se tiendrait au même lieu (2). Le roi Ferdinand partit de Worms le 30 juillet, emme- nant avec lui son fils Maximilien , et laissant l'archiduc Ferdinand auprès de l'Empereur. Il était à peine à quelque distance de la ville, que des dépêches envoyées de Yalla- dolid vinrent apprendre à Charles-Quint la mort de la prin- cesse d'Espagne, arrivée quatre jours après son accouche- ment. Une estafette fut aussitôt expédiée au roi, pour lui faire part de cet événement fatal; elle l'atteignit à deux lieues de Nuremberg. Ferdinand revînt sur ses pas, afin de consoler son frère (5). Charles avait bien besoin, en effet, de consolation, car (1) « Spero in Dio clic vivendo s'affaticherà per servitio d'Iddio, el sarà amicodelli miei aroici » (Dépêche du 2b juillet, de Worms ) (2) Dépêche du 28 juillet, de Worms. (.") Dépêche du Ier août, de Worms. — Lettre de Ferdinand a la reine Marie, écrite de Nuremberg le 3 août; lettre de Granvelle à la. reine, du 50 juillet , analysées dans les manuscrits du comte de Wvnanls. ( 445 ) sa douleur était profonde (i). Quelque temps auparavant, était morte aussi la princesse de Pologne , fille aînée du roi des Romains. Navagero, ayant demandé à l'Empereur et obtenu audience le 1er août, lui présenta sur cette double perte les compliments de condoléance de la Seigneurie. Charles lui répondit : « Je remercie la Seigneurie de l'af- » diction qu'elle a ressentie de la mort de ma nièce, et je » suis certain que celle qu'elle éprouvera de la mort de la » princesse, ma fille, sera grande. Il faut se conformer à la » volonté de Dieu , et louer toujours et souffrir tout ce qui » plaît à Sa Majesté Divine (2). » Le recez de la diète souffrit quelques difficultés, les ca- tholiques disant qu'ils dépendaient du pape, et qu'ils ne voulaient ni ne pouvaient consentir au colloque, si le pape n'y consentait préalablement (5) ; mais enfin, malgré leur opposition , il fut lu le 4 août (4). L'Empereur y dé- clarait que l'absence des principaux membres des états n'ayant pas permis que la diète décidât les affaires impor- portantes pour lesquelles elle avait été réunie, il l'avait transférée à Ratisbonne au jour des Trois Rois de l'année suivante. Il invitait les électeurs et les princes de la Ger- manie à s'y rendre en personne, vu la gravité des ques- tions qui devaient y être résolues, donnant l'assurance (1) « Ha dimostrato Cesare di questo caso molto dolor » (Dé- pèche citée du lpr août.) (2) « Ringratio quella Signoria del dolor che ha havuto délia morte di mia nepuote, et so certo che sarà grande quelloche sentira délia morte délia principessa mia ligiiuola. Bisogna conformarsi co '1 voler d'Iddio, et laudar sempreet supporlar lutto quelle che piace a Sua Maeslà » (De- pêche citée du 1er août. ) (3) Dépêche du 29 juillet, de Worms. (4) Dépèche du 4 août . de Worms. ( 446 ) qu'il s'y trouverait lui-même. Comme, dans la diète qui finissait, on n'avait pu rien terminer au sujet des affaires de la religion, il annonçait qu'il serait tenu, sur ces affaires, avant la diète prochaine, un colloque par un petit nombre de personnes pieuses, savantes, éclairées, d'une bonne conscience et amies de la paix, dont les unes se- raient désignées par lui, et les autres, en nombre égal , par les protestants. Enfin il confirmait les précédents recez, tels qu'ils avaient été généralement reçus (1). Charles s'était proposé d'abord de retourner aux Pays- Bas par le Luxembourg, qu'il ne connaissait pas encore (2); il avait changé de dessein sur les observations de la reine Marie, qui l'engageait à visiter, en passant, ses nouveaux sujets de Gueldre (5). La nouvelle de la mort de la prin- cesse d'Espagne lui fit prendre la résolution de se rendre à Bruxelles par le chemin le plus court, afin d'y faire cé- lébrer les obsèques de sa belle-fille, et il manda à la reine de tout préparer pour cette cérémonie (4). Il quitta Worms le 7 août, accompagné de l'archiduc Ferdinand et du prince de Piémont, Emmanuel-Philibert, qui , depuis peu était venu l'y joindre. Le même jour, le marquis del Guasto repartit pour l'Italie, et le seigneur de Granvelle, avec l'évêque d'Arras, prit la route du comté de (1) Schmidt, Histoire des Allemands, t. VII, p. 201. (-2) Lettra do Charles-Quint, à la reine Marie, du 24 juillet, analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. (ô) Lettre du même à la même, du 30 juillet tibid. (A) Lettre du même à la même, du .11 juillet , ibid. ( *« ) Bourgogne, où l'appelait le mariage d'une de ses ii) les (J). Ce n'était pas sans peine que l'Empereur avait consenti à se priver, pendant quelque temps, des services de son premier ministre : à trois reprises différentes, il avait voulu revenir sur le congé qu'il lui avait donné (2). La veille du départ du marquis del Guaslo, Navagero alla le voir. Del Guasto lui dit qu'il avait compris, aux pa- roles de l'Empereur, qu'il avait peu d'envie de se dessaisir du duché de Milan, car le roi de France n'avait pas rempli ses promesses (5); il ajouta qu'il avait rédigé un mémoire où il proposait des arrangements au moyen desquels la paix pourrait être conservée, sans qu'il fallût faire le sa- crifice du Milanais ni des Pays-Bas, et qu'avant de partir, il le remettrait à l'Empereur. (Navagero connaissait déjà ce mémoire, dont il avait obtenu copie du secrétaire du marquis et qu'il avait envoyé (4) au conseil des Dix.) L'am- bassadeur vénitien demanda à del Guasto ce qu'il y avait de vrai dans le bruit répandu que Pierre-Louis Farnèse rece- vrait l'investiture de Parme et de Plaisance : le gouverneur du Milanais lui répondit que tel était en effet le dessein du pape, et même qu'il voulait de plus avoir pour son fds l'État de Sienne : « mais — ajouta-t-il — l'Empereur donnerait » plutôt un œil qu'il ne donnerait Sienne, parce que telle » est sa nature et profession , qu'il veut conserver à clia- » cun le sien, et je sais que souvent il s'est repenti d'avoir (1) Dépêches du 7 août, de Worms, et du 12 août, de Cologne. — Journal de Vandenesse. (2) Papiers d'État de Granvelle, 1. 111, p. 178. (3) « ... Dicendo eh '1 re non havea osservato fin hora quanto havea promesso.. . » (Dépèche du 12 août, de Cologne (au conseil des Dix). (4) Dépèche du 4 août, de Worms. ( 448 ) » fait Alexandre de Médicis duc de Florence, comme d'une » chose qui l'avait déshonoré (I). » Il lui dit encore qu'il avait reconnu dans l'Empereur une tendresse extrême pour son fils et le désir de lui laisser le plus d'États et de grandeur qu'il pourrait (2). D'après ce que Navagero manda à Venise, del Guasto retournait en Italie assez peu satisfait, s'étaht aperçu qu'on ne lui avait pas parlé en toute confiance ni dévoilé les pensées intimes de la cour impériale (5); l'ambassadeur attribue cette réserve au peu de sympathie qu'éprouvait pour lui M. de Granvelle, lequel était tout à fait dévoué aux intérêts de don Ferrante Gonzaga (4). Charles-Quint s'embarqua, le 9 août, sur le Rhin, à Bingen , après y avoir eu une entrevue avec le duc Jean de Bavière (5); il voyagea, sans s'arrêter, jusqu'à Cologne, où il descendit à deux heures du matin (6), ayant fait ainsi, selon la remarque de Navagero, plus de chemin en (1) a L'Imperatore li daria più tosto un occtiio che Siena , perché questa è la natura et profession sua, di voler conservar cadauno nel suo, et io so che moite voile si penti d'haver stabililo el duca Alessandro duca di Fiorenza, come di quella cosa che conosceva darli infamia... » ( Dépêche du J 2 août , déjà citée. ) (2) « Ch' havea conosciuto neir imperatore un infinito amore verso don Philippo suo figliuolo, et un desiderio di lasciarli quanlo più Stato et grandezza potrà » (Ibid.) (5) « Che con lui non si habbia parla to mol to liberamente et detto rintimosecretoneir animosuo » {Ibid.) (4) « Perché ha poco favorevole, anzi occulto inimico, Tillustris- simo di Granvela , il qufUe é tutto volto nella grandezza di don Fer- rante » (Ibid.) (5) Lettres de Charles à la reine Marie, du 12 août, et à Granvelle. du 50 août, analysées dans les manuscrits du comte de Wynants. (6) Lettre de Charles, du 12 août , déjà citée. ( 449 ) un jour que les personnes de sa cour en deux (1). Il avait beaucoup à écrire en Espagne, à cause de la mort de la princesse sa belle-fille ; ce fut ce qui l'engagea à se hâter autant (2). Il séjourna à Cologne jusqu'au 17. Le jour de l'Assomp- tion, il y reçut la visite de l'archevêque, qui tenait sa rési- dence à Bonn. Herman de Weda essaya de justifier au- près de lui sa conduite; mais Charles ne voulut entendre ni sa justification ni ses excuses : il déclara à l'électeur qu'il devait rétablir dans sa principauté l'ancienne religion, telle qu'elle y avait été toujours observée, en destituant les apostats et les prêcheurs appelés par lui; que, s'il ne le faisait pas, le pape procéderait contre sa personne et qu'il pourrait perdre, en même temps, et sa dignité épiscopale et celle de prince de l'Empire, car, pour sa part, il était bien décidé à ne plus tolérer ses excès. Herman , avant d'em- brasser le protestantisme, avait manifesté l'intention de résigner l'archevêché de Cologne à son coadjuteur; Charles lui fit suggérer, par le vice-chancelier Nayes, de prendre ce parti; mais l'électeur ne s'y montra point disposé (3). Loin de là : on apprit, bientôt après, à Bruxelles, par des lettres écrites au nonce, qu'il s'efforçait, plus que jamais, d'attirer tout le monde à son opinion , laquelle il disait être la vraie et la chrétienne (4). Charles coucha, le 17 septembre, à Juliers, le 18 à Maes- tricht, le 19 à Saint-Trond, le 20 à Louvain, où l'atten- (1) Dépèche de Navagero, du 12 août, déjà cilée. (2) Lettre de Charles, du 12 août, déjà citée. (3) Lettre de Charles à Granvelle, du 30 août. (4) « La vera et la christiana » (Dépêche du 5 septembre, de Bruxelles.) 2me SÉRIE, TOME XIX. 30 ( 450 ) daient la reine Marie et les principaux seigneurs des Pays-Bas. De Louvain il alla avec la reine au château de Tervueren. Quand tout se trouva disposé pour les obsè- ques de la princesse d'Espagne, ils vinrent à Bruxelles, où cette cérémonie fut célébrée le 2o et le 26 août (1). Quelques jours après, Charles assembla, en sa présence, les députés des états des Pays-Bas : il leur rappela les dan- gers auxquels ces provinces avaient été exposées lors de la dernière guerre, et, afin d'en prévenir le retour, il leur demanda une aide annuelle de 500,000 florins destinée à l'entretien de trois mille hommes de cavalerie (2). Nava- gero, qui ne manque pas d'informer le doge de cette de- mande, ajoute : « On croit que les états l'accorderont, car » ceux qui y seraient contraires seront, par toute sorte » de moyens, réduits à voter comme les autres (3). » La peste régnait, en ce temps-là, dans la plupart des villes des Pays-Bas; c'était le fruit de la guerre et des mi- sères qu'elle entraîne ordinairement après elle (4). Nava- gero constate qu'à Bruxelles, où dix à douze maisons étaient infectées, on s'en préoccupait peu et l'on ne faisait rien pour y remédier (5). Le 16 septembre il écrit : « La (1) Dépêches des 23 et 29 août, de Bruxelles. — Journal de Yandenesse. (2) Archives du royaume, fonds des états de Brabant : Iiootboeck , fol. 156. (3) « Si giudica che in Brugges responderanno et saranno alla fine coutenti, perché in questo mezzo quelli che si mostrasse.ro alieni saranno per ogni via et per ogni mezzo ridotti a contentarsi.... » (Dépêche du 1er septembre, de Bruxelles.) (4) Lettre de la reine Marie à Charles-Quint, du 18 août, analysée daDs les manuscrits du comte de Wynants. — Dépêche de Navagero, du 29 août, de Bruxelles. (5) « ... La peste in questa ciltà non fa molli progressi ; sono appes- tate circa 10 in 12 case; ma perô ne si terne qui, ne se li provede,... » (Dépêche du Ie' septembre, déjà citée.) ( 4SI ) » peste va plutôt ici en augmentant qu'en diminuant : » selon ce que m'a rapporté un des membres du magistrat » chez lequel je suis logé, il y a maintenant quinze mai- » sons infectées, tandis qu'à mon arrivée il n'y en avait » qu'une dizaine. Comme je désirais savoir quelles me- » sures on prenait dans ces circonstances, il m'a dit qu'on » se bornait à envoyer les pestiférés à un hôpital de la » ville où d'autres malades sont aussi soignés (J). » Le retour de Charles-Quint à Bruxelles était regardé par tous les hommes politiques comme le moment où la déclaration de ce monarque sur l'alternative stipulée dans le traité de Crépy devrait sortir ses effets. Le duc d'Or- léans l'attendait avec impatience; afin d'être libre à ce moment-là, il avait refusé le commandement de l'armée levée par le roi son père pour reprendre Boulogne (2). La Providence, qui se plaît souvent à confondre les desseins des hommes, ne voulut pas que les destinées promises à ce jeune prince s'accomplissent. François Ier, sur la fin d'août, était allé avec ses deux fils à Forêt-Moutiers, près d'Abbeville, d'où il avait l'in- tention de se rendre à son camp devant Boulogne. Des maladies contagieuses infectaient aussi cette contrée; le duc d'Orléans en fut atteint; toutefois il se rétablit promp- tement, et, le 29 août, les ambassadeurs de l'Empereur, les sieurs de Saint-Mauris et de Noirthond, purent l'en (1) « La peste va più tosto crescendo che minuendo, perché me lia detlo uoo del governo di questa ciltà in casa de chi son allogialo , che alla nostra venuta erauo 10 case et hora se ne ritrovano 15 appestate; et diniandandoli io che provisione si fa , disse : « Non se fa altra senon che » l'ammaliti si mandano ad uno hospitale qui nella città ove sono degl' » al tri infermi » (2) Lettre de Saint-Mauris à l'Empereur, du 28 mai, analysée dans les manuscrits du comle de Wynants. ( 452 ) féliciter (1). Mais, le 4 septembre, la fièvre lui reprit, et avec une telle violence, qu'il fallut le saigner coup sur coup. Les médecins n'étaient pas d'accord sur la nature de la maladie : c'était une pleurésie suivant les uns, c'était la peste suivant les autres. Le 9 septembre, à trois heures après midi , Charles de Valois expira (2). On fit l'autopsie de son corps, et l'on constata qu'il avait le sang entière- ment corrompu (5). François Ier était à la chasse quand son fils chéri ren- dait le dernier soupir. A son retour, il fit éclater un grand désespoir; pendant une demi-heure il demeura comme éperdu; on l'entendit s'écrier : « Mon Dieu! que t'ai-je » fait? » Il partit le même jour pour se retirer dans une abbaye, à deux lieues d'Amiens, près de Pecquigny (4). Là il s'abandonna de nouveau à sa douleur, disant et ré- pétant plusieurs fois : « Mon Dieu! pourquoi ne m'as-tu » pas plutôt pris que mon fils? » se lamentant de ce que, en une heure, il se voyait privé de ce qu'il avait recherché, toute sa vie, avec tant de peines et de travaux. En réalité, — et cette remarque ce n'est pas nous qui la faisons, mais ses courtisans eux-mêmes — il était aussi affligé de la perte de l'État de Milan que de celle de son fils (5). La nouvelle de la mort du duc d'Orléans parvint à Bruxelles le 11 septembre (6). Charles-Quint, en la rece- (1) Lettre de ces ambassadeurs à l'Empereur, du 1er septembre, ana- lysée dans les manuscrits du comte de Wynants. (2) Lettre de Saint-Mauris à l'Empereur , du 9 septembre , ibid. (3) Lettre du même au même, du 16 septembre, ibid. (4) Lettre de Saint-Mauris, du 9 septembre, déjà citée. (5) Lettre de Saint-Mauris, du 16 septembre, déjà citée. (6) Dépêche de Navagero, du 12 septembre, de Bruxelles. — Journal de Vaudenesse. ( 453 ) vaut, envoya le secrétaire Georges d'Espleghem compli- menter les ambassadeurs français, de Grignan et Mesnage, et les assurer de son intention de maintenir la paix existante entre lui et le roi très-chrétien, car il ne l'avait pas fondée seulement sur la vie du prince que la France venait de perdre (1). Il fit partir Philippe de Lannoy, seigneur de Molembais, chevalier de la Toison d'or, pour la cour de France, avec la mission d'exprimer au roi et à la famille royale la part qu'il prenait au coup qui les avait frappés (2). En même temps il transmit à Saint-Mauris des instruc- tions sur la conduite qu'il aurait désormais à tenir. 11 lui recommandait de ne plus s'occuper de questions dépen- dantes du traité de Crépy, de parler de ce traité le moins possible, de répondre au roi et à ses ministres, s'ils lui eu parlaient, que la volonté de l'Empereur était de remplir toutes ses obligations; qu'il ne désirait rien autant que de vivre en bonne amitié avec le roi , son beau-frère. Il le chargeait enfin de mettre sur le tapis, comme pouvant servir de base à une nouvelle convention , le mariage du prince d'Espagne avec madame Marguerite de Valois, deuxième sœur du Dauphin (5). Le 25 et le 26 septembre il fit célébrer, à Sainte-Gudule, pour le prince défunt, des obsèques auxquelles il assista en personne, « accoustré — » dit Yandenesse — de longue robe de deuil , le chaperon » sur l'épaule (4). » (1) « Affirmandoli che era nel medesimo proposito di continuai' nella pacc co 'I re christianissimo, perché dal canto suo l'havea fondata non su la vita di monsor d'Orliens solo. ,. » (Dépêche du 16 septembre, de Bruxelles.) (2) Ibid. (3) Lettre de Charles-Quint a Saint-Mauris, du 15 septembre, analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. (4) Dépèche du 27 septembre, de Bruxelles. — Journal de Vandênessé. ( 454 | Si nous nous en rapportons au témoignage de Navagero, là mort du duc d'Orléans causa à Bruxelles une satisfaction générale, chacun s'imaginant que d'autres arrangements entre l'Empereur et le roi, plus avantageux pour le pre- mier de ces souverains, en seraient la conséquence (1). Était-ce le sentiment de la nation que l'ambassadeur véni- tien interprétait ainsi? N'était-ce pas plutôt, comme j'in- clinerais à le croire, celui des personnes attachées à la cour et au gouvernement? Car les Belges n'étaient pas intéressés à la conservation par l'Empereur du duché de Milan; ils devaient craindre, au contraire, qu'elle ne fût la cause, entre lui et le roi de France, de nouvelles guerres dont ils supporteraient encore le principal poids. Le langage des ambassadeurs français était peu de nature, d'ail- leurs, à autoriser ces espérances flatteuses; ils disaient à un ami particulier de Navagero : « Nous avons toujours » déclaré que si l'Empereur veut, comme il l'affirme, con- » tinuer à vivre en paix avec le roi, il est en son pouvoir » de le faire : il n'a pour cela qu'à donner l'État de Milan. » Que si S. M. n'est pas d'avis d'entretenir la paix par ce » moyen, nous avons entre les mains un très-bon gage (2) » : allusion au Piémont et à la Savoie que la France retenait. Le 10 septembre arriva à Bruxelles un personnage des- (1) « .... Universalmente tutti qui non possono dissimulai' l'allegrczza ch' hanno di questa morte Qui, serenissimo principe, o-gn' uno crede che da questa morte siano per nascer et novi parlili et novi attaehi.... » (Dépêche du 16 septembre, déjà citée.) (2) « Habbiamo cletto sempre che Tlmperator voglia, corne dice, conlinuar nella pace co 'I re , è in sua mano di farlo, dando il Stato di Milano. Quando anchè paresse a S. Mla di non voler con queslo mezzo la pace, habbiamo assai buon pegno in mano.... » (Dépêche du 16 sep- tembre, déjà citée.) ( 455 ) tiné à jouer plus tard, aux Pays-Bas, un rôle qui est écrit dans l'histoire en lettres de sang : j'ai nommé Fernando Alvarez de Tolède, duc d'Albe (I). On avait appris qu'il était appelé par l'Empereur; dès le 5 septembre, Navagero l'annonçait au doge : « Le duc, lui disait-il à cette occa- » sion, est le plus cher à l'Empereur de toute la noblesse » d'Espagne; c'est un seigneur qui a toujours désiré de » commander des armées (2). » Cette venue de Ferdinand de Tolède faisait du bruit à la cour : « J'ai — écrit une » autre fois Navagero — j'ai prisa tâche d'en connaître la )> cause. Les uns disent qu'au départ de l'Empereur de ces » provinces, il y restera comme gouverneur; aux autres il » paraît peu vraisemblable que le gouvernement du pays » soit conlié à un seigneur étranger, avec lequel plusieurs x> de ces grands, qui se réputent sinon supérieurs à lui, » tout au moins ses égaux, auraient journellement à dis- » cuter. Pour cela, je crois plus facilement à ce que m'a dit » un gentilhomme espagnol considérable, que l'Empereur » seul, et nul autre, sait pourquoi il a mandé le duc , et en d quoi il veut se servir de lui (5). » Ferdinand de Tolède (1) Dépêche du 16 septembre, déjà citée. (~2) « Questo signor è il piùcaro che habbia Cesare in Spagna, et è signor che ha disegnato sempre governi d'esserciti » (Dépêche du 3 septembre, de Bruxelles.) (3) « ... . Délia venuta del duca d'Alva ho voluto ricercarne la causa. Alcuni dicono già ch '1 restarà, nel partir di Cesare daqueste provincie, al governo di questi paesi, benchè ad altri pare cosa poco verisimile che debba restare a questo governo un signor forestière co '1 quale molli di questi grandi, che si reputano senon superiori, almeno eguali a lui, hab- biano a contender ogni giorno; et perô io credo più facilmente quello che mi ha detto un gentilhuomo spagnuolo d'assai, che solo rimperatore sappia, et niuno altro, perché habbia mandato à chiamar el duca, et in che si voglia servir di lui » (Dépêche du o septembre, de Bruxelles.) ( 456 ) alla loger au palais même de l'Empereur, dont il était le grand maître d'hôtel. Ici se place, par sa date, une importante communica- tion de Navagero au conseil des Dix. Il voyait beaucoup le secrétaire de Florence, dont il ne nous fait pas con- naître le nom. Ce secrétaire, depuis que l'ambassadeur auquel il était attaché avait pris congé de la cour impériale à Worms, vivait chez don Francisco de Tolède, neveu du vice-roi de Naples, parent et ami intime de don Enrique de Tolède, gentilhomme de la chambre de l'Empereur, qui l'affectionnait particulièrement et n'avait pas de secret pour lui (1). Personne ne pouvait donc être mieux instruit des desseins de leur maître que ces deux personnages, et l'arrivée à la cour du duc d'Albe, qui leur était uni par les liens du sang, ajouta encore au crédit dont ils jouissaient. Or, le secrétaire en question coniia à Navagero que l'in- tention de l'Empereur était de se déclarer ennemi des luthériens; que, si l'électeur de Saxe et le landgrave de Hesse venaient à la diète de Ratisbonne, il les ferait ar- rêter; que, s'ils n'y venaient pas, après y avoir été appelés, il prendrait les armes contre eux; que c'étaient là les pro-? près paroles qui étaient sorties de la bouche de l'Em- pereur (2). Navagero ayant fait des objections à son interlocuteur, celui-ci reconnut qu'elles étaient graves; mais il lui pa- raissait manifeste, d'un autre côté, et l'Empereur en était (1) « .... H più grato gentil huomo ch1 habbia Cesare délia caméra, el co '1 quale communica liberamente ogni cosa » (Dépêche du 27 sep- tembre, de Bruxelles.) (2) « .... Dice saper esso cer(o esser uscite le medesime parole délia, boccadi Cesare » {Ibid l ( 457 ) convaincu, que , s'il s'éloignait de l'Allemagne, laissant les choses dans l'état où elles étaient, celte contrée tout en- tière serait bientôt en proie à l'hérésie , et que la même peste ne tarderait pas à corrompre les Pays-Bas, qui en étaient déjà infectés. 11 ajouta que le confesseur, dont Fin- • fluence sur l'esprit de l'Empereur était grande, ne cessait de l'exciter à une entreprise à laquelle étaient intéressées la foi et la religion du Christ; que le pape lui faisait de grandes promesses; qu'il trouverait, pour le servir, même des gens de guerre allemands; qu'il n'en aurait pas du reste besoin, car, avec les Italiens dont il pourrait se pro- curer le nombre qu'il voudrait, et les Espagnols qui ne lui manqueraient pas, il serait en état de faire beaucoup, concluant ainsi son discours : « Que vous semblerait-il, si d le duc d'Albe eût été mandé pour être le chef de cette » entreprise, car le pape, vous le savez, est peu ami de » don Ferrante Gonzaga, les Italiens ne l'aiment pas, les » Espagnols, pour plusieurs raisons , se tiennent offensés » par lui, les Allemands enfin ne veulent point lui obéir?... » Et tout ce que je vous dis est au cas que la paix ou une » trêve se fasse avec le Turc (1). » Ce secrétaire florentin, il faut en convenir , était parfaitement renseigné. (1) « Ma che anchè deir allro canto si vedea chiaramente, et FImperalor lo conosceva, che partandosi Sua Maestà di Germania, et lasciando le cose come sono, tutta rAlemagna sarà per nécessita luthe- rana, et che.questa peste corromperia anchè del tuttoli Paesi Bassi, che ne son già infetti ; che 'I confessor, al quale crede assai Sua Maestà, non cessa mai diaccenderlo a questa impresa per la fede et religion di Christo; che 'I pontefice li promette gran cose, et che perô haveria anchè délia gente tedesca; ma quando non ne havesse, che con Italiani dei quali ne haveria quanto numéro volesse, et con Spagnuoli, che ne haveria in buen numéro, sepoiria Car assai; concludendomi : » Che vi pareria, se 'I duca ( m ) D'Àndelot était depuis peu retourné de Rome, précédant un envoyé spécial de Paul lit, qui arriva à Bruxelles le 3 octobre (1). Cet envoyé était l'évêque de Cassano, Geronimo Dandino, qui s'était acquis de la réputation en Italie par sa science. Sa mission avait pour objet de mettre la dernière main aux négociations entamées à Worms. L'Empereur désigna, pour conférer avec lui, le secrétaire Idiaquez et le régent Figueroa (2). Chacun des négociateurs se fit une loi de garder le secret sur ce qui se passait entre eux : Dandino se contenta de dire à l'ambas- sadeur de Venise que le pape l'avait envoyé pour le con- cile principalement, et pour exhorter l'Empereur à con- server la paix avec le roi de France: car, sans l'accord entre les deux souverains, il ne pouvait y avoir de concile ni se faire rien de bon (3). Le 10 octobre, le secrétaire Marchina, qui avait accompagné l'évêque de Cassano, repartit pour Rome (4). Navagero apprit, du secrétaire de Florence dont il est parlé plus haut, qu'il y était ren- voyé parce que le pape offrait de payer 12,000 gens de pied et 600 chevaux pour la guerre contre les luthériens, seulement pendant quatre mois, et que l'Empereur voulait être assuré de ce payement pendant toute la durée de la guerre (5). Ce secrétaire lui dit encore que le concile ne <- d'Alva fusse stato chiamato per esser capo di questa impresa? percbè il » pontefice, corne sapete, è pocoamieoa don Ferrante, H Italiani non lo » amano, li Spagnuoli pet* moite cause si riputano offesi da lui, da Tedesclii « non haobedientia Et tutto questo cli'io vi dico è in caso che segua la » compositione, oper via di tregue, oper via di pace, co '1 Turco.... » (Ibid.) (1) Dépèche du i octobre, de Bruxelles. (2) Dépèche du H octobre , de Bruxelles. (3) Dépèche du 0 octobre, de Bruxelles. (i) Dépèche du 10 octobre, de Bruxelles. (S) Dépêche du 21 novembre, d'Anvers. ( 459 ) s'ouvrirait que pour faire déclarer les luthériens hérétiques, et pour avoir par-là un prétexte honnête de les comhattre, ajoutant : « Sachez qu'il y a peu de personnes à cette cour » pour lesquelles ceci ne soit pas un mystère (1). » Vers ce temps, mourut (2) le cardinal archevêque de Mayence, Albert IV de Brandebourg : c'était une perte pour l'Empereur et pour la religion , car cet électeur était très-affectionné à Charles-Quint et très-catholique (5); elle fut d'autant plus sentie à la cour impériale, qu'on avait des raisons de craindre que les protestants ne réu- nissent tous leurs efforts afin de faire élire, à la place d'Albert, le doyen de la cathédrale de Cologne, le comte Henri de Stolberg, qui s'était marié avec une abbesse(4); ce doyen était chanoine de Mayence. Charles-Quint auraitdésiré voir élever au siège vacant le cardinal d'Augsbourg, dont le dévouement à la maison d'Autriche lui était connu (o); il envoya à Mayence, dans ce but, le vice-chancelier de Naves (6) : ce fut le nom de l'écolàlre de l'église métro- (lj « Sappiate cbe è cosi che questo secreto è in pochi in qu<>sta eorte » (Dépêche du 30 novembre, d'Anvers. (2) Le 24 septembre. (5) « Caitolico et molto affectionato a Cesare... » (Dépèche du 4 octo- bre, de Bruxelles.) (4) «„... Che ha per moglie una badessa... » (Ibid.) Né le 1er janvier 1509 , Henri de Stolberg avait été admis au chapitre de Cologne le 19 septembre 1533 , et élu doyen de ce corps le 10 avril 1342. lui 1 5i6 , il fui destitué de cette dignité et de sa prébende par le nonce An- tonio de Verallo , archevêque de Rossano , en vertu des ordres du pape. Ou lit, dans VUniversalLexicon, t. XIV, p. 357, qu'il épousa, en 1557, Elisabeth de Gleichen, fille du comte de ce nom. Est-ce la même dont parle l'ambassadeur de Venise? (5) «... Che è confîdenlissimo di questa ■ (Dépêche du 30 novembre, d'Anvers.) (3) Dépêche du 11 décembre, de Bois-le-Duc (au conseil des Dix). — Journal de Vandenesse. ( 470 ) de voyager, si cela lui plaisait, dans la belle saison (i). Des pilules qu'ils lui firent prendre le guérirent cepen- dant, et, le jour de Noël, il se trouva en état d'aller enten- dre la messe à la grande église. Il quitta Bois-le-Duc le 28; le 30 il fit son entrée dans Utrecht (2). Navagero le suivit en cette ville. On n'a pas oublié fray Martin de Guzman, ce moine do- minicain qui avait été mêlé aux négociations de la paix de Crépy. Pour le récompenser de la part qu'il y avait prise, François Ier lui avait donné une riche abbaye. Quel- ques jours avant la mort du duc d'Orléans, il le fit appeler et le chargea de se rendre auprès de l'Empereur, pour l'instruire des offres, que lui faisaient les princes protes- tants d'Allemagne, de s'interposer dans sa querelle avec les Anglais, à condition qu'il les aidât contre les états ca- tholiques de l'Empire, et pour déclarer à ce monarque qu'il aimait mieux s'arranger avec les Anglais par son moyen que par celui des protestants, lesquels, disait-il, il ne voulait pas soutenir en leurs malheureuses opinions (o). Fray Martin avait reçu aussi du duc d'Orléans la mission de rappeler à l'Empereur que le temps où il avait promis de lui délivrer l'État de Milan approchait (4). Lorsque le «jacobin de la paix » — c'est le nom donné à Guzman dans les dépêches diplomatiques — arriva à y[) «... Che ila uio inanli bisogna ch '1 procuri di riposar l'inverno et far viaggio, se '1 verra, alli buoni tempi ... » (Dépêche du 18 décembre, de Uois-le-Duc (au conseil des Dix). (2) Dépêches du 23 décembre, de Bois-le-Duc, et du 1er janvier 154f>, dTtrecht. — Journal de Vandenesse. (3) Lettres de l'ambassadeur Saint-Mauris à l'Empereur, des ltr et 5 sep- tembre 154 o, analysées dans les manuscrits du comte de Wynants. (4) Dépêche de Navagero, du i octobre, de Bruxelles. ( *7i ) Bruxelles, on y avait appris la mort du duc d'Orléans. L'Empereur lui lit dire, par son confesseur, à qui il s'était adressé pour avoir audience, que cet événement ayant changé la face des affaires, il trouvait convenable qu'il s'en retournât; il en usa ainsi, comme il le manda à son ambassadeur en France, « pour bonnes considérations, et » même que ledit jacobin était personnage par les mains » duquel on ne pouvait traiter affaires de telle impor- » tance (1). » Au mois de novembre, François icr renvoya fray Guzman à l'Empereur (2); c'était Je moment où des négociations actives avaient lieu entre les ministres des deux souverains, à Bruges d'abord, et ensuite à Anvers, négociations qui, nous l'avons montré, n'aboutirent à aucun résultat. Tandis que Charles- Quint était retenu par la goutte à Bois-le-Duc, on vit encore reparaître à sa cour le «jacobin de la paix. » Cette fois il venait, de la part du roi, proposer un accommodement définitif sur les bases suivantes : 1° le prince d'Espagne épouserait ma- dame Marguerite; les enfants qui naîtraient de cette union auraient le duché de Milan; 2° madame d'Albret serait donnée en mariage au prince de Piémont; 5° la Savoie et la Bresse seraient restituées au duc Charles III, lequel recevrait une compensation en France pour le Piémont, que le roi conserverait. Si ces arrangements n'agréaient pas à l'Empereur, le roi demandait que, les choses restant dans le statu qito, et chacun des deux souverains gardant ce qu'il tenait, l'Empereur, pour étreindre les liens de (1) Lettre du 15 septembre, analysée dans les manuscrits du comte de Wvnants. (2) Lettre de Saint-Mauris à Charles-Quint, du 0 novembre, analysée dans les manuscrits du comte de Wvnants. ( 472 ) l'amitié existant entre eux, consentit au mariage du prince Philippe avec madame Marguerite, à laquelle serait donnée une dot double de celle qu'on avait coutume de donner aux filles de France (1). Comme tout cela ne différait guère de ce qui avait été discuté dans les conférences de Bruges et d'Anvers, Charles-Quint y (it une médiocre atten- tion (2), et fray Martin fut renvoyé après avoir passé trois jours seulement à Bois-le-Duc (5). Les fréquents voyages de ce moine à la cour impériale intriguaient cependant bien du monde. Navagero tâcha en vain de savoir ce qu'il yétait venu faire en dernier lieu; l'ambassadeur de France, M. de Mesnage, l'ignorait lui-même : mais l'envoyé de Ve- nise ne se trompa pas en écrivant au doge que le jacobin avait peu de crédit à cette cour (4). Le secrétaire Marchina, de retour de Rome, était arrivé à Bois-le-Duc au moment où l'Empereur en partait ; Charles lui donna audience, le 30 décembre, à Utrecht (5). Une personne « qui pouvait le savoir (6) » assura à Nava- gero que Marchina avait été chargé par le pape d'offrir à l'Empereur, pour la guerre contre les protestants, 12,000 hommes d'infanterie et 2,000 chevaux payés pen- dant tout le temps qu'elle durerait, avec l'engagement de se déclarer ennemi de tous ceux qui s'opposeraient à cette entreprise (7). Quelques jours après, la même personne (1) Lettre de Charles-Quint à Saint-Mauris, du 24 décembre, analysée dans les manuscrits du comte de Wynants. (2) Ibid. (5) Dépêche du 18 décembre, de Bois-le-Duc (au conseil des Dix). (1) «..'.. Il fraie a questa corte non è di molto credito .. » (Dépêche du 18 décembre, déjà citée.) (5) Dépêche du 1er janvier 15i6, dTtrecht. (6) «... Chelo pub saper... » (Dépêche du 8 janvier Kiifî , d'Ulrecht.) (7) Ibid. ( 475 ) modifia sa première communication, en disant à l'ambas- sadeur que le pape ne soudoierait que 600 chevaux avec les 12,000 gens de pied, et seulement pour six mois, mais qu'il promettait en outre 200,000 écus. comptant. Elle ajouta que l'Empereur avait grande inclination à cette guerre, reconnaissant qu'elle était plus que nécessaire, pour le peu de compte que, depuis bien des années, les lu- thériens tenaient de lui, pour le péril certain auquel était exposé ce qui restait de la religion, et enlin pour les Pays- Bas, qu'il courait le risque de perdre, s'il ne prenait pas ce parti (1). On remarqua, après l'arrivée de Marchina,que les deux nonces qui étaient à la .cour impériale, et ce se- crétaire lui-même , eurent de longues conférences avec le confesseur de l'Empereur (2). Marchina et le nonce Dandino partirent pour l'Italie le A février (5), porteurs de la réponse de Charles-Quint. Navagero n'en fait pas connaître le contenu; mais une lettre de Charles au prince son fils (4) nous le révèle : l'Empereur acceptait les offres de Paul lïï. Le 25 janvier arriva à Utrecht le protonotaire de Mont- luc , que François Ier envoyait à l'Empereur pour l'ins- truire de ce qui s'était passé dans la négociation de Tur- (1) «... La quale (Maeslà Sua) conosce essere più che necessaria, per il poco conto che hanno dimostrato da certi anni inquà tener lutherani di Sua Maestà , et per il certo pericolo in che conosce lasciar le reliquie délia po- vera religïone , et per questa via perder forsi anchè li Paesi Bassi, non li provetfendo... » (Dépêche du 2:2 janvier, d'Utrecht.) (2) Dépêche du 19 janvier, d'Utrecht. (5) Dépèche du 4 février, d'€trecht. (i) Elle est dans Beitrctge zut politischen, kirchlichen und cullur-Ge- schichle der sechs letzten Jahrhunderte , do M. de Dôllinger, t. Ier, p. 10. Elle porte la date du lôfevriet lMiG. ( 474 ) quie (1). C'était une courtoisie de la paît du roi, car Charles-Quint était parfaitement informé de cette négo- ciation; il y avait près de six semaines que Nicolo Seco, revenu de Constantinople par la poste (2), lui avait apporté la nouvelle de la conclusion d'une trêve d'un an (3), et Gérard de Veltvyck, qui avait précédé de plusieurs jours Montluc à Utrecht (4), lui avait fourni là-dessus tous les éclaircissements qu'il pouvait désirer. Charles donna au- dience, le 28, à l'envoyé français. La conversation qui s'engagea entre eux amena Montluc à assurer l'Empereur que le roi de France avait pour lui une amitié véritable, et que jamais il ne serait le premier à rompre ou violer une paix solennellement jurée. L'Empereur répondit à l'ambassadeur de François Ier qu'il se repentait des lon- gues guerres et inimitiés qu'il avait eues avec le roi; que toutefois il en était résulté le moins de mal qu'il avait pu (5). Cet échange de paroles amicales n'empêchait pas que des dissidences sérieuses n'existassent entre les deux cours. Montluc, causant avec Navagero, lui dit : « Le » roi mon maître désire la paix, mais il ne la veut pas, si » elle doit avoir pour résultat de l'exclure entièrement de » l'Italie : or, l'Empereur ne cherche qu'à l'en exclure, » pour pouvoir à sa poste pénétrer en France. Le roi a » voulu céder tout, excepté Turin et Pignerol; notre in- (1) Dépèche du 25 janvier, d'Utrecht. (u2) Il avait été envoyé par le roi Ferdinand à Constantinople, pour y seconder les démarches de son ambassadeur. (5) Dépèche du 16 décembre , de Bois-le-l)uc. (4) Dépêche du 19 janvier , d'Utrecht. (5) «.... Che si penteva délie longhe guerre et inimicilie che havea havulo co 'I re, dalle quai' pero è successo quel manco maie che liavea pokilo... » (Dépèche du 29 janvier, d'Utrecht.) ( 475 ) » lenlion est de rester en paix, et sur ce point le langage » de l'Empereur est satisfaisant (1). » Le 2 janvier 1546 commencèrent, à Utrecht, les céré- monies et les fêtes du chapitre de la Toison d'or, retardé par les circonstances que nous avons rapportées. Dans l'histoire de l'ordre que feu M. de Reiffenberg a publiée d'après des documents authentiques, on trouve une rela- tion circonstanciée de ces fêtes et de ces cérémonies, ainsi que des élections qui furent faites. Le journal de Yande- nesse en parle aussi avec beaucoup de détail. La goutte vint surprendre Charles-Quint au milieu des occupations que lui donnait la tenue du chapitre, et il fallut, pendant plusieurs jours, que les chevaliers délibérassent dans sa chambre, lui étant au lit (2). On crut même un instant qu'il serait obligé de retourner à Bruxelles, pour prendre l'eau de bois, comme l'année précédente (5). Son énergie lui fit surmonter ses douleurs physiques, et, le 5 février, il se mit en route pour la Gueldre, visitant successivement Wagheninghe, Arnhem, Zutphen, Ni- mègue, Yenlo, Ruremonde (A). Il alla ensuite à Maes- tricht, où il prit congé de la reine Marie, après avoir (1) «... 11 re mio desidera la pace , ma non la vuole gïà con esser escluso del tutto d'Ilalia, et l'Imperatore non cerca altro che escluderlo per poter a posta sua penetrar nella Franza. Ha voluto il re cieder ogni cosa, eccetto Turino et Pinarolo; Tanimo noslro è di star in pace, et sopra ciô da l'Im- perator buone parole... » (Dépèche du 25 janvier 1546, d'Utrecht.) (2) • (Dépêche du 14 février, de Nimègue.) ( 479 ) bateau qui le conduisit à Francfort. De là, consultant plus son zèle pour le service de la république que ses forces, il se fit transporter en chariot à Nuremberg (1). Il arriva enfin à Ratisbonne dans les premiers jours de mai. Pendant le temps qu'il avait été éloigné de la cour de l'Empereur, son secrétaire (2), qui l'avait suivie par son ordre, avait informé le sénat de ce qui s'y était passé (3). Les dépêches de ce secrétaire ne sont pas transcrites dans le registre que possède la bibliothèque de Vienne : il en contient une seule de Navagero, entre le 14 février et le 10 mai 1546; elle est datée du 4 mai, à Nuremberg. Il y parle de Cologne, où il n'a remarqué aucune altération, malgré la sentence rendue par l'Empereur contre l'arche- vêque; de l'archevêque lui-même, qui n'en continue pas moins de faire prêcher sa nouvelle religion dans tous les lieux qui lui sont soumis; du landgrave de Hesse, qui a fait publier dans son pays l'interdiction de se mettre au service de princes étrangers, et l'ordre de s'armer pour la défense de la foiévangélique et de la liberté de l'Allemagne. Il y rap- porte une conversation qu'il a eue à Francfort avec un des premiers de la ville: celui-ci lui a dit que sept princes catho- liques ou papistes, comme les protestants les appellent (4), entre lesquels on comptait l'archevêque de Mayence et (i) Dépêche du 4 mai, de Nuremberg. (2) Navagero ne nomme pas ce secrétaire dans ses dépèches; mais, dans sa relation au sénat ( Relazioni, etc., sér. I , t. I, p. 366), il dit qu'il a eu, pendant sa mission, deux secrétaires: l'un, Buonricio, qui a été avec lui pendant quatre mois; l'autre, Tramezzino, « letterato diligente » etbellissimo scrittore, » qui y a été tout le temps C'est très-vraisem- blablement de Tramezzino qu'il est question ici. (3) Dépêche du 14 février, de Nimègue. (4) a .... Corne essi dicono... • ( 480 ) l'électeur palatin, ont promis et juré au landgrave, dans cette même ville, de défendre la liberté germanique contre toutes forces étrangères. Il écrit enfin qu'il circule dans le public un discours anonyme, en allemand, adressé à l'Em- pereur, dans lequel on le supplie de ne pas prendre les armes contre l'Allemagne ni contre la parole de Dieu. A Ratisbonne, Navagero trouva celui qui était venu le remplacer à la cour impériale : c'était Alvise Mocenigo, successivement sage aux ordres (savio agli ordini), capi- taine de Vicence et sage de Terre-Ferme, nommé ambas- sadeur ordinaire de la république près Charles- Quint le 29 septembre de l'année précédente (1). Il ne put tou- tefois, à cause de la fièvre dont il continuait d'être tra- vaillé, prendre immédiatement congé de l'Empereur; et, pendant tous le mois de mai, il signa, avec Mocenigo, les dépêches que celui-ci envoya à Venise; par ce motif, il en garda copie. Dans deux de ces dépêches (2), il est parlé d'une négo- ciation secrète entamée , sous les auspices de l'Empereur , pour amener une réconciliation entre Henri VIII et le saint-siége: ce fut par l'ambassadeur de Fèrrare que Moce-' nigo et Navagero en eurent connaissance; Henri avait en- voyé à Ratisbonne, pour la suivre, quelqu'un sous un nom de marchand. Déjà, quand l'évêque de Winchester était venu à Rruges, on avait confié à Navagero qu'un objet dont l'Empereur s'occupait avec sollicitude était de réduire Henri VIII à la dévotion du siège apostolique (3); on lui (1) Relazioni degli ambasciatori Veneti del secolo XVI0, sér. II, t. IV, p. 22. (2) Du 10 mai : Tune adressée au doge, et l'autre au conseil des Dix. (3) « Di ridur questa Maestà alla devotione délia sede aposlo- lica.... » (Dépêche du 8 novembre, de Bruges.) ( m ) avait répété certains propos tenus à ce sujet par le uonce : « Il y a quelques années, — avait dit l'envoyé de la cour » de Rome — quand se fit la ligue et capitulation de Bar- » celone, je sais que l'Empereur manifesta une pareille » intention, et donna au souverain pontife l'espoir d'y » réussir (1). » Nous regrettons de n'en pas savoir davan- tage sur un fait aussi important. Plusieurs princes et évêques catholiques, entre autres les cardinaux de Trente et d'Augsbourg, les évêques de Wurz- bourg et de Bamberg, se trouvaient à la diète; mais, des princes protestants, si l'on excepte l'ambitieux et artificieux Maurice de Saxe, il n'y en avait aucun; ils s'étaient con- tentés d'y envoyer des commis, personnes dépourvues d'autorité, de basse condition, et ayant des instructions fort restreintes (2). Le cardinal d'Augsbourg, causant là- dessus avec Mocenigo, lui dit : « L'Empereur aurait du » cbâtier ceux qui les premiers lui ont désobéi. Aujourd'hui » les choses sont venues si avant que je crains qu'il ne soit » pas seulement difficile, mais qu'il ne soit impossible de » remédier au mal (3). » La résolution d'embrasser le lu- théranisme que l'électeur palatin, Frédéric TI, avait prise récemment, confirmait la justesse de cette observation. (1) « .... Già alcuni anni, quando fece quella lega et capitulation di Barcelonna, so che diede intentione et sperauza al poiitefice di poter lo far.... » {Ibid.) (2) « Persone perô di niuna auttorità et di bassa conditione, con ordini molto ristretti... » ( Dépèche du 2o mai , de Ratisbonne.) (3) « Cesare dovea castigar li primi inobedienti ; ma hora la cosa è processa tantoinanti che dubito che sia più presto impossibile che difficile il provederli.... » (Dépêche du 14mai,de Ratisbonne.) 2me SÉRIE, TOME XJX. 32 ( 482 ) Charles-Quint ayant envoyé quelqu'un à l'électeur, pour l'engager à venir à la diète, il s'en excusa sur une indispo- sition , ajoutant : « Dites à Sa Majesté que j'ai changé la » religion et le mode d'officier dans les églises, comme d vous pouvez le voir et comme le devrait faire tout bon » chrétien (1). » La présence de Maurice de Saxe à Ratisbonne (2) et ses entretiens avec l'Empereur (3) donnaient matière à beaucoup de discours et de conjectures. Les uns préten- daient qu'il était venu se justifier de la prise du duc de Brunswick (4); d'autres supposaient que c'était pour avertir les luthériens de ce qui se passerait à la cour impériale. Quelques-uns — et ce n'était certes pas les plus mal avisés — attribuaient sa venue au désir de servir l'Empereur , qu'il aurait assuré de son regret de s'être fait luthérien; il aurait agi ainsi dans l'espoir que l'électeur de Saxe, Jean-Frédéric, serait privé de l'électorat comme hérétique, et qu'il serait mis à sa place (5). (1) a ... Dite a Sua Maestà ch'io ho mutato la religione et il modo Ji celebrar nelle chiese, corne potete veder et cosi doveria far ogni buon chrisliano.... » ( Dépèche du 17 mai, de Ratisbonne.) (2) 11 y était arrivé le 24 mai. (3) Dépêche du 25 mai , déjà citée. (4) Ce prince avait essayé , l'année précédente, de rentrer par la force dans la possession de ses États ; mais les confédérés de Schmalkalden avaient marché contre lui, et l'avaient fait prisonnier ainsi que son fils le prince Victor. (5) « .... Sono alcuni che dicono anchè che lui è venuto per servir Sua Maestà, dicendo esser mal contenlo d'essersi fatto lutherano, et questo perché spera ch '1 duca di Sassonia eletlore sia privato del titolo d'elettor corne heretico, et in questo caso esser posto inluogo suo » (Dépêche du 30 mai , de Ratisbonne. ) ( 485 ) Le bruit avait couru, à la diète, que le roi des Romains n'y paraîtrait pas (1); il arriva cependant à Ratisbonne le 28 mai, avec la reine, l'archiduc Maximilien et cinq des archiduchesses (2). Le 29 y arrivèrent le duc et la du- chesse de Bavière, accompagnés de leurs enfants, et le grand maître de l'ordre Teutonique (3). Le marquis Albert de Brandebourg et le marquis de Marignan s'y trouvaient depuis plusieurs semaines (4). Déjà, avant la réunion de ces différents personnages, la question de savoir si Charles-Quint prendrait les armes contre les protestants était, à la diète, le sujet de toutes les conversations. Les ambassadeurs vénitiens écrivent au doge le 14 mai : « Ici il y a peu de gens qui croient que » l'Empereur fera cette entreprise; mais tout le monde » universellement est d'avis que, s'il ne parvient pas à » mettre les protestants à la raison , il devra nécessaire- » ment demeurer en Allemagne ou dans les Pays-Bas : » car, dans le cas où il s'en éloignerait, l'opinion com- » mune est que des nouveautés qui lui seraient préjudi- » ciables pourraient s'introduire en ces dernières pro- » vinces , lesquelles sont en grande partie infectées de » l'hérésie luthérienne (5). » Le 25 mai, ils lui mandent (1) Dépêche du 28 mai, de Ratisbonne, (2) Ibid. (5) Dépèche du 50 mai , de Ratisbonne. (4) Dépèche du 10 mai , de Ratisbonne. (o) « Qui sono pochi quelli che credeno che Cesare debba far questa impresa contra lutherani, ma reputano ben tutti universalmente esser cosa necessaria che non si facendo altra provisione contra di loro, S. M. debba restar in queste bande d'Alemagna et di Fiandra, perché lontanandosi lei, è giudicio commune che potria seguir in quelli Stati ( 484 ) que l'Empereur , selon ce qu'on leur a rapporté, est peu dis- posé à faire la guerre aux protestants; que, si le nonce l'en sollicite et si le cardinal d'Augsbourg et le confesseur le lui conseillent, M. de Granvelle l'en dissuade de tout son pouvoir. L'arrivée simultanée, à Ratisbonne, du roi des Romains et du duc de Bavière était un fait dont la signifi- cation ne pouvait échapper à la pénétration des hommes politiques; aussi Mocenigo et Navagero donnent-ils avis au doge, le 50 mai, qu'on parle beaucoup plus de guerre, et qu'ils ont même appris que l'Empereur a ordonné des le- vées d'infanterie en Espagne. Il y avait peu de jours ce- pendant qu'à la table de Granvelle, où se trouvaient plu- sieurs généraux, quelqu'un lui ayant dit, en riant, qu'il ne pouvait nier que la guerre ne dut avoir lieu, étant accom- pagné, comme il l'était, de si vaillants capitaines, il s'était levé aussitôt, et, faisant une croix de la main sur les mets qui étaient servis, il avait juré que jusqu'alors aucune dé- libération belliqueuse n'avait été prise (1). Il avait affirmé la même chose à Mocenigo en particulier (2). Le garde des sceaux de Charles-Quint ne disait point la vérité: car, depuis plus de trois mois, Charles, sans se dissimuler les difficultés, les inconvénients, les dangers délia Fiandra qualche innovalione in pregiuditio di questa Maestà , màssi- mameme essendo gran parte d'essa infelta in questa nova setta de pro- testanti.... » (1) « .... Sua Signoria Illustrissima subito, levandosi in piedi, et facendo una croce colla mano sopra le vivande ch' erano in tavola, giurôche fin air hora non era stata fatta deliberatione alcuna di guerra.... » (Dépêche du 30 mai, de Ratisbonne. ) (2) « Monsr di Granvella li giurô che niuna deliberatione era stata fatta ancora circa detta impresa ... * (Ibicl.) ( 485 ) même d'une guerre qui pouvait mettre eu feu l'Allemagne entière, avait résolu de contraindre les protestants, parla force, à reconnaître son autorité (1); et cette résolution, il y persista, malgré tout ce qui lui fut objecté pour l'enga- ger à n'y pas donner suite (2). La correspondance dcBernardo Navagero ne va pas plus loin : sa dernière dépèche est du 50 mai i 546 ; il y annonce que, sa lièvre durant toujours, il se fera transporter au palais de l'Empereur, afin de prendre congé, et partira ensuite en litière pour l'Italie. On sait qu'au mois de juillet suivant il présenta au sénat la relation de son ambas- sade (3) : il est permis d'en conclure que son rétablissement suivit de près son retour dans sa patrie. On s'étonnera peut-être que nous n'ayons pas fait pré- céder de détails biographiques ce précis de la correspon- dance d'un homme d'État qui brilla dans l'Église et dans les lettres autant que dans la diplomatie. Mais ces détails , uous les avons donnés ailleurs (4); nous n'aurions pu que nous répéter. (1) Voy. sa lettre du 16 février 1546 au prince Philippe que nous avons déjà citée. (2) Voy., dans les Beitrcige de M. de Dôllinger , pp. 43 et 47 , ses lettres des 24 avril et 51 juillet au prince Philippe, et dans Lanz, Correspon- denz des Kaisers Karl V , t. II , p. 486, celle qu'il écrivit , le 9 juin, à la reine Marie. (5) Voy. lielazioni del seculo decimo sesto, sér. 1, 1. 1, p. 289. (4) Les Monuments de la diplomatie vénitienne , pp. 85-86. ( 486 )• La classe a ensuite entendu la lecture de deux pièces de poésie de M. Ad. Mathieu, et en a ordonné l'insertion au bulletin de la séance. A MA PETITE- FILLE. Enfant qui du séjour des anges T'en viens sourire à ton aïeul, Toi dont le ciel a mis les langes, Hélas! si près de mon linceul , Aux deux confins de l'existence Nous croisant dans le même port Comme deux vaisseaux en partance Qui vers le Sud, qui vers le Nord 5 Doux rayon, lumière idéale Que fait luire le Tout-Puissant Comme une aurore boréale Dans la nuit qui sur moi descend : Toi dont l'image me rappelle, Si chaste et si belle à la l'ois, Un nom sacré qui ne s'épelle Qu'avec des larmes dans la voix; Qui, timide fleur printanière, Sur ce globe où tout doit finir Sans doute seras la dernière A parfumer mou souvenir.... L«\s cieux dans leur éhlouissance N'ont rien d'aussi frais, d'aussi pui Que la blanche aube d'innocence Dont s'éclairent tes veux d'azur; ( 487 ) Et cependant, rien qu'à ta vue Mon âme, en proie à ses douleurs, Tremble qu'une perte imprévue N'ajoute encore à mes malheurs. C'est chose si tendre et si frêle Qu'un tout petit être innocent Qui joint à peine sa voix grêle A votre parler caressant! C'est chose en soi si fugitive, Le bonheur , qu'à le posséder Toujours une peur instinctive En secret vient nous obséder Qu'au moindre souffle de la brise, En sens inverses ballotté, Ce faible roseau ne se brise , A tous les courants emporté.... Mais non, j'en crois ce franc sourire, Ce front calme, ce cœur aimant, Dieu ne veut pas qu'un tel martyre S'ajoute encore à mon tourment. Grandis, enfant, laisse ton âme S'épanouir* lis matinal, A la candide et chaste flamme De l'aurore au front virginal; Que mon doux printemps refleurisse A ton sourire réchauffant ! Père, mère, aïeul ou nourrice, Avec toi je veux être enfant. Mai radieux prend sa revanche Sur le rude hiver qui finit, Les bois nous rendent la pervenche. L'oiseau chante au bord de son nid. ( 488 ) La sève court de tige en tige, La rosée a séché ses pleurs, Déjà le papillon voltige, Fleur lui-même , de fleurs en fleurs .; La nature s'est réveillée , La vigne se courbe en arceaux, L'on n'entend plus sous la feuillée Que le ramage des ruisseaux , La terre germe, le blé pousse, Tout invite au mol abandon.... Et l'on se roule sur la mousse Mieux cent fois que sur l'édredon. Ces corolles, dont se dégage Un baume plus frais chaque jour, Je t'apprendrai l'heureux langage Que leur a fait parler l'amour, De quels sentiments sont l'emblème Les joyaux, semés sur nos pas, Dont l'un nous dit tout bas : je t'aime, Et l'autre : ne, m'oubliez pas ; Comme avec bonheur s'entrelace, Pour en faire un docte bouquet , Au narcisse qui se prélasse Le jasmin suave et coquet, A l'angélique qui buissonne Le saule aux longs rameaux flottants La mauve au muguet qui frissonne Dans l'atmosphère des étangs, La verveine au myrte fidèle, A l'armoise l'acacia, La scabieuse à l'asphodèle, L'ibéride à l'hortensia, ( 489 ) L'anémone à la citronnelle, Le chèvrefeuille à I'oxalis, L'amaranthe à la fraxinelle, La grenade à l'amaryllis.... Bercés de la même chimère, Enivrés du même parfum , Nous jouerons ensemble, et ta mère Aura deux enfants au lieu d'un, Tous deux faibles, dans la prairie Tous deux marchant à pas tremblants Et mêlant sur l'herbe fleurie Les cheveux blonds aux cheveux blancs. Le soir, mettant à ta poupée Ensemble un nouveau casaquin; Je te redirai l'épopée De Colombine et d'Arlequin: Saint-Michel, le diable et sa queue; Sancho sur son âne monté, Le petit Poucet, Barbe-bleue, Don Quichotte, le Chat botté, Cendrillon, Riquet à la houppe, Gargousier, Zozo, Tivelin, Et le Meunier, son fils en croupe, Retournant à trois au moulin ; Pierrot, Bruscambille, Bobèche Toujours battants, toujours battus: Et la comtesse de Pimbesche Et 17/ signor Fortunatus. L'homme au sable, Croquemitainr Ne manquant jamais leur effet, Et Peau d'Ane que La Fontaine, Autre enfant, voudrait avoir fait ( 490 ) Nous dessinerons à la plume De vieux donjons, des antres noirs Qui, sur un fond chargé de brunie, S'ouvrent en larges entonnoirs ; Des colonnades, des portiques Où tous les ordres mélangés En arabesques fantastiques Grimpent, l'un sur Pautre étages ; Des runes, des sphinx, des momies, Des preux , pourfendeurs de géants, Quittant leurs castels et leurs mies Pour combattre les mécréants ; Des Ixions , des Prométhées Du Ciel subissant le courroux, Des Goliaths et des Antées, Des lémures, des loups-garous , Des bois sacrés chers aux poètes , Des farfadets, des égipans, Des euménides sur nos têtes Agitant leurs fouets de serpents , Des psylles, des larves, des fées. Des ogres à faire frémir, Des Marsyas dont les trophées Empêchent nos sots de dormir, Des Circés, des goules perfides, Des Pans, des Moïses cornus, Des oréades, des sylphides, Et des bacchantes, les seins nus; De la fable et de la féerie Les splcndides créations, Toute la fantasmagorie Du beau pays dos fictions . ( 491 ) Riant Eden, monde des rêves Que jamais l'homme n'a quitté Que pour se briser sur les grèves De la froide réalité. Puisse-t-on bien longtemps encore , Puisse-t-on te cacher toujours Gomme vite se décolore Le prisme changeant de nos jours, Ce que la vie a d'amertume, Comme tout devient morne et laid A l'âpre esprit qui s'accoutume A voir le monde tel qu'il est, Ce que ce monde a de tristesses , De deuils, d'affreux déchirements, De traîtrises, de petitesses, De pleurs, de découragements! Garde-toi de vieillir trop vite, Enfant qui croîtras en beauté Et que, de loin, le monde invite A sa trompeuse volupté. Va , reste enfant le plus possible, Ange à l'œil vif, aux traits divins; Garde ton âme inaccessible A ses plaisirs menteurs et vains ; Que la pudeur sur ton front brille; Reste l'orgueil de la maison Et borne au cercle de famille L'infini de ton horizon. Puisque le sort nous y rassemble (Pour moi désormais moins cruel), Puissions-nous y goûter ensemble Quelque temps d'un bonheur réel ! ( 492 ) Aimons-nous, ne fût-ce qu'une heure; Confondons nos joyeux ébats, Croyons à l'espoir qui nous leurre Des biens passagers d'iei-bas Jusqu'au jour où, pour la nuitée Ne me voyant pas revenir, Tu diras, impatientée : « Mais qui donc peut le retenir? » Et qu'à tes questions sans nombre Ta mère — des pleurs dans les yeux — Ton père — pensif, grave et sombre — Du doigt te montreront les cieux. Ad. Mathieu, POURQUOI JE N'AI PAS TERMINÉ MA TRADUCTION D'HORACE. Oh! quand je feuilletais, tout seul, à la campagne, Ton livre, conseiller qui toujours m'accompagne, Quand je faisais redire aux antres de nos bois Ces vers où la raison me parle par ta voix. (1) , Ces chants-types coulés au moule du génie, Étincelants d'esprit, de verve, d'harmonie, Ces chants de tous les lieux et de tous les instants , Oiseaux, sylphes légers d'un éternel printemps, Qui semblaient, au milieu d'un cercle d'étincelles, Me frôler, en passant, de l'ombre de leurs ailes I) Ni suivre la raison qui parle par ma voix. Boilemt, épître 2, vei ( 493 ) Et, du ciel descendus dans mon étroit chemin , Se percher sur mon bras, nie manger dans la main.... Combien j'étais content si, plus heureux que sage, J'en pouvais arrêter quelques-uns au passage Et les prendre (pardonne à ce pieux travers) Ces bruyants étourdis, à la glu de mes vers Ambulant deux à deux en pesants hémistiches Sottement affublés de leurs rimes postiches, Dépourvus de gaîté, de grâce, d'abandon, Dont le rhythme toujours tombait en faux bourdon, Plain-chant partout écrit sur la même mesure, Sans quantité, sans nombre, et, pour toute césure, Marqués au beau milieu d'un éternel repos ! Comme je me sentais plus leste, plus dispos.... Tel qu'un enfant piqué de quelque tarentule, Un pauvre à qui Ton jette au hasard la sportule Qu'il croit le faire riche et changer son destin ! Oh! comme j'étais fier de mon petit butin, Comme je me disais dans mon âme ravie : Oiseaux qui me devrez une nouvelle vie , Hôtes des champs, des prés , si beaux, si gracieux , Que jamais rien de tel n'a paru sous nos cieux , Venez charmer nos bois, enchanter nos bocages; Trop souvent , mes pauvrets , on vous a vus en cages Si bien apprivoisés et serinés si bien Que l'âme à vos accords ne comprenait plus rien. Venez, sans demander l'endroit où l'on vous mène; Vous serez libres, rois dans mon petit domaine. Mes jardins, mes bosquets, mes vergers, mes ruisseaux Sont pour vous, sont à vous, ô mes gentils oiseaux! Nous y vivrons ensemble, et quand les ans moroses Flétriront à jamais ma couronne de roses, Toujours chéris, toujours de jeunesse exultants, Vous me rappellerez les jours de mon printemps. Vain leurre! un mois à peine a passé sur ma tête Et, quand de les revoir je me fais une fête, ( 494 ) Aux bords de la Digence ils se sont envoles — Émeraudes, rubis, luths, orchestres ailés — Dans ta douce vallée, à l'ombre des grands chênes Que dominent deux rangs de collines prochaines, Ciel clément, site heureux, enclos hospitalier, Voletant, picorant du hêtre au cornouiller, Gais , espiègles , taquins , prestes dans leur allure , Dérangeant de Lydé la brune chevelure , Confiant à l'écho qui les redit aux dieux En trilles cadencés leurs airs mélodieux, Accourant à l'appel de notre ami Tibulle Avec Chloé, Pyrrha, Damalis, Néobule, Cinare, Tyndaris, Néère, Lalagé, Tandis que toi, poëte en tes rêves plongé, Philosophant, mêlant selon ton habitude Les myrtes aux cyprès, les plaisirs à l'étude, Tu relis h l'écart ces sublimes leçons Qu'a traduites Boileau de ta lettre aux Pisons , Supputes les travers échappés à ta plume Dont nous pourrions fournir tous les jours un volume. Fais parler l'ode aimante en vers délicieux, La lances, trait de flamme, en plein azur des cieux Ou poursuis dans les blés la muse familière Qui te ceignait le front et d'acanthe et de lierre. Restez ; ce n'est que là que vous serez aimés, Mes hardis tapageurs, chérubins cmplumés, Vous toujours si joyeux sous le ciel de Mandèle Et si tristes toujours de votre exil loin d'elle. Restez; partout ailleurs, faibles et languissants , Vous sentez s'affadir vos plus mâles accents ; L'écho ne redit plus votre tendre ramage, Une teinte de deuil couvre votre plumage , • L'ennui vous prend, l'ennui ce plus grand des fléaux; Comme nous, mes amis, vous souffrez dr nos maux. ( 495 ) Plus de jeux, plus d'amour et parlant plus de joie (i). Vous voilà devenus un butin, une proie, Captifs, traînant de l'aile et comme émerveillés De vous voir dans nos vers moins vivants qu'empailles. Ad. Mathieu. I La Fontaine, Les Animaux malades de la peste, livre VII, fable 1, vers 1 i. 496 ) CLASSE DES BEAUX -ARTS. Séance du 6 avril 1865. M. Alvin, président de l'Académie. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel de l'Académie. Sont présents : MM. Navez, J. Geefs, E. Fétis, Edm. De Busscher, Portaels, A. Payen, Alph. Balai, le chevalier Léon de Burbure , Franck, De Man, membres; Daus- soigne-Méhul , associé; Siret, correspondant. COBBESPONDANCE. Il est donné lecture de deux lettres de M. le Ministre de l'intérieur, relatives à des rapports spéciaux que le gou- vernement désire obtenir. Le secrétaire perpétuel est chargé de faire les réponses demandées. M. Verdi, nommé récemment associé de la classe des beaux-arts, exprime ses remercîmenls à l'Académie. — Madame Caroline Stùler fait part de la perte qu'elle vient de faire par la mort de son mari, M. Auguste Stùler, architecte du roi de Prusse et associé de la Compagnie. Il sera répondu par une lettre de condoléance. m ) — M. le .Ministre de l'intérieur avait fait connaître que deux concours avaient été ouverts par son département, pour une cantate française et pour une cantate flamande. Le terme fixé pour ces concours échoira le 15 avril pro- chain : vingt-quatre cantates françaises et trois cantates flamandes ont été reçues jusqu'à présent. La classe procède à la nomination des commissaires; les cinq juges pour la cantate française seront MM. Fr. Fétis, Daussoigne-Méhui, Alvin, Ed. Fétis et Siret; les juges pour la cantate flamande, MM. Ilanssens, de Burbure, Van Hasselt, Blommaert et de Saint-Génois. Voici les termes de l'arrêté royal qui règle les condi- tions de ces deux concours : LÉOPOLD, Roi des Beigo. A TOUS PRÉSENTS ET A VENIR, SALUT : Vu notre arrêté du 11) septembre 1840, instituant un con- cours biennal de composition musicale et spécialement la dis- position qui décide que les concurrents auront à écrire une scène dramatique sur un sujet donné; Sur le rapport de notre Ministre de l'intérieur, ]\0US AVONS ARRÊTÉ ET ARRETONS : Art. 1er. Les concurrents pour le prix de composition musi- cale pourront, pour la mise en musique d'une scène drama- tique, choisir entre un poëmeen langue française et un poème en langue flamande. La composition de ces deux poèmes fera l'objet d'un double concours. Art. 2. Il sera décerné un prix de 500 francs ou une mé- daille en or de la même valeur à l'auteur de chacun des deux poëmes (français et flamand) dont il sera fait choix pour le concours de composition musicale de 1865. 2mc SÉRIE, TOME XIX. 53 ( 498 ) Art. 5. Les poëmes ne contiendront pas plus de trois mor- ceaux de musique de caractère différent entrecoupés de récita- tifs. Le choix des sujets est abandonné à l'inspiration des au- teurs qui pourront à leur gré écrire un monologue ou intro- duire divers personnages en scène. Art. 4 Les écrivains belges, qui voudraient concourir pour l'obtention de chacun des prix institués par le présent arrêté, adresseront, avant le 15 avril 1865, leur travail au secrétaire perpétuel de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique. Les manuscrits ne porteront aucune indication qui puisse faire connaître l'auteur; ils seront accom- pagnés d'un billet cacheté contenant le nom et le domicile de celui-ci. 11 est interdit, sous peine d'être déchu du prix, de faire usage d'un pseudonyme. Dans ce cas, le prix serait dé- volu au poëme qui suivrait immédiatement dans l'ordre de mérite. Art. 5. Le jugement des poëmes se fera par deux commis- sions à désigner par la classe des beaux-arts de l'Académie immédiatement avant l'époque qui sera indiquée par notre Ministre de l'intérieur pour l'ouverture du concours de com- position musicale. Les poëmes couronnés seront envoyés, au moins six jours d'avance, au Ministre de l'intérieur qui adressera au prési- dent du jury du concours les copies nécessaires aux concur- rents. Les billets cachetés ne seront ouverts que lorsque les concurrents seront entrés en loge. — M. Ed. Fétis communique différents renseignements sur la Caisse centrale des artistes et sur une nouvelle pen- sion qui est accordée à la veuve d'un artiste distingué, sur la proposition du comité-directeur. M. Alvin fait connaître que les médailles léguées à la caisse, par M. Braemt, son ancien trésorier, ont été vendues pour la somme de 6,449 francs; il en résulte ( 499 ) que l'institution possède actuellement un capital de plus de 117,000 francs. Des remercîments sont adressés à MM. Alvin et Ed. Fétis pour les soins qu'ils ont bien voulu donner à cette vente. COMMUNICATIONS ET LECTURES tes artistes belges à l'étranger. — Melghior Tavernier; par M. Ed. Fétis, membre de l'Académie. Si nous nous occupons de Melehior Tavernier,. c'est moins à cause du mérite de ses œuvres, que pour de cer- taines particularités intéressantes de l'histoire de l'art, aux- quelles se rattache son nom. Né vers 1544 à Anvers, où son père, Gabriel Tavernier, avait établi un commerce d'es- tampes et d'objets d'art , il se livra, dit-on , à l'étude de la géographie sous la direction d'Orlelius et apprit en même temps la pratique de la gravure au burin. Les persécu- tions que Gabriel Tavernier eut à subir comme protestai! i l'obligèrent à s'expatrier et à aller chercher fortune à l'étranger. Ce fut à Paris qu'il se fixa. D'après un rensei- gnement qui nous est fourni par son fils Melehior, dans un document curieux dont il va être parlé, son établisse- ment dans cette ville eut lieu en 1573. il avait bien fait de n'y point aller un an plus tôt, car ce n'est pas le sanglant théâtre de la Saint-Barthélémy qui pouvait servir d'asile aux protestants. Quoi qu'il en soit, avec sa personne, Ga- briel Tavernier transporta son industrie en France. Il éta- blit un atelier de gravure en taille-douce et tint boutique. ( 500 ) tant pour le débit des estampes que pour celui des cartes géographiques et des livres à figures. Dans un procès que Melchior Tavernier eut à soutenir contre les syndics de la corporation des libraires, son avocat présenta au parlement de Paris un mémoire où se trouve la passage suivant : « Gabriel Tavernier, père du deffendeur, a le premier apporté en ceste ville de Paris l'art de graver, imprimer en taille-douce, s'y estant venu habiter en l'an mil cinq cens soixante et treze. Il n'y avoit lors personne en ce royaume qui sceust cognoissance de cet art; encore moins qui eust l'excellence d'iceluy, ainsi que le père du deffen- deur. » On s'est beaucoup occupé de ce passage; on l'a beau- coup commenté. Croyant sur parole Melchior Tavernier, ou interprétant mal ce qu'il dit, des iconographes n'ont pas hésité à faire à Gabriel l'honneur de l'introduction de la gravure en taille-douce en France. D'autres ont contrôlé l'assertion du fils et n'ont pas admis la père à jouir du bénéfice des conclusions qu'on en tirait. Heinecken s'ex- prime ainsi dans son Idée générale pour former une collec- tion d'estampes : « Melchior Tavernier a tort quand il avance que son père Gabriel fut le premier qui apporta à Paris, en 1575 (c'est 1573 qu'il faut lire), l'art de graver en taille-douce. Mais peut-être parle-t-il de la gravure des cartes géogra- phiques, parce que, suivant toutes les apparences, il a été le premier qui en ait gravé. Autrement on ne peut pas ajouter foi à ses paroles. Je n'ai qu'à ciler Etienne de Laulne qui a gravé certainement avant Tavernier. » Heinecken aurait pu citer avant Etienne de Laulne d'autres graveurs dont les œuvres donnent un démenti à ( 5 Saint-Léger. Sur ( 508 ) la feuille de garde on lit cette note de la main du savant bibliographe français : « Pièce rare et curieuse pour l'histoire de Fart. Taver- nier le jeune, graveur et fondeur de caractères d'impri- merie, en a fait usage dans sa Disser laiton sur l'origine de Vart de graver en bois. Paris, 1758, in-8°, où il la cite, p. 79. Je l'ai moi-même citée sur l'article de Jean Cousin , t. Ipr, p. 481 , de la Bibliothèque française de La Croix de Maine. » A cette note, M. Van Hulthem en ajouta une autre, ainsi conçue : «C'est probablement l'unique exemplaire qui en existe encore. M. Je baron Heineken , dans son idée pour former une collection complète d'estampes, et M. Huber, dans le discours préliminaire qui précède la notice sur les graveurs français, ont également parlé de cette pièce, mais en rapportant mal l'année à laquelle Gabriel Taver- nier a apporté l'art de la gravure en cuivre à Paris. » M. de Reiffenberg a donné, dans Y Annuaire de la Biblio- thèque royale de 1840, un court extrait du curieux docu- ment en question; mais, pas plus que ceux qui l'avaient cité avant lui , il n'en a tiré les faits vraiment intéressants pour l'histoire de l'art, qu'un examen un peu attentif y fait remarquer. Melchior Tavernier était, ainsi qu'on l'a vu plus haut, imprimeur et marchand d'estampes. Les ouvrages accom- pagnés de planches gravées par lui ou sous sa direction, et dont il était l'éditeur, portaient cette indication imprimée au bas du titre : .i Paris, chez Melchior Tavernier , graveur et imprimeur du Roy pour les tailles-douces, demeurant en risledu Palais, sur le quay qui regarde la Mégisserie. à l'Espic (épi) d'or. Melchior Tavernier s'est appliqué à des travaux de ( 509 ) . 1 genres très-différents. Il a gravé des cartes géographi- ques, des planches d'architecture, des fleurs, des su- jets religieux, des portraits, etc. Ses productions n'ont pas toutes la même valeur. 11 en est qui se distinguent par une certaine délicatesse de burin; d'autres ont le défaut de la sécheresse. Quant aux différences qu'on remarque - dans la correction du dessin, elles dépendent beaucoup moins de notre artiste que des peintres ou des dessinateurs dont il était l'interprète. Dans la gravure des cartes géographiques, Melchior Ta- vernier était incontestablement le premier de son temps. Cette partie de son œuvre est considérable. Ses cartes des provinces de la France; celles des différentes contrées de l'Allemagne, de l'Italie, de la Suisse, de l'Angleterre; ses plans de villes, parmi lesquels il faut citer ceux de Paris, de Rome, de Venise et de Londres, étaient d'une exécution très-supérieure à ce qui se faisait, en ce genre, avant lui, et restèrent des modèles pour ses successeurs. Parmi les ouvrages d'architecture publiés par Melchior Tavernier,et dont les planches furent, en partie, gravées par lui, mentionnons comme un des plus curieux, Le livre d'architecture contenant plusieurs portiques de différentes intentions sur les cinq ordres de colomnes, par Alexandre Franchie, Florentin, ingénieur ordinaire du Roy. Cet ou- vrage est d'une fort belle exécution. Melchior Tavernier en a gravé d'un burin délicat plusieurs planches qu'il a signées. Le frontispice est orné d'un charmant portrait d'Alexandre Francini, gravé par Bosse. Les portiques réunis dans ce re- cueil, au nombre de trente, sont des spécimens intéressants de l'architecture de la première moitié du dix-septième siècle. Alexandre Francini a dédié son ouvrage au roi; il l'a fait précéder d'un discours adressé aux amateurs d'archi- ( 510 ) lecture, dans iequel il exprime d'une façon très-originale la haute opinion qu'il a de son art. L'architecture est, sui- vant lui, plus ancienne que le temps même, puisque Dieu s'en est servi pour la construction de l'univers. Sans l'ar- chitecture la terre serait déserte, attendu que les hommes n'ayant pas de retraites, ne pourraient pas se soustraire aux poursuites des bètes féroces. Sans elle, nous ne goûte- rions aucun contentement dans le monde, nos corps étant incessamment exposés aux rigueurs du temps, nos exi- stences étant à la discrétion- de nos ennemis et nos biens à la merci des voleurs. Voilà pourquoi les premiers hommes reconnaissant la nécessité de cette science admirable, apprirent en même temps à cultiver la terre et à bâtir les maisons. Comment, continue naïvement notre auteur, comment le genre humain fut-il sauvé des rigueurs d'un déluge impitoyable, si ce n'est par l'arche que fit con- struire le patriarche Noé. Toutes les autres sciences furent impuissantes à sauver les hommes de l'atteinte des eaux; ce fut l'architecture qui procura à Noé les moyens d'en préserver quelques-uns, et qui lui mérita le nom de « res- taurateur de l'univers. » Le reste est sur ce ton. On pour- rait avoir de plus justes idées et les mieux exprimer; mais il y a quelque chose de louable dans l'exagération même de l'enthousiasme de l'artiste pour la profession. Il serait difficile de dresser un catalogue exact des estampes gravées par Melchior Tavernier. La plupart des planches dues à son burin laborieux, et reproduisant soit des sujets religieux, soit des épisodes historiques et parti- culièrement des actions militaires, ont été exécutées pour accompagner des textes imprimés et se trouvent dans des ouvrages où le hasard seul les fait parfois rencontrer. Nous en dirons autant des portraits qui forment la partie la plus -ili ) distinguée de son œuvre. Si toutes ses productions avaient la valeur d'un portrait du pape Grégoire XV, que nous avons sous les yeux, on pourrait le ranger parmi les bons graveurs de son temps. Malheureusement il était très-iné- gal, comme nous l'avons déjà l'ait remarquer, et si plu- sieurs des pièces qu'il a gravées n'étaient signées en toutes lettres, on ne songerait pas à les lui attribuer. Non-seu- lement il était inégal, mais encore il changeait de manière pour ainsi dire à chaque planche, cl son burin manqua tou- jours de la précieuse qualité du style par laquelle l'artiste marque ses œuvres du cachet de sa personnalité. On peut s'en assurer, en mettant en regard du portrait de Gré- goire XV, dont nous parlions tout à l'heure, une Adora- tion des mages, une Mise au tombeau et une Descente du Saint-Esprit, qui se trouvent au cabinet des estampes de la bibliothèque royale de Belgique. Nous venons de dire qu'il serait dilïicile de recueillir les éléments d'un catalogue exact de l'œuvre de Melchior Tavernier, parce qu'il faut voir par soi-même et ne pas s'en rapporter aux bibliographes ou aux iconographes, dont les citations ont grand besoin d'être contrôlées. Par exem- ple, Nagler mentionne, parmi les œuvres de notre artiste, une suite de 57 planches accompagnant un ouvrage relatif aux chevaliers de l'ordre du Saint-Esprit, créé en 1655. Or, Melchior Tavernier n'a été pour rien dans l'exécution des planches de cet ouvrage, dont il a été seulement l'édi- teur. Nous serions charmé de pouvoir les lui attribuer; mais elles sont d'un burin bien autrement habile que le sien, et signées en toutes lettres, A. Bosse. D'ailleurs, les 57 planches dont parle M. Nagler se réduisent à quatre, représentant les cérémonies observées à la réception des chevaliers du Saint-Esprit. Le reste se compose de bla- ( 512 ) sons. Nous voyons, par l'adresse mise au bas de l'ouvrage en question, que Melchior Tavernier avait changé de de- meure et d'enseigne , étant passé de YÊpi d'or à la Rose rouge.Le fait est de peu d'importance; mais on a, de notre temps, un goût particulier pour les petites particularités biographiques, et celle-ci peut passer avec beaucoup d'au- tres. Melchior Tavernier exécuta, dit-on, pour faire sa cour au cardinal de Richelieu, un plan des fortifications de La Rochelle, après la prise de cette ville. Nous n'avons pas eu l'occasion de voir cette pièce. L'âge ne ralentissait pas l'activité du graveur anversois. Agé de 97 ans, il entre- prenait la publication d'une nouvelle carte corrigée de l'Angleterre, quand la mort vint le frapper en 1641. M. le président fait connaître que les séances générales de l'Académie auront lieu les 10, 11 et 12 du mois de mai prochain. OUVRAGES PRÉSENTÉS. De Ram (P.-F.-X.). — Analectes pour servir à l'histoire de l'Université de Louvain, n° 28. Louvain, 1865; in-12. De Ram (P.-F.-X.). — Saint Anschaire et saint Rembere, ar- chevêques de Hambourg et de Brème, apôtres du christianisme dans le Nord, au neuvième siècle. Louvain, 1865; in-8°. Ministère de l'intérieur. — Caisse de pensions des veuves et orphelins des fonctionnaires et employés. Compte rendu pour l'année 1865. Bruxelles, 1865; in-4°. ( 315 ) Rapport adressé à M. le Ministre de L'intérieur, sur les fouilles scientifiques exécutées dans la province de Xumur , pendant Tannée 1364. Bruxelles, 1865; in-8". Thonissen (J.-J.) — De la prétendue nécessité de la peine de mort, 3e édition, suivie d'un aperçu historique sur le pro- blème de la peine de mort, avant Beccaria. Louvain , 1 804 ; in-12. Beelen {Jean-Théodore). — Commenta ri us in acta aposio- licum, editio altéra. Louvain, 1864; in-8n. Thielens (Armand). — Les ujugapyramidalis et generensis. Bruxelles, 1865; in-8°. Thielens [Armand). — Observations sur quelques plantes rares ou nouvelles de la flore de Belgique. Bruxelles, 1805; iii-8°. Cercle archéologique du pays de Waes. — Publications extraordinaires, n° 3 : notice historique des établissements de bienfaisance, de la ville de Sl-?iïcolas, 1re partie. Le Berken- boom. S'-Nicolas, 1865; gr. in-8°. Annales d'oculistique, fondées par le docteur Florent Cu- nier, 28rae année, tome XLIII, 3me et 4me livraisons. Bruxelles, 1865;in-8°. L'Abeille, revue pédagogique, llme année, lTe à ome livr., mars à mai. Bruxelles, 1865; 3 broch. in-8°. Revue trimestrielle , publiée sous la direction de M. Eugène Van Bemmel, 2me série, 6me volume. Bruxelles, 1865; in-12. Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand. — Annales, 1865-1864, 3me et 4me livr. Gand, 1865; in -8°. Catalogue des monnaies et médailles formant la collection de feu M. Braemt, léguées par lui, à la Caisse centrale des artistes belges, pour être vendues au profit de cette institu- tion. Bruxelles, 1865; in-8*. Journal des beaux-arts et de la littérature, publié sous la direction de M. Ad. Siret, nos 5 à 7. Saint-Nicolas, 1865; 3 feuilles in-4°. 2me SÉRIE , TOME XIX. 54 ( 514 ) D'Otreppe de Bouvette (Alb.). — Essai de tablettes liégeoises, 48me livr. Liège, 4865; in-12. Nederduitsch letterkundig jaarboekje, voor 1865. Gand, 1865; in-12. Conseil de salubrité publique de la province de Liège. — Compte rendu des travaux de l'année 1864, présenté à la séance du 7 mars 1865, par M. A. Spring, président du con- seil. Liège, 1865; in-12. Académie d'archéologie de Belgique. — Annales, 2me série, tome Ier, 2me livr. Anvers, 1865; in -8°. — Rapport de la commission chargée d'examiner les fouilles scientifiques exé- cutées dans les cavernes de Furfooz (Namur). Anvers, 1865; in-8°. Chronique de V Institut royal des sourds-muets et des aveu- gles de Liège, par Ulysse Capitaine. Liège, 1864; in-12. Académie royale de médecine de Belgique. — Bulletin, 2me série, tome VIII, n° 2. Bruxelles, 1865; in-8°. Annales de l'électricité et de l'hydrologie médicales, 6at année, nos 1 à 5. Bruxelles, 1865; 5 brochures in-8°. Le Chimiste. Journal de chimie, publié par M. Henri Berge. lre année, nos 1 , 2,5, 4. Bruxelles, 1865; 4 feuilles in-4°. L'illustration horticole, rédigée par Ch. Lemaire et publiée par Ambroise Verschaffelt. Tome XII , 2,ne et 3me livraisons. Gand, 1865; 2 eah. in-8°. Staring (W. C. H.). — Geologische kaart van Nederland, uitgevoerd door het topographisch bureau van het Départe- ment van oorlog. Bladen 3, Waddin; 4; Hunsingoo; 8, Wes- terwolde; 11 , Zuiderzee; en 17, Schouwen. La Haye, 1864; 5 feuilles in-4° oblong. Académie des sciences de Paris. — Comptes rendus hebdo- madaires des séances, par MM. les secrétaires perpétuels. Tome LX, n09 1 à 15. Paris , 1865; 13 cah. in-4°. Société météorologique de France. — Annuaire, Tome XIIe, ( 515 ) 1864, 2" partie : Bulletin des séances, feuilles 22 à 30. Paris, 1805; gr. in-8°. Revue de l'instruction publique, de la littérature et des sciences , en France et dans les pays étrangers. 24e année , n0ï 40 à 52. Paris, 1865; 13 doubles feuilles in-4°. Revue Britannique. — Édition de Paris. 41e année, noï 2 et 5. Paris, 1805; 2 cah. in-8°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée , par M. F.-E. Guérin-Méneville. 1805, n03 1, 2 et 3. Paris, 1865; 5 broch. in-8°. Société de biologie de Paris. — Comptes rendus des séances et mémoires, lre série, tomes III, IV et V; 2me série, tomes III, IV et V; 5™ série, tomes IV et V. Paris, 1852-1864; 8 vol. in-8°. Schaedelin [Alphonse). — Mémoire sur les pastilles de phos- phate de fer, considérées comme remplaçant toutes les prépa- rations ferrugineuses et l'huile de foie de morue, 3e édition. Paris, 1865;in-8°. Société linnéenne de yormandie, à Caen. — Mémoires, XIVrae volume, années 1805-64. Caen, 1865; in-4°. — Bul- letin, IXme volume, années 1863-64. Caen, 1865; in-8°. Comité flamand de France. — Bulletin, tome III, n° 15, janvier et février 1865. Lille-Dunkerque, 1865; in-8°. Société impériale des sciences, de l'agriculture et des arts de Lille. — Mémoires, IImc série, 1863, 10me volume et supplé- ment; IIIme série, 1864, 1er volume. Lille-Paris, 1864-1865; 5 vol. in-8°. Chrestien (le /)'.). — Recherches statistiques sur le mouve- ment delà population de la ville de Lille, pendant l'année 1861. Lille, 1864;in-8°. Société des bibliothèques communales du Haut-Rhin , à Col- tnar. — Première séance annuelle, 5 novembre 1864. Colmar, l«S04;in-8°. Société des antiquaires de la Morinie à Sl-Omer. — Bul- ( 516 ) letin historique, treizième année, 51 "'* et 52"1' livraisons. S'-Omer, 1864; in-8°. Académie impériale des sciences, belles -lettres et arts de Rouen. — Précis analytique des travaux pendant les années 1863-6'j. Rouen, 1864; in-8°. Société impériale d'agriculture de Valenciennes. — Revue agricole, industrielle, littéraire et artistique, 12me année, n° 2, 5 février. Valenciennes, 1865; in-8°. Dalij (César). — L'architecture privée, au dix-neuvième siècle, sous Napoléon III. Nouvelles maisons de Paris et des environs. Paris, 1864; 5 vol. in-folio. Daly (César). — Motifs historiques, d'architecture et de sculpture d'ornement, pour la composition et la décoration extérieure des édifices publics et privés. Choix de fragments empruntés à des monuments français, du commencement de la Renaissance, à la fin de Louis XVI. Paris; 2 vol. in-folio. Élie de Beaumont. — Éloge historique d'Auguste Bravais, lu à la séance publique annuelle de l'Académie des sciences, du 6 février 1865. Paris, 1865; in-4°. Vauban et Hue de Caligny. — Mémoires militaires, pré- cédés d'un avant-propos, par M. Favé. Paris, 1847; 2 vol. in-8°. Deschamps (Michel- Hyacinthe). — Études des races humai- nes. Paris, 1857-1859; in-8°. Deschamps (M.-H.). — Mémoire sur la vérification des décès et sur le danger des déclarations précipitées. Paris, 1864; in-8°. Melleville. — Le passage de l'Aisne, par J. César, l'assiette de son camp et la situation de Bibrax. Nouvelles recherches sur les divers points de la guerre des Gaules. Laon, 1864; in-8°. Melleville. — Nouvelles recherches sur l'ancien oppide gaulois de Bibrax. Laon ; in-8°. Société vaudoise des sciences naturelles à Lausanne. — Bulletin, tome VIII. nn 51. Lausanne, 1864-; in-8°. (517 ) Société de physique et d'histoire naturelle de Genève. — Mémoires, tome XVII, seconde partie. Genève, 1864; in-4°. Favre (Alphonse). — Sur l'origine des lacs alpins et des vallées. Genève, 4865; in-8°. Favre (Alphonse). — Précis d'une histoire du terrain houil- ler des Alpes. Genève, 4865; in-8°. D'Espine (Adolphe) et Favre [Ernest). — Observations géo- logiques et paléontologiques sur quelques parties des Alpes de la Savoie et du canton de Schwytz. Genève, 4865; in-8°. Plantamour (E.). — Recherches sur la distribution de la température à la surface de la Suisse, pendant l'hiver 4863-64. Zurich, 1864; in-8°. Vereins fur naturkunde zu Cassel. — Bericht, nos XIII und XIV. Cassel, 4865-4864; 2 cah. in-8°. Vereins fur Erdkunde , und verwandte wissenschaften zu Ddrmstadt. — Notizenblatt, nos 4-20, october 4854 — juli 1855. III folge, 5 heft, nos 26-56. Darmstadt, 4855; 2 cahiers in-8". Jus tus Perthes' geographischer auslaltzu Gotha. — Mitthei- lungeo ûber wichtige neue erforschungen auf dem gesammge- biete der géographie von Dr A. Petermann. 4865, II und III. Gotha, 1865; 2 cahiers in-4°. 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BôJim (Jos.-G.) und Allé (Moritz). — Magnetische und me- teorologische Beobachtungen zu Prag, XXVstcr Jahrgang. Pra- gue, 1865; in-4°. Goeppert (H.-R.).— Naturwissenschaftliche Section des'schle- sien Gesellschaft in Breslau, den lslenmârz 1865, ueber die Flora der Permischen Formation. Breslau, 1865, 1 feuille in-4°, autographiée. Kônigliche preussische Akademie der Wissenschaften, zu Berlin. — Monatsberichte aus dem Jahre 1864. Berlin, 1865; in-8°. Kaiserliehe- koniglichen yeologischen Reichsanstult , zu Wien. — Jahrbuch, XIV Band, n° 4. Vienne, 1864 ;gr. in-8°. Reale instituto lombardo di scienze e lettere di Milano. — Classe di scienze matematiche e naturali, memorie, vol. X, I délia série IIÏ, fascicolo 1; rendiconti, vol. I, fasc. 9 e 10; vol. Il, fasc. I e 2. — Classe di lettere e scienze morali e politiehe, memorie, vol. X, fasc. 1; rendiconti, vol. I, fasc. 8, 9, 10, vol. II. fasc. I e H. Milan, 1864-1865; 2 cah. in-4° et 8 cah. in-88. Società italiana di scienze naturali di Milano. — Atti, volume VI , fascicolo 5, fogli 55 e 56 , vol. VIII, fasc. 1, fogli I a 6. Milan, 1865;in-8°. Canlù (César e). — Sul lenia proposto dalla regia Accademia di scienze , lettere ed arti in Modena : se la libertà di inse- guamento sia un diritto sccondo ragione, ed in casoalïirmativo cntro quali limili dcbl>a tencrsi circoscritto. Mndène, 1864: in-8°. ( 319 ) Bulletino délie osservazioni ozonometriche-meteorologiche , fatte in Roma, da Caterina Scarpellini, anno 1865, januario, a marzo. Rome, 1865; 3 feuilles in-4°. Accademia de nuovi Lincei, di Roma. — Atti, compilati dal segretario, anno XVII, sessioni I a VIP. Rome, 18G4 ; 4 cah. in-4°. Genocchi (Angelo). — Intorno alla rettificazione e aile pro- prietà délie caustiche secondari. Rome, 1864; in-4°. Genocchi (Angelo). — Intorno alla formazione ed integra- zioni d'alcune equazione differenziali nella teoriea délie fun- zioni elettriche. Turin, 1865; in-4°. Società reale di Napoli. — Accademia di scienze morali e politiche, Rendiconto anno IV, quaderno di gennaio, 1865. Naples, 1865; in-8°. — Accademia délie scienze fîsiche e mate- matiche, Rendiconto, anno III, fasc. 5 a 6. Naples, 1864; 4 cah. in-4°. Corrispondenza scientifica in Roma. — Vol. VII0, nos 15, 16 et 17. Rome, 1865; 5 feuilles in-4°. Brizi (Oreste). — Omaggio poetico sammarinese. Rimini, 1865; gr. in-8°. Madrazo (Santiago-Diego). — Discursos pronunciados en la real academia de ciencias morales y politicas. Madrid, 1864; in-8°. Reynoso (Alvaro). — Ensayo sobre el cultivo de la câna de azucar, segunda edicion. Madrid, 1865; in-8°. Société impériale géographique de Russie à Saint-Péters- bourg.— Procès-verbaux des assemblées générales du 2 décem- bre 1864 et du 15 janvier 1865. Saint-Pétersbourg; in-4°. Commission impériale archéologique de Russie à Saint- Pétersbourg. — Compte rendu pour l'année 1865. Saint- Pétersbourg, 1864; 1 vol. in-4°, avec atlas in-plano. Anthropological society of London. — The anthropological review, n° VIII. Londres, 1865; in -8°. The annal s and magazine of natural history , including ( 5-20 ) zoology, botauy and geology. Third séries, vol. XIV, n" 79-84. Londres, 1864; 6 cah. in-8°. Numismatic sociely of London. — ■ The numismatic chro- nicle, 1865, part, 1 , new séries, n° XVII. Londres, in-8°. The Reader, a review of literature, science and art, vol. V, nos 115, 116, 117, 118, 119, 120. Londres, 1865; 6 doubles- feuilles in-4°. Geological Society of Dublin. — Journal, vol. X, part. 2, 1863-64. Dublin, 1864 ; in-8° Royal Society of Edinburg. — Transactions vol. XXIII, part. 5, for the session 1865 et 64. Edimbourg, 1864; in-4°. — Proceedings of the session 1865 et 64. Edimbourg, 1864; in-8°. Mitchell (J ohn M.). — The herring, ils natural history and nationale importance. Edimbourg, 1864; in-8°. The american Journal of science and arts. — Second séries , vol. XXXIX, n09 115-116. New Haven , 1865; 2 cah. in-8°. BULLETIN DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1865. — N° 5. CLASSE DES SCIENCES, Séance du 44 mai 4865. M. Nerenburger, directeur. M. Ad. Quetelet, secrétaire perpétuel. Sont -présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Wesmaeî, Stas, de Koninck, Van Beneden, Edm. de Selys-Long- champs, Nyst, Gluge, Schaar,Liagre,Duprez, Brasseur, Poelman, Dewalque, Ernest Quetelet, Spring. Maus, Gloesener,Candèze, Eug. Coemans, membres; Schwann, Lacordaire, Lamarle, Aug. Kekulé, associés; Donny, correspondant. 2rac série, tome xix. 35 ( 522 ) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l'intérieur fait parvenir an nouveau rapport de M. Ed. Dupont sur les résultats des fouilles exécutées à Furfooz , pendant le premier trimestre de 1865, et demande à l'Académie s'il y a lieu d'en autoriser la publication au Moniteur. Ce rapport a été transmis aux commissaires précédem- ment nommés. — MM. Haidinger de Vienne, et Hansen de Gotha, asso- ciés de l'Académie , remercient la classe pour l'envoi de ses dernières publications. — L'association britannique pour l'avancement des sciences fait connaître que sa prochaine réunion aura lieu à Birmingham, le mercredi 6 septembre prochain. — Il est donné lecture de différentes lettres des Acadé- mies royales des sciences de Madrid et de Lisbonne, de l'Académie royale de Berlin, de la Société géographique de Darmstadt, de la Société des sciences naturelles et médi- cales de Giessen, de l'Observatoire de Washington, etc. , au sujet de l'échange des Mémoires et publications avec ces corps savants. MM. Candèze, Ad. Quetelet et Bernardin font parvenir leurs observations sur l'état des plantes, à Liège, à Bruxelles et à Melle, près de Gand, le 21 avril dernier. — M. Élie de Beaumont adresse un exemplaire de sa notice historique sur M. Bravais, membre de l'Institut de France , récemment décédé. M. Ch. Montigny, correspondant de l'Académie, fait ( 523 ) hommage d'un ouvrage qu'il vient